L'aube s'était levée et les navires arrivaient au port de Harlond. La bannière d'Arwen étincelait dans la lumière naissante. Elle flottait dans le vent et les rohirrim virent l'emblème du Gondor scintiller. Il y avait l'arbre, entouré de sept étoiles et la haute couronne d'Elendil. C'était un symbole presque oublié mais ceux qui savait virent arriver l'Espoir. Les étoiles flamboyaient dans les pâles rayons de soleil et la couronne scintillait car elle avait été oeuvrée de mithril et d'or.
Eomer qui était à la tête des rohirrim à présent, oublia la tristesse de sa perte. Il sourit en voyant l'espoir dans la bataille et l'espoir dans son cur.
Les armées de Mordor étaient figées par l'étonnement. Car de leurs navires se déversaient des hommes de l'Ouest. Ils sentirent le vent du destin se tourner, et une grande peur étreignit leurs curs.
Profitant de ce moment d'inattention les chevaliers de Dol Amroth poussèrent des orcs trolls et viarags qui craignaient le soleil vers l'Est. Eomer lui se dirigea avec ses hommes vers le sud, ainsi les ennemis étaient pris entre les rohirrim et les hommes qui sortaient des navires.
Aragiliath hésita un demi-instant, puis elle posa pied à terre. Sur son front brillait l'étoile d'Elendil et Anduril dans ses mains d'un même feu faisait reculer les ennemis. Elle porta son premier coup d'épée et à sa suite débarquèrent ses compagnons.
Legolas jouait habilement de ses dagues et de son arc, tandis qu'à ses côtés avec tout autant de courage Gimli farouchement donnait des coups de sa hache. Halbarad portait l'étendard des rois. Puis arrivèrent d'un même pas Elladan et Elrohir, à leur front brillait une étoile et leurs yeux étaient embrasés d'une lueur féroce et sans pitié. Sans penser une seconde, d'un même geste, il se lancèrent dans la mêlée.
Les dúnedain que tout le monde avait oubliés ou détestés dans leur habit de rôdeur, menaient les hommes du Lebennin, du Lamedon et des fiefs du sud. Ils sortaient enfin de l'ombre, laissant tomber leur apparence de nomades ils faisaient ressortir leur noblesse naturelle.
Bloquées entre les deux armées, les forces de Mordor ne pouvaient plus s'échapper. Alors la peur prit la possession de leurs curs, certains tentèrent de fuir lâchement, d'autre se laissèrent tuer.
Mais les suderons restaient fermes, c'étaient des hommes féroces et courageux. Ils n'avaient aucun mal à s'unir pour se battre. Les épées s'entrechoquaient et les hommes tombaient, mais Aragiliath avait l'impression que leur nombre ne baissait pas. Elle ne disait pas un mot tellement son esprit était prit par la tache. Elle ne sentait pas la douleur qui vrillait son épaule blessée, ni ses mains écorchées par les coups. Elle ne voyait que l'ennemi, elle ne voyait que Minas Tirith au loin et surtout elle ne voyait que l'espoir. Parfois lors d'un répit elle se tournait pour voir où étaient ses compagnons. Elle put apercevoir Legolas avec sa chevelure dorée par le soleil qui virevoltait entre plusieurs ennemis. Elladan et Elrohir laissaient la rage accumulée par les années se libérer sur les alliés de Mordor.
Aragiliath remarqua un suderon qui abaissait son épée sur un homme blond qui avait le dos tourné. Elle bondit sur lui et lui coupa la gorge. Le rescapé se retourna et elle reconnut Eomer. Il inclina la tête mais ils n'eurent pas le temps de murmurer un mot car un haradrim s'élança sur eux.
Ce ne fut que quand le soleil se coucha que les derniers ennemis furent écrasé.
Alors Aragiliath s'arrêta enfin. Elle jeta un regard sur le massacre autour d'elle... Il y avait tellement d'hommes qui étaient tombés... Elle avait toujours été une femme de paix mais c'est la nécessité qui l'avait poussé sur les chemins de batailles. Silencieusement la fille des rois se promit de toujours éviter un tel carnage à moins qu'il n'y ait aucune autre issue. Alors que comme ses frères elle se penchait sur les hommes blessés, elle croisa Eomer. Il avait l'air vidé de toute vitalité. Pendant la bataille il avait porté le masque d'un guerrier mais à présent il redevenait le mortel qui avait perdu des êtres chers. La rôdeuse ferma les yeux d'un homme qui venait de mourir puis se leva pour faire face à Eomer:
- Frère d'arme... Je vous avais dis que nous allions nous retrouver ensemble contre les armes du Mordor.
