CHAPITRE 11 : Que souhaites-tu ?

- Je sais que j'aurais dû en parler à Chopper… mais à chaque fois la peur me faisait battre en retraite. Et puis… je voulais aussi que tu sois le premier à le savoir, sauf que je ne savais pas comment m'y prendre pour te l'annoncer…

Allongée sur le lit, Nami traçait de petites arabesques invisibles sur l'avant-bras de son amant, lové derrière elle. Après sa crise d'angoisse, Zoro lui avait suggérer de se coucher, voyant parfaitement qu'elle était épuisée moralement et que cela déteignait sur sa condition physique, ce qui n'était pas bon pour le bébé. Argument qu'elle n'avait pas réfuté, et s'était étendue à sa place habituelle en tirant son compagnon par la main pour qu'il l'enlace par-derrière. Dans cette position, Nami se sentait le plus en sécurité. Il lui avait laissé le temps nécessaire pour se remettre de ses émotions, tout en la cajolant afin de continuer à la rassurer, et cela avait plutôt bien fonctionné. Après quelques minutes, la jeune femme avait commencé à se confier plus calmement.

- Quand j'ai vu ces petits chaussons dans la vitrine de ce magasin, c'était juste après avoir réalisé le test de grossesse, qui s'était avéré positif. J'étais sonnée et perdue, mais quand mon regard s'est posé dessus, je ne sais pas… il s'est passé quelque chose. J'ai… j'ai eu comme une vision de nous, avec notre bébé dans les bras… et il portait ces adorables petites pantoufles. On avait vraiment l'air d'une famille heureuse…

Cette vision était encore très vivace dans son esprit, elle la voyait à chaque fois qu'elle posait les yeux sur son ventre, ainsi que toutes les nuits avant de s'endormir, ce qui faisait de sa vie un enfer. Son cœur se mettait à fondre à la simple idée d'imaginer Zoro tenir un petit bout de chou rose dans ses gros bras musclés, de s'émerveiller à chacun de ses gestes, de lire la fierté dans son regard lorsque l'enfant réaliserait ses premiers exploits… car elle n'avait aucun doute sur le fait que Zoro serait un excellent père. C'était naturel chez lui, et cela se confirmait dans son comportement avec Chopper. Le plus terrible, c'était de visualiser un petit être qui leur ressemblerait.

- Alors sans réfléchir, je suis entrée dans ce magasin et je les ai achetés. Ce n'est qu'une fois ressortie que les questions ont commencé à affluer. Il allait falloir que je te le dise, et te les offrir me semblait un bon moyen… puis les doutes se sont multipliés et je suis enfermée dans le silence. Plus je réfléchissais et plus l'idée d'avoir un enfant me terrifiait… ça me terrifie toujours, parce que… j'ignore quel est le bon choix à faire.

Pendant un instant, le bretteur demeura muet et le temps d'une seconde, Nami crut qu'il s'était endormi, mais sa voix resonna dans sa cage thoracique et se réverbéra contre son dos, provocant de délicieuses vibrations :

- Nami, quoique tu choisisses, tu n'auras pas à le faire seule. Je suis là, avec toi, et je soutiendrais ta décision.

- Vraiment ?! Donc si je décide de laisser cet enfant à une famille qui sera bien plus en mesure de s'occuper de lui, tu seras d'accord ?

- Si tu penses que c'est la meilleure option, alors oui.

- Mais… mais… c'est aussi ton enfant ! Tu avais l'air heureux quand je te l'ai annoncé…

- Tu l'as dit toi-même, c'est le bien-être de ce bébé qui compte, et pas ce que nous désirons, n'est-ce pas ?

Oui c'était bien ce qu'elle avait laissé entendre, mais… pourquoi cela sonnait-il faux ?

- Je… je…

- Ou alors… tu as déjà fait ton choix il y a longtemps, mais comme cette idée te terrifie, tu trouves des arguments pour te convaincre de ne pas le faire.

- Nn..nn…non, hésita-t-elle d'une petite voix.

Son cœur s'emballa de nouveau. Non ce qu'elle désirait n'entrait pas en ligne de compte ! Elle devait penser au bien commun… au bien du bébé…

Un bébé avec le même sourire qu'elle et la même bouille que son père. Un bébé qui s'agitait dans leurs bras et qui tendait sa petite main potelée vers le visage de sa maman tout en gazouillant. Un bébé qui grandirait entourer d'amour, et qui l'appellerait « maman » avec de grands yeux pétillants.

