Les lettres continuaient à arriver, odieuses et insultantes. Il n'y en avait pas tant que ce ça, peut-être cinq par jours, mais c'était suffisant pour blesser. Harry était souvent abordé par des journalistes, Dahlia aussi. Quand elle sortait de chez elle, quand elle prenait un Portoloin, il y avait toujours des journalistes pour l'interroger et des gens pour l'insulter. Cela faisait maintenant une semaine que le scandale avait éclaté mais c'était encore trop tôt pour espérer que cela s'arrête. C'était trop croustillant. Dans les journaux, il y avait des dessins et des caricatures dégueulasses, montrant Harry à quatre pattes se faisant sodomiser par Dahlia qui portait la cape noire des Mangemorts. On montrait Lucius et Dahlia avec des froufrous, s'amusant que les Malefoy soient finalement si délurés. Lucius et Narcissa avaient reçu des lettres eux aussi, dans lesquelles on leur faisait savoir qu'ils auraient mieux fait de laisser Voldemort tuer leur enfant plutôt que de la laisser devenir comme ça, qu'on aurait tous dû les envoyer chez les Détraqueurs après la guerre ou encore qu'ils devaient être bien déçus que Drago ne se soit pas réellement suicidé. Ça aurait été mieux comme ça.
Ce matin-là, Harry partit au travail avec l'esprit ailleurs, comme d'habitude. Tout allait mieux pour lui au Ministère, ses collègues le laissaient tranquille et les choses s'étaient tassées. Certains avaient arrêté de se moquer de lui en voyant l'ampleur du scandale, ils commençaient à trouver que c'était trop dur et trop long. Mark était toujours à l'accueil et il suivait Harry des yeux quand il le voyait arriver. Harry ne le regardait jamais et ne lui avait pas dit un mot depuis leur dispute.
Quand Harry arriva au Ministère ce matin-là, il se rendit compte qu'il avait oublié des documents relatifs à son enquête. Il jura, maudit sa distraction, reçut un regard plein de pitié de Jane et quitta le Ministère pour retourner chez lui. La première chose qu'il songea en entrant dans la maison, fut qu'elle était un peu trop silencieuse. Il s'attendait à voir Dahlia et Perseus en bas, terminant leur petit-déjeuner mais il n'y avait personne. Harry en ressentit une inquiétude irrationnelle et il monta l'escalier, anxieux. Il finit par entendre un bruit en provenance de la salle de bain et il se dépêcha d'ouvrir la porte. Dahlia était assise dans la baignoire, toute nue, et pleurait à chaudes larmes avec une détresse évidente qui figea Harry. Perseus était debout dans la baignoire, appuyé sur les genoux de sa mère et la regardait avec perplexité.
- Dahlia, dit Harry, atterré.
Elle sursauta, leva les yeux vers lui et eut le réflexe d'essuyer vivement ses larmes.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle d'un ton qui ressemblait à un reproche.
- J'ai oublié un dossier… Dahlia, que…
Il eut envie de demander pourquoi elle pleurait et ce qu'elle avait mais il le savait parfaitement, ce n'était pas la peine. Comment pouvait-il croire que la haine et les insultes la laissaient indifférente ? Harry s'agenouilla près de la baignoire et passa ses bras autour de Dahlia.
- Ne fais pas ça, dit-il avec des sanglots dans la voix. S'il te plait, n'attends pas que je parte pour te mettre à pleurer toute seule.
Les larmes de Dahlia redoublèrent et elle s'accrocha à Harry, malheureuse et choquée de ce qui lui arrivait. Harry repensa à quelque chose qu'on lui avait dit, il ne savait plus qui, sur le fait de protéger Dahlia de la cruauté du monde. Protégez-la de la dureté du monde, vous ne savez pas à quel point les gens peuvent être cruels, avait dit cette personne. Il avait échoué, lamentablement. Il avait accepté de rentrer en Angleterre, il l'avait désiré, il avait voulu rester. Il savait qu'elle avait fait cela pour lui, parce qu'il souffrait d'être loin de sa famille. Et voilà ce qu'elle y gagnait. Harry se détestait, il détestait tout le monde. Il sentit les larmes lui monter aux yeux, lui aussi.
- Pardon, bégaya-t-il dans les cheveux de Dahlia. Nous n'aurions jamais dû venir ici, je te demande pardon.
Dahlia ne répondit pas, sa gorge était trop serrée pour cela. A force de voir ses parents bizarres et sanglotant, Perseus se mit à pleurer aussi. Ils pleurèrent donc tous les trois pendant un moment, c'était tout ce qu'il y avait à faire.
Harry retourna travailler et vit Jane le rejoindre près de l'accueil, l'air inquiète. Il avait mis du temps à revenir et elle se demandait ce qui s'était passé. D'autant que Harry avait les yeux rouges et le teint pâle. Il fixa le sol avec désespoir.
- J'ai découvert que ma femme attendait que je parte au travail pour aller pleurer toute seule dans la salle de bain, dit Harry d'une voix d'outre-tombe.
- Je suis désolée, dit sincèrement Jane.
Harry se tourna brusquement vers l'accueil en se rendant compte que Mark les écoutait. Il avait l'air beaucoup moins hargneux qu'une semaine plus tôt. Il y avait même un léger désespoir dans son regard. Ça n'empêcha pas Harry de le fixer avec de la haine et de passer devant lui en l'ignorant.
- Harry… essaya de dire Mark.
- La ferme, répondit durement Harry. Ne me parle pas.
Mark tressaillit comme si Harry l'avait frappé et il se tut.
Dahlia était sortie de la baignoire et avait arrêté de pleurer. Elle s'en voulait de s'être laissé aller de cette façon et elle regrettait que Harry ait assisté à ça. Il se sentait coupable alors qu'il n'y était pour rien. Ce n'était assurément pas sa faute s'ils en étaient là. Dahlia essaya de se changer les idées en jouant avec Perseus mais il finit par s'endormir pour sa sieste de la matinée et Dahlia regarda les nouvelles lettres qu'elle avait reçues. Elle était obligée de vérifier les enveloppes, elle ne pouvait pas risquer de jeter des lettres de ses amis ou de ses proches par erreur. C'était facile à voir, ils étaient les seuls à écrire leur nom au dos de l'enveloppe. Les autres, bizarrement, préféraient rester anonymes. Dahlia fut donc surprise de trouver une lettre où il était simplement écrit Leah au dos. Soit Leah était une connasse plus courageuse que les autres, soit c'était autre chose. Dahlia ouvrit la lettre et la lut avec appréhension.
« Mrs Potter,
En tant que jeune femme transgenre moi aussi, je dois vous dire à quel point je suis choquée et attristée par ce qui vous arrive. C'est terrifiant de voir que les gens nous détestent à ce point mais surtout, n'écoutez pas ce qu'ils disent. Je vous trouve courageuse et j'admire que vous restiez en Angleterre pour affronter ça. Vous avez tout mon soutien, Leah. »
Dahlia resta figée, la lettre à la main. Elle avait à nouveau envie de pleurer, mais différemment cette fois-ci, de joie et de reconnaissance. Dahlia se tourna vers le paquet de lettres sans nom qu'elle n'avait pas ouvertes et qui s'entassaient dans la boite. Elle les ouvrit toutes, ne lisant que la première phrase pour avoir une idée du contenu. Elle en trouva trois autres écrites par des personnes transgenres qui lui faisaient savoir qu'ils étaient en colère et qu'ils la soutenaient.
« Il y a un groupe pour les sorciers transgenres, dans le quartier de Soho. Je vous joins l'adresse. Vous êtes la bienvenue si vous voulez parler. Nous vous accueillerons avec joie. Maxime Adamson. »
Elle avait envie d'y aller. Elle en avait aussi terriblement marre de rester enfermée chez elle à craindre les gens et les journalistes. Les lettres de soutien lui donnèrent un regain de courage et d'énergie qui lui firent un bien fou. Dahlia monta dans sa chambre pour se préparer, changea ses vêtements, s'habilla soigneusement et se fit une de ces coiffures élégantes qu'elle aimait tant. Quand ce fut fait, elle se regarda dans le miroir, se trouva jolie et redescendit. Elle comptait bien se rendre à Regent's Park avec Perseus, et tant pis. Dahlia ouvrit la porte de chez elle, fit trois pas et fut interpellée par des journalistes. Elle arrêta la poussette sur le trottoir et se tourna vers eux.
- Mrs Potter, il y a beaucoup de rumeurs et de bruits autour de votre mariage avec Harry Potter…
- Oui, eh bien ? Demanda-t-elle.
La journaliste eut l'air surprise d'avoir une réponse.
- Les gens se demandent pourquoi il vous a choisie vous, ils ont du mal à comprendre…
- A comprendre quoi ? rétorqua froidement Dahlia. Comment il peut être attiré par une femme trans ?
- Euh… oui.
- Vous savez, je croise plein de femmes et d'hommes particulièrement laids ou disgracieux tous les jours et je me demande toujours comment ils ont fait pour se trouver quelqu'un. Mais je n'en écris pas un article pour autant. Parce que ça ne me regarde pas. Chacun ses goûts après tout, non ?
- Mais vous admettez que ça puisse être un peu…
- Si l'amour d'une personne s'arrête à son apparence, alors ce n'est pas de l'amour. Harry m'aime et me voit comme une femme, quel que soit mon corps. Et si vous ne comprenez pas ça, c'est que vous n'avez jamais aimé personne. Maintenant laissez-moi, je suis avec mon fils.
- Mrs Potter, une photo s'il vous plait ?
- Alors prenez-la bien, répondit Dahlia en regardant le photographe avec ironie.
Les journalistes la laissèrent enfin et elle se sentit presque heureuse. Elle allait leur répondre à tous ces connards, elle allait leur montrer qu'elle n'avait pas peur d'eux. Elle alla au parc, se promena avec Perseus en le laissant marcher comme il le voulait et passa un bon moment. Il y aurait sans doute des photos d'elle avec son fils dans le journal du lendemain mais ça n'avait pas d'importance.
Dahlia rentra chez elle, déjeuna avec Perseus et se pencha sur le reste des lettres qu'elle n'avait pas ouvertes. Aucune de ses amis, évidemment, elle les avait vus deux jours plus tôt. Elle eut cependant un geste de stupeur en découvrant la dernière qu'elle avait reçue, sans doute durant sa promenade au parc. Il y avait bien des noms au dos de l'enveloppe mais elle ne s'attendait pas à les lire. Daphné Greengrass et Blaise Zabini lui avaient écrit. Dahlia hésita sincèrement à ouvrir l'enveloppe. Si ses anciens camarades de classe l'insultaient comme les autres, ce serait encore plus dur à supporter. Elle décacheta tout de même le papier et se pencha pour lire.
« Dahlia,
Je sais que nous n'étions pas réellement amis autrefois mais je pense que nous étions tout de même ce qui s'en rapprochait le plus. J'ai suivi des cours dans la même classe que toi pendant sept ans et Blaise a partagé ton dortoir tout aussi longtemps. Nous avions été affectés et choqués par ton suicide, Blaise était même allé à ton enterrement. C'est donc avec beaucoup de surprise et même de sidération, que nous avons lu les dernières nouvelles.
C'est étrange de découvrir, après tout ce temps passé ensemble, à quel point nous connaissons peu les gens qui nous entourent. Tu n'étais visiblement pas la personne que nous pensions, pas la personne que tu pensais toi-même être, sans doute. Si tu veux bien, nous serions ravis de venir te rendre visite et d'en apprendre un peu plus sur ce que tu es devenue.
