TW : violence physique

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Chapitre 8 : Où Peur étrangle

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Singulier destin que celui de Melania Black.

Saviez-vous qu'elle tombait doucement face à la gentillesse d'Arcturus à son égard ?

Qu'elle aurait pu avoir une belle histoire d'amour ?

Qu'elle oublia tout sentiment face à la peur ?

Et qu'elle se précipita inutilement ?

Remarquez, belle histoire d'amour… Arcturus était tout de même foutrement cinglé.

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Lorsqu'Arcturus repartit après le repas animé presqu'exclusivement par Melania, Barnabas bondit sur ses pieds sans doute dans l'idée de battre sa sœur mais Tomas s'interposa aussitôt. Il repoussa si bien son frère que celui-ci s'écroula sur le sol et se cogna la tête contre le pied du canapé. Le regard furieux dont il menaça Tomas ne fut rien à côté de la colère noir qui suintait de chaque pore de la peau de Tomas.

« Si j'apprends que tu as de nouveau levé la main sur Melania…

— Elle ne comprend rien, elle…

— Je te mets dehors, reprit Tomas d'un ton au-dessus pour couvrir la voix de son frère.

— Tomas, soupira Sileas entre ses dents. Ne dis pas de bêtises. Barnabas a compris qu'il était allé trop loin.

— Vraiment ? Vous pensez vraiment qu'il l'a compris ? Et que s'apprêtait-il à faire ? À l'embrasser peut-être ? cassa Tomas avec fureur. Tu n'as pas assez d'avoir attiré l'attention de ce cinglé de Black…

— Arcturus Black n'est pas cinglé ! protesta Melania du fond du cœur. Il est peut-être un peu bizarre, mais il est vraiment gentil. »

Le silence qui se créa avait deux origines. D'abord, les femmes ne se mêlaient pas des disputes à la Villa Caledonia. Les disputes, c'était une affaire d'hommes. Même Tomas, qui était nettement plus doux et attentionné que son frère et son père, tiqua. Peut-être qu'il avait pris l'habitude de défendre sa sœur et que c'était pour lui l'ordre des choses.

Ensuite, dire qu'un Black était gentil, surtout ce cinglé d'Arcturus Black, relevait de l'irréel. C'était comme affirmer que les géants étaient petits.

« Il est cinglé, Melania, reprit son père avec une grimace équivoque. Tout le monde le sait et ça se voit. Tiens-toi loin lui de lui à l'avenir.

— Lui au moins, il ne frappe pas une femme, il ne frappe pas sa sœur, il ne frappe personne ! répéta-t-elle. »

Parce que ces trois phrases, elle les avait bien entendues.

« Melania, reprit Tomas à mi-voix, chez les Black, tout n'est que manipulation, tout n'est que… »

C'est inquiétant comme aucun Black ne dit « chez-moi » mais « au 12, Square Grimmaurd ». La maison n'est pas un lieu, c'est une entité. Elle est vivante, personnifiée, sacralisée aussi. Mais aucun ne se sent chez-lui là-bas.

« J'ai passé une très bonne après-midi avec Irma, Arcturus Black et ses parents, insista-t-elle sans comprendre la stupeur de sa famille.

— Tu as passé l'après-midi avec Sirius et Hesper Black ? demanda son père d'une voix blanche.

— Oui, ils sont de très bonne compagnie et…

— Merlin, protégez ma fille, se désespéra Jane en jetant ses bras autour de Melania.

— Ils ne m'ont pas jugée, eux ! Ils… Ils ont été honnêtes et…

— Honnêtes ? répéta Barnabas en explosant de rire. Un Black n'est pas honnête. Ce sont tous des serpents prêts à tout pour parvenir à leurs fins ! Que tu es crédule ! C'est à cause de gamines idiotes comme toi que nous passons pour des blaireaux, nous, les Poufsouffles ! »

Melania secouait la tête et tentait de se dégager de sa mère. Barnabas n'avait pas fini de cracher son venin.