Il hocha péniblement la tête:
- Oui vous l'aviez dit mais l'espoir est souvent trompeur. Et j'ignorais que vous étiez une voyante. Votre aide est arrivée à temps même si nous avons subi de nombreuses pertes.
Il évitait de croiser son regard et elle sentait qu'une profonde colère vivait en lui. Alors elle décida de lui demander des nouvelles:
- Qui est tombé de votre côté?
A ces mots, Eomer osa enfin croiser son regard. Il y avait dans ses yeux de la haine et de la rage, ses mots étaient hachés quand il déclara:
- Mon oncle... et ma sur.
La rôdeuse se remémora la dernière fois qu'elle avait vu la dame blanche du Rohan. Elle ne l'avait pas jugé tellement déterminée, mais elle s'était trompée...
- Eowyn? Oh... c'est bien une terrible nouvelle! Je partage votre peine Eomer.
Mais alors qu'elle posait sa main sur son épaule, le rohirrim recula et d'une froide voix répliqua:
- C'est de votre faute! Sans votre venue elle n'aurait jamais réagis comme ça! Voir une femme se battre ainsi lui a fait croire que c'était aussi sa place.
Aragiliath secoua la tête:
- Vous ignorez quels mensonges lui avait murmuré Gríma, vous ignorez quels rêves vivaient dans le cur de votre sur. Avec ou sans ma venue elle aurait réagi ainsi. J'aurais peut-être du accepter ses supplications et l'emmener à ma suite, cela aurait eu des conséquences moins fâcheuses...
Elle savait qu'elle mentait... Une guerrière peu expérimentée comme Eowyn n'aurait jamais pu réussir un tel périple. Mais les mots d'Eomer faisait grandir de la culpabilité dans son cur. Le rohirrim semblait avoir perdu toute compassion, seule la mort de sa sur était une réalité. Mais il ignorait qu'elle n'était pas morte, simplement blessée... Et qu'il était en train d'accuser la seule personne capable de la sauver.
- Vous insinuez que vous connaissez mieux ma sur que moi? Ma pauvre sur qui a été guidée par votre présence dans le champ de bataille...
La douleur avait prit l'emprise sur le maréchal. Il oublia presque que c'était cette femme qui avait rendu la victoire possible. Il ne voyait en elle qu'une femme qui avait incité sa sur à risquer sa vie et l'avait poussé vers la mort.
Avant qu'Aragiliath puisse lui répondre, il lui tourna le dos. Legolas qui avait suivi l'altercation de loin voulu rejoindre son amie de toujours, mais la rôdeuse rapidement prit la direction opposée, alors l'elfe respecta son désir de solitude.
C'est en silence qu'Imrahil de Dol Amroth, Eomer du Rohan et Aragiliath des dúnedain se dirigèrent vers les portes de la cité. Ils étaient restés auprès de leurs hommes blessés et mourants qui ne pouvait pas être bougés du champ de bataille. Puis las et silencieux, d'un accord muet ils prirent la route. Derrières eux avançaient les survivants de cette terrible victoire. Après un bon moment de silence, Aragiliath le brisa en murmurant d'un air rêveur:
- Le soleil se couche sur cette victoire et ce massacre. C'est le symbole de la fin de beaucoup de choses et d'un changement du destin de notre terre. Mais je crains que cela trop tôt pour que je me présente à Minas Tirith. Mes hommes peuvent aller se reposer dans le confort de la cité. Mais je préférerais rester à l'extérieur.
Le prince Imrahil de Dol Amroth répliqua:
- Mais vous avez déjà levé la bannière des rois et levé l'épée de la maison d'Elendil. Avez vous peur de vous mettre en avant ma Dame?
A la surprise générale, après une telle bataille Aragiliath rit, puis après un moment répondit:
- Non, mais j'estime que le temps n'est pas encore mûr. Et je n'ai pas envie de lutter contre mon propre peuple... Je préfère me mesurer aux hommes de l'Ennemi.
Imrahil hocha la tête et répondit:
- Vos paroles sont sages. Vous avez en fin de compte totalement raison... Etant un proche du seigneur Denethor, je peux vous affirmer qu'il serait mieux d'attendre. Mais après une telle bataille, je n'aimerais pas que vous restiez à la porte comme une mendiante.
