Chapitre 11

Forks, Washington, 1963

« Tu as tout ce qu'il te faut ? » me demanda Quil en peinant à porter le dernier sac de voyage jusqu'à mon coffre.

Il avait été le premier à s'imprégner et reprendre le cours normal de sa vie en vieillissant comme le commun des mortels. Désormais, il avait près de soixante-dix ans, sept enfants et vingt-trois petits-enfants. À lui seul, il repeuplait la tribu, s'enorgueillissait-il régulièrement.

L'été passé à Forks, puisqu'il en était ainsi désormais, avait été riche en émotions. J'avais dû faire mes preuves auprès du nouveau chef, qui me détestait toujours, mais qui avait accepté de respecter l'accord conclu avec son père. Mon exil était officiellement terminé, je pouvais revenir quand je le souhaitais et avais l'autorisation d'inviter ma famille, à condition évidemment de ne pas nous approcher de la réserve. Aucun nouveau guerrier ne se transformait, si cela se produisait, j'avais accepté de ne revenir que seule et moins souvent. J'avais repris mes activités de bucheron, de pêcheuse et j'avais poursuivi la rénovation de ma chère maison.

Même si William était sensible à ma présence, à mon odeur notamment, il ne s'était jamais transformé en loup. Il avait pourtant été témoin d'une transformation de son père et depuis, il avait bien compris que ça n'était pas une malédiction, pas non plus une bénédiction. Il voulait absolument empêcher d'autres membres de sa tribu de devenir des loups et se concentrait sur le combat commencé par son père pour faire reconnaitre les devoirs des tribus du pays. Pourtant, William n'avait pas adopté l'approche pacifique d'Éphraïm et je craignais déjà voir les Quileute renouer avec leur passé de guerriers.

William avait sollicité mon aide pour entrer illégalement dans les bureaux du gouverneur et vérifier que l'accord qu'il s'apprêtait à signer avec celui-ci n'était pas un leurre. Les Quileute étaient toujours considérés comme des citoyens de seconde zone, et en toute logique, il s'était rapproché du mouvement des droits civiques pour faire entendre la voix des milliers d'amérindiens de d'États. J'avais aidé autant que possible, participé à des manifestations, porté et distribué des milliers de tracts. Levi et Quil se s'étaient pas impliqués et j'avais compris qu'ils désapprouvaient leur nouveau chef sur bien des sujets mais ne pouvaient rien dire.

En revenant à New Haven, j'étais tiraillée entre mon devoir de me fondre dans la masse et mon envie de continuer les actions pour le mouvement des droits civiques qui résonnait partout dans le pays. Certes, j'avais des capacités telles que mes études ne me demandaient pas d'étudier beaucoup en dehors des heures de cours. Mais pouvais-je réellement continuer de m'impliquer de nouveau dans la vie des humains, dans un mouvement médiatisé ? Qu'en penserait ma famille ?

Je n'eus finalement pas à leur demander leur avis, un comité d'accueil s'était réuni pour mon retour, mais personne n'était ravi. Rosalie m'en voulait d'avoir provoqué le retour des Volturi chez nous, Emmett était déçu que le fameux Félix n'avait pas fait partie du voyage, Esmé riait nerveusement, Jasper fusillait de regard les deux vampires aux yeux rouges et ne lâchait pas la main d'Alice, qui elle, semblait perdue dans ses visions. Carlisle m'annonça que j'étais convoquée à Volterra immédiatement et qu'il m'accompagnerait. Les deux envoyés, Demetri et Santiago, ne m'avaient toujours pas adressé la parole. Je fis mes aurevoirs à ma famille dix minutes après être revenue.

_oOo_

Volterra, Italia, 1964

"Les rituels humains sont parfois fascinants, certes, mais tu dois bien admettre que mettre un sapin décoré dans son salon est tout bonnement ridicule. » commenta Afton.

On m'avait installée en haut de la tour nord, dans une petite pièce poussiéreuse. Le soleil venait de se coucher, nous observions quelques habitants de Volterra décrocher les décorations de Noël et sortir les sapins de chez eux.

