D'un air presque rêveur, Aragiliath fixait la Porte Noire. Les deux battants étaient solidement fermés. Mais ses remparts semblaient menaçants et on pouvait, sans voir, sentir la Présence qui les attendait de l'autre côté.

Cette porte qui menait au plus terrible des cauchemars: Et voilà où leur folie les avait conduits.

Gandalf restait crispé, son visage un mur impénétrable.

Seulement Gimli osait grommeler quelques mots à l'égard de Legolas. Sinon un silence appréhensif accompagnait le bruit des bottes derrières eux.

Aragiliath restait toujours à l'avant. Ses compagnons ne pouvaient pas s'empêcher de la regarder à la dérobée. Mais aucun ne pouvait imaginer ce qu'elle pensait; pas même Elladan.

Mais on peut aisément imaginer ce qu'une telle personne dans cette situation pouvait penser. Peut-être se remémorait-elle toutes ces luttes qui l'avaient menée ici. Ou bien se préparait-elle à ce dernier ultime combat?

En tout cas, son visage ne paraissait ni tiré ni calme. Ses yeux semblaient rêveurs et lointains. Elle regardait la Porte Noire comme si rien d'autre n'existait.

Derrière eux, les hommes frissonnaient dans la fraîcheur de l'Aube. Car il faisait très froid voire même glacial. Cela illustrait leurs peurs et leurs pensées.

On pouvait voir que, même si toute la Terre du Milieu était venue défier le sombre seigneur, personne n'aurait pu abattre ces lourdes portes. Les hommes se rappelaient tous ces contes qui les avaient empêchés de dormir plus jeune et que, dans l'âge adulte, ils avaient oubliés. Maintenant, ils étaient forcés à faire face aux plus sombres heures de la nuit, à leurs plus ferventes prières et au cauchemar qui semblait ne jamais pouvoir se terminer.

Ils attendirent quelques heures devant la porte, mais l'Ennemi ne donnait aucun signe de vie. Alors d'un accord muet, les capitaines décidèrent de jouer le jeu jusqu'à la fin.

Avec calme, Aragiliath disposa l'armée de la meilleure manière possible. Dans sa tête résonnaient tous les enseignements qu'elle avait reçus, mais c'est avec un esprit clair qu'elle opérait.

Deux collines, créées par de la pierre entassée par les orcs et de terre explosée, servirent au dessein de la rôdeuse. Elle disposa ses troupes là-bas. Ainsi les hommes se trouvèrent sur un terrain surélevé qui donnait une vue d'ensemble.

Puis, Aragiliath se tourna vers les autres capitaines. Certains hochèrent la tête, pour la plupart ils restèrent immobiles. Elrohir déplia la bannière de la reine et l'éleva. Estel la contempla un instant. Le travail que sa soeur adoptive avait fait était admirable. Même dans ce terrible lieu, elle étincelait et donnait du courage.

Après un instant de recueillement, elle s'adressa à Gandalf:

- A présent nous devons défier de vive voix l'Ennemi.

Gandalf hocha la tête et ajouta:

- Il sera préférable que toutes les races aient un témoin...

Ainsi ce fut Gandalf qui joua le rôle du premier héraut, aux côtés d'Aragiliath. Elle était entourée de ses deux frères. Derrière eux, se trouvaient Eomer et Peregrin, Legolas et Gimli et finalement Imrahil. Ils étaient assurés aux arrières par une garde de cavaliers.

C'est avec effroi que certains voyaient la Porte Noire paraître encore plus grande alors qu'ils avançaient. Gandalf ne pouvait pas s'empêcher de se tourner, dans son coeur, humblement, vers les valar. C'était le test final...

Il ne doutait pas d'Aragiliath. Mais il craignait tout de même une faille...

Même les plus sages pouvaient se courber devant Sauron. Qui aurait pu imaginer Saruman devenir son esclave?

Mais Aragiliath était différente.

Toute sa vie elle avait oeuvré pour pouvoir être à la hauteur de ce test. Elle avait toujours su que c'était son devoir, son destin de triompher contre l'Ombre. Et chaque instant de sa vie d'adulte, Gandalf l'avait vue passionnée et digne. Elle se battait avec valeur et courage... Il avait vu très peu de mortels être à son égal.

Pourtant, une crainte sans nom germait dans l'esprit de l'Istar.

Elrohir et Elladan, d'un même regard, entouraient leur soeur. Elladan n'osait pas la regarder, il gardait ses yeux fixés sur le noir de la Porte. Elrohir faisait de même. Eux aussi connaissaient leur soeur depuis ses premiers pas. Mais ils ne doutaient pas d'elle un instant. Ce qu'ils craignaient c'était la faiblesse des hommes, la faiblesse de cette armée. Pourtant, ils savaient bien que sous la poigne de fer d'Aragiliath et des dúnedain, ces hommes pouvaient être admirables. Mais qui pourrait faire face aux armées les plus sombres de l'Ennemi sans flancher? Aragiliath était la seule mortelle capable de le faire.