Amicalement,
Daphné et Blaise. »
Perseus avait profité de l'inattention de sa mère pour manger lui-même et s'était fichu de la purée partout mais Dahlia n'en avait rien à faire. Elle relut la lettre une deuxième fois, pour être sûre d'avoir bien compris. C'était peut-être celle qui lui faisait le plus plaisir jusqu'à maintenant. Dahlia se sentait aussi stupéfaite qu'heureuse. Daphné et Blaise avaient raison, ils n'étaient pas vraiment amis mais ils avaient grandi ensemble, dans les mêmes classes et le même dortoir. Et elle se sentait touchée qu'ils s'intéressent à elle au point de lui décrire une lettre de la sorte. Elle leur répondit dans la soirée, après son entrainement, pour leur dire qu'elle serait également ravie de les voir. Elle se sentit presque légère en l'écrivant.
OoOoO
L'article qui fit le plus de mal à Harry parut le lendemain, dans la Gazette du Sorcier. Il n'était pas aussi racoleur et insultant que ceux de Sorcière Hebdo, la Gazette tenait à son apparente neutralité. Il soulevait une question juridique, presque légitime, pourrait-on dire, mais une question qui blessa Harry plus profondément qu'il l'aurait cru. « Le mariage de Harry Potter et Dahlia Malefoy est-il valide ? » titrait la Gazette. Le journaliste démontrait ensuite, sur toute une page, que non, il ne l'était pas. Aux Etats-Unis peut-être, mais pas ici. Ici, en Angleterre, Dahlia Malefoy n'existait pas, elle ne pouvait donc pas être l'épouse de Harry. Ici, elle était Drago Malefoy et elle était un homme. Or les mariages entre personnes de même sexe n'étaient pas valides. L'un dans l'autre, leur mariage était nul et non avenu. Légalement parlant, Harry et Dahlia n'étaient pas mariés.
Harry referma le journal lentement, avec l'impression de s'être pris une gifle. Dahlia le regarda avec inquiétude et tristesse. Elle se foutait un peu de savoir que son mariage n'était pas valide en Angleterre, ça ne changeait rien aux faits. Mais Harry, lui, en éprouvait une douleur et une colère qui le minèrent. Il avait épousé Dahlia avec une raison précise en tête : les protéger des jugements des autres. Pour que personne ne puisse remettre leur couple en question et remettre en doute que Dahlia était sa femme. Et voilà que ça ne servait à rien et que les gens le remettaient quand même en doute. Un article inutile, volontairement méchant, qui venait dire à Harry que ses efforts resteraient vains. Il l'avait épousée et même cela, ça ne suffisait pas. Même cela, ils avaient réussi à le lui prendre.
Quand ils allèrent passer le dimanche chez Ron et Hermione à la campagne pour souffler un peu, Harry laissa parler sa colère et son désespoir. Ses deux amis partageaient sa peine, furieux et dépités eux aussi.
- Bon sang mais ils ne peuvent pas vous foutre la paix ? s'écria Ron, hors de lui.
- Eh bien ils n'ont qu'à autoriser les mariages entre les gens de même sexe et laisser les personnes trans modifier leur identité, explosa Hermione. C'est insupportable toutes ces discriminations !
Dahlia trouvait toujours cela fascinant de regarder les hétéros cisgenres s'énerver des injustices des autres. Elle se sentait quant à elle beaucoup moins énervée qu'eux mais ce n'était peut-être qu'une forme de résignation et de protection. Les discriminations, elle y était habituée et elle ne voulait pas forcément changer la loi. Idéalement, oui, mais l'idéal était mort depuis longtemps pour elle. Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on lui foute la paix. Et aussi, leur montrer qu'elle ne se laisserait pas faire.
- J'ai pris rendez-vous au département de la justice, avec la personne qui gère l'état civil, dit Harry. Je voudrais savoir ce qu'il en est réellement.
- Mmh, grogna Hermione, indignée.
Elle n'avait aucun espoir sur ce qu'on allait dire à Harry. Dahlia n'avait pas beaucoup d'espoir non plus quand elle partit de chez elle pour se rendre au rendez-vous. Au pied de sa porte, elle trouva deux nouvelles lettres et un prospectus qu'elle prit avec répugnance avant de voir que c'était une sorte de publicité pour un bar sorcier LGBT appelé le Between red and purple. Elle le fourra dans son sac à main, marcha volontairement sur les lettres et sortit. Elle n'avait pas particulièrement envie de se rendre au Ministère mais elle voulait assister au rendez-vous avec Harry, pour ne pas donner l'impression qu'elle se foutait de leur mariage. Elle essaya de ne pas voir que tout le monde la regardait avec surprise et curiosité, ne vit bien sûr que ça, et arriva enfin à l'accueil du département de la Justice. Là, elle se pencha vers le sorcier qui y était assis, un jeune homme d'une trentaine d'années qui aurait pu être agréable à regarder s'il n'avait pas été un ami aussi odieux pour Harry.
- Mark, je suppose, dit Dahlia d'une voix glaciale. J'ai rendez-vous avec Mrs Polsky.
Mark leva vers elle un regard d'abord stupéfait puis la fixa ensuite avec froideur.
- Ah, c'est toi, cracha-t-il presque.
Ça semblait plus fort que lui. Dahlia se tendit mais elle n'avait pas peur de lui, elle se sentait supérieure, parce qu'elle avait l'impression de le connaitre, parce qu'il ne pouvait rien lui faire. Elle avait même envie de le provoquer et de l'engueuler, pour lui faire payer ce qu'il avait fait à Harry.
- Un problème ? demanda-t-elle avec un mépris évident.
Mark rougit un peu et la dévisagea sans retenue. Il aurait aimé qu'elle soit laide, qu'elle ressemble à un mec, qu'elle soit ridicule. Malheureusement pour lui, elle ne l'était pas et ça l'énervait encore plus.
- Ce n'est pas moi qui ai un problème, c'est plutôt toi, susurra Mark avec le même mépris. Il faut être sacrément tordue pour se débarrasser de son pénis comme ça et faire un truc aussi répugnant.
- Je t'assure que je vis parfaitement bien sans, répondit Dahlia.
Mark eut un rire méchant et la regarda comme si elle était folle. Dahlia fut étonnée de voir autant de haine dans les yeux de Mark, elle se demandait bien ce qu'elle lui avait fait pour qu'il la déteste autant.
- C'est aussi ridicule de se dire que, sur toutes les femmes qui existent sur cette terre, il a fallu que Harry en choisisse une avec une queue. Hein ? Pourquoi ne pouvait-il pas choisir une fille normale comme tout le monde ? Comment est-ce qu'il peut aimer ça ? C'est dégoûtant.
Et il avait l'air de se poser réellement la question, avec une fureur qui le dépassait visiblement. Dahlia se sentit blessée par ses remarques, évidemment, mais elle garda la tête froide. Un silence pesant s'abattit sur l'accueil, pendant qu'il s'énervait tout seul et qu'elle essayait de se calmer pour répondre intelligemment. Elle baissa les yeux vers Mark avec une froideur qui atteignait des sommets.
- Tu as l'air particulièrement obsédé par les queues, Mark, fit-elle remarquer.
- Quoi ? cracha-t-il hargneusement.
- Des mecs comme toi, j'en ai déjà croisé plusieurs. Les plus haineux sont toujours ceux qui ont un problème, au fond d'eux.
Mark écarquilla légèrement les yeux et la fixa avec de la haine, prêt à répondre. Elle le devança.
- Alors je ne sais pas quel est ton problème et je m'en fous. Peut-être que tu es une femme toi aussi et que tu aimerais que quelqu'un te dise que ta queue ne t'empêche pas d'en être une ou que tu voudrais t'en débarrasser aussi ou peut-être juste que tu meurs d'envie de te faire baiser par une queue. Mais ce n'est pas mon problème, ça, Mark. Si tu te poses des questions sur toi-même, tiens.
Elle sortit le prospectus du bar de son sac et, d'un coup de baguette, elle le colla sur le bureau de Mark.
- Va donc régler ton problème et arrête de me faire chier.
- Que… quoi ? Mais t'es complètement cinglée !
- C'est ça. Et au fait, j'espère que tu te rends compte à quel point tu as fait mal à Harry en le trahissant de cette manière. Je n'ai jamais vu un ami aussi pitoyable que toi.
Mark ne trouva pas de réponse à faire et Dahlia lui tourna le dos.
- Je vais trouver le bureau de Mrs Polsky moi-même. Merci pour cet échange.
Elle le planta là et disparut dans le couloir. Mark sentait son cœur cogner contre sa poitrine, de rage et d'impuissance. Il avait la certitude très nette d'avoir lamentablement perdu l'échange et ça le rendait furieux. Il observa avec dégoût le prospectus qu'elle avait collé sur son bureau et essaya de l'enlever, en vain. Surpris, Mark gratta avec ses ongles pour le décoller, n'y arriva pas et sortit sa baguette. Rien n'y fit, le prospectus ne partait pas. Mark en éprouva une horreur sans nom. C'était presque plus de la peur que de la colère. Il s'empressa de poser un dossier cartonné dessus pour le cacher et s'immobilisa sur sa chaise, inerte. Il sentit sa haine et sa fureur retomber lentement pour laisser place à un désespoir qui le terrassa. Dahlia Potter, avec ses yeux froids, l'avait mieux compris en trois minutes que Harry durant toutes ces années. Et c'était d'une tristesse infinie.
Mrs Polsky ne leur fut d'aucune aide. Sa seule qualité fut surement d'être aimable et globalement compatissante mais pour le reste, la Gazette disait vrai, leur mariage n'était pas légal en Angleterre. Harry sortit du rendez-vous complètement déprimé. Dahlia, elle, l'était beaucoup moins. A vrai dire, elle semblait aller mieux que lui de manière générale. Les lettres de soutien, la lettre de Daphné et sa dispute avec Mark lui avaient donné une nouvelle motivation. Harry la raccompagna jusqu'à l'accueil du département de la justice, la tête basse et le cœur serré. Si on écoutait Mrs Polsky, Dahlia n'était même pas sa femme. Il fut étonné que Dahlia l'embrasse pour lui dire au revoir, il ne pensait pas qu'elle oserait faire ça dans les couloirs du Ministère. Mais elle osa et quand elle se détacha de Harry, elle se tourna vers Mark pour lui adresser un sourire presque imperceptible qui s'apparentait grandement à un doigt d'honneur. Ce dernier serra les dents, derrière son bureau à l'accueil puis détourna la tête d'un geste rageur.
Maintenant qu'on savait que le mariage de Harry était illégal, Dahlia reçut encore plus de lettres haineuses qui l'invitaient donc à dégager et à laisser sa place à une vraie femme qui saurait certainement rendre Harry plus heureux. Elle avait l'impression, à force de lire les lettres, que c'étaient toujours les mêmes personnes qui lui écrivaient et la harcelaient. En fait, elle en était même certaine. Même écriture, mêmes tournures de phrases et mêmes expressions qui se répétaient en boucle. Elle avait une quinzaine de détracteurs qui écrivaient continuellement, une bande de malades sûrement puceaux et pas prêts d'en changer. Il y avait des femmes aussi, obsédées par Perseus et l'avenir tragique qu'elles imaginaient pour ce pauvre gamin. Dahlia aurait mis sa main à couper qu'elles étaient elles-mêmes des mères pathétiques. Quand elle se rendit à l'évidence que le nombre de gens qui la détestaient à ce point-là était en fait assez faible, elle reprit courage.
