Auteur : Midou-kun (que je remercie de m'avoir permis de traduire sa fic)

Traductrice : Saturne (c'est moi) C'est ma première traduction. J'ai fait de mon mieux, alors j'espère ne pas avoir fait trop de bourdes et que l'ensemble n'est pas trop maladroit..

Base : Alors la base c'est le manga Hikaru no Go pour l'auteur.. Et moi je traduis..

Genre : C'est pas un slash et c'est pas super joyeux... (j'ai oublié de le dire avant, mais attention au spoilers, là y'en a jusqu'à la fin du manga !)

Disclaimer : Rien n'est à moi. Ni les persos, ni l'histoire... Enfin si, peut-être la traduction, mais bon ça compte pas.. Et ni moi ni l'auteur ne recevons de l'argent (dommage, d'ailleurs)

NDT : Argh, je sais pas bien comment fonctionne ce site (je ne peux même pas écrire son nom sinon il me l'efface, encore un mystère à élucider..) quand on met en ligne un chapitre, mais il me retire les espaces, les alinéas, et même quelques signes de ponctuations.. Du coup, c'est moins « aéré » que dans l'original.. Dans le chapitre précédent, j'avais mis des petits ronds au milieu pour y remédier (pour garder la rupture, je veux dire..), mais tous mes autres espaces, hop, envolés ! Pareil pour les smileys, d'ailleurs... A part ça, les cours ont (enfin) commencé pour moi, alors désolée mais ma traduction va ralentir un peu.. Mais je pense que ça sera plus rapide quand même que pour ce chapitre-là qui m'en avait vraiment bien fait baver (d'ailleurs je trouve ma traduction un peu beaucoup maladroite.. m'enfin bon, c'est compréhensible je pense).. Et puis j'ai déjà commencé la traduction des trois chapitres suivants. Je crois que j'ai oublié de le préciser : y en a six en tout.. Et laissez des reviews, ça fait toujours plaisir !

Anyssia : En tout cas c'est gentil d'avoir laissé une review pour chacun des deux chapitres précédents ! Merci merci merci ! Sinon, c'est vrai qu'il y a une atmosphère étrange dans cette fic, c'est bien pour ça qu'elle a attiré mon attention. En plus, je suis adepte des retours dans le temps, des flash-back et tout ça... Tu sais, le genre d'histoire qui commence par la fin... Encore merci (je me répète...), je fais de mon mieux pour la traduction. Mais c'est vrai que pour ce chapitre, si je ne connaissais pas les règles du go, j'aurais eu du mal avec tous les termes un peu partout.. J'ai mis quelques explications pour les lecteurs qui ne s'y connaissent pas trop, j'espère que ça va aider... J'ai toujours été nulle en grammaire, alors là j'ai lutté un peu avec les temps qui étaient pas toujours bien définis. J'arrête mon blabla, voilà la suite !