Et ces deux jeunes hobbits qui avançaient dans le terrible pays? Ils faisaient face aux recoins les plus horrifiants de ce royaume. Ne prouvaient-il pas que des créatures mortelles et simples pouvaient détenir un courage exemplaire?

Trop tôt, ils s'arrêtèrent à portée de voix de La Porte Noire. Et les hérauts annoncèrent d'une voix portante:

- Sortez! Que le Seigneur de la Terre Noire sorte! Justice lui sera faite! Car il a fait injustement la guerre au Gondor et volé ses terres. La reine du Gondor exige donc qu'il répare ses torts et y renonce à jamais. Sortez!

Il n'y eut aucune réponse.

Un cinglant silence leur répondit...

Ils attendirent un bon moment et finalement Estel fit signe de rebrousser le chemin quand dans un tonnerre la Porte s'ouvrit.

Le bruit fit serrer les dents de tous les hommes, surtout des elfes qui ne supportaient pas ce genre de vacarme. Mais Elladan, Elrohir et Legolas restèrent droits et fixaient avec intensité la Porte. Gimli ne put s'empêcher d'émettre une sorte de grognement qui ressemblait aussi à un rire.

La porte laissa passer une ambassade du sombre pays. A sa tête, il y avait une étrange créature. Elle chevauchait un cheval noir et terrible à voir. Eomer fronça les sourcils en voyant l'animal et se demanda si c'était le fruit des chevaux que les forces de Sauron avaient volé au Rohan. Il lui était impossible d'inspecter cet animal sans sentir son coeur se serrer et la colère monter en lui. Son attachement était très profond pour les chevaux et en voir un ainsi mutilé et torturé le mettait en rage.

Le cavalier, quant à lui, était vêtu comme un Nazgul. Mais il était évident que c'était un mortel. Il avait un regard hautain et arrogant. Une petite compagnie l'accompagnait et à ses côtés volait la bannière de l'Ennemi. C'était un hideux oeil rouge peint sur une étoffe rugueuse et noirâtre.

Ils s'arrêtèrent non loin des capitaines de l'Ouest. Il les toisa et commença à rire d'un air dérisoire. Les hommes de l'Ouest restèrent calmes, ils ne dirent pas un mot et leurs regards restèrent voilés.

D'une voix nasillarde il demanda:

- Je suis la Bouche de Sauron...Y a-t-il dans cette bande quelqu'un qui ait autorité pour traiter avec moi? Ou, en fait qui puisse me comprendre et ait assez d'intelligence pour ça? Pas toi en tout cas...

Il désigna du menton Aragiliath. Il la regardait avec dédain et moquerie.

- Il en faut plus pour faire une reine. Une reine!

Il éclata d'un rire hautain.

- Il en faut plus qu'un morceau de verre elfique ou une racaille comme celle-ci. Allons donc, n'importe quelle fille aux moeurs facile peut avoir une telle meute d'hommes derrière elle.

Estel ne dit rien. Mais Gimli se racla la gorge, pour être poussé à garder le silence par une légère tape de Legolas. Elladan et Elrohir restaient impassibles, mais tous deux brûlaient de rage. C'était tellement facile de rabaisser une femme. C'était tellement petit.

Aragiliath garda son regard dans celui de la Bouche de Sauron. Elle le soutint pendant un moment et sans qu'elle eût à faire un seul mouvement ou dire un seul mot, l'autre fléchit et recula. Son regard semblait foudroyé et il n'osait plus regarder dans la direction d'Aragiliath.

- Je suis un héraut et ambassadeur et nul doit m'attaquer!

Gimli avait une sorte de sourire triomphant, personne ne pouvait écraser la petite comme ça.

Gandalf répondit pour tout le monde:

- Si vous étiez un vrai héraut ou ambassadeur votre attitude serait très différente. Mais vous n'avez rien à craindre personne ne vous a menacé et personne ne le fera jusqu'à la fin de votre mission.

L'ambassadeur reprit confiance et toisa même Gandalf. Mais il évitait toujours le regard d'Aragiliath.

- Bon! Tu es donc le porte parole, barbe grise? On entend toujours parler de toi et des stupides toiles que tu tentes d'étendre pour tromper le Maître. Mais cette fois tu as fourré ton nez trop loin. Tu verras bientôt comment on traite les gens qui font de pathétiques complots contre Sauron le Grand. J'ai des preuves que j'ai été chargé de te montrer -à toi en particulier si tu oses venir.

Il fit signe à un de ses gardes qui apporta un paquet enveloppé de tissu noir.

Gandalf respirait avec peine mais cachait sa peur. Il pressentait la fin de leur fragile espoir.

