Le soleil brillait faiblement alors que Aragiliath arpentait de long en large sa tente. L'espace réduit l'énervait. Gandalf, Elladan et Elrohir étaient assis et attendaient calmement. Legolas et Gimli étaient entrés dans la cité pour aller voir Merry et Pippin et accessoirement avertir Imrahil de Dol Amroth et Eomer que leurs compagnons les attendaient pour un dernier conseil.
Il était hors de question d'imaginer que leurs armées, qui avaient bravé cette terrible bataille, pourraient écraser toute la puissance de Sauron. Il fallait trouver un moyen plus subtil, un moyen qui ne demandait pas beaucoup de force, mais beaucoup de perspicacité.
Elladan suivait du regard celle qu'il aimait. Elrohir était impassible et Gandalf soucieux. Il se torturait en se disant qu'il avait peut-être fait une erreur en envoyant un simple petit hobbit accomplir un devoir si monstrueux. Avec calme il écrasa ses idées angoissantes pour refaire confiance à ses instincts et ses intuitions.
Imrahil entra prestement dans la tente et s'inclina légèrement en direction de la dúnadan, mais celle-ci l'ignora. Eomer ne voulut pas croiser son regard, mais il avait repris des couleurs et c'est avec noblesse qu'il assurait son rôle de futur roi du Rohan et officieusement déjà roi du Rohan.
Gandalf commença par expliquer l'existence et le destin de l'Anneau. Patiemment, il expliqua chacune des raisons qui les avait poussés à envoyer Frodon le détruire. Estel n'écoutait pas vraiment, elle pensait aux deux pauvres hobbits, partis pour une quête de laquelle ils ne reviendraient peut-être plus jamais. Une grande douleur lui serra le coeur: toute sa vie elle s'était promis de se battre pour ces gens simples qui ne méritaient pas de voir ce que Sam et Frodon avaient vécus et étaient en train de vivre.
L'istari s'interrompit pour regarder Aragiliath et continuer à son attention:
-.... Mais Sauron sait que nous ne sommes pas dépourvus d'Hommes forts, capables d'utiliser l'anneau à notre gré. Est-ce que je me trompe Aragiliath en disant que vous vous êtes montrée dans la Pierre d'Orthanc?
Eomer la regardait aussi avec un air fasciné: que voyait il? Une guerrière? Une déesse? Sûrement pas celle que voyait Elladan: Estel tout simplement.
La rôdeuse hocha la tête et affirma:
- Je pensais que le temps était propice pour me montrer et le défier. Mais si j'avais su qu'il en profiterait pour nous attaquer si vite...
Elrohir s'avança, sortant de l'ombre, pour prendre la parole:
- A présent, il attend... Il attend que nous nous battions comme de vulgaires orcs. Car il n'y a qu'un seul maître de l'anneau...
Eomer, peu convaincu par les paroles de Gandalf, secoua sa lourde chevelure:
- En quoi le fait que Sauron croit que nous avons l'anneau, peut-il nous aider??
Aragiliath qui avait gardé ses bras croisés pendant tout le conseil, les décroisa et fit un pas en avant. Mais ce fut Elrohir qui répondit avant elle:
- Car, comme Gandalf l'a dit: notre seul espoir réside dans la destruction de l'Anneau . Et cela est possible si l'attention de l'Ennemi est dirigée hors de son sombre pays.
Eomer hocha la tête. Dans son regard, on pouvait voir la compréhension.
Estel prit une profonde inspiration et prit la parole:
- Il faudrait sortir toutes ses armées hors du Mordor, laissant ainsi son pays maudit vide. Pour cela nous emmènerons tous nos hommes aux Portes Noires... Le rendant ainsi aveugle à ce qui se passe dans son pays.
Imrahil secoua légèrement la tête:
- Mais... Cela est un suicide... Nous ne pouvons pas triompher sur l'Ennemi ainsi!
La capitaine des dúnedain se mordit la lèvre pour ne pas hurler et secoua la tête:
- Ne comprenez-vous donc pas? Nous ne pouvons pas triompher sur lui par des armes ou autre puissance. Nous pouvons seulement agir comme une diversion, pour donner une mince chance à Frodon.
Imrahil murmura, comme pour lui même:
- Nous allons tous mourir...
Gandalf haussa les épaules, mais ce fut Aragiliath qui répondit à sa place:
- Nous allons de toute façon mourir... Nous avons le choix. Mourir ici en sachant qu'aucun nouvel âge ne viendra et que seulement l'obscurité règnera sur notre terre. Ou bien mourir en sachant qu'il y a un mince espoir, un ultime espoir que la victoire soit celle de la lumière et des Hommes... Alors autant mieux, avec courage, faire face à Sauron tout en n'ayant aucun espoir pour nous-même. C'est notre devoir.
Gandalf hocha la tête et c'est avec fierté qu'il voyait quelle capitaine des hommes la petite mortelle était devenue.