- Je me trompe, Nami ?

- Ce n'est pas sage…, souffla-t-elle comme si elle essayait elle-même de se convaincre.

Dans son dos, l'épéiste se mit à rire.

- Si nous étions sages, nous ne serions pas sur ce navire. Et ni toi, ni moi, aurions entamé cette relation.

Il avait pertinemment raison sur ce point, mais cela n'empêcha pas son esprit de carburer pour lui prouver qu'avoir un enfant était toujours une mauvaise idée.

- Justement ! Avec un enfant, on ne pourra plus se permettre d'agir de façon aussi insouciante. Je ne veux pas l'élever seule parce que tu auras surpassé tes -limites… tu aimes peut-être frôler la mort, mais je ne veux pas que notre enfant en souffre. Voir l'un de ses parents mourir, que ce soit toi ou moi, ce n'est pas quelque chose je souhaite pour lui. Pour l'avoir moi-même vécu, je refuse qu'il ou elle subisse le même sort.

Son étreinte se desserra et elle sentit Zoro bouger derrière elle. L'avait-elle froissé en disant cela ? ou bien, avait-elle enfin su trouver les mots justes pour lui faire prendre conscience de l'irresponsabilité dont ils faisaient preuve ? Si tel était le cas, la victoire avait un goût très amer.

D'une pression de la main sur son épaule, son amant l'obligea à se tourner pour qu'elle voit son visage la surplomber. Il arborait cet air déterminé qu'elle lui connaissait bien, avec ce regard pénétrant qui semblait percer jusque dans les tréfonds de son âme et qui la laissait sans voix.

- Je comprends parfaitement que tu ais peur de ce qui nous attend, et je ne te mentirais pas en te disant que tout se déroulera sans difficultés. Bien sûr que nous aurons à surmonter des épreuves et que nous devrons faire face au danger, parce que nous sommes des pirates, et que notre capitaine veut en être le roi. Ce bébé est un challenge de plus dans notre course au One Piece. C'est vrai que je ne m'étais pas imaginé avoir d'enfant avant d'avoir accomplis mon rêve, mais je n'envisageais pas mon avenir sans toi, non plus. Et maintenant qu'il est là…

Sa main se posa sur le ventre encore plat mais qui abritait la vie en son sein.

- Je donnerais tout pour vous deux, affirma le jeune homme avec une détermination sans faille. Bien sûr, je ne peux pas te promettes de ne pas mourir… en revanche, je peux te promettre une chose, c'est que je me battrais de toute mes forces pour revenir vers vous… Je vous en fait le serment, sur mes trois katanas, je deviendrais le meilleur pour qu'aucun de vous deux n'ait à s'inquiéter pour votre sécurité ou la mienne. J'ignore s'il sera mieux dans une famille d'adoption, mais ce que je peux te garantir, c'est que, sur ce navire, il grandira entouré d'amour, entouré de ses parents ainsi que de ses oncles et tante qui seront là pour veiller sur lui quoiqu'il arrive.

De belles paroles, prononcées avec une telle conviction, que cela faisait battre son cœur à toute vitesse, car Nami mourrait d'envie d'y croire.

- On est l'équipage du futur Roi des pirates, si nous ne sommes pas capables de protéger un nourrisson, alors nous ne valons rien !

Elle ferma les yeux et une larme roula sur sa joue.

- Alors, Nami, que souhaite-tu ?

Ces mots… sans le savoir, elle en avait eu désespérément besoin. Ils étaient la clé qui solutionnait tous ses maux.

- Je veux qu'on soit une famille, sanglota la jeune femme. Je veux qu'on ait ce bébé.

Les lèvres du bretteur s'étirèrent lentement et le coin de son œil se plissa, la joie illuminant ses traits.

- C'est tout ce que je désir également, murmura-t-il avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Même si je ne le sais que depuis que quelques minutes, ajouta-t-il d'un ton plus léger qui la fit sourire.

Elle glissa sa main le long de la joue de son amant, dans une caresse aimante, puis l'enfouie dans sa chevelure pour l'attirer à elle. Leurs lèvres s'écrasèrent dans un baiser dévorant, et par habitude, leurs corps se mouvèrent pour se fondre l'un contre l'autre.

