Jour 2.

Au petit matin Killian était retourné chez les parents d'Emma mais cette fois le couple ne l'avait pas laissé entrer. Sur la défensive, il commença à s'énerver et David mit les choses au clair.

« Ecoute Killian, Emma est notre fille. On t'aime bien mais apparemment il y a un diffèrent entre vous, je ne sais pas de quoi il retourne exactement mais je connais ma fille, elle n'agit jamais sans raison… Et puis de toute façon, je ne prendrais pas partie pour toi, quoi qu'il arrive… tu te doutes bien que nous serons du côté de notre fille, toujours. »

« Même si elle a tort ?! » S'insurgea le Pirate.

« Oui. Même si je doute que ce soit le cas… Vous devez régler ça entre vous mais… Killian, je te préviens, tu m'as l'air passablement en colère et j'aimerai que tu redescendes d'un cran si tu dois voir Emma. Compris ? »

Killian avait des envies de meurtre, il avait envie de tout casser mais pour pouvoir approcher Emma, il devait se calmer sinon les Charmants ne lui en laisserait pas la possibilité. Il avait rodé autour du Manoir Mills toute la nuit, il se doutait bien qu'Emma était là, il avait voulu défoncer la porte mais il avait senti l'enchantement autour de la maison et avait préféré de pas s'y frotter, connaissant bien les pouvoirs de la Reine.

Il enrageait d'autant plus de savoir Emma avec la sorcière la plus puissante du Royaume, la Reine en personne. Il lui en voulait atrocement de s'être réfugier chez celle avec qui il s'entendait le moins dans ce Monde de fou – hormis Rumppelstilskin évidemment. Il les savait amies, mais lui ne tolérait la brune que parce qu'elle était la deuxième mère d'Henry - bien qu'à son avis, Emma aurait dû reprendre son fils il y a bien longtemps et ne plus approcher la Reine de près ou de loin.

Maintenant, il devait attendre, tapis dans l'ombre, qu'Emma rende visite à ses parents ou bien qu'ils se retrouvent quelque part en ville. Il devait être patient mais il comptait bien récupérer sa femme et sa fille. Et son idée de leur ôter leurs pouvoirs était toujours d'actualité dans son esprit - esprit qui se perdait petit à petit dans de sombres desseins.

SQ

Au réveil, Regina s'aperçut qu'elle n'avait pratiquement pas bouger de la nuit, c'était étonnant pour elle qui, d'ordinaire, avait le sommeil agité. La blonde avait pris un peu ses distances pour être plus à l'aise mais son bras était toujours autour de sa taille, et le bras de Regina toujours autour de ses épaules. Elle observa la blonde, profondément endormie, le visage encore coloré de bleue et de stigmates. Elle avait mal pour elle mais, même amochée, elle la trouvait belle. Regina secoua la tête, ce n'était vraiment pas le moment de faire ressurgir de vieux sentiments envers la Sauveuse qui était en train de vivre un drame conjugal.

Regina se dégagea lentement de l'étreinte et sorti du lit pour la laisser se reposer encore un peu. Emma la sentit s'éloigner, elle détesta cette impression d'être privé d'une chaleur confortable et délicieuse mais elle se rendormie dans la foulée. Elle ne se réveilla qu'un peu plus tard, en sentant l'odeur du café et des tartines grillées. Elle avait faim alors elle descendit en pyjama, les mèches de cheveux un peu en pagaille et les yeux à demi clos.

« Bien dormi ? » Demanda doucement Regina en la voyant débarquer dans la cuisine.

« Étonnamment bien, oui. » Répondit Emma avec une lueur dans ses yeux endormis que Regina préféra ne pas relever.

Emma avala un gros petit déjeuné sous l'œil vigilant de Regina. Cette dernière s'inquiétait encore beaucoup pour la blonde, qui pourtant donnait l'impression d'aller mieux. Emma était une dure-à-cuire, Emma ne se laissait pas aller à la dépression facilement, elle savait rebondir, elle avait du tempérament et du répondant, elle était forte mais Regina craignait que ce ne soit qu'une façade et qu'elle ne finisse par s'écrouler à un moment ou à un autre. Son mariage partait en vrille, son mari renouait avec sa vraie nature, malheureusement cruelle, et elle se comportait comme si ça n'avait presque pas d'importance, comme si elle avait déjà renoncé. Alors Regina se fit la promesse de veiller sur elle de près.