Elle reprit tellement courage qu'elle alla affronter les Flammes de Brooklyn, la rage au ventre, déterminée à gagner. Elle avait besoin d'une victoire, n'importe laquelle. C'était un match terriblement important, son dernier gros match. Harry alla la voir jouer, avec Ron et Ginny. Harold, Meg et Jamal étaient là aussi, impatients et stressés. Le public était en transe, d'autant que là, les fans des Corbeaux sentaient que leur club pouvait gagner. Dahlia Black avait fait une saison incroyable et on comptait sur elle pour remporter le derby. Quand elle entra sur le terrain, la moitié du stade hurla pour la soutenir et l'autre moitié siffla. Elle n'en pouvait plus de se faire siffler et insulter, elle les emmerdait tous. Dahlia grimpa sur son balai et s'élança, plus motivée que jamais. La partie fut disputée et ardue. Les poursuiveurs avaient du mal à marquer des buts tant les défenses adverses étaient implacables. Les Flammes menaient au score mais de très peu, incapables de prendre une avance franche. Dahlia tournoyait au-dessus du terrain, concentrée. Elle voulait cette victoire, elle la voulait mortellement. Elle finit par l'avoir. Après une course extrêmement stressante avec l'attrapeur adverse, ce fut la main de Dahlia qui se referma sur le vif d'or. Harry et Harold hurlèrent comme des hystériques, accompagnés par la moitié du stade qui agitait ses drapeaux. Voilà des années que les Corbeaux n'avaient pas gagné contre les Flammes et c'était une victoire incroyable. Dahlia venait de hisser son club à la deuxième place du championnat, juste derrière Boston. Elle arrêterait sa carrière sur un exploit et sur un salaire à faire rougir son père. C'était délicieux.
Lucius vint lui rendre visite en personne pour la féliciter. Il était allé voir le match lui aussi, de son côté. Il serra Dahlia dans ses bras et lui fit part de ses sentiments sur sa victoire. Il était évident qu'il était fier d'elle et elle en ressentait un plaisir presque indécent. Lucius déclara qu'elle avait raison d'arrêter le Quidditch maintenant, c'était mieux que d'attendre le déclin. Elle resterait l'attrapeuse qui avait vaincu les Flammes de Brooklyn, ce serait un beau souvenir. Quand ils finirent de parler de Quidditch, Lucius observa sa fille avec attention. Il eut l'air un peu mal à l'aise puis demanda :
- Et… à part le Quidditch, est-ce que tu vas bien ?
- Mieux qu'au début, assura Dahlia. J'ai décidé de leur tenir tête et de ne pas me laisser abattre.
Lucius la regarda dans les yeux, l'air dur et ferme.
- C'est bien. N'oublie jamais Dahlia, tu es une Malefoy. Et les Malefoy se moquent de l'avis de la populace.
- Les Malefoy ont perdu leur prestige depuis longtemps, rétorqua Dahlia avec amertume.
- Moi oui, mais pas toi. Toi tu es toujours là, fière et debout. Tu viens de vaincre l'une des meilleures équipes du monde, tu es mariée avec l'homme le plus célèbre d'Angleterre et tu fais la une des journaux. Pas comme tu le voudrais, je sais, mais tu es puissante quand même. Ne les laisse pas te faire croire le contraire.
Elle fixa son père, un peu choquée. C'était le genre de discours qu'il lui sortait quand elle était petite, sur la puissance de leur famille. A la différence qu'aujourd'hui, il semblait plus lucide sur les choses. Et il avait raison. Dahlia sentit son cœur s'accélérer un peu. Elle savait déjà tout cela, mais c'était agréable de l'entendre. L'orgueil et la vanité n'étaient pas uniquement des défauts, ils étaient aussi parfois nécessaires à la grandeur et à la victoire. Harry en manquait, il était touché et déprimé par les journaux et les attaques. Mais elle était là, elle, et elle serait suffisamment vaniteuse pour eux deux, comme elle l'avait été autrefois.
OoOoO
Blaise et Daphné vinrent lui rendre visite le mercredi après-midi suivant, alors que Harry travaillait. Quand Dahlia ouvrit la porte, il y eut un léger moment de malaise et de timidité, rapidement chassé par l'assurance de Daphné. Elle observa Dahlia rapidement, lui fit une accolade chaleureuse et Blaise l'imita. Ils s'assirent dans le salon, prirent un thé.
- C'est stupéfiant, disait Daphné. Franchement, le dénouement actuel est bien plus joyeux que celui de ton suicide. C'était vraiment glauque.
Dahlia ne pouvait qu'être d'accord. Elle leur posa de rapides questions sur eux et fut surprise d'apprendre qu'ils n'étaient pas en couple. Elle l'avait cru, puisqu'ils avaient envoyé une lettre commune. En fait, ils étaient amis.
- Je suis marié avec Astoria, précisa Blaise. La sœur de Daphné.
- Oui, je me souviens !
Dahlia avait eu peur de ne pas savoir quoi leur dire mais finalement, ils avaient énormément de choses à se dire. C'était bizarre de les revoir mais c'était aussi facile, naturel, presque familier. Dahlia avait discuté avec eux des milliers de fois à Poudlard et les réflexes revenaient. Les souvenirs aussi. C'était presque son identité à elle qui revenait, pour ainsi dire. Elle avait essayé d'oublier tout cela, parce qu'elle n'aimait pas ce qu'elle était à l'époque mais c'était tout de même elle et tout n'était pas mauvais. Elle avait joué et elle avait ri avec Blaise, dans leur dortoir. Elle avait discuté avec Daphné et Pansy un nombre incalculable de fois, toujours plus à l'aise avec elles qu'avec Gregory et Vincent. Daphné avait toujours été moins méchante que Pansy, moins stupide et moins cruelle. Elle avait bien évolué elle aussi, comme Dahlia. Tout comme Blaise d'ailleurs. En vieillissant, les perspectives changeaient. Les Greengrass étaient une famille de Sang Pur, plutôt discrète et conservatrice, hautaine et riche. Mais quand Voldemort avait pris le pouvoir, Elliott et Agatha Greengrass s'étaient réveillés de leur léthargie. Ils n'étaient pas d'accord, ils ne cautionnaient pas une telle barbarie. Ils voulaient offrir un autre monde à leurs filles. Ils avaient rejoint la Résistance et maintenant Elliott était à la tête de la branche progressiste du gouvernement. Les gens changeaient. Blaise Zabini avait été dégoûté par la guerre et ce qui s'y était passé. Il se sentait supérieur, il ne le niait pas, mais il ne voulait massacrer personne.
- Quand tu nous as dit que Tu-Sais-Qui t'avait confié une mission, en sixième année, j'ai d'abord été impressionné. Et puis ensuite, ça m'a fait peur, je me demandais comment il pouvait te donner une mission à toi. Nous étions si jeunes à l'époque ! Qui utilise des enfants pour faire la guerre ?
Dahlia était d'accord, elle parla de son cheminement aussi, qui ressemblait à celui de Blaise et de Daphné. Ils étaient des enfants qui s'étaient enfin réveillés d'un long cauchemar et qui avaient ouvert les yeux sur la réalité.
Chacun raconta sa vie et ce qu'il avait fait. Blaise travaillait avec Elliott et devant le sourire de Dahlia, il secoua la tête.
- Non, non, je t'arrête tout de suite ! C'est parce que j'étais le secrétaire d'Elliott que j'ai rencontré Astoria. Dans ce sens-là et pas l'inverse !
- D'accord, dit Dahlia en riant.
Daphné était danseuse. Dahlia eut l'air étonnée et impressionnée.
- Je me souviens que tu dansais dans ton dortoir, quand tu avais le temps, acquiesça Dahlia.
- Je n'ai jamais arrêté. Je suis ballerine dans la troupe de ballet de Londres. Mon père a fait construire un opéra sorcier sur le Chemin de Traverse, tu savais ? Il fait beaucoup pour la culture.
Dahlia se souvenait qu'Hermione l'avait évoqué un jour ou l'autre. Elle trouvait cela fascinant que Daphné soit ballerine, ça changeait un peu du Ministère. Elles se trouvèrent beaucoup de choses en commun. Être danseuse et joueuse de Quidditch avaient des aspects similaires, notamment au sujet des entrainements intensifs, du stress des matchs et des représentations, de la peur de perdre sa place. Dahlia mourait d'envie d'aller la voir danser.
- La saison commence en septembre, répondit Daphné. J'ai même deux dates à New York. On joue Le sorcier au cœur velu.
- Vraiment ? J'irai te voir !
Bien sûr, il fallut aussi parler à un moment ou un autre du fait que Dahlia était maintenant Dahlia et non plus Drago. Daphné et Blaise firent preuve d'une plus grande ouverture d'esprit que le craignait Dahlia. A vrai dire, ils ne semblaient ni choqués ni perdus, ils avaient l'air de savoir de quoi il s'agissait et de ne pas en être très émus. Blaise donna un coup de coude à Daphné.
- Dis-lui ce que tu m'as raconté l'autre jour, la pressa-t-il.
Daphné rit un peu et se tourna vers Dahlia qui attendait, curieuse. Daphné haussa les épaules.
- C'est juste que… Je me suis rendu compte que je savais déjà depuis longtemps que tu étais une femme.
- Comment ça ? demanda Dahlia, étonnée.
- Parce que… parce que tu es venue dans notre dortoir, répondit Daphné en souriant.
Dahlia ne comprit pas.
- Et ? Je suis venue plusieurs fois dans votre dortoir pour parler avec Pansy, ça n'a rien de très bizarre, si ?
Elle y était même venue en secret pour lui emprunter sa jupe mais ça, elle se garda bien de le dire. Blaise et Daphné échangèrent un regard complice et ne purent s'empêcher de rire, un peu blasés.
- Quoi ?
- Mais Dahlia… Les garçons ne pouvaient pas venir dans le dortoir des filles, il y avait un sortilège qui les en empêchait ! Le professeur Rogue nous l'avait expliqué. Les garçons n'en savaient rien et comme ils essayaient rarement, je ne suis pas sûre que beaucoup de personnes étaient au courant. Mais je t'assure que les garçons ne pouvaient pas venir. On a été surprise la première fois que tu es entrée, on s'est dit que Rogue avait menti ou alors que le sortilège avait dysfonctionné mais en fait…
Dahlia écarquilla les yeux, stupéfaite. Elle ressentit quelque chose de violent au fond d'elle, qu'elle ne fut pas vraiment capable de nommer. Blaise le fit pour elle.
- Tu te rends compte, c'est incroyable, non ? C'est comme si Poudlard avait toujours su que tu étais une fille.
Ils discutèrent encore un moment, laissant les souvenirs remonter, se donnant des nouvelles des autres. Daphné ne voyait plus Pansy depuis longtemps, leurs chemins s'étaient séparés et elle n'avait aucune envie de la recroiser. Theodore vivait quasiment reclus dans son manoir et ils n'avaient plus de ses nouvelles. Gregory travaillait sur le Chemin de Traverse, il fabriquait des balais. Il s'était marié deux ans plus tôt et Blaise le croisait de temps en temps mais sans plus.
- Il n'a jamais été très intéressant, avoua Blaise.
Ils furent interrompus par les pleurs de Perseus qui se réveilla de sa sieste et Blaise en profita pour jeter un coup d'œil à sa montre. Il se leva en même temps que Dahlia, l'air un peu paniqué, en disant qu'il devait absolument retourner au Ministère. Il était déjà en retard.
- C'est la vue d'un bébé qui te fait fuir ? demanda Dahlia d'un ton moqueur.
- J'espère bien que non, vu qu'Astoria est enceinte, plaisanta Blaise.
Voyant que Daphné hésitait, Dahlia lui proposa de rester plus longtemps. Blaise s'en alla, en saluant Dahlia avec un sourire doux et amical puis elle monta chercher son fils. La conversation reprit, c'était facile de parler avec Daphné et Dahlia était étonnée de voir à quel point elles s'entendaient bien. C'était toujours plaisant de retrouver une jeune femme ambitieuse et vaniteuse comme elle, mais qui était aussi quelqu'un de bien. Perseus mangea et joua à leurs pieds tandis qu'elles parlèrent encore. Daphné regardait le bébé avec une douceur mêlée d'indifférence.
- Moi, je vis pour danser, dit Daphné. Il n'y a pas de place pour un enfant dans tout cela.
