Bonsoir bonsoir !
Voilà la suiiite ! Aujourd'hui, on retrouve nos héros qui ne sont pas au bout de leurs surprises ... et un Mokona qui réfléchit dur (si, si, c'est possible, je vous assure).
Bonne lecture à toutes et à tous :)
Chapitre 30 - Les trappeurs
Lorsque Fye émergea de leur yourte, peu après l'aube, Kurogane avait déjà ravivé le feu pour le petit-déjeuner. Il faisait infuser du thé tandis que Shaolan, Sakura et Mokona préparaient des tartines. Le mage cilla : vu l'heure à laquelle il s'était couché, il pensait être le dernier levé, mais ses parents n'étaient pas encore là. Il rejoignit ses compagnons et salua Shaolan, Sakura et Mokona.
– Bonjour, Fye ! lui répondirent les adolescents et la boule de poils en chœur.
Le mage se tourna ensuite vers le ninja.
– Bonjour, Kuro-chan !
– Salut.
Fye cligna des yeux : le ton était sec, mais ce n'était pas la rudesse habituelle de Kurogane. Le magicien devinait le reproche dans sa voix et il comprit qu'il lui en voulait toujours pour la veille. Toutes les peurs que son sommeil avait brièvement endormies refirent surface dans son esprit. Mal à l'aise, il s'assit près de ses compagnons, le plus loin possible de Kurogane. Que devait-il faire ? S'excuser ? Agir normalement, en espérant que l'agacement du ninja s'estompe ? Après tout, il n'avait pas vraiment commis de faute … Fye secoua la tête. Non, il ne pouvait pas se voiler la face. Si Kurogane se montrait si froid avec lui, ce n'était pas seulement à cause de son retard de la veille. Il y avait bien plus que cela, et s'il fuyait, il risquait de faire encore plus de mal à son compagnon.
Kurogane ne tourna même pas la tête quand Fye prit place près du feu. S'il avait été dans son état normal, il aurait déjà oublié que le mage l'avait fait attendre la veille, ils auraient pris leur petit-déjeuner dans la bonne humeur et ils auraient poursuivi leur route sans plus penser à tout ça. Mais il n'était pas dans son état normal, il n'avait pas envie d'être gentil, ni indulgent, et tant pis si cela devait blesser le blond.
Shaolan, Sakura et Mokona échangèrent un regard : la situation ne s'était pas améliorée. Ils soupirèrent intérieurement, et Shaolan songea à mettre les pieds dans le plat, puis se ravisa : ce n'était pas le moment de faire exploser une atmosphère déjà tendue. Mokona pensa à plaisanter, puis se dit que la moindre blague pourrait mettre le feu aux poudres, alors il se tut. Sakura hésita à proposer à Shaolan de s'éloigner pour leur entraînement matinal, mais elle y renonça rapidement : ils n'avaient pas fini leur petit-déjeuner, leur réaction aurait paru plus que suspecte.
À cet instant, Chii et Hideki sortirent de leur yourte. Au silence qui régnait autour du feu, ils comprirent que quelque chose n'allait pas. Sakura leur sourit.
– Bonjour, vos altesses. Préférez-vous des tartines ou de l'omelette avec votre thé ?
Ils lui répondirent distraitement, et Shaolan s'empressa de les servir. Ils s'assirent autour du feu, tout en jetant des regards interrogateurs en direction de leur fils et de Kurogane. Pour toute réponse, Hideki récolta un regard assassin de la part du ninja.
Au même instant, il commença à neiger. Les flocons tourbillonnèrent et se posèrent sur les branches des sapins, sur la peau imperméable des yourtes, se noyèrent dans l'eau de leur thé et blanchirent leurs cheveux. Ils ne produisaient aucun son en touchant le sol, et si Fye n'avait pas entendu le bois craquer et fumer dans le foyer, il aurait l'impression d'être devenu sourd. Malgré la froideur de l'air, il étouffait. Il avala quelques gorgées de thé, ses doigts crispés sur son bol. Kurogane ne lui prêta pas la moindre attention durant tout le repas et cette indifférence lui fit mal, car elle lui rappela celle qu'ils se témoignaient à Infinity, peu après que Kurogane l'avait transformé en vampire. À cette époque, Fye lui en voulait d'avoir pris une telle décision, et c'était pour lui manifester son désaccord qu'il s'était montré si froid. Mais à présent, c'était le ninja qui était en colère contre lui, et Fye aurait donné n'importe quoi pour qu'ils se réconcilient.