La rôdeuse sourit:
- Pas comme une mendiante: comme une capitaine des rôdeurs qui sont peu habitués aux villes et aux maisons de pierre.
Puis elle se tourna vers Halbarad:
- Cousin, pliez cette bannière...
Puis saluant les deux seigneurs elle entreprit de faire dresser un campement. Malgré la proposition les rôdeurs préféraient rester avec leur capitaine. Alors que les autres s'efforçait de monter une tente, la rôdeuse rejoignit Elladan. Il était en train de s'occuper de la blessure d'un dúnedain. Quand il eut finit, en silence les deux fiancés s'éloignèrent des autres. Estel ôta l'étoile de son front et la lui tendit. Sans un mot ils s'enlacèrent. Puis Aragiliath entreprit de se changer et s'enveloppa dans une mante.
- Je vais aller voir Gandalf et m'occuper des blessés dans la maison des guérisons.
Les deux fils d'Elrond qui avait hérité des dons de leur père l'accompagnèrent. En silence les trois guérisseurs entrèrent dans la cité et rejoignirent Gandalf. Celui ci sourit avec bon cur en voyant la femme puis se rembrunit en lui faisant part de sombres nouvelles. Mais quand elle apprit qu'Eowyn était blessée mais pas encore morte, elle sentit un poids s'enlever de ses épaules. Elle pouvait encore sauver la pauvre enfant... les mots et la haine dans les yeux d'Eomer la hantait encore.
C'est à ce moment qu'arrivèrent Imrahil et Eomer. Ils recherchaient l'intendant et Eowyn. En apprenant l'état des blessés Imrahil leva les yeux au ciel et soupira:
- Ne devrait-on pas envoyer chercher Aragiliath des dúnedain?
La rôdeuse qui s'était tenue à l'écart durant l'entretien s'avança et enleva sa capuche:
- Elle est déjà là!
Ils remarquèrent qu'elle portait sous sa mante noire sa cape de la Lorien et la pierre verte que lui avait offerte Galadriel. Elle avait ôté les vêtements qui avaient l'arbre du Gondor.
- Je suis venue seulement pour prêter main forte à Gandalf. Ainsi pour le moment je ne suis que la capitaine des dúnedain d'Arnor; et le Seigneur de Dol Amroth gouvernera la Cité jusqu'à ce que Faramir se réveille. Je pense aussi que pour tous nos rapports avec l'Ennemi c'est Gandalf qui doit être à notre tête.
Les autres hochèrent la tête. Eomer allait dire quelque chose, la rôdeuse voyait de la honte dans ses yeux, mais Gandalf interrompit ce bref moment de silence:
- Ne restons pas à la porte. Le temps presse et nous risquons de perdre le maigre espoir qu'il nous reste.
Puis il murmura comme pour lui-même:
- Les mains de la reine sont celles d'une guérisseuse, et c'est ainsi que sera connu le roi légitime.
Aragiliath entra la première, Elladan et Elrohir étaient déjà au chevet de Merry. Tandis que la dúnadan allait au chevet de Faramir. Elle croisa sur son chemin Pippin qui sourit d'une manière très charmante:
- Grands-Pas! C'est merveilleux! J'avais deviné que c'était vous dans les navires noirs. Comment avez-vous fait???
Aragiliath éclata de rire et lui serra la main:
- Je suis bien heureuse de vous revoir cher Pippin. Mais ce n'est pas encore le moment pour les récits de voyageurs!
Imrahil qui était aux talons de la rôdeuse se tourna vers Eomer et dit:
- Est bien la manière dont on parle à une reine? mais peut être portera-t-elle la couronne sous un autre nom?
Aragiliath l'entendit et se retourna:
- Je suis en vérité Elessar, la pierre elfique et Envinyatar, la regénératrice.
Elle posa une main sur la pierre verte et continua:
- Mais Grands Pas sera le nom de ma maison, si jamais elle est établie. En haute langue cela ne sonne pas si mal: Telcontar.
A ces mots elle se glissa dans la pièce où reposait Faramir, puis celle d'Eowyn et finalement Merry. Elle s'assit péniblement et prit son visage entre ses mains:
- Il me faut déployer dans ce cas tout le pouvoir et l'habileté qui m'ont été donnés. Ah si seulement Elrond était là, c'est l'aîné de notre race et celui qui a le plus de pouvoir.
Ses yeux se posèrent sur les jumeaux qui avaient quitté le chevet de Merry. Elrohir se pencha vers elle en voyant la tristesse et la lassitude sur son visage:
- Estel, ne devrais-tu pas te reposer un peu avant?