Dahlia comprenait parfaitement. Regarder son corps déformé par une grossesse, s'absenter pendant des mois en laissant sa place à quelqu'un d'autre, c'était une chose qu'une danseuse comme Daphné ne voulait pas se permettre. Elle avait d'autres rêves, devenir Première danseuse notamment.
- Et alors, avec Harry Potter, vraiment ? demanda Daphné en souriant.
Elles en rirent, cela devait paraitre absurde. Dahlia aima parler de sa relation avec Harry à une personne qui était allée à Poudlard et qui avait suivi leur histoire de loin. Elle ne se sentait pas gênée avec Daphné, elle devinait qu'elle pouvait lui dire ce qu'elle éprouvait. Daphné écoutait avec ravissement, amusée de penser que Harry était tombé amoureux d'elle après tout cela.
- Et toi ? demanda Dahlia.
- J'ai eu une copine pendant un moment mais ça fait plusieurs années que je n'ai personne. Je travaille trop je pense, je n'ai ni vraiment le temps ni vraiment l'envie de faire des efforts pour être avec quelqu'un.
- Je vois, répondit Dahlia sans trop réagir.
Il y eut un léger silence et Daphné eut l'air un peu nerveuse.
- J'aime les filles, donc, déclara-t-elle.
- J'avais compris.
Elle sourit à Daphné et elle se demanda depuis quand son ancienne camarade était consciente de cela. Le savait-elle déjà à Poudlard, au milieu de tous ces Serpentard intolérants et méchants ? Quand on lui parlait des hommes avec obstination, sans penser une seule seconde qu'elle pourrait désirer autre chose, avait-elle l'impression de ne pas être une fille normale elle aussi, comme Dahlia l'avait ressenti ? Autrefois, Daphné ne lui aurait jamais confié une information de ce genre mais maintenant, elle pouvait le faire. Elle devinait que Dahlia ne la jugerait pas.
- Ma meilleure amie aussi aime les filles, dit Dahlia en souriant. D'ailleurs, la moitié de mes amis n'est pas hétéro. Ça a été tellement… libérateur pour moi de partir et de rencontrer tous ces gens ! Des gens qui ne pensent pas qu'aux héritages, au mariage, aux descendants, à la pureté du sang et toutes ces choses…
- Tu m'étonnes, admit Daphné. Quand Pansy a découvert que j'avais une copine, elle a mal réagi et m'a plus ou moins insultée. C'est pour ça que je ne la vois plus. De toute façon, je n'aimais pas ses idées.
Quand Daphné s'en alla, plus tard dans la soirée, Dahlia se sentait vraiment heureuse. C'était comme réparer des douleurs du passé, reconstruire ce qui avait été loupé, être pardonnée de ce qui avait été manqué. C'était bon de se dire qu'elle avait des anciens amis qui comprenaient son chemin, le partageaient en partie et la respectaient pour ce qu'elle était. Sur le seuil de la porte, Daphné se tourna vers Dahlia et la regarda avec un léger embarras, rougissant un peu.
- On… on pourrait se revoir, non ? Tu es beaucoup plus sympathique qu'avant !
- Oui, assura Dahlia sans se vexer. On se reverra.
Elle savait qu'elle reverrait Daphné, elles s'étaient trop bien entendues pour qu'il en soit autrement. Les coups de foudre amicaux existaient, elle venait d'en avoir un. Avec une fille qu'elle avait connue autrefois donc ça ne comptait peut-être pas tout à fait. Dahlia sourit pour elle-même, le cœur léger et rempli d'un espoir qui lui avait fait défaut ces dernières semaines. Il y avait toujours de la lumière, même dans les ténèbres.
Le soir, elle se retrouva allongée contre Harry dans leur lit et lui raconta son après-midi. Il était content pour elle mais elle pouvait voir qu'il ne partageait pas son regain d'énergie. Il avait l'air triste et abattu, à cause des lettres cruelles, de Mark, de son mariage nul et de l'hostilité ambiante.
- Nous n'avons pas besoin de l'approbation des gens, déclara fermement Dahlia. Peu importe ce qu'ils pensent et ce que dit la loi. La loi a tort, elle est défaillante. Tu as juré d'être à mes côtés toute ta vie et j'ai juré aussi. C'est tout ce qui compte.
- Oui… murmura Harry, pas vraiment convaincu.
Il aurait aimé que ces vœux comptent, justement. Il aurait aimé que les gens soient moins cruels et que Mark ne réagisse pas de cette manière.
- Peut-être que nous devrions rentrer à New York et…
- Surement pas ! s'écria Dahlia, déterminée. Hors de question que je fuie à cause d'eux.
Harry avait conscience que d'habitude, c'était elle qui avait peur et lui qui se fichait des autres. L'idée que les rôles s'inversent le déprimait encore plus. Dahlia caressa doucement la joue de Harry et se releva un peu pour l'embrasser.
- Nous n'avons pas fait l'amour depuis que le scandale a éclaté, fit remarquer Dahlia en souriant.
Il se tourna vers elle et la regarda, las et malheureux.
- Désolé, dit-il. Là, actuellement, la seule chose dont j'ai vraiment envie, c'est que tu me prennes dans tes bras.
- Ça me va aussi, assura Dahlia.
Et elle le prit dans ses bras, doucement, pour le réconforter.
Bizarrement, les journaux ne parlèrent pas trop de la victoire éclatante de Dahlia contre les Flammes de Brooklyn. Ils préféraient médire à féliciter. Il y eut un nouvel article sur elle dans la Gazette, qui continua d'achever Harry. L'article s'intitulait « Qui est réellement Dahlia Potter ? » et pour répondre à cette question, les journalistes avaient interrogé d'anciens élèves de Poudlard qui l'avaient connue. Il y avait aussi le témoignage d'un Auror américain qui l'avait rencontrée quand elle était indic. Tous les témoignages étaient accablants. L'Auror la faisait passer pour une espèce de droguée et de délinquante qui avait failli se faire expulser pour avoir acheté des potions illégales, oubliant de préciser de quoi il retournait réellement. Quant aux avis des anciens élèves de Poudlard, il n'y avait rien pour la sauver : elle était méchante, méprisante, odieuse, elle n'avait pas d'amis, donnait des ordres à tout le monde, détestait tout le monde, se réjouissait du malheur des autres et harcelait les plus faibles. Pansy Parkinson en rajoutait une couche, l'air de dire que tous les élèves de Serpentard avaient peur d'elle et étaient à son service par soumission. Elle devait être horrifiée d'avoir eu des rapports sexuels avec une femme trans et d'avoir un jour pu l'aimer et elle le lui faisait payer. Pansy exagérait, Harry le savait parfaitement. Dahlia ne l'avait jamais forcée à trainer avec elle et, si elle avait un pouvoir social évident, Theodore Nott, Blaise Zabini ou Daphné Greengrass en avaient tout autant. Ils n'avaient jamais été soumis à Dahlia de quelque manière que ce soit.
- Le reste est vrai, soupira amèrement Dahlia en reposant le journal. J'étais méchante et odieuse.
- Oui, répondit Harry d'un air accablé. Mais c'était à Poudlard, tout cela remonte à quinze ans bon sang ! Evidemment, ils ne sont pas allés interroger tes amis, tes collègues ou ta famille pour avoir des échos un peu moins négatifs. C'est une bande de porcs.
Dahlia essaya de le cacher mais l'article l'avait un peu secouée elle aussi. C'était dur de se voir reprocher ses erreurs d'enfance, d'autant qu'elle agissait ainsi en grande partie parce qu'elle souffrait terriblement et que ces souvenirs n'apportaient rien de bon. Et puis Pansy… Le témoignage de Pansy lui faisait mal, c'était un fait, un peu comme un coup de poignard dans le dos. Elle avait passé des années aux côtés de Pansy, à parler, médire, rire et comploter. Elle avait passé des années à regarder Pansy aussi, son corps qui changeait, ses habits, ses manies et son maquillage. Des années à l'envier et à utiliser l'amour de Pansy pour avoir l'air normale, peut-être mais était-ce une raison pour lui infliger ces témoignages ignobles ?
Pendant une journée, Dahlia fut tentée de laisser tomber, de se laisser replonger dans le chagrin et la dépression, comme au début. Puis elle réussit à rester forte et elle envoya une lettre à la Gazette. Ils voulaient savoir qui elle était ? Pourquoi ne pas le lui demander à elle directement ? Evidemment, la Gazette accepta immédiatement l'interview, c'était trop beau et inespéré. Une journaliste et deux photographes arrivèrent donc chez elle le lendemain. La journaliste était hautaine mais Dahlia devina qu'elle ne lui était pas spécialement hostile. Le photographe avait l'air de s'en foutre. Quant au stagiaire du photographe qui l'accompagnait, il semblait clairement intimidé par Dahlia. C'était exaspérant de voir comme ils pouvaient lui nuire dans leurs articles pour faire vendre alors qu'en réalité, ils n'avaient rien contre elle.
Ils commencèrent par les photos, pour être débarrassés. Dahlia posa, assise dans son fauteuil, debout près de la fenêtre, dans la chambre, changeant de tenue à chaque fois. Une partie d'elle aimait un peu ça. L'autre partie était terrifiée de penser que le photographe allait volontairement choisir les photos qui la mettraient le moins en valeur et où elle aurait l'air la moins féminine.
- Vous ne voudriez pas déboutonner votre chemisier, par hasard ? demanda le photographe.
Le stagiaire jeta à Dahlia un regard clairement honteux et affligé, l'air horrifié qu'on lui demande ça de cette manière. Ce détail donna du courage à Dahlia.
- Non, ce n'est pas parce que je suis une femme trans que je dois me déshabiller, répondit-elle d'une voix cinglante.
- Vous pourriez aussi vous déshabiller parce que vous êtes une jolie femme fière de son corps, rétorqua le photographe.
La réponse déstabilisa Dahlia pendant une seconde et l'agaça profondément. C'était le débat éternel et sans fin de savoir si une femme dénudée était symbole de misogynie ou de libération. Dahlia hésita, incertaine. Elle pensa à toutes ces années où elle avait détesté son corps, au dégoût qu'elle avait éprouvé pendant son adolescence à se déshabiller dans son dortoir remplis de garçons puis devant les hommes qu'elle avait désirés. Elle repensa à sa peur d'aller à la plage, à sa peur de porter certains vêtements. Elle repensa à l'homme qui l'avait déshabillée dans la ruelle et à toutes les fois où Harry l'avait déshabillée. A Andrew sur les affiches publicitaires, à Emily qui n'osait pas se mettre en maillot de bain quand il y avait du monde, à Marilyn qui recouvrait son corps de tatouages pour cacher le reste.
- D'accord, répondit enfin Dahlia.
Elle défit ses boutons, retira son soutien-gorge et rajusta son chemisier pour que le tissu dissimule une partie de ses seins, mais juste une partie. Elle retira son pantalon et se tourna vers le photographe qui la fixait d'un air appréciateur. Le stagiaire était écarlate. Dahlia prit les poses qu'on lui conseilla et se rendit compte qu'elle n'était même pas vraiment gênée. Elle n'avait plus honte de ce qu'elle était. Elle aimait ses seins qu'elle n'avait pas fait grossir avec un sortilège comme Emily. Ils n'étaient pas moins beaux ou moins vrais que les seins des autres. Elle aimait ses jambes, elle aimait ses fesses, elle aimait son ventre. On leur faisait croire qu'ils étaient monstrueux et anormaux et qu'ils devaient se cacher. Elle emmerdait tous ceux qui le pensaient. Elle n'avait plus envie de se cacher.
Après les photos, Dahlia se rhabilla et s'assit dans le salon pour l'interview. Elle regarda la journaliste dans les yeux, avec froideur.
- Si vous déformez mes propos ou que vous me faites dire l'inverse de ce que j'ai dit, je vous colle un procès pour diffamation, prévint-elle. Et j'ai les moyens de payer un procès.