Le messager s'écarta et à l'effroi général, il éleva d'abord l'épée de Sam, puis un manteau gris avec une broche elfique et enfin la cotte de maille de mithril qu'avait porté Frodon.

Ils ne se regardèrent pas, chacun brisé par la vision. Aragiliath sortit de cette transe détachée où elle se trouvait depuis l'aube. Elle avait échoué cette fois!

Mais avant qu'elle puisse dire quelque chose, Pippin qui se trouvait avec Eomer bondit du cheval pour s'élancer en avant en criant.

Gandalf lui barra le chemin et s'écria:

- Silence!

Mais le messager éclata de rire:

- Ah, vous avez un de ces petits avortons avec vous. Je me demande quel bien ils vous apportent. Mais une chose est sûre, vous ne pouvez pas nier ces preuves.

Gandalf haussa les épaules:

- Je n'ai aucun désir de nier cela! Mais pourquoi les apportez-vous ici?

-La provenance diverse de ces preuves illustre que vous avez envoyé un espion. Et c'est un complot! De plus, vos faces défigurées prouvent qu'il était important pour vous. Et sachez à présent que son sort dépend de vous seulement et de votre choix!

Il était triomphant en voyant les regards abattus et les visages gris. Il risqua même de poser un oeil sur le visage atterré d'Estel.

- Bon, bon, je vois très clairement qu'il était important pour vous. Ou bien sa mission était d'une grande importance... En tout cas, maintenant par votre faute il va endurer la longue et terrible torture de la Grande Tour. Il ne sera relâché que quand il sera totalement changé et brisé. Comme ça, vous verrez ce que vous avez fait. Ceci à moins que vous acceptiez les conditions du Seigneur!

Personne ne pouvait dire un mot. Ceux qui avaient connu Frodon revoyaient son sourire insouciant et ses manières de simple hobbit. Les autres voyaient la fin de leur espoir. Gandalf prit finalement la parole. Mais sa voix avait perdu sa jeunesse et sa fermeté.

- Nommez ces conditions...

Tout le monde pouvait être sûr qu'il allait les accepter. Aragiliath, quant à elle, se répétait silencieusement le nom de Frodon.

À présent, le messager souriait et osait regarder dédaigneusement chacun des capitaines:

- Alors... La racaille du Gondor et ses alliés abusés retourneront derrière l'Anduin après avoir fait le serment de ne plus jamais attaquer Sauron le Grand par les armes, ouvertement ou secrètement. Toutes les terres à l'Est de l'Anduin seront à Sauron et à lui seul pour toujours. L'Ouest de l'Anduin jusqu'aux Monts Brumeux et à la Trouée du Rohan sera tributaire du Mordor. Les hommes n'y porteront aucune arme, mais ils auront la liberté de diriger leurs propres affaires. Ils contribueront toutefois à la reconstruction de l'Isengard qu'ils ont détruit sans motif. Celui-ci appartiendra à Sauron et son lieutenant y résidera: non pas Saruman, mais quelqu'un qui soit digne de confiance.

Il était clair que c'était lui, la Bouche de Sauron, qui désirait ce poste. De là il pourrait humilier et dominer ce qui restait de l'Ouest.

Les hommes ressentaient un moment de désespoir total. Tout espoir de victoire s'était envolé et il ne restait que des prévisions terribles pour l'avenir.

Aragiliath refusait d'écouter ; dans sa tête, un seul nom résonnait: Frodo Baggins. C'est au moment où le messager arrêta de parler qu'elle sursauta presque... Mais où était alors le serviteur fidèle de Frodon? On ne pouvait pas dire Frodo sans dire Samwise Gamgee! Elle leva les yeux avec une étincelle de défiance, pendant ce temps-là Gandalf avait arraché des mains du messager les affaires de Frodon et Sam.

- Allez-vous z'en, car votre ambassade est terminée et maintenant la mort vous guette. Nous ne sommes pas venus ici pour perdre notre temps avec une vermine comme vous!

Le messager pâlit et recula. Il grimpa sur son destrier et partit au galop avec sa garde à sa suite.

Un lourd roulement de tambour résonna alors que l'ambassade entrait dans le sombre pays. La porte ne se referma pas.

Pippin rejoignit en titubant la monture d'Eomer. Ses yeux étaient plein de larmes contenues et son visage tiré. Il pensait à Frodon et à Sam, destiné à une torture sans fin.

Aragiliath se pencha vers lui et posa une main sur son épaule. Puis, elle murmura très doucement:

- Peregrin Took, tout espoir n'est pas encore perdu. Ils ont parlé seulement d'un hobbit ce qui prouve que la quête n'a peut-être pas encore échouée. Et qui sait, Frodon est encore en liberté... Courage!