« Honnête dis-tu ? Tu leur as dit quelle traînée tu étais ? Que tu t'étais fait engrosser par un Moldu ? Que…

— Arrête ! Arrête de le répéter encore et encore ! explosa Melania pour la première fois. C'était il y a cinq moins ! J'ai dix-neuf ans, j'ai encore le droit de faire des erreurs ! »

Peut-être que c'était d'avoir vu l'aisance d'Hesper Black en présence de son fils et de son mari qui lui donna l'aplomb et même l'idée de se rebeller face à son frère et son père. Quoi qu'il en soit, Tomas comprit pour la première fois que sa sœur ne comptait plus sur lui pour la protéger.

« Bonne nuit ! »

La conclusion de cette dispute insolite à la Villa Caledonia fut les pas brusques et martelés de Melania vers sa chambre à coucher.

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Ce fut le lendemain même que la main de pouvoir revint planer au-dessus de Melania.

Son fort caractère qui avait explosé et qu'elle avait étalé à la face de son frère et de son père sembla les calmer. Ils prirent un petit-déjeuner paisible où ils échangèrent même des plaisanteries. Barnabas boudait dans son coin en rongeant son frein. Tomas était distrait mais souriait largement. Jane contemplait enfin sa famille avec apaisement. Sileas retrouvait sa bonne humeur. D'un seul coup d'éclat, Melania avait réussi à remettre chacun à sa place dans sa famille, et elle respirait à nouveau.

Je doute que la situation serait restée paisible quoi qu'il se fût passé. L'escalade de la violence dans le foyer des Macmillan ne pouvait se finir grâce à deux ou trois tirades de Melania. Disons que ç'aurait été un interlude. Sileas Macmillan avait une idée arrêtée sur la manière de punir et corriger ses enfants. Il l'avait fait sans raison ces derniers mois sur Melania, il l'avait fait une fois, il l'aurait refait. C'est certain.

Raconter cette journée est pénible. Un seul petit détail aurait pu tout changer et éviter à Melania d'être à nouveau happée par la peur.

Melania était retournée aux champs avec son père ce jour-là. Elle enduisait encore une fois des arbres fruitiers de Repousse-Botrucs. Il était peut-être treize heures quand sa mère l'appela du bout du champ avec un Sonorus. Melania finit rapidement son ouvrage, la truelle agile dans sa main dextre. Elle l'accrocha au rebord du seau et se redressa après avoir ôté les gants de dragon en faisant craquer son dos.

Elle tira sa baguette et lança à son tour un Sonorus, baguette pointée sur sa gorge.

« Qu'y a-t-il, Mère ?

— Tu as de la visite ! retentit la voix fébrile de sa mère. Je peux dire de repasser si…

— Non, non, j'arrive, accepta-t-elle en levant le sortilège. Je n'en ai pas pour long, Père », l'avertit-t-elle en laissant son matériel sur place afin d'essuyer ses mains sur le large tablier pour se rendre présentable.

Ce devait être Fiona. Ludovica ne venait plus depuis qu'elle avait appris le mois dernier qu'elle attendait un enfant. Le mariage lui allait bien.

Elle tomba nez à nez avec Arcturus Black, debout dans un coin de la cuisine. Elle passa fébrilement ses mains dans ses cheveux pour vérifier son chignon serré dans un réflexe qu'elle ne comprit pas. Et puis elle lui sourit largement, avec surprise aussi.

« Mr Black, je ne vous attendais pas.

— Miss Macmillan, répondit-il en jetant un coup d'œil nerveux autour de lui. »

Il fit un pas hésitant vers elle, puis un deuxième avant de tendre la main droite dans l'idée de se saisir de celle de Melania. Il hésita à nouveau, sûrement parce que sa main n'était pas gantée, mais Melania la leva tout de même, et il la prit avec toutes les précautions du monde. Melania sentit même son ventre gronder étrangement lorsqu'il posa brièvement ses lèvres sur le dos de sa main.

« Vous… se reprit-il en faisant un pas en arrière. Je vous rapporte quelque chose que vous avez oublié hier au 12, Square Grimmaurd. »

Il ouvrit l'un des pans de sa cape noire et en tira une enveloppe qu'il tendit à Melania. Elle dut s'en saisir avec surprise mais aussi avec curiosité. Lorsqu'elle en renversa le contenu dans sa main, un sourire de soulagement l'étreignit.