« Les enfants aiment beaucoup. » remarquai-je en souriant, une petite fille disait aurevoir à l'arbre tandis que d'autres, qui n'en avaient pas eu, regardaient avec fascination et envie.

« Je ne vois toujours pas le rapport avec Noël. » nous interrompit Jane.

Sa présence signifiait que nous étions sommés de rejoindre la cour royale pour un énième banquet. Les Volturi respectait mon régime alimentaire mais j'étais obligée d'assister chaque mois à leur séance de meurtres pour tester mon bouclier. Je ne pouvais que me féliciter d'avoir réussi à m'en servir aussi rapidement, résister à autant de sang n'était pas une mince affaire et dès la fin de leur petite sauterie, je partais toujours chasser en compagnie d'Afton, tant mon appétit avait été éveillé à la vue du sang.

Ma nouvelle vie à Volterra était étrangement excitante et je m'en voulais souvent de ressentir cela. Cohabiter avec ces vampires aux yeux rouges n'était pas facile, leur manque de respect pour les vies humaines, leur attitude arrogante, leur cérémonial désuet, tout cela me déplaisait au plus haut point. Les Volturi ne chassaient même pas, ils se faisaient livrer des humains ! La cour royale était pompeuse telle une cour humaine, il y avait des intrigues, des trahisons, des courtisans et des courtisanes, et même des humains qui travaillaient et qui étaient mis à l'épreuve avant d'être invariablement consommés, malgré leurs espoirs de devenir immortels, car à Volterra, le mot vampire n'était pas très apprécié. Ce mot avait été inventé au siècle dernier par les humains, entre eux, ils se désignaient comme des Immortels. Moi j'étais trop habituée à dire vampire, mais je les comprenais.

Des vampires du monde entier arrivaient chaque semaine rendre hommage aux rois, certains pour dénoncer les agissements criminels de vampires qui leur faisaient de l'ombre dans leur quête de territoire, certains espéraient une place dans la garde, d'autres par simple curiosité. Seuls les vampires doués avaient l'honneur d'être reçus en personne par les trois rois.

Le tableau offert par Aro à Carlisle en 1941 avait été accroché dans le bureau de mon créateur et depuis, il avait consenti à nous en dire un peu plus sur le fonctionnement de la cour royale. J'avais donc été peu surprise face aux allers et venues dans ce chanteau datant du Moyen-Âge, à la pointe de la modernité dans certaines pièces, à l'immense bibliothèque plus riche encore que dans le souvenir de Carlisle, à la salle du trône où se rendaient les jugements, peu nombreux puisque les vampires se tenaient à carreaux depuis la dernière guerre mondiale. Grâce aux nouveaux moyens de communication, selon Caius, tous les vampires du monde ne pouvaient désormais ignorer la loi, rendant ainsi le jugement royal plus implacable envers les contrevenants.

Afton avait le pouvoir de se rendre invisible, il possédait une sorte de bouclier physique et j'étais donc devenue son élève. Il avait été admis au sein de la garde uniquement car sa compagne Chelsea, possédait un don elle-même que les trois rois ne pouvaient se permettre de perdre. Elle pouvait créer et maintenir sans effort un lien affectif assez fort entre vampires pour s'assurer de leur loyauté à leur clan. Sans elle, j'avais déjà dans l'idée que les rois ne seraient plus un trio.

Mon pouvoir avait intrigué Aro en le voyant dans les souvenirs d'Eléazar, mais très vite, l'excentrique monarque s'était lassé de moi. Le don de Chelsea n'avait eu aucun effet sur moi. J'étais devenue aussi inutile qu'Afton aux yeux des Volturi. Pour autant, ils n'allaient pas me relâcher plus tôt que prévu, je ne pouvais pas être une exception, déjà que j'avais été épargnée seulement parce que j'étais née à Volterra. Était-ce pour se venger du temps que je leur faisais perdre qu'ils me forçaient à assister à ces bains de sang ? Plus que tout, j'avais pour ordre de ne chercher à convertir aucun vampire sous peine d'être tuée, Caius avait été très explicite dans son avertissement.