Mais Pippin ne pouvait pas entendre cela. Il ne pensait qu'à une chose: la mort... Il aurait espéré avoir Merry à ses côtés. Il se sentait terriblement seul au milieu de ces illustres et grands hommes. Qui se souciait d'un simple hobbit? La facilité avec laquelle Gandalf avait refusé de venir en aide à Frodon prouvait cela. Ils n'étaient que de la vermine pour ces hommes...

Denethor avait raison. Il valait mieux choisir soi-même la manière dont on voulait mourir.

Puis, dans un bruit assourdissant la Porte Noire s'ouvrit toute grande.

Les capitaines eurent le temps de se remettre sur selle et rejoindre leur armée, car, de la porte, telle une marée noire et maléfique, des orcs, des viarags, des haradrims et autres alliés de Mordor se déversaient.

Des voix moqueuses s'élevaient des rangs mordorien en voyant l'avant-garde de l'Ouest reculer.

Alors que de toute part les forces de Sauron les assiégeaient, avec peine les capitaines ordonnèrent leur armée.

Les hommes ne pouvaient pas détacher leurs yeux des troupes mordoriennes et du pays sombre qui semblait à présent trop proche. Certains faisaient mine de partir. D'autres murmurait entre eux. Ils n'étaient pas venus ici pour mourir, ils n'arrivaient pas à comprendre pourquoi ils se trouvaient ici...

Aragiliath pressentit leur réticence et leur terreur. Alors elle se tourna vers l'avant-garde. Les autres étaient trop loin pour être atteints. Malgré tout, sa voix atteignit même des hommes qui se trouvaient assez en arrière:

- Ne fléchissez pas! Gardez votre position! Je comprends la peur qui vous étreint… Mes frères. Mais en ce jour nous devons aller au dessus de ces peurs, car le destin de la Terre du Milieu est entre nos mains! Fils du Gondor, du Rohan, d'Arnor et d'Amroth, n'oubliez pas le serment qui vous lie à vos terres et à votre peuple. Aujourd'hui, vous devez y faire honneur, malgré vos craintes. Comme moi je le fais.

Elle entendit comme un murmure secouer les hommes devant elle. Alors que tout autour d'eux les voix cruelles d'orcs les défiaient.

Alors, inspirant profondément, elle porta sa pensée à tout ce qu'elle savait de ses ancêtres ; à tout ce qu'elle avait senti près de la Pierre Noire. Ainsi, d'une voix encore plus forte elle s'adressa à ses hommes:

- Si nous nous battons aujourd'hui, ce n'est peut-être pas pour la victoire ni pour l'espoir, mais pour prouver notre honneur et notre loyauté. Peut-être que nous ne serons pas victorieux mes frères, mais nous devons malgré tout faire face aux ennemis de notre liberté avec dignité. Levez vos armes mes frères, tenez-vous fermes hommes de l'Ouest, car c'est pour ce jour que vous êtes né!

Eomer qui se trouvait à côté d'elle leva très haut son épée et hurla:

- MORT! Mort à nos ennemis!!!!!!!!! Pour nos terres, notre peuple... MORT!!!!!!!!!!!!!

Et à sa suite tout le monde cria, comme dans les champs de Pelennor.

- MORT!!!!!

Les envoyés de Sauron regardaient la scène d'un oeil amusé. Mais quand ils virent les regards des hommes de l'Ouest, enflammés par ces paroles, toute moquerie s'envola. Même si Sauron allait piéger ces glorieux guerriers aussi facilement qu'il pouvait piéger des enfants, ces hommes n'allaient donner aucun répit aux serveurts de l'Ombre.

Sur chacune des collines furent levées les bannières de chaque représentant des pays libres. L'arbre et les étoiles qu'avait brodés Arwen scintillaient courageusement dans l'air étouffant. Plus loin, le fier cheval blanc du Rohan faisait face à l'Ombre, aux côtés de toute la grâce du Cygne d'Argent de l'Amroth.

Sur ces deux monticules se trouvaient le gros des armées du Rohan et du Gondor. Mais dans le front se trouvaient les dúnedain ; le Prince Imrahil et ses hommes et des hommes choisis de la Tour de Garde. Bien sûr, aux côtés d'Aragiliath, loyalement, se trouvaient Elladan et Elrohir, Legolas et Gimli, Pippin et Gandalf. C'était sur eux que viendrait le premier grand assaut. Il y avait un étrange calme sur leurs visages. Tous ces hommes étaient près pour cet instant. Toute leur vie ils l'avaient désiré pour se débarrasser de l'Ombre.

Le soleil était voilé et dans l'Obscurité grandissante on pouvait entendre les Nazgûl hurler. Mais le coeur des hommes n'était plus frémissant. Une sorte de lumière grandissait en eux malgré la peur. Ils sentaient le vent du Destin et voyaient tous les chemins qui les avaient menés ici.