Ils remballèrent leurs affaires et reprirent la route. Le mage et le ninja ne s'adressèrent pas la parole de la matinée, et Fye ne parla pas non plus à ses parents. Il demeura près de Shaolan et Sakura, et discuta avec eux. Les adolescents jetaient de temps en temps un œil en direction de Kurogane, qui chevauchait en bout de file, le regard rivé sur le paysage moucheté de blanc. Ce n'était pas en s'ignorant que leurs amis allaient résoudre leurs problèmes, mais les adolescents savaient qu'ils ne pouvaient rien faire. En milieu de matinée, le vent se mit à souffler, ressuscitant dans son sillage les bruits tus par la neige. Les flocons grossirent et vinrent se glisser dans le moindre pli de leurs vêtements, glaçant leur cou et leurs chevilles. À midi, ils avalèrent rapidement un casse-croûte, car ils n'avaient trouvé aucun relief naturel pour s'abriter des intempéries, puis ils se remirent en selle sous le blizzard.
Enfin, en milieu d'après-midi, la mitraille glacée cessa, le vent s'apaisa. Toutefois, au-dessus de leurs têtes, des hordes de nuages se concertaient déjà pour leur prochain assaut. Les nuées roulaient un coton de plus en plus noir, préparant une poudre à canon auquel le briquet des éclairs menaçait de mettre feu.
– Un orage de neige … c'est possible ? souffla Sakura d'une toute petite voix.
– Oui, c'est possible, acquiesça Fye. J'en ai vu plusieurs à Sélès. Ce serait bien si nous pouvions nous abriter dans une grotte, nos yourtes vont attirer la foudre.
– Est-on encore loin d'Ingvar ? demanda Shaolan.
– Je pense que nous devrions trouver son repaire d'ici deux ou trois jours.
Ils cheminèrent encore une heure, puis, voyant que la nuit tombait, ils se dirigèrent vers la ligne de montagne sur leur gauche. Ils finirent par trouver une grotte pour la nuit et mirent pied à terre. Shaolan et Sakura entrèrent les premiers dans la caverne, tandis que Fye, Kurogane, Chii et Hideki détachaient leurs tentes et leurs ballots. Ils allaient desseller leurs chevaux, quand ils entendirent Sakura pousser un cri d'effroi. Fye et Kurogane échangèrent un regard inquiet, et suivis des anciens souverains ils se précipitèrent dans la caverne.
Dans la pénombre minérale, ils ne distinguèrent d'abord que des ombres. Puis, à mesure que leurs yeux s'accoutumèrent au manque de luminosité, ils devinèrent des formes humaines et frémirent.
Le sol de la caverne était jonché d'une dizaine de corps, couchés face contre terre. Il s'agissait uniquement d'hommes, habillés de vêtements chauds et dont la position ne permettait pas de voir clairement leur visage. Au milieu de la grotte, un cercle de pierres entourait les cendres froides d'un feu de camp. Contre l'une des parois, les voyageurs repérèrent les dépouilles de plusieurs animaux aux fourrures soyeuses : renards, loups, et même un félin au aux oreilles pointures et au pelage blanc parcouru de taches brunes.
– Les trappeurs, souffla Fye.
– Qu'est-ce qu'il a bien pu leur arriver ? bégaya Sakura. Ils sont … ils sont morts de froid ?
– Pas avec les vêtements qu'ils portent, dit Kurogane.
Shaolan s'avança dans la grotte et s'agenouilla près de l'un des corps. Il remarqua alors que le manteau de l'homme était troué dans le dos, mettant sa peau à nue. La déchirure était large et circulaire, de la grosseur d'un poing. Cet homme avait-il été agressé ? Pourtant, il ne portait pas de marque de blessure. À cet instant, Shaolan tressaillit : le mort émettait encore de la chaleur. Saisi d'un doute, il posa deux doigts au sur son cou et sentit distinctement le sang battre au niveau de sa carotide.
– Cet homme est vivant !
– Quoi ? s'exclamèrent ses compagnons.
– Mais alors, les autres … ? commença Sakura.
Tous se précipitèrent vers les corps et tâtèrent leur pouls : ils étaient tous en vie.
– Quel soulagement, s'exclama Sakura. Mais s'ils sont vivants, pourquoi sont-ils inconscients ?
Shaolan et Fye échangèrent un regard.
– Probablement qu'on leur a volé leur âme, déclara le magicien.
– Ingvar aurait envoyé un autre sortilège ? fit Kurogane.
– Cela m'en a tout l'air, acquiesça Shaolan.
– S'ils sont en vie, intervint Hideki, il reste un espoir de les sauver, non ?
– Oui, si l'on retrouve Ingvar, acquiesça Fye.
