Désert.

(d'après la magnifique chanson d'Emilie Simon..)

Avec un sourire, les deux amants délacèrent leurs doigts. Leur histoire était leur secret. Personne ne savait, et personne ne devait savoir. Un dernier baiser, et elle s'engouffra derrière un portrait, le laissant errer dans les couloirs du château. Elle se laissa tomber dans un fauteuil de velours pourpre et se remémora les instants qu'ils avaient passés ensemble.

Ils étaient un couple improbable. Amis, frère et sœur depuis si longtemps. Cela faisait six ans qu'ils se côtoyaient tous les jours et qu'ils partageaient leurs éclats de rire et leurs coups durs. Ils étaient inséparables, à trois. Et puis, un jour de match, ils fêtaient leur victoire dans la salle commune. Lui n'était pas encore là, le héros du jour prolongeait ses instants de solitude sous la douche. Et pendant ce temps, la victoire se célébrait à grands coups de Bièraubeurre.

Il avait finalement fait son entrée dans la pièce, et tous les regards s'étaient tournés vers lui. On l'avait acclamé, félicité, embrassé… Alors qu'il ne demandait qu'une seule chose, c'était qu'on le laisse tranquille. Sa prouesse l'avait fatigué, et il voulait simplement monter dans son dortoir et se reposer au calme. Il avait quitté la salle avec une bouteille en main, et elle l'avait suivi. Personne ne s'était posé de questions. Hermione Granger et Harry Potter étaient, après tout, d'excellents amis, et personne ne se serait risqué à faire le moindre commentaire graveleux.

Elle avait toqué à la porte, et était entrée. Ils avaient longuement discuté, tous deux installés confortablement sur son lit, et puis sans qu'il ne sache pourquoi, il avait été pris de l'envie soudaine de l'embrasser. Si elle avait été surprise, elle n'en avait rien laissé paraître, et avait très rapidement répondu à son baiser.

S'en était suivi une longue discussion entre eux deux, suite à laquelle ils avaient finalement décidé de garder leur liaison secrète. C'était mieux ainsi, avait-il dit, en essuyant une larme solitaire sur la joue de son aimée. Il risquait sa vie tous les jours, et son ennemi n'hésiterait pas à lui faire du mal à elle pour l'atteindre lui. Et cela, avait-il ajouté, il ne le supporterait pas. Elle lui avait souri, et avait reconnu qu'il avait raison. Ils s'étaient embrassés, scellant par un baiser leur secret.

¤

Cela faisait maintenant six mois qu'ils s'étaient embrassés pour la première fois, et ils étaient heureux depuis, même si c'était dans le secret.

Elle soupira d'aise et se décida finalement à se lever pour prendre une douche. Elle se glissa avec délectation sous le jet d'eau brûlante, et se laisse aller à sa rêverie. Elle sortit quelques instants plus tard, une serviette enroulée autour de la poitrine. Elle entra dans sa chambre, les cheveux encore collés à son dos, et laissa tomber le linge qui la recouvrait. Elle enfila ses sous-vêtements, la jupe et la chemise de son uniforme et se frotta vigoureusement les cheveux avec la serviette qu'elle avait récupérée. Elle natta rapidement sa chevelure humide et quitta sa chambre pour rejoindre la salle commune où elle les retrouverait, lui et Ron, et où Harry et elle devraient faire semblant de n'être qu'amis.

Mais lorsqu'elle entra dans la salle, elle ne trouva qu'une chevelure flamboyante. L'autre, noire de jai, qu'elle s'était attendue à trouver non loin manquait à l'appel. Son cœur manqua un battement, et elle demanda à Ron s'il savait ou se trouvait leur ami. Le rouquin répondit par un haussement d'épaule et lui indiqua la chambre à tout hasard.

Elle monta les escaliers quatre à quatre, et entra dans une chambre vide. La fenêtre était ouverte sur le froid du mois de mars anglais et le vent s'engouffrait dans la pièce, faisant battre les portes de son armoire. Elle fouilla l'armoire du regard, et comme elle s'y attendait, le balai était manquant.