Elle se releva et se mit à arpenter la pièce:
- Non tu as bien vu que pour Faramir, Merry et Eowyn le temps presse. L'état de Faramir m'inquiète le plus...
Prise d'inspiration, elle sortit chercher une femme de sagesse qu'elle avait croisée auparavant. C'était la plus âgée des guérisseuses. Ses yeux gris et sa chevelure claire faisaient d'elle une vrai gondorienne.
- Dame Ioreth? Il y a bien dans cette maison une bonne réserve des herbes de guérisons?
La dame hocha gravement la tête et Aragiliath continua:
- Avez-vous de l'Athelas?
Elle secoua la tête et plongea dans une profonde réflexion. Aragiliath avait envie de la secouer tellement elle était chargée de l'énergie du désespoir, mais la rôdeuse garda contrôle d'elle-même. Après ce qu'il lui semblait comme une éternité, la dame murmura:
- Feuille de roi?
Puis elle sourit et parut moins tiré par l'âge:
- Lorsqu'arrive le souffle noir,
que croit l'ombre de la mort
et que toute la lumière passe
Viens athelas! Viens athelas!
Vie pour le mourrant
dans la main du roi contenue.
Mais vous n'êtes pas un roi... C'est bien étrange, j'ai rêvé bien des fois que je le disais cela à un authentique fils de rois...
C'est à ce moment que Gandalf, qui avait suivi Aragiliath, intervint:
- Alors ma Dame au lieu de rêver, hâtez vous et allez voir s'il en reste dans votre réserve.
Ioreth hocha lentement la tête et se dirigea vers la porte. Mais alors qu'Aragiliath donnait l'ordre aux autres femmes de faire chauffer de l'eau, Ioreth se retourna:
- Vous n'êtes pas fils des rois, mais fille des rois...
Avec ces mots elle se glissa hors de la pièce. Malgré la gravité de la situation Aragiliath se mordit la lèvre: l'heure de se dévoiler arrivait...
Puis secouant la tête elle rejoignit le chevet de Faramir. Elle prit la main droite de Faramir dans la sienne et posa sa main gauche sur le front du malade. Elle l'observa avec intensité: il était couvert de sueur mais il ne fit aucun mouvement quand les mains fraîches de la rôdeuse se posèrent sur lui. Il semblait à peine respirer.
Imrahil s'avança :
- Nous n'avons pas gardé la flèche car nous avions trop à faire. Mais je pense qu'elle venait des Ombres qui rôdaient dans le ciel. Car sinon une telle fièvre et cette maladie seraient inexplicable.
Aragiliath reporta son regard sur le malade et soupira:
- Sa blessure n'est pas profonde... Je pense que c'est du à la tristesse vis à vis de son père, de cette blessure et surtout à cause du souffle noir.
A ce moment là Ioreth entra et fit une plongeante révérence à Aragiliath en murmurant:
- Le maître des herbes est allé chercher cette plante ma Dame. Il dit qu'il devrait en trouver chez les vieilles gens qui l'utilisent pour calmer leurs maux de tête.
Aragiliath hocha la tête puis s'agenouilla au chevet de Faramir. Elle posa sa main droite sur le front du gondorien. Elle ferma les yeux et se laissa plonger au plus profond de son essence. Quand elle prit conscience de sa force intérieure elle poussa son esprit à rejoindre Faramir. D'une voix douce elle murmura son nom et laissa son esprit avancer encore plus dans l'obscurité. Une telle expérience était effrayante mais la rôdeuse s'était longuement entraînée aux côtés de son père adoptif. Elle plongea encore plus profondément dans l'obscurité où errait Faramir et l'appela encore. Il semblait aux gens autour d'elle, qu'elle livrait un terrible combat intérieur. Son visage était gris et tiré. Sa voix s'éloignait de plus en plus, comme si elle avait complètement quitté son corps. Elle avait l'impression d'errer dans une sombre vallée et de tenter de rejoindre une lumière qui brillait au loin. Mais finalement elle l'atteignit et en murmurant encore une fois le nom de Faramir elle ouvrit les yeux. Elle remarqua qu'Elladan et Elrohir avaient aussi rejoint l assistance. Et qu'un garçon nommé Bergil apportait six feuilles d'athelas conservé dans
un linge:
- Ma Dame, voici des feuilles d'Athelas. Elles sont vieilles mais j'espère qu'elles pourront servir... Ô j'espère du fond de mon cur!