La journaliste hocha la tête et sortit sa plume. Elles y passèrent deux heures ou presque puis Dahlia fut enfin libérée. Elle était contente de ce qu'elle avait dit, elle avait pu parler de sa transidentité, de ce qu'était être une femme, de son passé, de sa vie à New York, de Harry, du Quidditch. Elle avait soigneusement dosé ce qu'elle voulait dire et ce qu'elle voulait taire. Elle ne demandait pas aux gens de l'aimer mais elle préférait au moins qu'ils l'attaquent en sachant qui elle était vraiment.
L'article parut deux jours plus tard et, à la grande surprise de Dahlia, la photo en une n'était pas celle où elle était déshabillée. C'était peut-être trop choquant pour un journal familial et tout public comme la Gazette. La une titrait « Dahlia Malefoy Potter » et la photo la montrait assise dans son fauteuil, avec élégance et autorité. A l'intérieur du journal, en page 2, on trouvait l'interview ainsi que les autres photos, dont deux où elle était déshabillée. Dahlia lut l'article avec attention et observa les images tout aussi attentivement. Quand elle eut terminé, elle se sentit soulagée. La journaliste n'avait pas déformé ses propos et avait retranscrit plutôt fidèlement ce qu'elle avait dit. Quant au photographe, il avait choisi les clichés qui la mettaient en valeur. Harry découvrit l'article avec prudence puis soulagement aussi. Il fixa les photos un instant et Dahlia sourit malgré elle.
- Quoi ? Tu n'es pas content que j'aie posé un peu dénudée ?
- Non, ce n'est pas ça. C'est juste que… Tu es vraiment belle comme ça.
- Merci.
Dahlia reçut des lettres de ses amis. Elle les soupçonnait d'acheter quotidiennement la Gazette à New York pour suivre ses déboires. Andrew la félicitait, il trouvait l'article et les photos incroyables. Marilyn était admirative, elle l'était toujours un peu de Dahlia. Emily lui faisait savoir qu'elle avait pu prendre des congés et qu'elle viendrait à Londres samedi prochain pour lui rendre visite. Evidemment, tout cela lui faisait chaud au cœur. Ses parents ne firent pas de remarques sur les photos mais Lucius apprécia l'audace de Dahlia d'avoir donné une interview de ce genre. Et la une était merveilleuse, il l'adorait. Hermione et Fleur aussi. Elles semblaient impressionnées que Dahlia ait osé faire ça.
Bien sûr, elle reçut également des lettres haineuses et insultantes. Maintenant qu'elle avait parlé elle-même et qu'elle s'était livrée en pâture à l'opinion publique, les attaques redoublèrent. Les lettres de personnes trans également. On lui disait merci, on lui disait qu'elle était courageuse. Les lectures des lettres oscillaient donc entre des « Merci de donner la parole aux personnes transgenres » et des « Va crever espèce de monstre ! » Dahlia brûlait les lettres venimeuses, pour être certaine que Harry ne les lirait pas. Elle essayait de ne pas se laisser trop affecter mais ce n'était pas toujours facile. Moins facile encore quand des gens vinrent devant la maison, écrivirent des insultes sur la porte et hurlèrent des abominations au pied des fenêtres. Dahlia se mit à avoir peur pour la première fois depuis le début du scandale et sa force déclina un peu. Elle s'envola de sa chambre avec Perseus et s'enfuit au Terrier pour passer la journée loin de chez elle.
Molly l'accueillit avec plaisir et elles passèrent un moment ensemble, à boire du thé devant la maison, sous les doux rayons du mois de juin. Fleur les rejoignit plus tard, toujours aussi méprisante et scandalisée par le comportement des gens. Ron et Harry vinrent déjeuner à midi puis repartirent travailler ensuite. Dahlia n'alla pas à son entrainement. Il ne lui restait de toute façon plus que deux matchs avant la fin du championnat et de sa carrière, deux matchs faciles contre des équipes bien plus faibles. Elle n'en mourrait pas si elle loupait une journée. Dans l'après-midi, Ginny passa à son tour. Elles n'étaient peut-être pas les meilleures amies du monde mais elles se respectaient. Et par solidarité féminine autant que par affection pour Harry, Ginny était dégoûtée comme les autres de tout ce battage médiatique.
- Ton interview était très bien, assura-t-elle. Celle de Parkinson était odieuse. On sait tous qu'elle était amoureuse de toi à l'époque, c'est dégueulasse de réagir comme ça.
Dahlia était touchée par la colère de Ginny. Elles en profitèrent pour reparler du match contre les Flammes de Brooklyn pendant que Perseus jouait avec Louis Weasley. Le petit garçon s'ingéniait à lui apprendre des mots.
- Cochon, répéta-t-il dix fois en montrant l'enclos.
- Toto ! criait Perseus.
Louis lui jetait des regards désespérés. Mais quand Perseus l'appelait en disant Li au lieu de Louis, le petit garçon ne pouvait s'empêcher de sourire avec amusement. Dahlia ne regretta pas d'être venue et de s'être éloignée de Londres quelques heures pour souffler. En fin de journée, elle se décida enfin à rentrer chez elle. Molly semblait inquiète de la laisser repartir mais Dahlia ne comptait pas se cacher ici et les gens avaient dû se lasser d'attendre devant la maison.
- Je vais la raccompagner, proposa Ginny. Au cas où.
- Moi aussi, dit Fleur.
Dahlia en ressentit un léger soulagement, même si elle ne dit rien. Elles prirent un taxi avec Perseus et regagnèrent Londres. Arrivées là, elles aperçurent des gens devant la maison. Finalement, ils ne s'étaient pas lassés.
- Ils n'ont donc rien de mieux à faire ? grinça Fleur en sortant de la voiture.
Dahlia prit Perseus dans ses bras et le serra contre lui. Quand on les vit arriver, il y eut des cris. Ils n'étaient pas très nombreux, peut-être une dizaine, mais c'était déjà trop. Dahlia essaya de faire abstraction de ce qu'on lui criait et elle remerciait le ciel que son fils soit trop petit pour comprendre toutes ces horreurs. Elles atteignirent enfin la porte et Ginny prit Perseus pour que Dahlia trouve ses clés. Quand elle les glissa dans la serrure, un bruit sourd près de son oreille la fit sursauter et elle se figea. Fleur et Ginny aussi. Elles baissèrent les yeux sur la première marche du perron pour regarder la pierre avec incrédulité. Quelqu'un leur avait jeté une pierre, ou plutôt, l'avait jetée sur Dahlia. Elle l'avait manquée de peu. Ginny, Dahlia et Fleur se retournèrent vers le groupe de détraqués et aperçurent immédiatement la femme qui avait lancé la pierre. Le fait que ce soit une femme glaça encore davantage de sang de Dahlia.
- Les monstres comme toi devraient tous être brûlés ! hurla la femme.
Elle semblait complètement folle. Le visage de Fleur changea brutalement, devint hideux et terrifiant, à tel point que la femme recula.
- Comment pouvez-vous nous jeter des pierres ? cracha-t-elle d'une voix menaçante. Il y a un bébé !
- Ce bébé ne devrait pas être né, répondit la femme. Il est tout aussi monstrueux qu'elle !
La main de Dahlia se mit à trembler et elle se pencha imperceptiblement vers la pierre. Ginny la retint et lui fourra Perseus dans les bras, sans douceur.
- Non, dit-elle. Si tu les agresses, ce sera encore pire. Prends-le.
Dahlia prit Perseus et Ginny se baissa pour attraper la pierre. Avant que la foule ait pu comprendre ce qu'elle allait faire, Ginny la lança de toutes ses forces vers la femme, dans un geste de rage et de colère qu'elle ne maitrisait plus. Cette dernière eut le réflexe de se retourner et de commencer à courir mais ça ne servait à rien. Ginny était l'une des meilleures poursuiveuses des Harpies de Holyhead, elle savait lancer et elle savait viser. La femme reçut la pierre en plein dans le dos et tomba sous l'impact. Il y eut encore plus de cris, des insultes, certains transplanèrent. La femme se releva, jeta à Ginny un regard haineux puis disparut à son tour. Choquée, Dahlia entra chez elle avec ses deux amies. Fleur avait retrouvé son apparence normale.
- Tu n'aurais pas dû faire ça, dit-elle à Ginny. Tu aurais pu la tuer.
Ginny tremblait légèrement.
- Je sais, admit-elle, choquée elle aussi par son propre geste.
Elles s'assirent dans le salon, incapables de dire autre chose et c'est ainsi que Harry les trouva en rentrant du travail, trente minutes plus tard.
OoOoO
Cela faisait maintenant une semaine que Dahlia Potter avait collé ce prospectus sur son bureau et ça rendait Mark complètement fou. Il avait essayé tous les sortilèges qu'il connaissait pour l'enlever et aucun n'avait fonctionné. Il aurait pu demander de l'aide mais l'idée même de révéler à quelqu'un qu'elle lui avait fichu ça sur son bureau le rendait honteux. Et il devrait expliquer pourquoi, expliquer qu'il l'avait insultée quand elle était venue. Il avait honte de ça aussi. De toute façon, sa vie n'était plus que honte. Voir Harry passer devant lui sans le regarder était devenu une torture quotidienne. Sentir que Harry le détestait était horrible. Mark s'en voulait mais en réalité, c'était au-delà de ça.
Il avait tellement contemplé le prospectus qu'il le connaissait maintenant par cœur. Parfois, il le cachait pendant des heures pour ne pas le voir, parfois, il le fixait d'un regard vide pendant un temps indéterminé. Il en était malade. Malade de lui, malade de ce bar, malade de tout. Il n'en dormait pas de la nuit, il en faisait des cauchemars. Il rêvait qu'on le trainait de force dans le bar, que tous ses collègues l'y surprenaient et se foutaient de sa gueule. Il rêvait de Dahlia Potter qui l'écrasait avec le talon de sa chaussure et qui se penchait vers lui pour lui murmurer :
- Je sais quel est ton problème, Mark…
Il rêvait de Harry qui embrassait Dahlia. Il avait vu les photos de Dahlia dénudée et maintenant, il avait des images très nettes de Harry et elle. Il en devenait fou. Il avait essayé de se dominer pendant longtemps mais il arrivait au bout de sa résistance. Sa rencontre avec Dahlia Potter l'avait achevé. Elle, Dahlia, l'avait achevé. Et sans doute qu'elle ne s'en rendait même pas compte. Il ressassait en boucle ce qu'elle lui avait dit, choqué de la dureté et de la froideur avec lesquelles elle l'avait dit. Il essaya de se débattre avec les coups qu'elle lui avait donnés mais il finit par abandonner le combat.
Un soir, alors qu'il ne trouvait pas le sommeil, comme d'habitude, Mark se releva. Il s'habilla, se recoiffa et sortit de chez lui. Il connaissait par cœur l'adresse du bar, il avait passé des jours à la lire sur le prospectus. Il n'était que onze heures du soir et le bar était encore ouvert et bien rempli. Mark resta un peu en retrait sur le trottoir, observant les gens à travers les vitres. Il se demanda ce qu'il faisait là, il n'aurait jamais dû venir. Il se détourna, revint à nouveau devant, resta immobile sur le trottoir. Il se sentait complètement stupide, il ne savait même pas pourquoi il était là. Tout cela était ridicule, il ferait nettement mieux de rentrer chez lui et de se recoucher. Il envisagea sérieusement de le faire, avec un mélange de lâcheté et de peur, quand une voix le retint.
- Tu crois que tu vas finir par entrer ? demanda quelqu'un d'un ton vaguement amusé.
Mark se tourna vers la voix et remarqua l'homme qui était appuyé contre le mur. Il était loin du réverbère et Mark ne pouvait pas voir ses traits, il ne devinait que sa silhouette. L'homme devait fumer quelque chose car Mark voyait une lumière rouge et incandescente apparaitre de temps en temps.