Finalement, lorsqu'ils rompirent le baiser, Zoro roula en arrière et entraina Nami pour qu'elle repose sur lui. Ses doigts s'engouffrèrent dans ses mèches anarchiques et s'amusèrent à les démêler distraitement.

- Je suis toujours inquiète au sujet de sa santé…

- Dès que qu'on sort de cette pièce, on demande à Chopper de t'examiner pour qu'on soit fixé.

- Et si…

- Non. Pas de « et si ». Ça ne sert à rien de s'imaginer le pire. Nous verrons ça me moment venu.

- D'accord.

La tête posée sur son épaule et le visage enfouie dans son cou, Nami sentait la fatigue prendre le pas sur son esprit et ses yeux commencèrent à papillonner lourdement.

- Avant ça, il faudrait que tu manges, sinon le cuistot va me rabâcher les oreilles s'il voit le plateau revenir encore plein.

- Tout à l'heure… je suis fatiguée…

- Comme tu voudras.

- Hey, Zoro ?

- Hum ?

- Dès qu'on sort d'ici, je veux prendre une douche. Hors de question d'aller voire Chopper ou les autres dans cet état-là.

- Nami…, gronda-t-il d'un ton réprobateur.

- Et je veux que tu viennes avec moi, s'empressa d'ajouter la rouquine.

Un ange passa le temps d'une seconde ou deux.

- Ok.

La vitesse avec laquelle il avait changé d'avis, juste à la perspective de se retrouver nu avec elle, la fit sourire. Ses paupières se fermèrent et Nami n'eut plus la force de les rouvrir.

- Je n'arrive pas à me dire qu'on va vraiment le faire… que l'on va être parents…, marmonna la jeune femme dont le sourire ne voulait plus quitter son visage.

- Ouais… c'est encore un peu étrange, mais c'est excitant comme sensation. C'est bizarre, j'arrive pas à m'arrêter de sourire pour autant.

Bien qu'avec les yeux clos, elle visualisait très bien ce qu'il voulait dire, et cela ne fit qu'accroitre celui qui tirait sur ses lèvres. Sa peur était toujours là, latente dans un coin sombre de son esprit, mais la présence de Zoro ainsi que son amour, la maintenaient dans la lumière.

Ils allaient former une famille heureuse, et cette simple pensée la berça vers des songes paisibles d'un sommeil réparateur.

La porte s'entrebâilla, offrant une vue tronquée du pont principal, baigné d'une lueur ocre éblouissante. Le soleil était bas dans le ciel, et frôlait dangereusement les flots.

- Alors ?

- C'est bon, il n'y a personne. Ils doivent être tous en train de manger. Mais tu ne trouves pas ça exagéré ? s'enquit le bretteur en bougonnant.

- Non ! Je ne veux pas qu'on me voit comme ça ! Râla la jolie rousse.

Elle ne perdit pas une seconde à le pousser pour se frayer un passage entre lui et la porte, ce qui agaça Zoro, afin de s'extirper discrètement de leur chambre. Lui, trouvait ça ridicule, mais quand Nami avait une idée en tête, mieux valait abonder en son sens. Cela ne l'empêchait pas d'agir à en trainant des pieds. Ils avaient dormi quasiment tout l'après-midi, ce qui avait été grandement bénéfique à la jolie rousse car elle affichait déjà une meilleure mine, puis au réveil, elle s'était jetée sur la nourriture. Zoro ne l'avait jamais vu manger aussi vite et avec autant d'appétit, pour peu, on aurait dit Luffy, mais il s'était bien gardé de faire ce commentaire. Au moins, cela le rassurait de la voir reprendre du poil de la bête.

- Dépêchons-nous !

Une main s'enroula autour de son poignet et le tira à l'extérieur. L'air marin lui chatouilla les narines alors que tous deux s'élançaient dans une course contre la montre pour rallier la salle de bain qui se trouvait de l'autre côté du pont enherbé. Si Nami se faufilait comme un chat de gouttière, pliant les jambes et courbant l'échine afin d'être la plus discrète possible, Zoro de son côté, ne cherchait même pas à faire l'effort de modifier sa démarche habituelle. Il se contentait uniquement de suivre sa compagne, qui ne lui laissait guère le choix de presser tout de même le pas.