Il fondit en larme en regardant Faramir. Mais Aragiliath sourit en se levant péniblement:
- Cela servira. N'ayez crainte, le pire est passé. Restez et reprenez espoir.
Elle prit deux feuilles qu'elle déposa au creux de sa main. Elle souffla dessus puis les écrasa. A ce moment là une fraîche brise se glissa dans la pièce. Aragiliath laissa tomber les feuilles dans un récipient d'eau bouillante qu'on lui avait apporté. A ce moment là toute tension, toute obscurité et désespoir s'envolèrent de la pièce. C'était comme si un nouveau jour se levait sur un pays lavé par la pluie. Même la rôdeuse sourit avec contentement puis posa le récipient à la table de chevet à côté de Faramir.
Faramir leva lentement ses paupières puis son regard se fixa sur la femme qui était penché sur lui. Son regard était plein d'amour fraternel et de reconnaissance:
- Vous m'avez appelé ma Dame? Je viens. Qu'ordonne la reine?
Aragiliath sourit:
- Ne marchez plus dans la vallée des ombres mais réveillez-vous! Vous êtes fatigué, alors reposez-vous pour un moment et restaurez-vous! Soyez prêt pour mon retour!
C'est avec respect que Faramir la regardait. C'est par ce regard plein de sagesse qu'elle se voyait vraiment reine. Après tout le scepticisme des hommes qu'elle avait croisé, il était le premier mortel à croire en elle:
- Oui ma Dame. Car qui resterait couché dans l'inaction quand la reine est revenue.
Elle inclina la tête et murmura:
- Adieu alors pour l'instant Faramir fils de Denethor. D'autres malades ont besoin de moi...
Mais alors qu'elle allait rejoindre la chambre d'Eowyn, à son passage elle vit Ioreth et ses semblables faire une révérence. La dame de sagesse murmura à ses compagnes:
- La reine? Tu as vu? C'est bien les mains d'une guérisseuse...
La rumeur sortit de la maison de la guérison et telle une flamme naissante fit très vite des ravages dans Minas Tirith: La reine était revenue... Beaucoup de gens doutaient de voir une femme au pouvoir, d'autres avaient chanté le présage de sa venue dans divers poèmes et chansons.
Mais Aragiliath ne se sentait nullement concernée par ces rumeurs, elle alla rejoindre le chevet d'Eowyn. Ses frères étaient partis s'occuper des autres blessés, laissant Eowyn et Merry à sa charge.
Eomer avait déjà rejoint le chevet de sa sur et le redoutable homme semblait comme brisé en observant sa sur entre la vie et la mort. Bien sûr il était heureux de savoir qu'elle n'était pas déjà morte, mais il voyait la mort qui s'approchait d'elle et il s'en voulait. Aragiliath s'assis sur l'autre côté du chevet de la malade et observa Eowyn. Elle semblait très pâle et encore plus délicate, comme une fleur qui tentait de survivre dans un hiver glacé. Son bras avait été soigné par Elrohir auparavant et il se rétablira en temps voulu... Mais un autre mal vivait en la dame du Rohan... Aragiliath se sentait submergée de peine pour toutes ces femmes qui comme elle étaient déchirées entre le devoir et le désir. D'une voix mélancolique elle s'adressa à Eomer:
- Hélas! Elle s'est mesurée à un ennemi trop grand pour elle... Pourtant elle est très courageuse et valeureuse. Elle était malade depuis longtemps Eomer... n'est ce pas?
Le jeune homme ne répliqua pas comme auparavant et hocha la tête lentement. Il devait s'avouer que malgré son grand amour pour sa sur, il n'avait pas prit le temps de penser à ce qu'elle ressentait. Il n'avait pas compris à quel point était accablant le rôle qu'elle avait dû jouer alors que Theoden dépérissait. Lentement cette vérité prit racine dans son esprit et Eomer hocha la tête:
- Vous avez raison... Mais je ne pense pas que cela ait pu la toucher à ce point... C'est plutôt votre venue et dans votre présence elle a cru que pour une femme aussi la chose la plus honorable à faire en temps de guerre était d'aller se battre.
Aragiliath plongea son regard dans celui d'Eomer. Il ne lui faisait plus aucun effet, ce n'était qu'un simple mortel, un jeune morte...