- Je ne sais pas, avoua Mark, mal à l'aise.
L'homme se décolla du mur et avança vers lui. Il était un peu plus jeune que Mark, l'âge de Harry peut-être. Il avait des cheveux blond foncé qui lui tombaient sur les épaules et de grands yeux bleus. A son oreille brillait un anneau doré et il tenait une pipe qui fumait doucement. La première pensée de Mark fut de se dire que ce qu'il y avait dans la pipe n'était surement pas très légal. Puis il s'agaça lui-même et sa deuxième pensée fut que le jeune homme était plutôt séduisant.
- Tu devrais venir, on ne mord pas, ironisa l'homme. Qu'est-ce que tu bois ?
Mark eut envie de s'enfuir et en même temps, il avait un peu envie de suivre l'homme.
- Une bière, ce sera suffisant, répondit Mark.
- Suis-moi alors.
L'homme éteignit sa pipe et poussa la porte du bar. A l'intérieur, il y avait une ambiance chaleureuse et animée. Certaines personnes semblaient ivres mais pas trop, rien de désagréable. Mark s'étonna de voir l'homme passer derrière le comptoir et il s'y assit prudemment en jetant des regards autour de lui. Il y avait une porte au fond, surement vers les toilettes et une sortie secondaire. L'homme servit une bière à Mark et la posa devant lui avec assurance.
- Merci… Tu travailles ici, donc ?
- Oui, c'est mon bar, répondit tranquillement le jeune homme.
Mark eut l'air étonné, sans doute parce qu'il était jeune pour être propriétaire de bar.
- Enfin, je possède la moitié du bar, l'autre est à mon meilleur ami.
Il désigna l'autre homme qui travaillait à l'autre bout du comptoir. Mark hocha la tête, mal à l'aise. Il avait envie de parler avec le serveur mais il ne savait pas quoi lui dire. Autour de lui, les gens discutaient et riaient avec leurs amis. Mark aperçut deux hommes qui s'embrassaient et il détourna rapidement la tête, embarrassé.
- Ça fait longtemps que tu as ce bar ? Demanda-t-il.
- Deux ans. On l'a racheté à des Moldus et on en a fait quelque chose de complètement différent. Nous sommes le seul bar sorcier de ce genre, c'est fou non ? Notre communauté est tellement en retard sur tout…
Mark devina ce qu'il voulait dire mais il n'était pas sûr de vouloir débattre de ça. Le jeune homme se détourna de lui pour servir quelqu'un d'autre et Mark l'observa à la dérobée. Il se demanda s'il était gay mais il était à peu près sûr que oui. De toute façon, la plupart des gens l'étaient ici, de toute évidence. Mark se rendit compte qu'il le regardait un peu trop et il se détourna pour observer le reste du bar en buvant sa bière. Au fond, une jeune femme avait l'air particulièrement saoule mais Mark constata que l'amie qui était assise près d'elle semblait en forme et cela le rassura. Les baguettes étaient rangées et tout semblait sous contrôle.
- Tu as l'air un peu perdu, commenta le serveur.
Mark se tourna à nouveau vers lui, surpris.
- C'est la première fois que je viens, je…
Il se tut, il n'allait surement pas lui raconter la honte qu'était sa vie. Mark eut une pensée pour son père et son frère. S'ils apprenaient qu'il était dans un endroit pareil, ils le regarderaient avec dégoût et mépris.
- Je n'étais pas sûr de rentrer…
- Je comprends, assura le jeune homme. Les premières fois sont toujours les plus dures… Après, tout est plus faciles et on y prend plus de plaisir.
Mark rougit à l'allusion évidente et le jeune homme sourit. Ça lui plaisait un peu de provoquer ce client clairement mal à l'aise et à moitié refoulé. Il avait toujours aimé faire ça. Il posa ses coudes sur le comptoir et se pencha vers le client.
- Au fait, je m'appelle Daniel.
- Mark.
- Mark, si j'arrive à deviner le métier que tu fais, tu m'offres un verre ?
- Euh, d'accord, accepta Mark, un peu amusé par la proposition.
Daniel observa Mark quelques secondes en souriant. Mark essaya de ne pas montrer que ça le troublait.
- Tu es policier, dit Daniel.
- Non, répondit Mark, stupéfait. Mais tu…
- Tu es Auror alors.
Mark lui jeta un coup d'œil ahuri et son visage se ferma brusquement, méfiant. Daniel éclata de rire.
- Comment tu sais ?
- Mon père était Auror, il avait la même façon de vérifier les lieux en arrivant quelque part, la même façon de s'asseoir un peu raide et la même manie de garder une main près de sa poche pour attraper rapidement sa baguette.
La méfiance de Mark s'atténua et il finit par éclater de rire lui aussi.
- Eh bien, bonjour la discrétion !
- C'est simplement que j'ai grandi avec un Auror.
- C'est qui ? Je le connais surement.
Daniel hésita une seconde et secoua la tête.
- Il n'est plus vraiment Auror maintenant, sa carrière a… évolué.
Et il fit un geste vague, l'air de dire que ça n'avait pas d'importance. Mark n'insista pas. Après tout, Daniel n'avait peut-être pas envie de révéler son nom ou de parler des membres de sa famille à un inconnu rencontré dans un bar. Mark n'en avait pas spécialement envie non plus.
- En tout cas, j'ai gagné, dit Daniel. Tu dois m'offrir un verre.
- C'est une technique peu subtile de forcer un client à consommer, remarqua Mark en souriant.
Daniel haussa les épaules, pas honteux pour un sou.
- Autant joindre l'utile à l'agréable.
Ils burent tous les deux et l'alcool détendit Mark. Aimait-il être Auror ? demanda Daniel. Ils discutèrent un peu, du travail de Mark, du bar, de choses futiles et superficielles. La conversation n'avait rien de très intéressant mais ils n'avaient pas envie d'arrêter pour autant. Mark aimait bien le sourire de Daniel, il aimait l'assurance qui se dégageait de lui. Il en était même jaloux. Il aurait aimé savoir ce qu'il était autant que Daniel le savait. Il finit toutefois par se forcer à rentrer. Il travaillait le lendemain et il ne voulait pas être épuisé. Daniel lui sourit.
- A une prochaine fois, dit-il.
Mark salua en sachant qu'il reviendrait.
OoOoO
Quand Emily arriva à Londres, elle trouva Harry et Dahlia chez eux, dans une ambiance sinistre. Ils étaient avec une jeune femme rousse et jolie qui semblait tout aussi abattue qu'eux. Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans le regard de Dahlia et Emily s'inquiéta aussitôt.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle vivement.
Dahlia n'eut pas envie de répondre et Harry leva vers Emily un regard triste.
- Hier, une femme a jeté une pierre à Dahlia.
Emily se crispa et se tourna vers son amie mais ce fut la jeune femme rousse qui parla, clairement en colère.
- Elle lui a jeté une pierre alors qu'elle rentrait chez elle. Nous étions avec Perseus, c'est révoltant ! Je n'avais jamais assisté à quelque chose d'aussi méchant.
Emily la regarda s'énerver, honteuse de se dire qu'elle était ravissante quand elle s'énervait alors que Dahlia venait de se faire agresser. Ce n'était pas le moment de penser ça. Elle partageait la colère de la jeune femme et elle estima qu'elle avait bien fait de venir. Tout cela allait beaucoup trop loin.
- Excuse-moi, mais tu es ? demanda Emily en souriant.
- Ginny Weasley.
Emily avait une excellente mémoire des noms et des informations personnelles.
- Ah, dit-elle un peu surprise. Tu es donc l'autre joueuse de Quidditch.
Il y avait un peu d'ironie dans la phrase mais Ginny ne s'en offusqua pas. Elle se doutait bien que, pour cette femme qui était la meilleure amie de Dahlia, elle n'était que l'ex de Harry. D'ailleurs, Emily se demanda ce que l'ex faisait là, dans un moment pareil. Elle obtint sa réponse assez vite. Ginny avait relancé la pierre sur la femme qui les avait agressées, ce qu'Emily trouva très sexy. La femme avait porté plainte et Harry avait porté plainte à son tour contre la femme qui avait jeté une pierre sur Dahlia et son fils. Ils étaient allés au Ministère pour parler à la police et répondre aux questions et venaient de revenir.
- C'était déprimant, conclut Dahlia.
- Tu vas bien ? demanda doucement Emily.
Dahlia haussa les épaules. Elle allait bien jusqu'à présent, elle était fière d'avoir donné son interview, fière d'avoir eu ce courage. Les remerciements lui avaient fait chaud au cœur, retrouver Daphné et Blaise aussi. Mais tout s'était écroulé la veille et elle se sentait à nouveau malheureuse.
- Ils m'ont jeté une pierre alors que j'étais avec Perseus et elle m'a dit que nous étions monstrueux. Je ne vais pas très bien, non…
Ginny regarda Dahlia avec compassion. Elle savait que son geste aurait pu être grave mais elle n'arrivait pas à le regretter. C'était insupportable de voir une autre femme se faire traiter de cette manière, surtout une femme qui était proche d'elle. Car quoi que les gens médisants puissent en penser, Ginny passait ses Noël avec Dahlia, elle jouait avec Perseus comme avec ses autres neveux et nièces. Harry était comme un ami maintenant et Dahlia était un membre de la famille. Ginny ne laissait pas les membres de sa famille se faire insulter sans broncher. Et lancer une pierre, c'était humiliant, méprisant, déshumanisant. Même à un chien, on ne lançait pas de pierres.
- Je vais aller parler à la Gazette, dit sombrement Harry. Jusqu'à présent, je ne voulais pas leur parler, j'avais l'impression que ce serait rabaissant de le faire et que je ne devais rien à tous ces gens qui nous insultaient. Mais là, c'est trop.
- Tu vas dire quoi ? demanda Emily.
- Je vais leur dire que Dahlia est ma femme, que je l'aime et que je veux qu'ils la laissent tranquille. Leur faire savoir aussi que je porterai désormais plainte contre toute personne qui s'en prendra à elle. Il faut que ça s'arrête.
- D'accord.
- Je voulais aussi demander à des amis policiers de passer parfois devant la maison pour faire fuir les gens qui viendraient. Je ne peux pas partir au travail en ayant peur pour Dahlia et Perseus, c'est du délire !
- Ce ne sera pas la peine, dit doucement Emily.
Harry échangea un rapide regard avec elle.
- Bien, souffla-t-il.
Il était très soulagé de savoir qu'Emily venait vivre chez eux quelques temps.
Harry rencontra un journaliste de la Gazette et donna son interview. Il y disait à quel point il aimait Dahlia, qu'il l'avait choisie et épousée et qu'il était profondément choqué que les gens donnent leur avis sur la question. Il citait des extraits de lettres qu'elle avait reçues, demandant avec colère si les gens se rendaient compte du mal que ça faisait à leur famille. Il voulait toucher les lecteurs et gagner leur pitié mais il voulait aussi les menacer clairement. Il était Auror, il pouvait retrouver les auteurs des lettres et porter plainte pour harcèlement moral. Le ton de l'article était donc tour à tour tendre, suppliant et dur. Harry regrettait de ne pas l'avoir fait plus tôt. Il aurait dû prendre publiquement la défense de sa femme au lieu de laisser trainer cet enfer mais il avait eu l'impression que ce serait se rabaisser au niveau de ses détracteurs de le faire. Sa fierté l'avait desservi.