Elle se précipita alors à la fenêtre, et se pencha à s'en démettre le cou. Avec un peu de chance, il était au terrain de Quidditch, et elle le verrait faire des figures d'ici. Mais non. Elle ne vit que la pluie, aussi loin qu'elle portait son regard. Elle ravala des larmes qui menaçaient de couler, et cacha son sentiment de panique dans un coin de sa tête. Elle referma tristement la fenêtre, et son regard se posa sur le lit qui avait connu leur premier baiser et leur première étreinte. Un morceau de parchemin froissé était posé dessus, n'ayant résisté au vent que grâce aux fusains qui étaient posés dessus.

Elle tendit la main, et reconnut immédiatement l'écriture tant aimée. Au fur et à mesure de sa lecture, les larmes qu'elle avait refoulées la submergèrent et sa respiration se faisait irrégulière. Elle laissa tomber le parchemin au sol, et ses jambes qui ne la soutenaient plus se dérobèrent sous elle. Sa main se resserra sur le morceau de parchemin, et elle inspira profondément.

Elle se redressa et dévala les escaliers, au risque de sa casser la figure. Lorsqu'il la vit, Ron ne posa pas la moindre question. Il comprit que ce qu'ils avaient tous les deux redouté était finalement arrivé. Il la suivit en courant jusqu'au bureau du directeur où ils essayèrent toutes les friandises moldues ou sorcières qu'ils connaissaient. La statue leur révéla l'escalier tournant à la mention du sirop d'érable, et ils s'engouffrèrent par le passage ainsi révélé.

Ils entrèrent dans le bureau sans toquer, et l'air surpris du directeur les informa qu'il n'avait pas prévu cette aventure-ci. Ils ne dirent aucun mot et elle se contenta de tendre au directeur le morceau de parchemin qu'elle avait encore en main. Albus Dumbledore le saisit, et Hermione sentit à nouveau ses yeux se remplir de larmes. Au dos du papier, il y avait un dessin d'elle… Le directeur soupira. Il n'y avait rien à faire, à part attendre des nouvelles. Il irait lui-même chercher Harry là où il était. Quant à eux deux, ils pouvaient attendre ici s'ils le désiraient.

¤

Les deux amis ne bougèrent pas et se blottirent l'un contre l'autre pour lutter contre l'angoisse qui les envahissait, répandant en eux un froid insidieux. Des heures passèrent sans qu'ils ne bougent. Chacune de leurs articulations et chacun de leurs muscles les faisaient souffrir, mais ils avaient le sentiment qu'un seul de leur mouvement pouvait briser un équilibre auquel tenait la vie de leur meilleur ami.

Il était parti. Harry était parti affronter Voldemort. Hermione s'en voulait, elle aurait dû le comprendre lorsqu'il lui avait murmuré que bientôt ça serait fini, et qu'ils n'auraient plus à se cacher. Mais le temps qu'elle assimile ses mots, il l'emportait déjà avec lui au-delà du réel, dans les bras d'une extase voluptueuse.

Elle sentit ses paupières s'alourdir, et juste à ce moment là, elle entendit le craquement singulier à un transplanage. Dumbledore était de retour, avec le corps inanimé de Harry dans les bras. Les deux amis se redressèrent en un bond, mais le directeur secoua la tête tristement. Harry Potter était mort.

¤

Le banquet ce soir-là fut sinistre. Même la table vert et argent ne se fit pas entendre. Hermione eut un sourire amer. Effectivement, ils n'auraient plus à sa cacher. Elle joua machinalement avec le bracelet qu'il lui avait offert pour la saint Valentin, et ravala une fois de plus ses larmes. Si seulement elle avait su, elle aurait pu chercher à le retenir, à lui faire comprendre que sa vie lui importait bien plus que l'officialisation de leur union. Mais elle se faisait du mal inutilement, et elle le savait. Il y serait allé de toutes façons. Avec les années, elle avait appris que Harry Potter était plus têtu qu'un troupeau de mules.

Allongée dans son lit qui lui semblait bien vide, ce soir-là, Hermione repensa au dîner. Dumbledore s'était levé, et instantanément, un silence de mort était tombé sur l'assistance. Tous les regards étaient allés de la place vide entre Ron et Hermione au directeur debout derrière la table des professeurs. Hermione avait regardé Albus Dumbledore sans ciller. Elle savait, au fond d'elle, que Harry voulait qu'elle se montre digne. Elle ne pleurerait pas, et ne montrerait pas non plus de visage attristé, elle se contentait de retirer toute émotion de son visage.