Aragiliath gardait le regard vers l'horizon. Même ses compagnons ne savaient pas ce qu'elle fixait avec insistance. Elle semblait se préparer à lancer l'assaut. Mais elle ne faisait aucun geste. Ses yeux brillaient comme des étoiles, emplis d'un souvenir lointain. Alors que l'obscurité s'approfondissait, ses yeux brillaient encore plus fort. Comme si ses pensées défiaient ces ombres et appartenaient à une créature qu'aucun mal ou aucune terreur ne pouvait toucher. Puis, lentement elle sourit, elle leva son épée et se tourna vers ses compagnons:

- Pour Frodon!

Et c'est avec ce même sourire qu'elle fit face aux hordes mordoriennes.

Après elle, ses compagnons s'élancèrent pour défier l'armée de l'Ombre. Les fils d'Elrond étaient graves et d'un air froid ils levèrent leurs armes. Ils avaient tant attendu pour pouvoir se venger...

C'est là qu'on voyait la différence entre Legolas ou tout autre elfe et les jumeaux. Car Elladan et Elrohir étaient devenus presque assoiffés de sang et de violence. Leur haine pour les créatures sombres dépassait celle de tous leurs compagnons. Même Elrond n'arrivait pas à comprendre ses fils.

Dans un choc sourd, les deux armées se mêlèrent et bientôt personne ne pouvait avoir le temps de réfléchir. Ils n'étaient plus que violence et haine...

Mais Gandalf s'arrêta un instant. Il fit un pas en arrière et toute la lumière qui émanait de sa blancheur empêcha les orcs de l'approcher. Il leva les yeux vers le ciel et un léger sourire éclaira son visage. Comme si un message muet venait lui avertir l'arrivée d'un don inattendu...

Et il éleva sa voix pour que tout le monde sache que l'espoir n'était pas perdu:

- Les Aigles arrivent!

Aragiliath leva les yeux de sa tâche pour voir des aigles attaquer les nazgûl qui volaient autour du champ de bataille.

Mais les Nazgûl refusèrent ce défi, car la Puissance qui les maintenait si forts les rappelait. Et c'est avec rapidité qu'ils rejoignirent le Sombre Pays.

Alors, le coeur des hommes de l'Ouest éclata d'espoir. Pour une raison inexplicable, toute leur lassitude et leur peur s'étaient envolées. La mort ne semblait plus une ennemie, car ils n'allaient pas mourir en vain...

Aragiliath, qui regardait encore le ciel, ne remarqua pas tout de suite le Troll qui la défiait de son énorme épée. Elle recula d'un pas pour lui faire face et pendant quelques instants leurs épées se croisèrent. Puis, d'un violent contre coup elle fut repoussée et tomba à terre. Le Troll était à un pas de l'écraser. Mais d'une force inespérée elle planta son long couteau sur la patte de la créature.

Hélas, ce ne fut pas assez pour l'empêcher de l'anéantir en bouillie. Legolas remarqua son amie par terre et tenta de se frayer un passage pour l'aider. Mais pleins d'orcs l'empêchaient de l'atteindre en contresens. D'un mouvement de désespoir, il coupa une tête. Il n'avait pas assez de flèches dans son carquois pour aider son amie de loin. Il chercha du regard Elladan ou un dúnedain. Mais il remarqua l'étrange absence des jumeaux. Puis, reportant son regard vers Aragiliath, il donna quelques coups de dagues pour tenter de la rejoindre.

Les hommes autour de lui étaient pleins d'espoir, car, sans comprendre pourquoi, l'arrivée des Aigles leur faisait penser qu'ils n'étaient pas seuls. Savaient-ils seulement que c'était Manwë le Gand Vala qui leur envoyait de l'aide? Savaient-ils qu'Eru ne les avait pas oublié, mais que c'était eux qui avaient oublié de se tourner vers lui!?

Cependant, avant que leur nouvelle ardeur puisse les aider à se battre, la terre trembla sous leurs pieds. Et Gandalf leva ses bras:

- Arrêtez hommes de l'Ouest! Arrêtez et attendez! Nous sommes à l'Heure du Destin!

Legolas gardait son regard vers Aragiliath. Elle s'était relevée alors que le Troll, comme toutes les créatures sombres, tentait de fuir.

Elle ne fit aucun geste pour retenir la créature. Tout comme ses compagnons, elle regardait la Porte Noire s'effondrer et au loin le pays Sombre se déniveler par cette étrange force.

Il n'y avait aucun doute ; Frodon avait réussi sa quête. Alors, imitant le jeune Peregrin qui hurlait le nom de son cher cousin, Estel leva Anduril comme par défi et hurla:

- Frodon!!!!!!

Mais alors qu'au loin ils voyaient la lave recouvrir Mordor, les cris s'éteignirent. Un terrible pressentiment emplit le coeur d'Aragiliath alors que Gandalf annonçait:

- Le royaume de Sauron est terminé. Voici l'Heure de sa chute! Le porteur de l'anneau a accompli sa quête....