« Mon sceau, soupira-t-elle en s'empressa de le remettre à son auriculaire. Je croyais l'avoir perdu lorsque je ne l'ai pas trouvé sur ma commode ce matin. Je vous remercie, Mr Black, lui dit-elle en relevant les yeux vers lui. »

Il fuit aussitôt son regard pour se concentrer sur la lande écossaise qui s'étendait derrière la fenêtre. Melania se retourna, vit la lande à moitié ensoleillée ce jour-là et alla prendre le bras d'Arcturus Black.

« Je vous avais proposé une visite des landes écossaises. Avez-vous du temps à m'accorder aujourd'hui ? demanda-t-elle, les yeux pétillant d'amour pour cette terre sur laquelle elle avait grandi.

— Melania, les pruniers ne…

— Je finirai demain, mère. Mr Black est venu de Londres pour me ramener mon sceau, insista Melania. »

Et comme Melania avait retrouvé son panache et son fort caractère, sa mère n'osa rien ajouter. La présence d'Arcturus Black devait aussi être pour quelque chose dans son silence.

Quant à Arcturus, il avait déjà voué son âme à Melania, donc il la suivait désormais où elle le décidait.

Peut-être, en voyant l'éclat de bonheur dans les yeux de Melania, sa fougue à courir en relevant sa robe dans les champs et ses éclats de rire libres, Arcturus Black tomba-t-il enfin amoureux d'elle. Peut-être Melania ne fut-elle plus seulement une obsession et une princesse pour lui, mais la femme qu'il voulait pour épouse. Peu importe, ce sentiment était noyé parmi les autres, de toute façon.

« Je vous montre, Mr Arcturus, comment l'on enduit un Prunier-Dirigeable de Repousse-Botrucs ? demanda-t-elle avec amusement. »

Les simples hochements de tête d'Arcturus avaient quelque chose de reposant et doux. Ils lui plaisaient.

Arcturus commençait à lui plaire et elle l'aurait sûrement admis quelques jours plus tard.

« Attendez-moi ici, proposa-t-elle une fois qu'ils arrivèrent là où elle avait laissé son seau de Repousse-Botrucs. La potion a séché. Je vais aller la remettre dans le chaudron pour qu'elle se ramollisse et en prendre de la chaude. Vous m'attendez, n'est-ce pas ? insista-t-elle. »

Son père était plus loin, il avait progressé dans sa propre rangée d'arbres à traiter. Elle reprit le chemin de la maison. C'était cependant mal connaître la paranoïa d'Arcturus Black que de croire qu'il laisserait Melania seule sur cette propriété, où son frère et son père pouvaient se retrouver seuls avec elle. Il n'en avait déjà pas dormi de la nuit.

Melania s'en retourna vers la Villa Caledonia sans entendre le pas souple et silencieux d'Arcturus derrière elle. Il était à dix mètres d'elle, suffisamment près pour la protéger du moindre danger mais assez loin pour lui laisser sa liberté.

Il resta dehors, en partie caché par un arbre à guetter Melania. À travers la fenêtre, il admira ses mains recouvertes de gants en cuir de dragon gratter la potion au fond de son seau en étain, vit la masse durcie tomber dans le chaudron, et Melania reprendre de la potion chaude et grumeleuse à l'aide de sa baguette pour en remettre dans son seau. Il admira le sourire avec lequel elle fit cette tâche difficile et ingrate. Il admira sa nuque blanche et la noirceur de ses cheveux.

Il manqua l'arrivée de Barnabas lorsque Melania sortit de la maison de ferme.

Tout se passa très vite. Le seau de Melania se posa au sol, Barnabas s'empara du bras de Melania pour la tirer à l'écart en lui disant qu'il voulait lui parler. Arcturus se méfia et les suivit derrière la maison. Barnabas avait sans doute dû attendre ce moment où Melania serait seule et où il pourrait reprendre son attitude dominatrice et violente loin d'yeux trop curieux et compatissants. Et Melania, qui ne s'était pas méfiée, ne pensa même pas à se défendre, figée et apeurée. Les éclats de voix grondèrent, le ton monta, la gifle vola…

Et Arcturus se jeta sur Barnabas.