- D'une manière vous avez raison mais d'une autre... J'ai vu son regard alors qu'elle voulait partir se battre à mes côtés, je ne pense pas que cela soit une soudaine impulsion... Ce désir de trouver la gloire dans la victoire avait grandi dans son cur alors que Gríma gagnait de l'importance dans votre maison... Je peux la ramener de la vallée des ombres, mais je ne sais pas à quoi... Certainement elle se réveillera pour voir que ses espoirs de gloire étaient vides. Car ce n'est pas dans cela qu'elle pourra trouver joie et bonheur... Ce n'est pas son destin.
Elle se pencha sur la malade et comme avec Faramir posa sa main sur son front et l'appela:
- Eowyn, fille d'Eomund, éveillez-vous car votre ennemi est mort!
Très doucement elle commença à respirer plus profondément. Aragiliath écrasa des feuilles d'athelas et les mis dans un bol d'eau bouillante. Une nouvelle fois une brise printanière semblait transpercer les lourds rideaux... Ses mots enveloppaient Eowyn d'une douce lumière dorée et la couleur revenait à son visage de marbre:
- Dame du Rohan, réveillez-vous! L'Ombre est partie et toute obscurité a été écrasée...
Aragiliath prit la main d'Eomer et pendant un instant la garda dans la sienne. Puis elle la posa sur le front d'Eowyn:
- Appelez-la Eomer...
Elle quitta silencieusement la pièce alors qu'Eowyn se réveillait pour voir son frère qui souriait de joie. Aragiliath se dirigea d'un pas lent vers la pièce où reposait Meriadoc en se demandant si elle avait vraiment eut un rôle à jouer dans le désespoir d'Eowyn. Il lui semblait que cette jeune femme avait trop longtemps vécu comme seule femme parmi des hommes qui ne vivaient que pour leur terre. Elle avait trop longtemps écouté les mensonges de Gríma, croyant que le seul honneur qu'elle pouvait trouver était dans une mort glorieuse...
Mais la dúnadan pressentait que le vent allait changer. Si la victoire est complète, il arrivera quelque chose à Eowyn qui lui montrera la voie du bonheur.
Puis, projetant son esprit vers son nouveau malade, elle entra dans la chambre de Merry. Les autres étaient restés au chevet d'Eowyn, sauf Pippin qui veillait sur son ami de toujours. Il semblait être sur le point de pleurer en voyant le visage tiré et vieilli de son ami. Mais la présence de la rôdeuse lui redonna espoir et il se redressa, laissant la femme refaire le même miracle qu'elle avait accomplit au chevet de ses malades.
Peut être parce que c'était un hobbit, peut être parce qu'il avait moins de douleur et d'ombre dans son cur, Merry ouvrit très vite un oeil. Il jeta un regard sur Gandalf qui se tenait à présent à la porte, sur Aragiliath qui lui souriait et Pippin qui éclatait de joie. Puis il demanda à son ami:
- Il est quelle heure? J'ai faim!
Ils éclatèrent tous de rire.
Puis Aragiliath s'éclipsa discrètement. Elle était vraiment épuisée, elle espérait pouvoir manger quelque chose et dormir quelques heures avant d'organiser un conseil. Mais alors qu'elle marchait entre ses deux frères, elle pouvait voir des gens qui se pressaient pour la voir. C'était le peuple de Minas Tirith. Pour une raison étrange, la rôdeuse porta sa pensée sur le fils du Gondor qui n'était jamais revenu vers son peuple.
Ils sortirent même de la ville pour l'escorter jusqu'au camp. Les rôdeurs regardaient d'un air étrange tous ces gens qui les observaient. Après tout, ces nobles hommes avaient toujours vécu dans l'ombre et les regards qu'ils avaient connus étaient seulement pleins de hargne et de dégoût. Alors qu'ils mangeaient un sommaire repas en silence, encore plus de personne venaient les entourer. Aragiliath pouvait sentir tous ces lourds regards sur elle, si bien qu'elle n'arrivait pas à avaler la purée d'avoine qu'elle mangeait. Après avoir bu un peu d'eau elle se tourna vers Halbarad:
- Que viennent-ils voir?
Le rôdeur sourit pour la première fois durant cette aventure:
- Ils sont venus voir la reine.
Aragiliath dévisagea son cousin d'un air rêveur. Mais avant qu'elle puisse lui répondre une vieille dame l'interpella:
- ma Dame, mes fils sont tous morts. Mon cadet est entre la vie et la mort. Et vous êtes la reine... Vous seule pouvez le sauver.
Aragiliath posa son verre et se tourna vers la femme. Un instant elle plongea son regard dans le sien et ressenti la douleur de la vieille femme. Elle avait tout perdu dans cette guerre et maintenant son dernier fils, sa dernière raison d'être, flanchissait. La rôdeuse se leva et sans qu'elle eut à dire quoi ce soit ses frères la suivirent.