Mikii : Waou ! Ca c'est ce que j'appelle de la longue review ! C'est gentil d'avoir pris du temps pour l'écrire Alors, je vais répondre à tout ce que tu m'as dit dans l'ordre... Déjà, pour le peu de reviews que je reçois, je pense qu'il y a deux raisons principales : 1) c'est une traduction, je ne suis donc pas l'auteur, donc ceux qui voudraient laisser des commentaires plus à l'auteur qu'à la traductrice s'abstiennent peut-être. Pourtant, je transmets toutes les reviews à l'auteur dès que je les reçois.. Et puis comme l'histoire est terminée et consultable en anglais, y a le côté « influençage d'auteur et donnage d'idées à l'auteur » qui ne marche plus, et le facteur « je vais lire direct en anglais parce que je peux pas attendre cette feignasse de traductrice » qui compte aussi... C'est bien compréhensible, je réagis souvent comme ça moi aussi ! Ensuite et surtout, 2) priorité aux slashs ! Quand on a le choix entre une fic slash et une fic dans les normes à lire, laquelle on choisit, hein ? Moi c'est ce que je fais : je regarde les résumés et lis d'abord ceux qui promettent un joli slash... Ce site grouille de perverses (j'en fait partie et j'en suis fière) alors si on veut des reviews, faut faire du slash. Disons que cette fic-là c'est une exception à la règle. Son style bizarre et sombre était vraiment trop excellent, il fallait que je la traduise... A part ça, merci pour les compliments, ça me va droit au cœur surtout que au collège et au lycée j'étais toujours la plus nulle de la classe en anglais. J'ai eu une brusque amélioration en découvrant ce site (je peux toujours pas taper son nom, c'est lourd, j'ai dû reposter le chapitre à cause de ça...), en fait, un peu avant le bac (alleiluia ça m'a sauvé la vie, sans ça j'aurais foiré en beauté l'anglais à l'examen). Donc je peux dire que les fics anglaises de ce site (grumph..) ont été mon prof d'anglais ! XD Alors pour ta remarque sur la partie de Isumi et Waya, comme je joue un peu au go (mais comme un pied, j'ai réussi à gagner qu'une partie et demie.. ch'suis naze..) je peux te répondre à peu près. En effet, quand on a bouffé tout son temps réglementaire, y a le temps additionnel. C'est des petites périodes de 30 secondes ou une minutes, ou plus, ça dépend... et c'est super stressant d'ailleurs, j'ai raté une bonne dizaine de parties à cause de ça. Et puis non, c'est déplorable et très regrettable mais il n'y a pas de slash dans cette fic. Quoique, peut-être du trèèèès léger shônen ai vers la fin, mais vraiment léger... Faut bien chercher, quoi... Pour Sai, tu m'as demandé de répondre alors viens pas te plaindre après :p ... Alors certes ça ne s'est pas encore passé dans les tomes parus en France, mais Sai disparaît bel et bien (tome 14 si mes souvenirs sont bons..). Déjà dans les tomes 11-12, on peut le pressentir, pas vrai ? Sur ce site, tout le monde est plus ou moins au courant, la plupart des fics en parlent pour essayer de trouver un remède à l'immense frustration que laisse le manga, aussi bien pour la relation AkiHika que pour la disparition de Sai. Personnellement, j'en avais marre d'attendre alors j'ai tout lu jusqu'à la fin direct en japonais. Tu pourrais le faire aussi, puisque tu as fait deux ans de japonais. Pour mon profil, je l'ai fait à la va-vite, mais je compte bien le compléter en y racontant ma vie. XD Je m'égare, mais moi aussi j'aime bien voyager de profils en profils, on tombe sur des trucs intéressants (ça fait un peu la technique du singe qui saute de lianes en lianes...). Par exemple, des jolis dôjins, des sites yaoi, des fanarts sympas, etc... Je m'égare encore plus, mais si tu aimes le Sasu/Naru, va lire les fics dans mes favoris ! Elles sont à en finir desséchée par excès de bavage ! (en anglais bien sûr, y a pas beaucoup de fics en français...)............................ Oups, je me suis étalée, mais c'est parce que j'étais vraiment contente d'avoir une review ! Donc, encore merci, désolée pour mon blabla, et voilà la suite juste en dessous ! (en fait, ce chapitre était prêt depuis longtemps, mais je le fignolais.. les trois autres aussi sont déjà bien entamés..)

BONNE LECTURE !!!

...

...

OOO

...

...

CHAPITRE 3: Réalité

"Je ne suis pas fou !"

-John Nash (A Beautiful Mind)

Toya Akira n'était pas au mieux de sa forme. Depuis que Hikaru lui avait dit à propos de Sai, il n'était plus revenu au salon, et l'absence de son rival l'avait alarmé. En dehors des séances d'entraînement mental que Shindo lui donnait à chaque fois qu'ils jouaient, Akira était terrassé par l'inquiétude. A quel point avait-il seulement blessé son ami ? Et d'abord pourquoi Hikaru avait-il mis sur le tapis un pareil mensonge élaboré ?

Balançant les questions hors de sa conscience, il concentra à nouveau son attention sur la partie qu'il était en train d'étudier. C'était, assez ironiquement, la partie entre Shindo Hikaru et Ko Yongha, lors de la finale du Japon de la Coupe Hokuto. C'était une de ses parties que Toya admirait particulièrement pour sa bravoure et son ingéniosité, même si Hikaru l'avait perdue à la fin. Bien que Toya se trouve dans une pièce entouré par de vieux hommes avec des cigares, leurs adages grommelés se mêlant à la fumée dans l'air pour produire une atmosphère résolument stagnante, l'énergie et la vitalité des joueurs pouvaient être senties dans chaque mouvement. Le Go était vraiment un jeu qui transcendait les limites du temps et de l'espace – cette partie était comme un flash (NdT : je voyais mal comment traduire autrement.. pour coller mieux à l'original, j'aurais dû écrire « instant », mais ça sonnait super mal..) de Shindo Hikaru, le joueur en qui Toya avait toujours eu confiance, qu'il avait toujours respecté, et admiré. Jusqu'à maintenant.

"Je peux m'asseoir ?" dit une voix éteinte par-derrière Akira. Il bondit hors de sa chaise, son genou heurtant le bord de la table, secouant les pierres sans pour autant leur faire changer de place. Il fit volte-face, pour voir Shindo se tenir debout là, une lueur affligée dans ses yeux. "Shindo," souffla Toya. Acquiesçant, il l'invita d'un geste à s'asseoir sur le siège en face.