Afton avait donc hérité de sa première mission, il me surveillait, m'accompagnait de loin quand je chassais et devait m'aider à développer mon don. Même s'il était de loin l'Immortel le plus sympathique de Volterra, je ne pouvais réellement lui faire confiance et je ne fournissais ainsi que peu d'efforts pour me priver de mon bouclier, me focalisant plutôt sur son renforcement. J'avais vite maitrisé mon don pour bloquer non seulement le pouvoir des autres mais aussi les odeurs comme celles du sang, et les bruits, ce qui avait été vital pour moi, car à Volterra, les vieux murs n'étaient pas insonorisés et les couples se rejoignaient sans pudeur ni discrétion.

Afton m'avait raconté qu'il avait découvert son don peu après sa transformation, quand, chargé par un taureau, il avait disparu tout d'un coup et que l'animal s'était arrêté net, ne le voyant plus. Le vampire qui l'avait changé avait réalisé que ce nouveau-né pourrait lui valoir un ticket d'entrée à Volterra. La magie avait opéré entre Chelsea et Afton, et puisqu'elle ne pouvait pas se forcer elle-même, Marcus avait détecté grâce à son propre don qu'elle avait réellement rencontré son âme-sœur. Aro n'avait pas eu d'autre choix pour garder Chelsea que d'accepter Afton dans la garde.

À mon arrivée à Volterra, j'avais été excitée, malgré la situation, de revenir là j'étais née, transgressant ainsi notre règle de ne pas revenir d'où nous venions durant cinquante ans après notre mort

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Carlisle et moi avions été jugés, les trois monarques n'avaient pas apprécié de me découvrir en photo dans un journal de Seattle et avaient envoyé aussitôt Demetri et Santiago me chercher. Carlisle leur avait assuré que j'allais bientôt revenir, je lui en étais tellement reconnaissante, ainsi les deux vampires ne m'avaient pas poursuivie jusqu'à Forks.

Pourtant l'existence des Quileute avait été découverte par Aro quand il avait pris la main de son vieil ami, tout comme le reste de la vie de Carlisle depuis deux cent quarante-deux ans.

« Quelle folie ! » s'était enfin exclamé Aro après quelques minutes.

Il avait relaté à Caius et Marcus les additions à notre clan, le pacte avec les Quileute et surtout, nos séjours en Asie dès 1945.

« Aro, tu as vu l'ampleur de cette guerre, tu as vu dans mes souvenirs ce que les humains ont fait. Comment voulais-tu que nous restions sans rien faire ? Tout était radioactif, ces malheureux avaient besoin d'aide. » avait plaidé Carlisle.

« Nous t'avions déjà mis en garde quand tu as émigré vers le Nouveau Monde et que ces colonies se sont rebellées contre ta chère Grande-Bretagne. Tu ne peux pas te mêler aux conflits des humains, tu n'es pas humain, tu n'as pas le droit d'influencer le cours de l'histoire humaine. » l'avait admonesté Caius.

« Mais- »

« Tu auras toujours des arguments pour voler au secours des humains, cher Carlisle, l'avait coupé Aro. Mais tu sais aussi que notre secret est plus important que n'importe quelle cause. »

Il avait dardé son regard de sang sur moi.

« Isabella a fait bien pire en s'affichant dans ces manifestations. Elle était dans les journaux, on l'a même vue à la télévision, à ce qu'il parait. »

« J'étais en arrière-plan, m'étais-je justifié. Je n'ai jamais pris la parole en public. »

« Carlisle, tu restes un ami et techniquement, tu n'as brisé aucune loi, mais au vu des circonstances, je ne peux plus prendre te laisser sans surveillance. Ton clan et toi êtes si humanistes que vous pourriez vous exposer pour sauver un chien qui traverserait la route ! avait ricané Aro. Je vais demander à Santiago de te ramener auprès de ton clan et il restera en contact pour s'assurer que vous ne quitterez pas ce pays que vous avez choisi, pendant vingt ans. Quant à toi, Isabella Cigno, te voilà de retour chez toi. Nous avons toujours eu pour règle qu'aucun habitant de Volterra ne doit jamais être transformé en Immortel ou tué par un Immortel, et puisque nous avons failli à cette promesse, tu as la vie sauve. Mais tu devras rester avec nous pendant deux ans avant de rejoindre ton clan, si tu le souhaites toujours, et rester comme eux confinés aux États-Unis jusqu'en 1983. »