De maison en maison ils s'occupèrent des blessés et des malades.
Dès que son fils ouvrit les yeux, la vieille dame sortit dans la rue. Ne trouvant pas Aragiliath pour la remercier, elle se tourna vers les passants:
- C'est vrai ! La reine est revenue! La pierre elfique de notre peuple!
La rumeur courut dans toute la ville. Le nom qu'Aragiliath avait reçu à sa naissance avait été choisit par son propre peuple. Comme si toutes ses prédictions devenaient réalité.
Longtemps elle se battit contre la mort et l'Ombre. Mais quand ses yeux ne pouvait plus voir clair et que ses forces s'envolaient. Elle s'enveloppa de sa mante grise et sortit de la ville pour se reposer quelques heures. Même si autour d'elle le monde se réveillait avec l'Aube.
Quand le peuple se réveilla, il ne put voir que la bannière de Dol Amroth. Tout le monde se demandait si la venue de la reine avait été seulement un rêve.
Les fils d'Elrond avait aussi disparu peu après leur sur pour s'échapper quelques instants dans la quiétude de la nature qui s'éveille...
Ils marchaient en silence car jumeaux qu'ils étaient, la parole était inutile. Pourtant Elladan éleva la voix quand même:
- La bataille pour la terre du milieu va bientôt être terminée.
Elrohir ne lui répondit pas mais Elladan sentit comme une paroi qui le séparait de son frère. Il n'arrivait plus à sentir ce que ressentait son frère. Ils avaient toujours été comme une seule entité, longtemps ils avaient pris l'habitude de parler comme une même personne. Mais une cession avait eut lieu et Elladan se sentait meurtrit comme si une deuxième fois il voyait sa mère souffrir.
- Pourquoi?
Elrohir s'arrêta et se tourna vers son frère:
- Tu me demandes pourquoi? Tu m'avais bien dit, il y a quelques jours, qu'arriverait bientôt un moment où nous serions séparés à tout jamais. Alors autant mieux nous séparer déjà...
Longuement il restèrent les yeux dans les yeux. On aurait dit des statues d'une ressemblance parfaite. Mais un jour ils ne se ressembleront plus... Elrohir sera encore jeune et d'une beauté troublante mais Elladan prendra de l'âge et mourra un jour. Les séparant pour des éternités... Elladan murmura d'une voix trop basse pour que l'on puisse entendre la tristesse dans son ton:
- C'est toi qui m'as encouragé à prendre cette voie, mon frère.
Mais ils restaient encore plus que frère, Elrohir pouvait discerner ce que son frère ressentait dans ses yeux. Il n'y avait plus rien à dire... Ils avaient longuement discuté à ce sujet avant de rejoindre Aragiliath dans le Rohan. Elladan refusait de penser au futur, au moment où sentira l'amertume de son choix. Mais à présent il se rendait compte de ce que serait la vie sans son frère. Ça sera comme vivre à moitié. Mais vivre sans Estel, était ce possible? Voir chaque siècle s'écouler et se souvenir de son sourire enivrant, de son regard fragile mais puissant et de tout ce qu'ils avaient partagé... Pourrait-il endurer cela? Supporterait-il de vivre jour après jour en sachant qu'elle est morte et commencer à en vouloir à sa moitié d'âme de les avoir séparés ? Mais vivre sans Elrohir n'était pas même imaginable. Ils dépériraient chacun de leur côté, Elladan peut-être moins mais ils perdraient leur cur et leur âme.
Elrohir hocha la tête après un long moment où tout les deux méditèrent sur la situation :
- Je sais, Je sais... Mais je ne peux pas m'empêcher de t'en vouloir, de lui en vouloir...
Aucun des deux ne pouvait mettre en mot leur attachement. Car il n'y a pas de mot pour décrire le profond amour qui relit deux frères jumeaux qui ont vécu tellement d'aventures et de drames ensemble. Cette fois Elladan ne pouvait pas fuir cette pensée: il devait choisir entre une mortelle qu'il avait connu que pendant 87 ans et un frère qu'il avait connu depuis le début de sa longue vie.