– On ne peut pas laisser ces hommes ici pendant que nous poursuivons notre route, objecta Sakura. Avec le temps qu'il fait, leur corps va geler …
– Je vais contacter Clef, déclara Fye, peut-être aura-t-il une solution à nous proposer. En attendant, regroupons les corps et essayons de les mettre à l'abri du froid.
– J'ai trouvé des couvertures dans leurs bagages ! s'exclama Chii, penchée sur les affaires des trappeurs.
– Parfait, peux-tu en étendre quelques-unes au sol, mère ?
– Tout de suite !
Shaolan souleva un homme par les pieds tandis que Sakura le prenait par les aisselles. Hideki, Fye et Kurogane portèrent les autres corps sur les fourrures que Chii dépliait les unes après les autres. Sur l'épaule de Shaolan, Mokona remarqua alors que tous les manteaux des trappeurs portaient la même déchirure dans le dos, ample et arrondie. Qu'est-ce que cela signifiait ?... Sans qu'il ne se l'explique, ce trou dans leurs vêtements lui donnait la chair-de-poule. Il se rappela alors de la paire d'ailes qu'il avait cru apercevoir dans le dos d'un des passants, à Tirmeíth. Il pensait s'être imaginé des choses, mais peut-être n'avait-il pas rêvé ? Pouvait-il y avoir un rapport entre cette paire d'ailes et la déchirure dans le manteau de ces hommes ? Perplexe, Mokona songea qu'il devrait en parler à ses compagnons. Quand ils eurent réuni toutes les victimes, les voyageurs les mirent au chaud sous d'épaisses couvertures.
– Voilà, comme ça la température de leur corps ne s'abaissera pas trop, dit Sakura.
Fye traça un cercle de runes devant lui et après quelques secondes, le visage de Clef y apparut. Les yeux du petit mage blanc s'écarquillèrent en le reconnaissant.
– Bonsoir Clef, j'espère que je ne vous dérange pas.
– Bonsoir Fye. Je ne m'attendais pas à ce que vous me contactiez. Avez-vous trouvé Ingvar ?
– Non, pas encore, mais nous approchons de sa position. En revanche, sur sommes tombés sur un groupe de trappeurs, qui viennent sans doute de Tirmeíth. Ils sont inconscients, on leur a volé leur âme.
– … un coup d'Ingvar ?
– Très probablement.
– Comment ce sorcier aurait-il su où se trouvaient les trappeurs ?
– Son sortilège a peut-être la faculté de détecter la présence d'êtres humains et de les poursuivre.
– Mmm … oui, c'est possible.
– Par ailleurs, nous avons découvert que seules quelques recrues d'Ingvar lui ont volontairement abandonné leur âme. La majorité de ses soldats semble agir sous la contrainte et ils ont été dépossédés de leur âme sans leur consentement.
– Raison de plus pour l'arrêter le plus rapidement possible.
– Nous devons continuer notre route, mais nous ne pouvons pas abandonner les trappeurs. Voyez-vous un moyen de les protéger ?
– Grâce au sortilège avec lequel vous m'avez contacté, je peux connaître votre position actuelle. Je vais envoyer des magiciens récupérer les corps des trappeurs, ils les ramèneront à Tirmeíth pour que nous prenions soin d'eux.
– Nous sommes très loin de la frontière de Tirmeíth. Quand ces mages arriveront-ils ?
– Après demain, je dirais.
– Dans ce cas, je protégerai les trappeurs d'un sortilège que vos mages pourront briser facilement. Il devrait tenir jusqu'à ce que vos collègues soient sur place.
– Très bien. Fye ?
– Oui ?
– On m'a informé que plusieurs centaines de personnes sont tombées dans le coma dans le royaume de Dál Gleann. Ingvar collecte de plus en plus âmes, vous devez vous dépêcher.
– C'était notre intention.
– Faîtes attention à vous et à leurs altesses royales.
– Bien-sûr.
Le mage coupa la communication. Dehors, le vent gémissait et soulevait des traînées de neige dans son sillage. Au loin, le tonnerre roulait comme un tambour belliqueux annonçant la bataille ; la nuit tombait et les températures ne tarderaient pas à devenir polaires. Les sept voyageurs montèrent leurs yourtes à l'intérieur de la caverne, allumèrent un feu et dînèrent dans un silence relatif. Shaolan et Sakura échangèrent un regard : leur macabre découverte n'avait visiblement pas suffi à faire oublier à Fye et Kurogane leurs différends, car ils s'évitèrent toute la soirée. Après avoir fait la vaisselle, ils allèrent se coucher. Tandis que tout le monde sombrait dans le sommeil, Mokona, lui, demeura éveillé. Il ne cessait de repenser au trou béant dans le dos du manteau des trappeurs, persuadé que quelque chose d'important lui échappait, quelque chose qui pouvait mettre ses amis sur une piste. Cependant, il eut beau retourner la question dans son esprit, il ne parvenait pas à expliquer cette étrange déchirure. Épuisé, le manjuu finit par s'endormir, rassuré que la caverne les protège de l'orage qui se rapprochait.