Carlisle s'était alors avancé vers Aro mais je l'avais empêché de parler. Nous avions été épargnés, il n'y avait rien d'autre à faire ou à dire. J'avais accepté la sentence et Carlisle allait devoir en faire autant. Il était donc reparti pour les États-Unis, seul, dépité, s'en voulant de n'avoir pas pu me protéger. Je lui avais remis une lettre à lire à toute la famille et une autre pour Rosalie seule. Je leur avais demandé à tous de bien respecter la décision des Volturi, tenter une quelconque action pour me libérer n'aurait eu pour conséquence que de nous condamner tous et bien plus lourdement. Je leur avais promis que je reviendrais le jour où les deux ans seraient révolus. À ma créature, j'avais écrit de ne pas m'en vouloir, de continuer à se faire choyer par notre famille et ne pas s'inquiéter pour moi. J'avais aussi expliqué pourquoi j'avais dû m'exposer, en aidant les Quileute, je m'étais assurée que l'accord serait respecté et que je conserverais mes droits sur ma maison et le lopin de forêt autour.

Je m'en voulais car même s'ils me manquaient tous, la vie à Volterra était fascinante, excitante, et ces deux années passaient bien trop vite à mon goût. J'avais enfin pu reparler ma langue natale chaque jour, et apprendre le latin et le grec. Travailler sur mon bouclier le jour était épuisant, ironiquement, et Afton et moi en venions parfois à nous disputer tellement cela jouait sur nos nerfs. La nuit, il rejoignait enfin Chelsea, et je déambulais dans le château. Si je ne participais pas aux repas des vampires de la cour, je prenais plaisir à leur parler, à écouter leurs histoires, leur parcours si parallèle à la grande histoire. Je comprenais mieux comment, ici, ils avaient décidé de ne pas s'intéresser aux faits et gestes des humains en dehors de l'art et de la science. Leur collection d'objets rares, de tableaux et de statues, leur bibliothèque, me donnaient des envies de vol. J'aurais tant voulu emmener quelques pièces chez moi dans ma forêt d'Olympia.

En échange de leurs confidences, j'avais aussi dû parler de moi et de mon clan. D'ailleurs Aro avait exigé d'Afton de me faire travailler sur mon don pour le contrôler, espérant pouvoir enfin lire mes pensées et mes souvenirs. Jane aussi aurait été satisfaite, elle n'aimait décidemment pas ma résistance et me détestait pour cela. Elle me touchait régulièrement désormais, puisque son don ne fonctionnait pas à distance, mais même ainsi, elle n'avait pas plus de succès.

Je l'avais déjà entendue dire à Aro qu'elle me soupçonnait de mentir et de pouvoir ôter mon bouclier. Aro et Caius étaient sans doute d'accord avec elle mais ne me l'avaient jamais dit de vive voix. Quand ils me croisaient, ils ne manquaient jamais pour l'un de me toucher et pour l'autre de lever les yeux au ciel, exaspéré.

Marcus était différent à bien des égards. Doté lui aussi d'un pouvoir inoffensif, il était apathique et chaque obligation royale l'ennuyait, pour autant je ne l'avais jamais entendu se plaindre. Il était aussi le seul célibataire du trio, veuf pour être plus précis. J'avais donc découvert l'effet de la mort d'un vampire sur son âme-sœur et sans Chelsea, Marcus se serait fait tuer après l'assassinat de sa chère Didyme. Il n'était donc pas étonnant de voir les deux reines restantes tenues à l'écart, confinées et toujours protégées. Aro et Caius savaient comme que la perte d'une âme-sœur affecterait dangereusement leur clan.