Estel hocha la tête, des larmes naissaient aux coins de ses yeux. Mais c'est en tribut de vie humaine qu'ils allaient payer, elle le sentait.

Gandalf laissa le commandement de la bataille entre les mains d'Aragiliath et alla demander encore une fois l'aide de Gwaihir pour sauver Sam et Frodon.

L'état des armées de Sauron était presque hilarant. Certains se suicidaient en se jetant dans des crevasses, d'autres se mettaient à genoux devant les guerriers de l'Ouest pour demander leur mercie et d'autre encore se réorganisaient pour faire face encore une fois à l'armée de l'Ouest.
C'était, malgré leur servitude à Sauron, des hommes valeureux et de fiers guerriers. Les Haradrims, les viarags et leurs voisins organisèrent une ultime résistance.

Alors qu'Estel reformait son armée, elle jeta un oeil sur les gens à ses côtés, mais où étaient Elladan et Elrohir? Legolas l'avait rejointe et dans ses yeux elle lisait le soulagement. Sans doute l'avait-il vu dans cette position si désespérée avec le Troll. Elle lui murmura:

- Où sont mes frères?

Il secoua légèrement la tête. Il pressentait un grand malheur. Mais il n'arrivait pas à mettre un mot dessus et il ne voulait surtout pas la troubler alors que l'on attendait tant d'elle. Tourefois, il croisa son regard et il sut qu'elle aussi ressentait cela.

Ils n'avaient pas le temps d'y penser, car un nouvel assaut de hordes ennemies les assaillait. Ce n'était plus d'orcs, mais des hommes cruels et sauvages.
Mais alors qu'elle tranchait des bras, repoussait des ennemis, Estel ne pouvait que penser à ses frères. Que ferait-elle si un malheur leur était arrivé?

Pendant des longues heures encore ils se battirent et elle ne pouvait toujours pas voir les fils d'Elrond. Etaient-ils partis poursuivre les orcs qui avaient fuits?

Etaient-ils tombés?

Elladan avait perdu de vue son frère depuis un moment. Il était complètement ivre de colère et de douleur pour leur mère. Toute sa passion brûlait sur ses dagues et il tuait sans relâche. Avec un sursaut, il remarqua l'absence de son frère.

Oubliant tout, il se tourna et se retourna...

Où était il?

Elladan reçut un violent coup sur son épaule et il ferma les yeux, oubliant presque les orcs qui le menaçaient. Les ouvrant d'un coup il se mit à se frayer un chemin. Son lien invisible avec son frère le guidait. De l'autre côté du champ de bataille, Legolas avait apperçu Estel à terre.

Il continuait à pousser la masse confondue d'hommes de l'Ouest et des créatures de Sauron. Puis, il le vit.

Ses vêtements étaient maculés de sang et son visage normalement impassible était légèrement touché par la panique. Un homme basané lui faisait face. Il ne devait pas avoir beaucoup de puissance, mais Elladan ignorait qu'avant cet haradrim, son frère s'était blessé en se battant contre un énorme Troll.

Courant presque entre la mêlée des créatures qui s'entretuaient, Elladan arriva à la hauteur de son frère. Mais alors qu'il levait sa dague pour lui venir en secours, le haradrim enfonça sa rustique, mais tranchante épée dans l'abdomen de l'elfe.

Elladan, d'un geste vif, fit rouler au loin la tête du suderon. Puis, il s'agenouilla à côté de son frère qui était tombé. Étrangement, personne ne venait les assaillir.

Elladan ôta l'épée du corps de son frère pour voir encore plus de sang se déverser. Il ne savait plus quoi faire. Lui qui avait soigné tant de mourrants avait oublié ce qu'on devait faire. La terre trembla, l'ennemi se dispersa et le Mordor tomba. Mais Elladan restait agenouillé en tenant son frère dans ses bras. Elrohir respirait encore, mais très faiblement. Et dans ce chaos, il n'y avait aucun abri où l'emmener.

Il se trouvait contre la colline où flottait la bannière que leur soeur avait brodée avec tant d'amour. Aucun d'eux ne prononçait un mot. Mais Elladan sentait presque physiquement le lien qui le reliait à son frère s'élargir...

Que pouvait-il faire?

Il tenta de calmer le flot de sang avec un morceau de sa cape. Mais le visage de son frère était déjà livide. C'était comme s'il se voyait mourir. Elladan le gardait serré contre lui. Il ne craignait pas que quelqu'un vienne le tuer. Si son frère allait s'éteindre... A quoi bon?

C'est ainsi qu'Imrahil de Dol Amroth les trouva.

Elladan ne leva même pas les yeux en entendant un pas s'approcher d'eux. La bataille avait continué un peu plus loin d'eux. Et personne n'était venu près d'eux. Imrahil ne reconnut presque pas les fils d'Elrond qui, avant, étaient impassiblement et froidement puissants.