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Shaolan, le souffle court, ramassa son épée et se fendit vers Moira. La jeune femme para ses assauts, répliqua, un duel sans merci s'engagea. Au bout de plusieurs feintes, il parvint à la frapper à la cheville. Un sentiment de satisfaction l'envahit : cette fois, il avait atteint son point faible, elle allait mourir. Les muscles en feu, il se redressa … et se figea.
La femme qui gisait à terre n'était pas Moira. Celle qui se trouvait à ses pieds avait de longs cheveux noirs, des yeux en amande et une robe échancrée … il la reconnut immédiatement. Il s'agissait de Shinfuo, la jeune fille artificielle que Fei Wang Reed avait jadis créée. Shaolan blêmit et lâcha son épée. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Il la croyait morte ! Que faisait-elle ici ? Pourquoi s'était-elle interposée au milieu de la bataille ? Ce n'était pas elle qu'il visait, il n'avait jamais voulu lui faire de mal ! Abîmée dans une mare de sang, la jeune femme ne l'entendait déjà plus. Affolé, Shaolan se retourna pour chercher Moira du regard.
Son adversaire avait disparu, tout comme ses amis. Où étaient-ils tous passés ? Ils se battaient à ses côtés quelques secondes auparavant, il entendait leurs armes ferrailler contre celles de l'armée d'Ingvar, pourquoi n'y avait-il plus personne ? Un silence lugubre l'enveloppa et il leva la tête : dans le ciel, ce n'était pas la lune qui luisait, mais un astre d'un rouge effrayant, qui menaçait d'avaler le firmament. Les yeux de Shaolan s'écarquillèrent. Cette lune n'existait pas à Valeria, il ne l'avait jamais vue. Il aurait donc … changé de dimension ? Mokona ne s'était pourtant pas activé … dans ce cas, il aurait voyagé tout seul ? Non, impossible, il ne possédait pas ce pouvoir. Il recula et sentit soudain le sol se ramollir sous ses pieds. Ses semelles glissèrent sur la berge, il dérapa. La terre était en train de se transformer en une boue visqueuse. Où était-il ? Que se passait-il ? Il allait perdre l'équilibre, il devait se raccrocher à quelque chose, une branche, un rocher … trop tard. Avec terreur, il s'enfonça dans la glaise qui l'entraîna comme un torrent. Il aperçut un fleuve, tenta de freiner sa course, sans réussite. Il bascula dans des flots glacés et le froid mordit chacun de ses membres. La panique envahit son esprit, le tétanisa tout entier : il n'était pas comme les soldats d'Ingvar, il ne pouvait pas survivre à une eau si froide. Il s'apprêtait à accueillir la mort, quand soudain, il se rendit compte que l'eau était moins froide qu'il ne l'avait imaginé. Il ouvrit les yeux, stupéfait, et constata qu'il pouvait même respirer. Son manteau avait disparu, emporté par le courant, et l'eau avait déchiré ses manches. Sur ses bras, il découvrit des tatouages. Des entrelacs rouges, qui couraient sur sa peau comme des chaînes… les pupilles de Shaolan se rétrécirent.
Non, impossible. Ces tatouages, ils avaient exactement le même aspect que ceux que Fei Wang Reed avait utilisés pour l'emprisonner durant sept ans. Mais pourquoi réapparaissaient-ils maintenant, alors qu'il n'était plus captif ? Cela n'avait aucun sens ! Shaolan eut beau frotter sa peau, les entrelacs ne disparurent pas. Une épouvante sans nom lui tordit les entrailles, il releva la tête et tendit la main dans l'eau : ses doigts heurtèrent une surface de verre poli, au-delà duquel il devina une salle circulaire sombre, parcouru d'idéogrammes lumineux.