Hikaru contourna la table en deux pas rapides, s'affalant sur la chaise. L'expression qu'avait Shindo sur son visage faisait penser à la dernière fois qu'il était entré dans le salon, mais tous deux espéraient que ça n'aurait pas les mêmes résultats.

Hikaru désigna le damier du menton, brisant le silence tendu. "Tu rejoues une partie ?"
Toya acquiesça, puis réalisa avec un tressaillement la partie de qui il était en train de rejouer, et se précipita pour enlever les pierres avant qu'il ne le remarque.

"C'est la partie de qui ?" demanda Hikaru par curiosité, observant les pierres d'un oeil inexpérimenté. La main de Toya s'arrêta sur la première pierre qu'il s'apprêtait à retirer. Il arrêta son bras trois secondes, attendant que l'expression de réalisation s'inscrive sur le visage de Hikaru—c'était sa partie, il devrait l'avoir reconnue à présent. Mais comme les secondes s'écoulaient, et que Shindo maintenait son regard curieux, Akira enleva lentement ses mains du damier.

"...eh bien ?" demanda Hikaru, pensant que Toya avait décidé de l'ignorer.

"C'est ta partie, Shindo," répondit-il gravement.

Pris au dépourvu, Hikaru observa de plus près encore. "Vraiment ? Quand est-ce que je l'ai jouée, celle-là ?"

Toya sentit sa bouche tomber, stupéfié par l'ignorance criante venant de son rival, d'autant plus que la plus grande force de Hikaru était son aptitude à mémoriser les emplacements, les parties, et les motifs. "Tu plaisantes, hein ?"

Quelques secondes plus tard, Hikaru secoua sa tête, ses yeux toujours focalisés sur un point du damier. "Non, ça ne me rappelle rien. Je ne vois pas comment tu pourrais t'en souvenir."

"C'était la finale de la Coupe Hokuto," dit lentement Toya, une nuance d'incrédulité dans sa voix. Faisait-il encore semblant ? Etait-ce seulement Hikaru ? Après les événements des derniers jours, Toya n'était pas prêt à éliminer la possibilité de l'existence d'un jumeau Shindo psychopathe dans le coin.

Hikaru loucha sur le damier, comme si c'était sa vue qui l'empêchait de reconnaître la partie. "Est-ce que c'est vraiment—oh, ouais ! C'est ça ! Je me rappelle !" Pendant un instant, la peur s'inscrivit dans les yeux de Hikaru. Il regarda le damier comme s'il pointait un pistolet vers son visage, comme s'il hurlait ses secrets les plus obscurs. Mais, presque immédiatement, il leva les yeux avec un sourire timide qui ne fit qu'envoyer plus de vagues de colère à travers les veines de Toya.

Le sourire s'affaissa immédiatement quand Hikaru vit la physionomie furieuse de son camarade. "Ok, pardon. Calme-toi." Il semblait avait l'air trop nonchalant là-dessus, la voix trop artificielle.

"Tu l'aurais reconnue instantanément il y a une semaine !"

Hikaru ne pouvait rien répondre à ça, et baissa simplement les yeux.

"Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? D'abord tu inventes une quelconque histoire de fou pour justifier Sai, impliquant rien de moins qu'un fantôme vieux de mille ans, et ensuite tu ne reconnais même pas l'une de tes propres meilleures parties ?" Toya se leva brusquement de son siège à nouveau, créant une fois de plus un tremblement de terre sur le goban.

"Je n'ai pas inventé Sai," dit Hikaru résolument, entre ses dents serrées.

Avec un soupir frustré frisant le hurlement, Toya s'affala à nouveau dans son siège. Il respira profondément. "Ok, supposons pendant une seconde que ce que tu as dit avait un minimum de sens, et clarifions ton histoire. Tu étais possédé par un fantôme d'un ancien professeur de Go ?"

"De l'ère Heian, oui," confirma faiblement Hikaru.

"Alors allons vérifier dans les registres. Si Sai était un membre du clan Fujiwara, il doit être mentionné dans tous les livres sur le Japon Féodal dans la bibliothèque !"

Hikaru secoua sa tête, réalisant à quel point son excuse paraissait faible et stupide. "Ca ne va pas, j'ai déjà essayé. J'ai demandé à mon professeur d'histoire de faire des recherches et il n'a rien trouvé."

"Eh bien, je me demande comment ça se fait." Toya leva les yeux au ciel.