En début d'après-midi, Regina raccrocha son téléphone, elle venait de passer une bonne demi-heure avec son bras-droit, pour lui fournir quelques directives afin de gérer pendant son absence – car bien qu'elle soit la Reine, elle était toujours Maire de la ville et elle préférait travailler plutôt que de tourner en rond, alors elle gérait tous les Royaumes depuis la Mairie de Storybrooke. Elle retrouva Emma, allongée sur le canapé, feuilletant un livre sans y montrer beaucoup d'intérêt. Regina lui fit signe de se déplacer pour qu'elle prenne place à ses côtés mais au lieu de ça, Emma rabattit juste ses jambes pour laisser Regina s'assoir puis rallongea ses jambes sur elle, tout naturellement. Regina tiqua mais elle laissa faire, après tout elle aurait pu aller s'assoir dans l'un des fauteuils en face mais non, elle voulait être près d'elle, et là, elle était servie.

« Qu'est-ce que tu lis ? »

« J'en sais fichtrement rien... J'ai pris ça dans ta bibliothèque un peu au hasard et j'y comprend rien ! »

« Fais voir ? »

Regina prit le livre entre ses mains et revint à la première page pour y lire le titre : "La phénoménologie de l'esprit''.

« Hm, oui effectivement, tu ne pouvais pas tomber sur plus compliqué. C'est une œuvre majeure de la philosophie moderne mais c'est d'une densité et d'une complexité étonnante. »

« Donne m'en un autre alors, je n'ai pas envie de me griller le cerveau à tenter de comprendre ! »

Regina ricana sous couvert, puis sans bouger de sa place, elle vit voler le livre dans les airs pour qu'il regagne sa place dans la grande bibliothèque. Elle réfléchit quelques instants puis un autre livre se détacha de la rangé pour venir voltiger gentiment jusque dans les mains d'Emma.

« Jack et la mécanique du cœur ? »

« Tu vas aimer. » Répondit-elle.

Elle laissa Emma commencer les premières lignes de la première page et quand elle vit que celle-ci était happé par le récit, elle s'installa plus confortablement en recalant les jambes d'Emma sur ses cuisses sans que cette dernière n'y prête attention. Elle fit apparaitre dans ses mains le livre qu'elle avait entamé il y a quelques jours, et elle se mit à lire aussi, paisiblement, et l'après-midi passa ainsi.

Quelques temps plus tard, alors que le jour baissait, Emma eut un frisson, alors Regina claqua des doigts et un feu de cheminé généreux s'alluma dans l'âtre. Puis elle amena le plaid sur leurs jambes. Au cours de l'après-midi, elles s'étaient installées de différentes manières, Emma ayant un peu la boujoute mais peu importe la position qu'elle prenait, elle avait fait en sorte de ne jamais quitter le contact avec le corps de Regina. Cette dernière l'avait remarqué, et bien que ce comportement la rendît légèrement fébrile, elle ne fit rien remarquer et surtout elle ne fit rien pour changer les choses, laissant Emma faire à sa guise.

Le contact avec Regina rassurait Emma, ça lui devenait presque vital depuis qu'elle était arrivée ici, comme si, outre sa présence, outre sa protection, elle avait besoin de la sentir près d'elle, besoin de sentir son corps en contact avec le sien. Il n'y avait que comme ça qu'elle se sentait mieux, que comme ça que ces pensées les plus noires arrêtaient de l'assaillir. Emma avait aussi remarqué que Regina la laissait faire, chose qui aurait été totalement impossible, il y a quelques années. Oui, avant, elles ne se touchaient jamais, ou bien si rarement qu'Emma s'en souvenait et pouvait compter ces rares moments sur les doigts de la main. A l'époque c'était une chose proscrite entre elle, comme si trop de rapprochement aurait pu déclencher une guerre ou bien un phénomène magique incontrôlable.

Mais aujourd'hui, Emma aimait qu'il en soit enfin autrement. Elle ne savait pas si Regina la laissait faire parce qu'elle la sentait fragile et que tout rejet de sa part pouvait l'anéantir ou bien si, elle aussi, appréciait cette nouvelle proximité. Elle s'en fichait un peu, du moment qu'elles étaient ensemble, pour l'instant ça lui suffisait pour calmer ses nerfs.

SQ

Le soir venue, Regina avait passé une heure en cuisine, Emma avait voulu lui donner un coup de main mais Regina refusa, lui ordonnant gentiment d'aller se reposer.

« Je ne suis pas en sucre non plus, ça va, je peux aider quand même, et puis… je n'aime pas l'idée de me faire servir. »

« Profite pour une fois… car ça n'arrivera plus ! C'est exceptionnel ! » Taquina la Reine.