Un filet de bulle s'échappa de ses lèvres, son corps tout entier trembla. Non … non, non, non ! Il se trouvait de nouveau dans cette dimension parallèle et factice, prisonnier dans ce tube de verre. Comment ce monde pouvait-il encore exister, alors que Fei Wang avait disparu ? Shaolan cogna de toutes ses forces contre la paroi pour se libérer. À cet instant, une silhouette s'avança vers le cylindre transparent qui le retenait. Shaolan ne distingua pas son visage, mais sans qu'il ne sache pourquoi, il eut la certitude qu'il s'agissait d'Ingvar. Comment cet homme était-il arrivé dans cette dimension ? Un corps reposait dans ses bras, un corps frêle, féminin, aux cheveux châtains. Shaolan voulut crier, mais l'eau étouffa sa voix. Sakura gisait inconsciente dans les bras d'Ingvar, aussi inerte que les trappeurs, ce qui signifiait ... Shaolan frappa avec fureur sur la vitre, mais elle refusait de se briser. À cet instant, il avala de l'eau et s'étrangla. Il allait mourir, mourir sans pouvoir avoir pu sauver Sakura …
Shaolan se réveilla en sursaut, le dos en sueur et le cœur battant à tout rompre. Son regard demeura rivé aux couvertures pendant plusieurs secondes, jusqu'à ce qu'il reprenne ses esprits. Un cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar. Tremblant, et passa une main sur sa nuque trempée.
– Shaolan ? Ça va ?
Près de lui, Sakura s'était réveillée et le dévisageait d'un regard inquiet.
– Sakura … je … oui, ça va. J'ai juste fait un mauvais rêve.
– Un mauvais rêve ?
– Je crois que les évènements de ces derniers jours ont fait remonter de vieux souvenirs en moi. Ce n'était pas très agréable.
Shaolan cilla, encore hanté par les images que son esprit avait assemblées pour créer une vision d'horreur. Sakura le dévisagea longuement, puis se redressa. Avant que le jeune homme n'ait pu faire un geste, elle l'enlaça doucement. Le cœur de Shaolan s'accéléra et il sentit les bras de Sakura se resserrer dans son dos.
– Tu n'es plus tout seul, maintenant. Ce n'est plus comme lorsque tu étais prisonnier de Fei Wang.
Shaolan tressaillit : comment avait-elle deviné qu'il avait rêvé de sa captivité ? L'étreinte de Sakura se fit plus forte.
– Je suis avec toi. Je ne disparaîtrai plus, alors ne t'inquiète pas.
Shaolan sourit et peu à peu, la pression sur son cœur se relâcha. Il entoura à son tour Sakura de ses bras et la serra contre lui. La jeune fille sourit. À cet instant, un bruit extérieur à leur tente attira leur attention. Ils se séparèrent et tendirent l'oreille.
– Tu as entendu ? demanda Sakura.
– Oui.
– Qu'est-ce que c'était ?
– On aurait dit … des pas dans la neige. Des pas d'animaux …
– De beaucoup d'animaux, alors …
Les adolescents échangèrent un regard, puis Shaolan se leva.
– Reste ici, je vais voir.
Sans bruit, il se sortit de la yourte. À l'aide d'un sortilège, il fit apparaître une petite boule de feu et avança vers l'extérieur. Le bruit étrange s'amplifia à mesure qu'il approchait de la lisière de la grotte. Des pattes, des dizaines pattes foulaient la neige. Des loups ? Des lynx ? Leurs réserves de nourriture avaient-elles pu les attirer ? Dehors, le vent s'était tu, mais le tonnerre grondait comme un fauve et la neige tombait à gros flocons. Il avança encore d'un pas et plissa les yeux.
C'est alors qu'il les vit. Ils n'étaient pas une dizaine, mais plusieurs centaines. Ils avançaient droit vers eux, en trouant la neige sous leurs pattes, informes, horribles, terrifiants. Le sang de Shaolan se glaça et il mit une brève seconde à admettre que ce qu'il voyait était bien la réalité. Il tourna les talons et rentra dans la caverne en hurlant :
– Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! On est attaqués !
Sakura s'empara de son boomerang tandis que Kurogane, qui dormait toujours d'un sommeil léger, bondissait aussitôt. Le ninja se mit sur son séant, serra son poing gauche et fit jaillir son sabre. Il se leva, jeta un œil en direction de la couche de Fye pour le héler, et à cet instant, son cœur manqua un battement.
Le lit était vide.
Le sang de Kurogane ne fit qu'un tour. Il se précipita hors de la tente, parcourut la caverne du regard : il repéra Shaolan, Sakura, Mokona, mais pas de traces du mage.
– Vous avez vu Fye ?
– Hein ? s'exclama Shaolan. Il n'est pas avec toi ?
Kurogane sentit l'angoisse le saisir. Au même moment, Hideki émergea de sa yourte, paniqué.
– Chii a disparu !