L'interview de Harry eut un impact assez clair. Le nombre de lettres diminua et les témoignages se multiplièrent dans la Gazette. Les lecteurs envoyaient des courriers pour manifester leur mécontentement. Beaucoup de sorciers et de sorcières ignoraient de Dahlia était harcelée de cette manière et trouvaient cela scandaleux. Harry était libre d'être avec qui il voulait, c'était quoi cette histoire ? Cette vague de soutien réconforta Harry et Dahlia qui soufflèrent un peu. Quelques fanatiques essayèrent de venir devant chez eux encore une fois mais Emily les chassa sans prendre de gants et ils eurent trop peur pour revenir. Dahlia retrouva le sourire et son abattement s'allégea. Elle allait aux entrainements sans crainte, laissant Perseus à Emily. Elle savait qu'avec Emily, il ne pourrait rien arriver à son fils. L'ambiance de la maison de Baker Street redevint plus agréable.
Dahlia raconta à Emily qu'elle avait retrouvé des camarades de Poudlard et que ça lui avait fait beaucoup de bien. Emily ne pouvait que comprendre, elle avait ressenti la même chose en retrouvant ses collègues de la MIA.
- Je suis déçu de ne pas avoir été là finalement, dit Harry tandis qu'ils en parlaient au dîner. Ça m'aurait amusé de voir ce qu'ils sont devenus.
- Je peux très bien les inviter, proposa Dahlia.
Harry acquiesça. Elle les invita à dîner dans la semaine, à nouveau motivée. Avant cela, Dahlia avait son avant-dernier match à jouer et elle le remporta sans souci. L'équipe était beaucoup plus faible d'eux et se fit écraser. Maintenant, les Corbeaux étaient certains de finir à la deuxième place du championnat et c'était une fierté merveilleuse.
OoOoO
Quand Mark était revenu travailler, le lendemain de sa soirée au bar, il avait eu la surprise de constater que le prospectus s'était décollé de son bureau. Il put donc l'enlever et le jeter, le cœur serré par le sortilège sournois que Dahlia Potter lui avait lancé. Et en même temps, il ne pouvait même plus lui en vouloir vraiment. Il pensa à Daniel toute la journée, hésitant entre retourner au bar et ne pas y retourner. Son indécision le tuait et il se sentait plus ridicule que jamais. Il aurait pu arrêter là, oublier cette soirée, faire comme si elle n'avait jamais eu lieu. Après tout, il n'avait rien fait de compromettant, rien fait qui puisse… Mark se dégoûtait lui-même d'être aussi lâche. Il lut le journal en découvrant avec horreur l'interview de Harry. Quelqu'un avait même lancé une pierre sur sa femme. Mark se dégoûtait encore plus. Quand Harry arriva au Ministère et passa devant lui en l'ignorant à nouveau, Mark décida qu'il ne pouvait plus le supporter.
-Harry ! appela-t-il d'un ton vaguement désespéré.
Harry s'arrêta à contre-cœur et se tourna vers lui. Il n'avait aucune envie de lui parler, c'était évident et ça brisait le cœur de Mark. Il hésita, bafouilla un peu, eut l'air pathétique.
- Est-ce qu'on peut parler ? demanda-t-il. Je voudrais… je voudrais…
- Eh bien vas-y, parle maintenant, encouragea durement Harry.
- Je voudrais m'excuser Harry, réussit à dire Mark. Je n'aurais jamais dû… Tout ce que j'ai dit, je sais que… c'était nul. Je suis désolé, vraiment.
Il y eut un silence pesant. Harry semblait aussi gêné que lui, au fond.
- D'accord, répondit Harry.
Mais il était évident que Harry ne lui pardonnait rien et ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Quelques jours passèrent et Maggie revint de son congé maladie pour reprendre sa place à l'accueil. Mark retourna travailler avec son équipe. Francis l'accueillit plutôt gentiment mais Jane et Daisy le saluèrent sèchement. L'ambiance était terrible. Harry le regardait à peine et lui répondait toujours du bout des lèvres. Mark aurait aimé s'en plaindre mais il savait que tout était sa faute et qu'il ne pourrait jamais réparer ce qu'il avait fait. Il aurait fait n'importe quoi pour retirer ses insultes et retrouver son équipe comme avant. Il n'y avait plus de légèreté, plus de plaisanteries, plus de rires. Ou alors uniquement quand il n'était pas là. Ça lui donnait vaguement envie de mourir quand il y pensait trop.
Pour y penser moins, il retourna au Between red and purple. Daniel était là et Mark s'assit au comptoir face à lui. Daniel semblait content de le voir, ce qui changeait au moins de son quotidien. Il commanda quelque chose de plus fort cette fois-ci, à base de rhum. Daniel le délaissa pour aller servir d'autres clients et Mark en ressentit une solitude pire encore. Il l'observa sourire aux autres clients avec amertume. Il savait bien que Daniel devait boire des verres avec tous les autres et leur parler de la même manière. Il fut quand même heureux quand Daniel revint vers lui un peu plus tard.
- Alors, comment vont les Aurors de Londres ? demanda-t-il en souriant.
Mark répondit quelques banalités acceptables que Daniel écouta obligeamment.
- Je suis content que tu sois revenu, dit-il finalement.
Mark eut un éclat de rire sceptique et secoua la tête, l'air de lui dire qu'il savait très bien que c'était faux.
- Je suis sûr que tu te souvenais à peine de moi.
- C'est faux, assura Daniel.
Il dut repartir encore une fois pour servir quelqu'un d'autre. Mark termina son verre, un peu trop vite. Il se sentait dans une humeur étrange, à la fois lourde et légère. Quand Daniel revint vers lui, il avait entamé un deuxième verre.
- Est-ce que ça va ? demanda Daniel.
Et la question semblait sincère. Mark le fixa un instant. Il avait toujours méprisé les mecs comme Daniel, avec leurs boucles d'oreilles, leurs cheveux longs, leur air un peu efféminé et leur homosexualité flagrante. Il les avait toujours méprisés et toujours désirés à peu près de la même manière. Il les désirait quand son père disait « Regarde-moi donc ces tapettes… », quand son frère se moquait « Un vrai mec ne peut pas aimer s'en prendre une dans le cul ». Et Mark essayait de s'en persuader un peu plus chaque jour que dieu faisait. Mais les hommes comme Daniel l'avaient toujours affolé, en vérité.
- Non, avoua Mark. Mais je suppose que ce n'est pas ce que tu veux entendre.
- Oh tu sais, il y en a beaucoup qui boivent et qui nous racontent leurs malheurs quand ils sont ivres. Je suis habitué.
- Je vais t'épargner ça alors, répliqua Mark, blessé par la remarque.
- Ça ne me gêne pas, assura Daniel. Surtout quand ils sont séduisants.
Il sourit à Mark d'une façon un peu aguicheuse et ce dernier rougit. Il hésita mais il avait envie de parler à Daniel. En plus, il était ivre et malheureux.
- J'ai fait n'importe quoi, dit Mark à voix basse. Je suis amoureux… je suis amoureux d'un de mes collègues depuis des années. Je n'arrive pas à arrêter.
- Il est hétéro ? supposa Daniel avec compassion.
- Oui. Et il est marié, il a un enfant. Mais moi je croyais… Il fallait qu'il soit avec une femme trans, il ne pouvait pas être avec… Quand j'ai su ça, je ne sais pas, ça m'a rendu fou. Si ça ne le gênait pas d'être avec quelqu'un qui avait une bite, alors pourquoi ne pouvait-il pas être avec moi ?
- Parce que tu n'es pas une femme, dit Daniel un peu sèchement.
- Je sais, gémit Mark. Je sais, il ne m'aimera jamais. Mais sur le moment, ça m'a rendu jaloux, c'était encore pire, je ne sais pas. Je lui ai dit des choses… Je regrette tellement ce que j'ai dit ! Maintenant il me déteste, évidemment, je me déteste aussi.
Mark était complètement saoul et il avait envie de pleurer. Il était pathétique.
- Tu as essayé de t'excuser ?
- Oui, dit Mark. Je lui ai demandé pardon mais c'est trop tard. J'ai tout gâché. Mais peut-être… peut-être que ce n'est pas si terrible au fond et que je vais pouvoir passer à autre chose.
Il y eut un silence. Mark ressassait son désespoir et sa propre honte, Daniel l'observait, partagé entre compassion et agacement.
- Tu es amoureux de Harry Potter, commenta-t-il enfin. Ça doit être dur et en même temps assez facile. Je suppose qu'il doit être plutôt incroyable.
Mark ne demanda pas comment Daniel savait que c'était Harry Potter. Des Aurors mariés avec des femmes trans, il n'y en avait pas tant que ça. Il ne chercha pas à nier et se contenta de parler de Harry. Il était courageux, honnête, généreux. Il avait fait des choses folles et héroïques, il avait cette blessure dans le regard qui attirait Mark et lui faisait peur en même temps. Ils étaient amis, ils avaient combattu ensemble en Pologne, c'était Mark qui l'avait retrouvé dans la cave où il avait failli mourir. Il avait suivi toute l'histoire d'amour entre Harry et Dahlia, conscient qu'il était inutile d'être jaloux et jaloux quand même. La façon dont Harry souriait quand il était question de Dahlia hantait les pensées de Mark.
- C'est beau d'aimer autant quelqu'un, dit Daniel quand Mark arriva au bout de son récit.
- Tu parles…
- Si, je trouve. Je veux dire… ça demande une certaine persévérance. Je suis un peu impressionné ! Moi j'ai aimé mon ex pendant un an et puis j'ai arrêté.
- C'est plus facile de continuer à aimer quelqu'un qui ne nous aime pas.
- C'est vrai, il n'y a pas les points négatifs du couple, de la routine et toutes ces choses. Il n'y a que le fantasme.
- Je suis fatigué de fantasmer, dit Mark avec amertume.
Il se reprit et posa des questions à Daniel sur son ex. Il se laissa bercer par sa voix, regarda ses lèvres bouger quand il parlait, ses yeux bleus assombris par les lumières tamisées du bar. Mark était choqué d'avoir enfin révélé son secret à quelqu'un mais cela lui faisait un bien fou. D'autant que cette personne ne le méprisait pas, ne le rejetait pas et ne l'insultait pas. Il l'aurait mérité pourtant, ce qu'il avait fait à Harry était odieux. Quand il sortit du bar, tard dans la nuit, il se jura d'essayer encore de se faire pardonner.
Il réussit à coincer Harry dans la salle de pause et à se retrouver seul avec lui. Harry lui jeta un regard agacé et froid, montrant clairement qu'il ne voulait pas lui parler. Mark hésita à laisser tomber mais il se força à rester.
- Est-ce qu'on pourrait parler de ce qui s'est passé ? demanda Mark en maitrisant l'angoisse dans sa voix.
- Pour dire quoi ? rétorqua sèchement Harry. Franchement Mark, je ne comprends pas ce que tu veux. On sait tous que tu pensais chaque mot que tu m'as balancé à la gueule ! Tu as toujours été macho et homophobe. Transphobe aussi, d'ailleurs ! Donc quoi ? Tu as eu une révélation à force de rester assis à l'accueil, c'est ça ?
Mark avala douloureusement sa salive. Ce que disait Harry lui faisait mal mais il avait raison et il n'y avait rien à dire pour sa défense.
- Je sais que Dahlia est une femme, avoua Mark.
Et c'était justement ça qui le faisait chier, à vrai dire.
- Je sais aussi que tu n'es pas gay. Et même si tu l'étais… Je ne pense pas ce que j'ai dit.
- Mais alors pourquoi tu l'as dit ? s'énerva Harry, surpris et blessé.