"Parce que," dit Hikaru entre ses dents serrées, "comme je l'ai dit, il a été accusé de tricherie. Chassé du palais de l'empereur, tu te rappelles ?" Ca semblait être une explication assez plausible. "Il a sans doute été effacé de tous les registres, pas vrai ?"

L'expression sur le visage de Toya disait qu'il ne croyait pas du tout l'histoire, mais il ne pouvait pas répliquer facilement, alors il continua. "Et ensuite il a possédé Honinbo Shusaku, hein ?"

"Exact. Torajiro s'intéressait déjà au Go, alors Sai a facilement réussi à le convaincre de le laisser jouer."

"As-tu la moindre idée d'à quel point tu manques de respect au plus grand joueur du Japon en disant tout ça ?"

"Je ne manque pas de respect au plus grand joueur du Japon. Sai était le plus grand joueur du Japon."

Le visage de Toya disait clairement qu'il utilisait toute l'énergie qu'il avait pour se retenir de cogner sur Shindo sur le champ. "Soyons réalistes. Comment pourrait un esprit, n'ayant pas joué pendant mille ans, revenir et battre mon père après avoir recommencé à jouer depuis moins de trois ou quatre ans ?"

"Je ne sais pas !" s'emporta Hikaru. "Mais il y a une meilleure question ! Comment moi ai-je pu, Toya, n'ayant jamais joué une partie de ma vie, venir et me servir de toi pour essuyer le sol ?" (NdT : « wipe the floor with you ».. j'aurais peut-être dû traduire par « t'envoyer au tapis », ou tout simplement « t'écraser », mais j'aimais beaucoup l'image de Hikaru se servant d'Akira comme d'une serpillière lol)

La bouche de Toya s'amollit, et la détermination dans sa voix s'évanouit, laissant place à l'incertitude. "Je... ne sais pas."

"Si, tu le sais, je viens de te le dire ! Ce n'était pas moi qui jouais ! Ce que tu as vu au tournoi du lycée (NdT : je ne me rappelle plus du nom exact..), ça c'était moi ! Internet, les parties au salon, la partie que tu m'avais vu jouer avant, ça c'était Sai !"

Toya respira profondément, et Hikaru se demanda ce qu'il passait à l'esprit de son ami, si son raisonnement était accepté, ou ne faisait qu'intensifier la haine dardée en sa direction. "Et plus important que tout ça, pourquoi suis-je en train de perdre la main ? Pourquoi je n'arrive plus à jouer ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas reconnaître mes propres parties ?"

Toya se rappela le bref, presque instantané, air de souffrance qui avait traversé le visage de Hikaru après avoir reconnu la partie, mais pourtant, il ne comprenait pas ce que Hikaru venait juste de dire.

"Je sais que ça a l'air incroyable, mais-"

"Mais c'est impossible." Toya se leva brusquement de son siège, et marcha en frappant le sol des pieds vers la caisse enregistreuse. Empoignant son sac à dos que tenait Ichikawa-san (NdT : L'auteur s'était trompé et avait mis « Tachikawa-san ». Je me suis permis de corriger), qui semblait immensément surprise de voir Toya s'en aller en colère plutôt que Hikaru, il sortit de la pièce, claquant bruyamment la porte derrière lui.

...

OOO

...

Hikaru passa l'heure suivante à regarder fixement le damier d'un air maussade, moitié se repassant en tête la conversation qu'ils venaient juste d'avoir, moitié s'énervant sur le goban et sur son incapacité de se rappeler la partie dessus. Il pouvait se souvenir des mouvements eux-mêmes, maintenant qu'il se concentrait sur sa mémoire. Mais la signification derrière chaque mouvement, la profonde lucidité qui lui avaient fait aimer le go, étaient en train de diminuer. Son vingt-cinquième mouvement avait été l'exploit suprême de cette partie, commençant un combat féroce qui avait impressionné tout ceux qui regardaient par sa fougue, même si la partie avait été perdue à la fin. Le mouvement avait été une extension, attachée sous une autre pierre blanche. Soudainement, ce coup n'avait plus aucun sens—blanc pouvait couper maintenant ! Il lut trois mouvements à l'avance, vit que connecter simplement ses pierres solidement devait être le meilleur coup. C'était tellement évident, alors pourquoi n'avait-il pas fait ça ?

"Hé, ojii-san !" Hikaru appela à travers la pièce un vieil homme qui venait de payer. "Pouvez-vous venir par ici une seconde ?" La vue de Shindo était devenue habituelle au salon de go, sa force, ajoutée à celle de Toya, était légendaire, et le vieil homme n'était que trop heureux de répondre à l'appel. "Oui, sensei ?" s'enquit-il avec empressement après s'être rendu d'un pas traînant jusqu'à la table.