Lorsqu'ils arrivèrent près de la cuisine, la rouquine tira sur un pan de son yukata pour le forcer à se pencher, ce à quoi il répondit par un grognement mécontent. La furtivité n'était déjà pas son truc, mais en plus, agir de la sorte à bord du Sunny pour éviter leurs compagnons, n'était vraiment pas une partie de plaisir. Cela lui rappela le temps où Nami et lui se donnaient rendez-vous pour leurs petites affaires, à l'abris des regards, quand personne n'était encore au courant. A l'époque, cela lui pesait de cacher sa relation avec la navigatrice à ses camarades, mais maintenant qu'ils savaient tous pour eux, ce sentiment était d'autant plus dérangeant.

- Rrr tu pourrais faire un effort et éviter de trainer les pieds ! siffla la jeune femme à voix basse.

- Tais-toi, femme, et avance, qu'on en finisse ! rétorqua-t-il sur le même ton.

A quoi cela servait de se faufiler comme des voleurs alors qu'il y avait fort à parier que l'abruti de cuistot les avaient déjà repérés avec son haki ? De l'autre côté du mur, le bruit des couverts qui s'entrechoquent, provoqué par l'agitation, et les le brouhaha des conversations, leurs parvenaient de manière feutrée. En revanche, ils pouvaient clairement entendre les réprimandes de leurs amis à l'encontre de Luffy, tout comme leurs rires francs.

Ils avaient presque fini de longer la cuisine, quand il y eut un moment d'accalmie, et la petite voix soucieuse de Chopper filtra à travers la cloison en bois.

- J'espère que Nami et Zoro vont se réconcilier.

- Ne t'inquiète pas Chopper-san ! Je suis sûr que Zoro-san va réussir à se faire pardonner, maintenant qu'il est enfin entré dans leur chambre, assura Brook.

- Oui, ces deux-là sont peut-être comme chien et chat, mais ils s'aiment vraiment, ajouta Ussop.

- Mais ça commence à faire longtemps qu'il est entré… et Nami avait vraiment l'air en colère. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Est-ce qu'on ne devrait pas aller voir si tout va bien ?

- Ahaha ! Pas la peine, Frangin ! Je suis sûr que Zoro-bro s'en sort SUPER bien ! Les réconciliations sur l'oreiller, ça demande du temps mais il n'y a rien de mieux ! AOW !

Devant lui, Nami se plaqua une main sur le front et baissa la tête de dépit. Lui se retint de ricaner. Il y avait bien eu réconciliation sur l'oreiller mais au sens littéral, sans ambigüité, en revanche, tous étaient encore bien loin de la vérité.

- NE PARLES PAS DE CA A TABLE, CYBORG DEPRAVE ! s'offusqua le chef-cuisinier.

- Ou alors, peut-être que notre navigatrice ne lui aura pas pardonné et Zoro repose sur leur lit, le regard fixe et la bouche ouverte, ses trois sabres plantés dans son corps…

- CA NE VA PAS DE DIRE DES CHOSES PAREILLES, ROBIN ! s'insurgèrent Ussop et Chopper.

De l'autre côté, une goutte perla le long de la tempe de Zoro qui avait également suivi la conversation. Cette femme avait vraiment des idées sordides et bien peu foi en lui. Nami s'arrêta une seconde, pouffa dans sa main avant de lui jeter un regard moqueur par-dessus son épaule, auquel il répondit par une grimace renfrognée. Au moins, cela avait eu le bénéfice de la faire rire, songea-t-il railleur.

Le reste de la conversation leur demeura inconnu car ils avaient enfin atteint la bibliothèque, et ce fut bien sans regret. La jolie rousse se dépêcha d'entrer et elle l'attira avec empressement pour faire de même. Aussitôt la porte fermée derrière lui, la jeune femme éclata de rire de façon incontrôlable, au grand dam de Zoro.

- Je ne vois pas ce qu'il y a de si drôle, ronchonna-t-il même si au fond, la voir rire lui fit du bien.

- Ahahah ta… ahah… ta tête ! ahaha… t'aurais dû voir la tête que tu faisais ! pouffa Nami en se tenant les côtes.

- Tss ! Aller dépêche-toi au lieu de raconter des conneries !

A suivre...


Petit avertissement, la suite s'annonce classée M, et ce ne sera pas à cause d'une question de langage ;) En attendant, dites-moi ce que vous en avez pensé.

Je vous dis à dimanche prochain !