Puis, elle baissa les yeux pour continuer d'une voix moins forte:
- Pour ma part, je continuerai comme j'ai commencé. Les conseils de Gandalf ont toujours été les plus précieux, car c'est lui qui, à ma connaissance, a travaillé le plus contre l'Ombre croissante. Sans lui, il y a longtemps que tout aurait été perdu... Mais je refuse de forcer qui que ce soit à faire le même choix que moi.
Elladan ne dit pas un mot, il n'avait pas besoin de rappeler son allégeance, d'ailleurs ce fut Elrohir qui le fit à sa place:
- Toute notre existence nous a mené jusqu'à ce dernier chemin. Et c'est ainsi que nous continuerons. Nous ne rebrousserons pas le chemin.
Puis, il eut un silence. Longuement Eomer observa le visage grave d'Aragiliath avant de prendre la parole:
- J'irai aussi. Car quoi que soit notre destin dans cette aventure, une seule chose est importante pour moi: Aragiliath des dúnedain est venue à notre aide et c'est mon devoir de la suivre en guerre. D'autant plus que c'est elle qui a sauvé ma soeur...
Et dans ses yeux il avait les paroles qu'il ne pouvait pas prononcer par pudeur, car c'était un homme de guerre. Il s'excusait des insinuations, de tout ce qu'il avait dit sur le champ de bataille. Aragiliath hocha lentement la tête et d'un triste sourire accepta ses excuses. Puis Imrahil, qui avait pris tout ce temps pour prendre courage et se rappeler son allégeance, apporta son soutien :
- Dame Aragiliath est ma suzeraine, qu'elle le revendique ou non. Bien que je craigne fort que cette diversion soit un espoir très faible, j'irai où elle ira... Tel est mon devoir.
Legolas et Gimli revinrent pour trouver les seigneurs et la dame en train de planifier la défense de la cité en leur absence. Un regard d'Elrohir fit comprendre au prince quelle était la situation. Ainsi l'Elfe et le Nain n'eurent pas à affirmer leur allégeance à haute voix, car les trois chasseurs ne pouvaient pas se séparer ainsi. Ils avaient arpenté les terres du Rohan avec un maigre espoir et beaucoup de courage, et ils feraient de même jusqu'aux Portes Noires.
Il fut décidé que les seigneurs partiraient dans deux jours avec sept mille hommes.
Après le conseil, Eomer et Imrahil repartirent pour la cité. Gandalf aussi, affairé comme d'habitude, s'éclipsa, laissant Elladan, Elrohir, Legolas, Gimli et Estel seuls.
Gimli, comme à son habitude, se plaignait. Bien sûr sous ses plaintes se cachait son courage et son endurance exemplaire. Il eut un petit rire ironique et il déclara:
- C'est une grande farce! La meilleure farce de tous les âges que la terre du Milieu a connus.... Aucune chance de réussir, grande chance de mourir... Rien de plus parfait, rien de plus pitoyable.
Il recommença à rire.
Elladan fronça les sourcils d'irritation, mais ce fut Elrohir qui prit la parole. Sa voix était glaciale et cinglante:
- Si c'est une farce, et bien elle est trop amère pour nous faire rire.
Aragiliath dégaina anduril et regarda son épée miroiter dans les faibles rayons de soleil:
- Non Gimli, ce n'est pas une farce... Mais notre dernière chance pour sauver Frodon est de s'assurer que sa quête soit menée à bien.
Puis, parlant comme pour elle même, elle lissa son épée:
- Tu ne seras plus remise au fourreau avant que la dernière bataille ne soit livrée...
Fascinée, elle gardait son regard fixé sur cette arme qui prouvait tant sur elle-même. L'épée qui était un symbole de la virilité, prouvait sa royauté à elle. Pendant un instant, elle se perdit dans la perplexité de cette idée. Puis, soupirant, elle se tourna vers ses amis. Gimli semblait bouder et Legolas le regardait d'un air amusé. Elrohir le regardait avec un profond dégoût: il détestait avec véhémence les nains.
Elladan aussi n'aimait pas les nains, mais, lui, gardait son regard fixé sur Estel. Elle lui sourit avec effort, mais il ne lui rendit pas son sourire. Il semblait grave et troublé. Elle ne sut que faire, après tout c'étaient des temps très sombres. Elle posa simplement Anduril et sortit. Il la suivit.
Ils marchèrent en silence, s'éloignant de la cité et du campement. Dans une grande sérénité, ils se tournèrent vers l'Est, là où l'air était sombre. Puis, se rappelant de leur promesse faite (1) il y a si longtemps, Estel prit la main de son fiancé. Elle se rappelait clairement de ce moment où le soleil était apparu, faisant fuir l'Ombre. Pendant un instant, alors que la Lorien était plongée dans la nuit, elle s'était demandée si la Lumière reviendrait un jour... Et puis ce levé de soleil, si spectaculaire et empli de promesses....
Peut être que comme lors de ce magique Yule, l'Espoir triompherait sur L'Ombre...
(1) Cf La Promesse de Yule
Très court chapitre, c'est en fait un chapitre de transition. Je voulais pas mettre la grande bataille dans le même chapitre que le dernier conseil
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[ Un grand merci à ma beta readeuse, ma soeurette adorlée: Ly ]