Marcus était célébré chaque année à Volterra, tel un saint qui aurait chassé les démons buveurs de sang de la ville des siècles plus tôt. En réalité, les Volturi s'étaient retranchés dans ce château, supposé appartenir à un riche homme d'affaires de Rome que personne ne voyait jamais. Il était aussi le plus disponible pour discuter, puisqu'il laissait volontiers ses deux frères, comme ils s'appelaient entre eux, gérer leur royaume. Marcus me raconta comment ils avaient acquis toutes ces œuvres, leurs rares tentatives d'apparaître assez humains pour convaincre des artistes de rester à Volterra. Certains étaient restés, d'autres avaient refusé, trop apeurés et deux d'entre eux étaient toujours à Volterra, ayant voulu devenir éternels. Ainsi j'eus l'honneur de poser pour un peintre né en 1679 et de recevoir mon portrait. J'y figurais telle une dame de la cour de la renaissance mais alanguie sur un canapé et mes cheveux défaits et mes baskets aux pieds. Parfaitement anachronique, comme moi, avait plaisanté Afton.

Marcus partageait mon avis sur les âmes-sœurs, il ne croyait pas à une prédestination d'ordre divin, mais plus à un heureux hasard et à un amour si fort qu'il en devenait aussitôt éternel. Les épouses d'Aro et Caius étaient confinées dans leurs appartements, je les voyais rarement mais avais tout de même été invitée quelques fois, pour le thé si nous avions été humaines.

Sulpicia et Anthenodora étaient toujours apparues en longues robes de soie et de velours quand les circonstances protocolaires l'exigeaient mais en privé, elles m'avaient reçues en robe légère de coton, pieds nues. Je m'étais amusée de les voir si différente en compagnie restreinte, elles avaient mon âge quand elles avaient été transformées par leur compagnon pour rester auprès d'eux.

« Regrettez-vous ? » demandai-je un mois avant la fin de ma détention.

« Pas du tout, répondit Anthenodora. Nous sommes des reines, tout vient à nous. »

« Vous êtes enfermées en permanence. Vous n'avez pas peur de finir comme les anciens rois ? »

« Qui t'a parlé d'eux ? » s'énerva Sulpicia.

« Des rumeurs. » mentis-je.

Marcus m'avait raconté leur accession au trône et le sort subi par les premiers rois des vampires, Stefan et Vladimir.

« Nous devons être protégées, Isabella. Ne t'inquiète pas pour nous et ne crois pas tout ce que tu entends ici. Il y a des jaloux, même Chelsea ne peut pas l'empêcher. » me mit en garde Anthenodora.

« As-tu suivi les nouvelles, Isabella ? » me questionna Sulpicia.

« Pas vraiment, on se sent tellement loin de tout ici. »

« J'espère que ta chère famille ne va pas encore jouer les bons samaritains. »

« Que se passe-t-il ? »

« Une nouvelle guerre, au Vietnam cette fois. »

« Elle a commencé il y a presque dix ans. » fis-je remarquer.

« Mais ton pays a décidé de s'impliquer et d'envoyer des troupes. Cette brute Emmett va courir là-bas ! » rigola Anthenodora.

Je les quittai et me promis de ne plus accepter une invitation de leur part. Elles ne faisaient que se moquer de moi et de ma famille, comme la plupart des vampires dans ce fichu château.

« J'ai besoin d'Afton demain, pourrais-tu aller chasser seule ? » me demanda Aro plus tard.