Et Dumbledore avait parlé.

« Mes enfants, aujourd'hui, Lord Voldemort a été vaincu. Nous devrions nous réjouir de cette nouvelle, mais comment fêter et célébrer, alors que nous avons perdu quelqu'un qui nous était cher ? Harry Potter s'est montré brillant. Il a su déjouer tous les pièges qui l'attendaient, il a su protéger ses amis, et s'est risqué à partir seul, aujourd'hui, pour se battre contre Voldemort. Et encore une fois, il a été au-delà des espérances. Harry Potter a donné sa vie pour nous, pour vous, et pour un futur moins sombre. Il a usé toutes ses forces pour vaincre son adversaire, et s'il y est parvenu, ça n'a pas été sans prix. Mais il n'a pas hésité à se sacrifier. Aujourd'hui, en ce quinze mars, souvenons-nous. Souvenons-nous de Harry Potter, l'enfant qui a survécu et qui a vaincu. Mais souvenons-nous aussi de l'homme qu'il était, de l'ami qui reste dans les mémoires, et de l'amant qui reste dans un cœur. En souvenir de lui, je vous demande une minute de silence. »

¤

Elle se demandait encore comment Dumbledore avait pu savoir pour eux, mais ne s'en souciait pas vraiment. Après tout, leur directeur était toujours au courant de tout ce qu'il se passait au sein de l'école. Leur relation y compris. Elle se roula en boule sous la couverture et s'endormit après avoir pleuré toutes les larmes de son corps. Ce soir, elle dormait seule, et elle se réveillerait aussi seule, dans sa chambre de préfète-en-chef. Harry ne viendrait pas la réveiller tendrement, en lui glissant un baiser au creux de la nuque.

¤

Les mois avaient passés, et Hermione ne souriait plus. Ses yeux étaient cernés, son visage creusé, ses yeux rougis, et elle, autrefois dotée de jolies formes, flottait aujourd'hui dans ses vêtements. Elle avait perdu goût à la vie. Autour d'elle, tout était terne. Rien ne la sortait de sa mélancolie. La vie avait continué après la mort de Harry, mais elle était restée en arrière, avec le passé, avec lui. Elle ne pouvait se résoudre à faire comme tout le monde, elle ne pouvait se réjouir de la mort de Voldemort. Pas si elle impliquait aussi celle de celui qu'elle aimait.

Au fil des mois, elle s'était concocté une potion. Elle l'avait entièrement créé, et était certaine de son efficacité. Elle en avait pris tous les jours quelques gouttes depuis sa création, et sentait peu à peu la vie la quitter. C'était injuste, elle le savait, et elle se haïssait de n'avoir pas trouvé d'autre moyen d'être paisible. Elle avait essayé de laisser sortir son désespoir par le dessin, mais tout ce qui naissait de ses doigts, représentait Harry, seul, dans un immense désert.

Et une chanson moldue lui était revenue à l'esprit. Une chanson qu'elle croyait oubliée, laissée derrière elle, dans la petite chambre qu'elle avait à Londres, sous une pile de CDs. Elle aurait exactement pu dire lequel c'était. Le troisième, en partant du bas, enseveli sous les autres pour ne plus y penser. Elle savait que le livret était abîmé, un peu froissé, et les coins des pages étaient tordus tant elle avait lu et relu les paroles. Elle savait également où sur ces pages restaient des vestiges des larmes qu'elle avait versées en écoutant les chansons.

Elle était accoudée à la fenêtre, et écoutait la petite chanson qui passait dans sa tête. Elle tenait en main un verre, qu'elle fixait sans le voir. Elle l'avala d'une traite, sans grimacer malgré l'amertume de son contenu. Ses mains se mirent à trembler et le verre s'écrasa au sol. Elle gardait les yeux ouverts sur une photo d'eux qui était accrochée au mur. Les contours devenaient flous. Elle commença à frissonner. Elle avait froid, tellement froid. Son cœur semblait engourdi par la glace qui se resserrait autour. Le sang se gelait dans ses vaisseaux sanguins. Ses lèvres devinrent bleues. Elle ferma les yeux et soupira d'aise.

Elle respira pour la dernière fois, avec toujours cette petite chanson dans la tête…