On ne pouvait pas dire que dans ce choix l'amour devrait primer car l'amour qu'il avait pour Aragiliath était pas plus profond que ce lien invisible qui le rapprochait de son frère. Quand ils étaient plus jeunes, les deux frères aimaient imaginer qu'à la place des deux elfes espiègles qu'ils étaient, un sage elfe aurait dû être né. Ils l'avaient nommé Elrodan. Ensemble ils formaient Elrodan, séparés ils n'étaient qu'un zombie appelé Elrohir ou Elladan.
Quand ils étaient très jeunes, ils avaient été séparés. Certes pour une courte durée mais qui paru tellement longue pour les frères inséparables. Pendant une année ils vécurent séparé, c'était Elrond qui l'avait décidé. Ayant lui-même connu la profondeur du désespoir de voir son frère jumeau s'éteindre et laisser à sa place une descendance mortelle, il avait cru pouvoir apprendre aux jumeaux à vivre indépendamment l'un de l'autre.
Mais dès le premier jour ils avaient perdu la lumière dans le regard. Galadriel avait vu avec désespoir son petit-fils pâlir et errer comme s'il n'était qu'un fantôme. Elrond lui-même malgré sa vision lointaine ne put supporter de voir Elrohir ainsi. Il se dit que peut être après quelques mois ils s'habitueront mais en vain... Ils commençaient à dépérir. Alors finalement cédant aux supplications de Celebrían il ramena Elladan à Imladris. C'était la dernière fois qu'ils furent séparés. Quelquefois ils effectuèrent des missions séparées l'une de l'autre mais ils savaient toujours que dans moins de quelques mois ils se reverraient...
Mais ici il était question d'une séparation éternelle. Même si Elrohir restait ici jusqu'à la mort de son frère, ils seraient séparés.
Comme si le mur qui les avait séparés ces derniers jours était tombé, les deux frères regardèrent la faune de ce petit bois s'éveiller. Ils avaient de nouveau l'air d'être en harmonie, d'être une entité... Mais ils savaient tous deux qu'ils étaient au pied du mur, très bientôt un choix sera fait et ses conséquences seront inimaginables...
Reprenant sa sérénité et son détachement habituel, Elrohir déclara d'un ton conciliant:
- Elladan, oublie ce que j'ai dit... De toute manière nous avons été destinés à une vie pleine de souffrance et de déchirement. Quoi que tu fasses comme choix, je serai toujours à tes côtés... Ne détruit pas ta chance de bonheur pour moi.
Les yeux gris de l'elfe étaient pleins d'amertume mais aussi d'une sérénité sans fin. Comme si sa profonde réflexion et ces souvenirs du passé lui avaient fait accepter la situation telle qu'elle était.
- Même si nous partons pour Valinor tu sais bien que malgré la joie de voir Nana, nous n'ayons aucun réconfort pour notre peine d'avoir quitté le monde des mortels. Nous sommes presque des mortels. Années après années, nous avons combattu aux côtés des dúnedain. Nous avons pleuré à la mort de chacun de ces capitaines que nous avons connus. Alors qu'Ada se renfermait de plus en plus à Imladris, nous errions avec les Hommes. Avant qu'Estel ne soit née, tu te rappelles de la veillée funéraire que nous avions accordée à Arador?
Elladan hocha la tête: il se rappelait encore de cette terrible et pluvieuse nuit. C'était Arathorn, le fils du capitaine, qui était venu annoncer la terrible nouvelle. Pendant de longues années les deux elfes s'étaient battus à ses côtés, sa mort était arrivée comme un déchirement. C'est à ce moment là que les deux frères s'étaient rendu compte qu'ils étaient devenus trop attaché au monde des hommes. Ils partageaient leur peine et leur douleur. Et puis était arrivée Estel et elle avait bouleversé leur vie. Avec son innocence et son insolente jeunesse elle était devenue leur petite sur, leur réconfort... Pour Elrohir elle était toujours restée une petite fille à protéger, mais pour Elladan elle était vite devenue une femme à aimer. Elle était la sur qu'ils n'avaient jamais pu avoir. Malgré leur attachement pour Arwen, celle ci n'était pas une guerrière. Et elle vivait souvent en Lorien. Elle était bonne et douce mais elle n'avait pas cette malice ou cette sauvagerie que les jumeaux partageaient avec leur jeune sur adoptive. Estel représentait aussi tous les hommes qui étaient venus avant elle et par cela elle symbolisait leur attachement pour les dúnedain...
Pouvaient-ils se détacher complètement des dúnedain? Pouvaient-ils enfin devenir des elfes?
C'était un lourd choix qui pesait sur leurs épaules mais à présent une chose était claire... Quel que soit leur choix, ils le feraient ensemble.