Emma bouda faussement avant de retourner au salon, allumer la tv en sourdine et divaguer devant les images qu'elle regardait à peine. Elle était perturbée par bien des choses : l'absence de sa fille qui lui manquait cruellement, les agissements de son mari, les décisions qu'elle allait devoir prendre, les attentions de Regina, l'affection de Regina à son égard, les regards noirs de Killian sur elle, la douceur de la Reine, la dureté des coups sous la main rude de son époux. Tout se mélangeait, la prévenance de Regina à son égard contrastait tellement avec la dureté des mots et des gestes de son mari, que tout semblait un peu flou. Ici, avec Regina, elle avait l'impression d'être à sa place mais l'idée était certainement faussée. Ça ne lui venait que parce qu'elle vivait une rude épreuve, donc le Manoir et la présence rassurante de Regina agissaient sur elle comme un saufconduit, l'illusion d'une vie meilleure et du coup elle se projetait malgré elle dans un idéal qu'elle n'avait plus - ou peut-être même qu'elle n'avait jamais eu avec Killian.

Elle devait vite se reprendre et ne pas concevoir l'aide de Regina pour quelque chose de plus profond, quelque chose de plus singulier, qu'une vieille amitié et qu'un soutien formel. Elle devait rationaliser toutes ses idées un peu confuses qui se bousculaient dans son esprit.

Elles dinèrent dans la salle à manger, face à face, dans une ambiance sereine, presque tamisée. Regina voulait qu'Emma se sente à l'abri et apaisée. Elle faisait tout son possible pour lui rendre les choses agréables et qu'elle puisse un peu oublier le traumatisme de sa confrontation avec son mari. Elle savait que ça planait toujours en suspens dans l'esprit de la Sauveuse, c'était bien trop important et récent pour qu'elle l'oubli comme ça mais elle essaya de faire en sorte qu'au moins pendant un temps, Emma se sente réellement comprise et réellement à l'abri de tout danger.

Emma brisa le silence.

« Demain, j'aimerai voir mes parents, il faut que je leur explique. »

« Hm, je comprends, ça ne va pas être évident. Tu es prête ? »

« Faudra bien. »

« Je resterais avec toi si tu le désire, ou du moins je ne serais pas loin. Nous les ferons venir ici, je ne veux pas que Crochet puisse t'approcher pour le moment et le Manoir te protège. »

« C'est gentil, merci. »

« C'est normal, Emma. » Dit-elle en posant sa main sur la sienne quelques instants.

Leurs regards se croisèrent, un léger sourire aux lèvres. Dieu qu'Emma se sentait bien quand Regina faisait ce genre de chose. Pourquoi ne l'avait-elle jamais fait auparavant ? Pourquoi aujourd'hui leur complicité avait-elle pris une tout autre ampleur ? Emma comprit qu'à l'époque où Regina était encore L'Evil Queen en repentir, elle avait érigé un tas de barrière entre elle et le reste du monde, ne laissant que très peu de personne - voire même personne - les franchir. Parce qu'elle avait trop perdue, elle avait trop souffert, elle s'était protégée de tout mais aujourd'hui, elle était The Good Queen, et elle était devenue plus douce, plus accessible, elle avait toujours le même tempérament de feu mais elle semblait être un peu plus conciliante. Elle avait laissé Emma pénétrer dans sa zone de confort sans aucune restriction et la blonde aimait ça.

Emma sortie de ses réflexions et reprit le cours de ses pensées premières.

« Et puis après je m'occuperais de lui, il faut qu'il comprenne. Il faut que cette histoire prenne fin. Je ne veux pas m'enfermer ad vitam aeternam, je ne veux pas avoir peur de lui ou de ce qu'il pourrait faire à ma fille. Il faut absolument que je trouve une solution pour l'éloigner de nous, ou bien qu'il oubli son projet à propos de nos pouvoirs. »

« Tu sais ce que j'en pense. » Rétorqua la Reine.

« Oui, je le sais mais… je ne veux pas le tuer. »

« Je peux m'en occuper pour toi. »

« Non, Gina, ne fait pas ça. Ne te salie pas les mains pour moi… »

« Tu sais tout aussi bien que moi, que mes mains sont déjà entachées de sang… »

« Oui, mais c'était il y a longtemps, presque dans une autre vie… maintenant tu es une autre personne, tu es notre Reine à tous… je ne veux pas que tu te rabaisse à ça… plus jamais tu ne tueras, et surtout pas pour moi. »

« Mais je … »

« Non. »

Regina grimaça, oui elle avait changé, oui la rage et la vengeance étaient de vieux souvenirs mais pour le Pirate, elle pouvait faire une exception. Pour le bien d'Emma, elle pouvait accueillir de nouveau les ténèbres, ça en valait la peine mais le regard d'Emma avait clôturé la discussion et elles finirent le repas dans le même silence qu'au début.