« Bien sûr. »

« Tu as conscience que fuir ne ferait que te condamner. »

« Oui. »

« Et tu ne te feras pas remarquer des humains ? »

« Non. Mais puisque je pars dans un mois, j'aimerais beaucoup me promener dans la ville, même la nuit. J'ai vécu ici jusqu'à mes douze ans et mes souvenirs sont si flous. »

« Un mois ? Mon dieu, que le temps passe vite. »

« En effet. »

« Tu as décidé de retourner auprès de Carlisle ? »

« Oui. »

« Je vois… Personne ici ne te retient ? »

« Non. »

« Je vois. Sois prudente, tu as mon autorisation pour te… promener comme tu dis. »

« Merci, Aro. »

« Personne ne la retient ici, l'entendis-je murmurer en s'éloignant, mais elle n'a personne là-bas non plus… Nous allons voir ça. »

Une fois les derniers rayons du soleil éteints, je partis chasser, puis revins hanter les rues de Volterra. La ferme de ma famille avait disparu, mais je reconnus tout. J'observais souvent la ville depuis les hautes tours du château, toutes les rues inchangées depuis des centaines d'années m'avaient ramenée à mon enfance. Désormais, les poteaux électriques, les voitures, les camionnettes, les tracteurs s'ajoutaient à ce décor. Les hommes fumaient la cigarette, et non plus la pipe, les femmes ne portaient plus de longues jupes, les anciens du village étaient mes anciens camarades de classe. Les jours suivants, je restais dans ma lugubre pièce pour observer le jeu de lumière sur les vieilles pierres, offert par les astres du jour et de la nuit, je savais déjà que cela me manquerait autant que ma maison de Forks me manquait.

Quelques jours plus tard, Chelsea m'annonça qu'un bal serait célébré en mon honneur, une semaine avant mon départ.

« Un bal ? »

« Un bal déguisé ! » précisa-t-elle.

« C'est une blague ? »

« Tu dis souvent ça, j'ai remarqué. »

« Un bal masqué ? » répétai-je, ahurie.

« C'est un grand honneur, Isabella. »

Le bal ne fut finalement pas masqué et pas en mon honneur non plus, d'après Sulpicia. Il s'agissait d'une orgie de sang de plus. Pour l'occasion, toutes les femmes de la cour portaient des robes rouge foncé et le même collier, sauf les deux reines dont le collier étaient sertis de diamants et de rubis. Étant prisonnière, je n'eus pas le droit de porter ce rouge, je n'avais que peu de vêtements, n'ayant apporté qu'une valise de mon été passé à Forks. Les reines refusèrent de me prêter une robe, Chelsea également, j'avais eu la sensation qu'un ordre avait été lancé et que personne ne devait m'aider. Je n'eus d'autre choix que de porter la robe avec laquelle j'avais posé.

Pénétrer dans la salle de bal en robe du dix-septième siècle eut l'effet escompté, par Aro, compris-je. Tous les regards, rouge vif, se tournèrent vers moi. Aro, me fit défiler devant tous les vampires, me les présentant un à un, je dus leur serrer à tous la main, même, les femmes, j'eus l'impression d'être la reine d'Angleterre. Ce bal était bel et bien en mon honneur et le but était de me trouver un compagnon ou une compagne. Je souris aux monarques et fis même une révérence quand ils prirent place sur leur trône. Après tout, si je rencontrais mon âme-sœur ce soir-là à Volterra, j'aurais eu une bonne excuse pour avoir apprécié mon séjour.

Après leur « repas » pris dans une autre salle, durant lequel je restai seule dans la salle du trône, ils revinrent tous et un orchestre joua alors une valse sinistre. Je sentis soudain une paire de mains enserrer ma taille et m'entraîner sur la piste. Tout à tour, les vampires célibataires qui avaient été conviés dans le seul but de me faire rester à Volterra me firent virevolter, attendant une réaction chimique entre nous. Que leur avaient promis les trois rois pour les motiver ainsi ? Je les voyais tous s'éloigner au bout de quelques minutes, dépités d'avoir manqué le gros lot.

Je me prêtais au jeu sans mauvaise volonté, me souvenant des tentatives des sœurs slaves pour nous trouver un compagnon à Rosalie et moi. Je n'avais le droit à aucun faux-pas, pas à quelques jours de mon départ pour retrouver ma famille.

Le cinquante-quatrième vampire à me faire danser m'intrigua, ses yeux n'étaient pas aussi lumineux que les autres vampires, signe qu'il ne s'était pas nourri depuis quelques temps.

« Tu t'appelles Edward, c'est bien ça ? » l'interrogeai-je.


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