L'elfe entendit vaguement Imrahil s'écrier:

- Altesse! Je les ai trouvés!

Ses yeux étaient secs, il n'arrivait pas à reprendre conscience de lui-même. Tout ce qu'il ressentait était ce déchirement de son être, cette douleur sans fin. Pouvait-il continuer de vivre comme cela?

Non, il n'était pas encore mort...

Mais personne ne pouvait le sauver.

Il entendit quelqu'un se précipiter vers lui. Il sentit quelqu'un le serrer dans des bras accueillants. A quoi bon? Sa moitié allait s'éteindre...

Puis, il vit Estel se pencher sur Elrohir et s'écrier quelque chose. On tenta de l'arracher à Elrohir, mais il se dégagea de ces bras de fer. Puis, d'une poigne plus forte on l'éloigna, il ne reconnaissait pas l'elfe blond qui lui parlait calmement.

Mais il gardait ses yeux fixés sur son frère, sur celui qui était la moitié de son être...

Estel remarqua tout de suite que son frère était mourrant. Il avait perdu trop de sang, pas seulement de sa dernière blessure, mais d'autres armes avaient laissé leurs marques. Son coeur se serrait, elle n'avait jamais vu son frère aussi faible. Il respirait avec grande peine et avec beaucoup de douleur. Elle ne pouvait pas le soigner ici. Il fallait l'emmener.

Elle remercia les valar d'être à ses côtés et de lui avoir envoyé Legolas. Sans son ami de toujours, elle n'aurait pas pu s'occuper à la fois d'Elladan, d'Elrohir et de tous ces hommes qui l'appelaient reine.

Legolas se chargea de transporter Elrohir. Il était risqué de le transporter, mais il n'y avait pas de choix. Elladan était comme hébété, mais après quelques mots échangés avec Legolas, il monta aussi sur un destrier et les capitaines prirent la route pour l'Ithilien. Estel avait laissé ses frères et Legolas partir avant elle. Tandis qu'elle se chargeait de faire transporter les blessés et réunir les morts.

Elle ne remarquait même pas qu'on l'appelait Majesté. Elle ne voulait pas être là. Elle ne voulait pas avoir vécu cette bataille. Fallait-il toujours payer tellement durement pour chaque victoire?

Elle avait l'impression que chaque geste était trop lent et que trop tard elle retournerait vers le refuge en Ithilien. Elle laissa Eomer fermer la marche et prit de l'avance. Elle accourut le plus rapidement possible aux côtés de ses frères.

Arrivée à la porte de la chambre où reposait Elrohir, elle s'arrêta. Legolas en sortit et secoua lentement la tête. Il posa une main sur l'épaule de sa compagne d'armes. Puis, il partit. Estel avança lentement vers le lit où était allongé Elrohir. Il respirait toujours, mais très lentement, trop lentement.

A ses côtés Elladan gardait les yeux baissé.

Elle posa une main sur le front d'Elrohir ; il était froid comme le marbre. Elle ne pouvait pas remplacer le sang qu'il avait perdu, elle ne pouvait que lui donner la force nécessaire pour tenir le coup. Il était issu d'une race très vigoureuse, pourtant à la fois fragile. Elle savait pertinemment que la bataille était perdue d'avance. Même Legolas lui avait dit cela d'un regard.

Mais elle se devait de faire quelque chose. Son coeur était empli de reproches, c'était de sa faute à elle s'il était mort. C'était elle qui avait entraîné les fils d'Elrond à sa suite.

Si seulement Elrond était là...

Savait-il, depuis son refuge, que son fils était mourrant?

Elle ferma les yeux et implora les valar. Il ne pouvait pas mourir....

Estel posa son front contre l'épaule d'Elladan et lui murmura quelques mots. Mais il ne réagit pas. Alors, déposant un baiser sur le front de chacun de ses frères, elle sortit. Elle ne pouvait rien faire...

Lentement, elle traversa le patio. Puis elle se rappela vaguement que Gandalf devait être dans les alentours, peut-être qu'on avait besoin d'elle pour soigner Sam et Frodon. S'ils étaient vivants...

Elle trébucha presque en croisant Gandalf.

- Je vous cherchais Estel...

- Mithrandir... J'ai besoin de votre aide... Je vous en supplie.

Elle coupa l'istari dans sa tirade et lui prit la main:

- Là-bas! Elrohir est entre la vie et la mort... S'il vous plaît, faites quelque chose!

Gandalf la regarda gravement puis, d'une voix éteinte, déclara:

- Comment pourrais-je réussir, là où la reine a échoué?

Elle secoua la tête, les yeux pleins de larmes:

-S'il vous plait Gandalf... Faites quelque chose!

Il hocha la tête:

- Je ne peux pas faire grand chose, mais je vais aller à son chevet. Vous.... Les deux hobbits vous attendent. Ils sont très faibles et je les ai trouvés chancelant dans l'oubli... Ils ont beaucoup souffert.