Mark ne pouvait pas répondre à ça, il ne pouvait pas le lui dire. Et lui dire quoi ? Qu'il s'était détesté toute sa vie d'être ce qu'il était ? Qu'il avait essayé de refouler au fond de lui ses désirs pour correspondre à l'image virile que son père lui avait imposée ? Il était devenu Auror pour le contenter mais ça ne suffisait pas. Mark détestait son père et il détestait son frère. Il savait bien pourquoi ils s'engueulaient à chaque Noël, au fond. Et Mark savait qu'il aimait Harry mais ça n'aurait servi à rien de le lui dire et ça aurait été encore pire. Il était entré dans la maison londonienne, la nausée au bord des lèvres et les mains tremblantes. Il avait couru jusqu'à la cave, comme un fou, terrifié à l'idée de l'y trouver mort de soif. Il l'avait sorti de là, soulagé, des sanglots lui enserrant la gorge. Et dès qu'il s'était réveillé, Harry s'en était allé retrouver Dahlia, sans un regard en arrière. C'était le juste résumé de sa vie.
- Je suis désolé, dit sincèrement Mark.
- Peut-être, reconnut Harry. Mais je t'en veux et je ne suis pas sûr que j'arriverai à te pardonner ça. Ces dernières semaines ont été vraiment dures et j'aurais aimé que tu sois à mes côtés, comme un ami aurait dû l'être. De toutes les insultes que nous avons reçues, ce sont les tiennes qui m'ont fait le plus mal.
Mark fixa Harry en silence. Être à ses côtés comme un ami, c'est ce qu'il aurait dû faire mais c'était ce qu'il avait fait pendant toutes ces années et il avait craqué. Ce n'était pas une excuse, il le savait bien. Mark s'excusa à nouveau puis sortit de la salle de pause. Il ne pouvait pas faire plus que ça. Quoique, à bien y penser, si… Il y avait encore une dernière chose à faire avant de pouvoir essayer de tourner la page.
OoOoO
Daphné et Blaise vinrent dîner chez Dahlia, en compagnie d'Astoria. Harry était un peu amusé de les revoir, c'était difficile à décrire. Ils ne s'entendaient pas vraiment à l'époque mais Harry se rendait compte maintenant à quel point c'était absurde. Ils se détestaient simplement pour une histoire de maisons, ça n'avait aucun sens. Daphné se comporta avec Harry comme s'ils étaient de vieux camarades de classe mais Blaise était plus embarrassé. Il était d'une politesse un peu affectée, comme s'il voulait montrer clairement qu'il respectait maintenant Harry et qu'il n'y avait plus aucun problème. Harry lui serra la main en souriant, sans hésiter. Blaise Zabini ne lui avait jamais rien fait personnellement, on pouvait tous se détendre.
Dahlia présenta Emily à ses anciens amis.
- Ah, dit Daphné en souriant. C'est donc elle la fameuse meilleure amie. Enchantée !
Le dîner fut un moment convivial et chaleureux. Astoria et Harry se rappelèrent malheureusement s'être rencontrés dans des circonstances tragiques, dans le cadre de l'enquête du meurtre d'Amanda Glane. Le coupable avait été condamné à la perpétuité et croupissait maintenant à Azkaban.
- Je ne sais pas comment tu fais pour faire un métier aussi sinistre, dit Blaise à Harry. Ça me rendrait fou de voir des meurtres et des horreurs tous les jours. Mais bon, je suppose que tu as toujours été comme ça, à chercher les ennuis et te fourrer dans des situations dangereuses.
La remarque déstabilisa Harry un instant et il choisit finalement d'en plaisanter. Il n'aurait su dire pourquoi mais cela le mettait mal à l'aise. Personne n'y fit attention et la conversation continua. Astoria travaillait à la Coopération magique internationale, domaine qu'Emily connaissait bien. Dahlia perdit un peu ces mots en le disant.
- Emily a travaillé… travaille ? Dans les relations internationales elle aussi.
Emily lui lança un regard agacé et se tourna vers Astoria.
- J'y travaille toujours, ma carrière a simplement un peu évolué depuis que j'ai commencé.
Elles discutèrent un moment des relations internationales, se moquant de certaines hypocrisies. Elles se rendirent compte qu'elles connaissaient des personnes communes, des ambassadeurs qu'elles avaient rencontrés toutes les deux. Blaise semblait très fier de ce que sa femme faisait. En tant que secrétaire du Ministre, il était également au courant de beaucoup de choses. De tout, à vrai dire.
- Tu vas peut-être devenir Ministre un jour, dit Harry en souriant, ne doutant pas que c'était le rêve de sa vie.
- J'en serais ravi, assura Blaise. J'adorerais être le premier Ministre de la magie noir. Ce serait une victoire et un honneur considérables.
- J'imagine, concéda Emily. J'aurais adoré être la première présidente transgenre mais ils m'ont virée avant…
Daphné la regarda avec attention tandis qu'elle leur racontait sobrement comment ils ne l'avaient pas vraiment virée mais reléguée à des tâches bien en dessous de ses compétences pour la cacher et ne pas affoler les diplomates étrangers. Daphné était certaine que sous son apparente ironie, Emily n'avait toujours pas digéré la trahison et ne la digérerait sans doute jamais. Le regard de Daphné s'attarda sur les cheveux noirs d'Emily et sur ses yeux aussi sombres que la nuit. Elle songea qu'Emily avait parfaitement raison d'être encore en colère. Ça lui plaisait bien. Il n'y avait rien de plus triste qu'une femme qui baissait les bras et acceptait les humiliations sans broncher. Elle avait l'intuition que ce n'était pas le genre de cette femme-là.
Ils parlèrent beaucoup du passé et de Poudlard. Dahlia n'était jamais très à l'aise d'évoquer cette période-là mais heureusement, Blaise et Daphné étaient délicats. Emily rit souvent en écoutant les commentaires blasés de Blaise sur les actes de Harry. Daphné se tournait vers Emily quand elle riait, un peu malgré elle.
- Tu ne te rends pas compte Harry, disait sérieusement Blaise. Mais de notre point de vue, tu étais vraiment cinglé. On ne comprenait pas comment il pouvait t'arriver toutes ces choses.
- Oui, assura Daphné. D'accord, certains te détestaient vraiment, comme Dra… pardon, Dahlia, mais à part eux, la plupart d'entre nous n'avions rien contre toi. On ne savait même plus vraiment si on voulait que tu échoues dans tes entreprises ou que tu gagnes. Nous étions surtout blasés.
Harry éclata de rire, un peu amusé d'avoir leur vision des choses. Ses amis de Gryffondor l'appréciaient, Ron et Hermione étaient au courant de tout. Mais c'est sûr que pour les autres élèves, ses comportements ne devaient pas avoir trop de sens. Ils devaient se demander comment Harry s'était retrouvé dans la chambre de Salazar Serpentard, comment Harry avait pu mettre son nom dans la Coupe de feu, comment si et comment ça. Pas étonnant qu'ils le prennent pour un fou.
- Tu savais toi que les garçons n'avaient pas le droit d'aller dans les dortoirs des filles ? demanda Dahlia à Harry.
- Oui bien sûr ! J'ai essayé une fois avec Ron, les escaliers se sont transformés en toboggan et nous ont fait redescendre.
- Moi je ne savais pas.
Ils parlèrent de Daphné et de son métier, différent de la politique. Emily se tourna vers elle.
- Dahlia m'a simplement dit que tu étais danseuse mais elle n'a rien précisé. Danseuse de quel genre ?
- Je danse dans les ballets, répondit Daphné en lui rendant son regard. Je suis ballerine.
- Ah vraiment ?
Emily ne sut pas pourquoi mais cela l'attira un peu. Il y avait quelque chose de pur et de beau dans la danse, bien loin de ses missions secrètes. Daphné expliqua qu'elle rêvait d'être danseuse étoile mais qu'elle ne l'était pas encore. Elle était sujet pour le moment, elle avait donc des rôles de solistes de temps en temps mais dansait encore dans le corps de ballet. En ce moment, ils s'entrainaient pour Le sorcier au cœur velu dont la tournée allait bientôt commencer.
Quand elle parlait de danse, le visage de Daphné changeait, devenait plus lumineux et vivant. Emily la regarda plus attentivement. Elle avait de longs cheveux châtains bouclés et soyeux et des yeux bleu pâle comme sa sœur. Daphné n'était pas spécialement belle mais elle était d'une élégance à couper le souffle. Sans doute parce qu'elle était née dans une famille riche et puissante comme Dahlia, parce qu'elle avait ce côté hautain et supérieur des femmes bien nées, avec son port de tête altier et ses robes sur mesure. Le fait qu'elle soit danseuse aidait peut-être un peu aussi. Emily se dit qu'elle ressemblait à Dahlia et qu'il n'y avait rien de vraiment étonnant dans le fait qu'elles se soient retrouvées dans la même maison à Poudlard ou qu'elles soient redevenues amies. Daphné semblait aussi vaniteuse et autoritaire mais plus douce que Dahlia, plus généreuse aussi. Et surtout, il était évident qu'elle avait grandi avec l'assurance d'être exceptionnelle, unique et aimée, beaucoup plus que Dahlia.
Ils parlèrent de l'opéra qu'Elliott Greengrass avait fait construire sur le Chemin de Traverse pour que la troupe de ballet sorcière de Londres ait un lieu décent où faire ses représentations. L'opéra accueillait aussi des troupes étrangères, celle de Paris notamment, qui était l'une des meilleures du monde. En ce moment, c'était eux qui donnaient des représentations. Emily émit l'idée qu'ils aillent voir un ballet. Dahlia était d'accord, elle avait bien envie de voir ce fameux opéra.
- Je peux vous faire visiter si vous voulez, proposa Daphné en croisant le regard d'Emily. Je vous montrerai nos salles d'entrainement, les loges des artistes, la scène.
- Avec plaisir, répondit Emily.
Elles convinrent d'une date, enthousiasmées. Harry était heureux de voir Dahlia comme ça, de la voir entourée d'amies et souriante. Ça lui faisait oublier un peu le cauchemar des dernières semaines. Ils en parlèrent aussi, évidemment. Blaise et Daphné avaient été choqués d'apprendre l'incident de la pierre. Certaines personnes étaient sidérantes.
- Ton article dans la Gazette m'a un peu ému, avoua Blaise à Harry. Je trouve que c'était bien que tu prennes la parole pour défendre Dahlia et calmer le jeu.
- J'aurais dû faire ça tout de suite.
- Je ne suis pas certaine que ça aurait aussi bien marché si tu l'avais fait tout de suite, dit Astoria en posant ses mains sur son ventre. Là, ce qui a touché les gens, c'est surtout de voir l'ampleur du harcèlement et du scandale.
- Possible, admit Harry.
- Pansy nous a dégoûtés, dit durement Daphné en regardant Dahlia. Mais c'est bien son genre de faire ça, elle a toujours été sournoise et cruelle.
- C'est qui Pansy ? demanda Emily. La fille avec qui tu sortais plus ou moins à Poudlard ?
- Oui, c'est elle.
Emily eut une moue méprisante que Daphné partagea. Maintenant qu'elle avait Blaise et Daphné pour prendre son parti et la défendre, Dahlia se sentie moins blessée par la trahison de Pansy.
Ils passèrent un bon moment et quand leurs invités se levèrent pour partir, même Harry était presque ami avec Zabini. Il était en tout cas très content que le scandale ait eu des conséquences positives en plus du reste, des conséquences comme le retour de Daphné et Blaise dans la vie de Dahlia. Daphné embrassa Dahlia mais n'osa pas vraiment toucher Emily. Cette dernière ne put s'empêcher de regarder un peu plus Daphné, maintenant qu'elle était debout. Daphné était un peu plus petite qu'elle et surtout beaucoup plus mince. La jolie ceinture qu'elle portait sur sa robe entourait sa taille de danseuse un peu trop fine. Emily songea qu'elle la casserait si elle la touchait trop brusquement puis elle se ravisa. Avec la force physique qu'il fallait pour être danseuse, Daphné était sans doute beaucoup moins fragile qu'il y paraissait.
- Eh bien, à vendredi prochain alors, dit Daphné en souriant.
Ses yeux bleus accrochèrent ceux d'Emily quelques secondes puis elle se détourna et s'en alla avec sa sœur et son beau-frère.