Barnabas se retrouva plaqué contre le mur, les deux mains d'Arcturus autour de son cou.

« Je t'avais dit…

— Lâche-moi, Black ! cracha le frère de Melania. »

Melania, elle, se tenait la joue, pétrifiée devant le retour de la violence sur son corps et de la peur dans sa vie. Immobile face à ce spectacle, elle ne dit rien. Son frère était maintenu assez loin d'elle et avec assez de force pour qu'elle ne soit pas à sa portée, grâce aux mains fermes et assurées d'Arcturus Black. La main droite d'Arcturus Black serrait son cou à le faire devenir rouge.

La main de pouvoir tenait la gorge de Barnabas contre le mur, loin de Melania. Elle protégeait Melania.

« Arcturus, bafouilla-t-elle en reprenant doucement ses esprits.

— Melania », répondit-il en serrant un peu plus ses doigts pendant que Barnabas se débattait un peu moins.

La main de pouvoir d'Arcturus Black était plus forte et plus puissante que la main de pouvoir de son frère qui avait blessé sa joue une fois de plus. Ce n'était plus derrière la main de pouvoir de Tomas qu'elle devait se ranger, il n'arrivait plus à la protéger. C'était derrière la main de pouvoir d'Arcturus Black qui n'hésitait pas à étrangler les mains de pouvoir déviantes et maltraitantes.

« Vous l'étranglez », constata-t-elle dans un calme effroyable.

La peur l'avait happée, mais pas la peur d'Arcturus Black. C'était la peur qu'on lève encore une fois la main sur elle qui lui serrait la gorge à elle aussi.

« Il ne vous touchera plus, lui assura Arcturus en resserrant un peu plus ses doigts autour de son cou.

— C'est mon frère », s'entendit-elle bafouiller.

Arcturus Black dut comprendre que Melania lui demandait d'arrêter. Pourquoi aurait-il desserré les doigts autour du cou mou, flasque et strié de marques mauves, sinon ? Au risque d'être condamné par la justice magique ?

Aucun des deux ne s'attarda sur le corps suffoquant de Barnabas qui se tordait au sol comme un ver de terre pour reprendre son souffle. La peur était revenue dans le cœur de Melania et avait encore une fois volé la place de l'amour naissant. Et ce fut pire lorsqu'Arcturus Black se remit à parler.

« Je ferais n'importe quoi pour vous », souffla-t-il en s'approchant d'elle.

C'était à cette main de pouvoir qu'elle devait allier sa main faible et fragile. Cette main de pouvoir était plus puissante que les mains de son père et de ses frères. C'était sous cette main qu'elle serait toujours en sécurité.

La peur happa Melania. Ce n'est plus son cœur qui parla lorsqu'Arcturus Black posa un genou à terre, c'est bien sa peur.

« N'importe quoi ? répéta-t-elle dans un souffle.

— Si vous m'aviez ensorcelé, je ne parlerais pas autrement, Melania, insista Arcturus Black avec émerveillement. Il n'y a que vous qui puissiez combler le vide que la vie creuse dans mon cœur jour après jour. »

Il était à genoux devant elle. Il lui avait habilement enlevé les gants en cuir de dragon pour tenir ses mains à même sa peau et il la contemplait comme une œuvre d'art. Plus rien n'avait d'importance pour lui, si ce n'est sa très future promise qui le regardait avec une convoitise et un espoir qu'il pensait être amour et seulement amour.

« Ma main est vôtre », accepta-t-elle solennellement en sentant le nœud d'angoisse quitter enfin sa gorge.

L'amour avait perdu cette première manche.

C'est la peur qui avait décidé Melania à épouser Arcturus Black.

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La suite, comme d'habitude, nuancera ce qui est annoncé là avec Où Tendresse caresse...

Bonne nuit :)