Se reprenant, elle hocha la tête et c'est avec un pas de victorieuse et non de perdante qu'elle rejoignit la chambre où reposaient les hobbits.

C'est avec un choc qu'elle remarqua leurs corps émaciés et leurs visages tirés. Ils étaient allés si loin... Pour revenir ainsi.

Elle s'occupa d'abord de Frodon. Il lui semblait comme entouré d'une aura blanche... Comme s'il se transformait peu à peu en un crystal de lumière. Longtemps elle resta à son chevet à l'appeler vers la lumière et à soigner ses blessures. Son doigt dût être désinfecté et légèrement bandé. Et toutes ces écorchures et ces coupures à ses pieds furent enduites d'une crème.

Cela fait, elle s'occupa du fidèle Sam. Avec tendresse, elle s'occupa de l'hobbit qui dormait sans défense. Où était parti le petit hobbit joufflu qui la regardait d'un air plein de défi?

Après avoir apprêté les hobbits, elle sortit. Elle ne voulait pas retourner à la triste réalité. Pour une si grande victoire, elle avait du payer un si lourd prix.

Qu'en penserait Elrond?

Elle lui avait volé ses deux fils...

Gandalf l'attendait non loin de la porte. Il fumait sa pipe, assis sur un banc. Elle le rejoignit, mais elle ne fit aucun geste vers sa propre pipe. Elle dit seulement d'une voix sans passion:

- Ils vont bien. Dans quelques jours, ils seront sur pied. Ils auront juste très faim...

Même sa pointe d'humour n'en était pas.

Gandalf comprenait sa peine. Il essayait avec peine de redonner de la lumière au regard de celle qu'il considérait depuis si longtemps comme sa fille.

- N'oubliez pas que c'est un jour de victoire Estel... Vous avez réussi.

Elle hocha la tête:

- Mais il va mourir...

- La mort est naturelle, même chez les elfes et surtout chez des semi-elfes qui sont plus mortels qu'elfes... Ce n'est pas de votre faute ni celle de qui que ce soit. C'était son destin...

Elle se leva d'un bond et, s'en prendre congé, alla rejoindre ses frères. Les mots maladroits de Gandalf l'avaient enragée. Que savaitil de la mort?

Elle alla s'asseoir au chevet d'Elrohir. Elle n'osait pas vérifier s'il était encore vivant. Puis, elle remarqua avec peine sa poitrine qui se levait et retombait avec lenteur. Elle rafraîchit ses pansements ensanglantés, appliquant une compresse pour arrêter l'hémorragie. Mais ses gestes ne firent qu'ouvrir les yeux d'Elrohir. Il la regardait avec attention, puis ses yeux plongèrent dans ceux de son frère. Que lui disait-il?

Estel posa simplement une main sur celle d'Elrohir. Elle sentait sa vie s'envoler, peu à peu. Il devait transmettre quelques adieux à son frère. A son étonnement, elle l'entendit murmurer quelque chose:

- Edaved nîn... Edaved le... Namarië(1)

Puis, ses yeux se fixèrent vers l'horizon et une lumière dorée l'entoura... Un grand silence enveloppa les deux amants. Estel se baissa pour fermer les yeux de son frère, puis elle se tourna vers Elladan, elle voulut le serrer dans ses bras. Il n'y resta qu'un bref instant avant de s'écarter d'elle et sortir sans dire un mot.

Elle le laissa partir.

Elle baissa ses yeux sur le piteux cadavre. Le sang avait souillé ses vêtements de guerre et son visage était tout aussi sale. Elle entreprit de lui laver le visage. Puis, l'essuyant lentement, elle laissa quelques larmes s'échapper de ses yeux.

Demain, ils seraient tous en liesse, mais elle ne pourrait même pas croiser leurs regards...

Et loin, très loin, dans sa solitaire demeure, Elrond sentirait l'absence de son fils...

Voilà ce qui était advenu des descendants des premiers nés...

Elle était encore perdue dans sa contemplation quand elle sentit la présence de Legolas à ses côtés. Il la serra longuement dans ses bras, comme une trop jeune soeur. Puis, il la laissa, avec sa pudeur elfique, se recueillir seule. Il ne pouvait pas faire plus.

Elle alluma une autre chandelle pour veiller sur le corps de son frère. Puis, elle commença à prier Eru... Pour Elrohir, pour Elladan, pour Elrond et, très loin, pour Celebrían qui ne pardonnera peut-être jamais à cette mortelle qui a volé la vie de ses deux fils...

Puis, finalement, elle pria pour elle-même...

)( (1) Pardonnez moi, pardonnez vous... Adieu


Je vais vous dire la même chose qu'Elrohir... Pardonnez moi, je n'avais pas le choix...)(