SQ

Au moment d'aller se coucher, c'est tout naturellement qu'Emma suivit Regina. Cette dernière ne fit aucun commentaire sur le fait que la chambre d'ami soit prête à l'accueillir si elle voulait, Emma le savait, elle avait le choix mais elle se glissa dans le lit de Regina comme la veille.

Après avoir passé un temps considérable sous la douche, Regina prit place elle aussi dans son lit, la gorge nouée. Et tout comme la veille, tout doucement, Emma se rapprocha, et ce que Regina avait tant redouté, arriva : Emma éclata en sanglots, ses nerfs lâchèrent sans avertissement.

« Hope me manque… c'est atroce. » Réussit-t-elle à exprimer, la voix cassée par les pleurs.

Le cœur de Regina se serra dans sa poitrine, elle comprenait sa peine, elle sentait son désarroi, elle était une mère elle aussi - une mère adoptive mais une mère quand même - et elle savait pertinemment que cela lui rappelait la fois où, plus jeune, à l'âge de 18ans, Emma avait abandonné Henry pour qu'il soit adopté, pour qu'il ait une meilleure vie que celle qu'elle pouvait lui offrir à l'époque. Là, les circonstances étaient certes bien différentes, elle n'abandonnait pas Hope, elle l'avait confié à la Louve pour sa propre sécurité mais le manque était le même, le manque était viscéral, insupportable. Regina prit Emma dans ses bras, la serrant fort contre elle, finissant même par la bercer gentiment pour tenter d'apaiser ses sanglots et ses souffrances.

« Je préfère la savoir avec Ruby plutôt qu'ici, avec Killian qui rôde je-ne-sais-où, avec dans l'idée de la démettre de ses pouvoirs… mais elle me manque… c'est comme un vide immense au fond de mes tripes… un vide pire que d'habitude… » Dit-elle en gémissant.

« Je sais, Emma, je sais … mais tu vas vite la retrouver, ne t'inquiète pas… Il ne vous arrivera rien, ni à l'une ni à l'autre, je t'en fais la promesse. » La rassura Regina.

La voix de Regina était si posée, si douce, qu'Emma n'y voyait que la vérité dans ses paroles, comme si c'était plus qu'une promesse, comme si c'était une prédiction, une prophétie même. Emma la croyait, Emma croyait en la Reine plus qu'en n'importe qui d'autre sur cette Terre ou dans tous les autres Royaumes existants. Elle pourrait lui confier sa vie, ses pensées, ses angoisses. A cet instant précis elle comprit ce qu'était la foi. Emma avait foi en Regina.

« Pourquoi tu fais tout ça pour moi ? » Demanda-t-elle, une fois ses pleurs un peu calmés.

« Je … eh bien, en fait, je… enfin tu … » Balbutia Regina, troublée.

« Je sais, je suis venue te demander ton aide mais… tu fais tellement plus que ça, tu… tu … »

Emma releva le visage vers Regina, cherchant une réponse dans son regard. Dans les grands yeux verts d'Emma, des larmes luisaient encore de milles étincelles et Regina essuya le flot humide sur ses joues avec son pouce puis elle la reprit contre elle dans une étreinte douce et forte à la fois.

« Je tiens à toi Emma, c'est tout… et je refuse qu'il t'arrive quoi que ce soit… et le Pirate va payer pour ce qu'il a osé te faire, fait moi confiance. »

Emma esquissa un sourire entre deux sursauts, vestiges de ses récents pleurs. Elle ne comprenait pas pourquoi la protection et l'affection de Regina l'apaisait à ce point. Jamais elle ne s'était allée à ce point, jamais elle ne s'était montrée aussi vulnérable, elle détestait se montrer ainsi et pourtant jamais elle n'avait aimé autant l'étreinte des bras de quelqu'un qu'à cet instant précis.

« Gina ? »

« Oui ? »

« Merci. »

Pour seule réponse, Regina resserra encore plus l'étreinte de ses bras et Emma se blottit contre elle bien plus intimement que la nuit précédente. Regina soupira et déposa un baiser dans ses cheveux blonds qui se trouvaient juste sous son menton.

Ce soir, la tête d'Emma reposait sur la poitrine de la Reine et non plus sur son épaule, sans gêne aucune son bras l'enlaçait plus étroitement et sa jambe était remontée jusqu'à sa hanche, l'enserrant totalement. L'étreinte était entièrement partagée et entièrement consentie, et elles s'endormirent comme cela, plus liées que jamais.

SQ