Hikaru désigna le damier du doigt, "Vous vous souvenez de cette partie ?"

Le vieil homme acquiesça. "Bien sûr que je m'en souviens, je n'oublierais jamais une partie aussi brillamment jouée."

"Que diriez-vous si J15 était en H17 ?" Il fit une démonstration en prenant la pierre vitale et en connectant à la place.

Pensant être testé, le vieil homme tâcha de ne pas avoir l'air trop satisfait de lui-même. "Je dirais que c'est un mouvement vulgaire. Ca semble connecter les pierres noires, et ça le fait, mais ça laisse blanc sortir avec ce groupe ici." Il enfonça sa main dans les bols et démontra sa manière de penser. "Blanc perd deux pierres et ne parvient pas à couper noir, mais la force qu'il gagne au centre ne laisse pas à noir la possibilité de vivre par lui-même." Il regarda Hikaru avec espoir, attendant un éloge, mais le visage du garçon ne révélait que de la confusion.

"G18... force au centre ? On s'en fiche... noir doit rester connecté." Marmonna Hikaru dans sa barbe, en essayant de plonger son esprit dans l'idée d'échange, mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus voir la valeur d'une influence à long terme. A quoi avait-il pensé ? Le go était un jeu d'invasion, et c'est ça qu'il aurait dû faire !

"Shindo-sensei ?" Le vieil homme semblait inquiet.

"De quoi parlez-vous ?" demanda Hikaru à voix haute. "Quelle force au centre ?"

Pris au dépourvu, l'homme indiqua craintivement la variation qu'il avait placée sur le damier. "Euh, celle-là, Shindo-sensei. Je ne suis pas un pro, mais j'ai vu Ogata Ju-dan (NdT : 10ème dan) analyser cette variation précise. La force centrale étaient ses mots exacts !"

Que savait Ogata ? Force centrale... les mots ne signifiaient rien pour Hikaru.

...

OOO

...

"Tu viens... tu viens juste de te mettre toi-même en atari !" murmura Waya.

"Impossible..." Hikaru se contenta de regarder fixement le damier, sidéré. Dix pierres ! Avait-il seulement réalisé qu'elles étaient en danger ? Il avait présumé une connexion qui n'était pas là, complètement laissé échapper une coupe, et n'avait pas remarqué qu'il s'était mis lui-même en atari !

Les doigts de Waya étaient toujours sur la pierre. Lentement, il la souleva du damier, et la remit dans le bol. "C'est une partie amicale, tu veux qu'on la revoie ?" demanda-t-il doucement.

Hikaru secoua lentement sa tête. Maintenant qu'il ne regardait plus le damier, il était évident qu'il était catégoriquement distancé. Le mouvement nécessaire pour sauver son groupe était tout simplement de trop. Avec tous les aji(NdT : en gros, c'est des « faiblesses » que l'adversaire peut facilement attaquer) que noir avait laissé derrière dans ses emplacements, il ne pouvait pas se permettre de donner déjà le sente(NdT : la main, l'initiative) à blanc. Mais il n'avait pas le choix—s'il laissait le groupe de dix pierres mourir, blanc serait plus solide qu'il ne pourrait jamais l'espérer. En supposant un bon jeu de la part de blanc, noir perdait par plus de quarante moku. "Non, c'est OK," souffla-t-il. "Makemashita."

Isumi, qui était resté silencieux durant toute la partie, dévisagea Hikaru avec des yeux choqués et craintifs. "Shindo-kun... c'était quoi, ça ?"

...

OOO

...

Hikaru balança ce souvenir hors de sa tête. Ce n'était rien, un coup du hasard. Ca arrivait à tout le monde. Des matchs de titre avaient été perdus à cause de stupides erreurs. Il y avait même eu des parties où un professionnel faisait accidentellement un mouvement illégal sans s'en rendre compte. Et que dire de cette partie perdue au temps parce que l'un des joueurs n'avait pas réalisé que c'était son tour ?

Bien sûr, ça arrivait, les erreurs. Cette partie contre Waya avait été une erreur.

"Non ce n'en était pas une," se dit-il. "J'ai joué horriblement tout au long de cette partie. C'est comme si j'étais à nouveau 10ème kyu."

Hikaru jeta un dernier coup d'oeil au damier, espérant une révélation, mais rien ne vint. Il ne pouvait purement et simplement pas comprendre en quoi Noir 25 avait été un bon mouvement.

"Shindo-sensei ?" s'enquit à nouveau le vieil homme.

Hikaru se leva, laissant la chaise tomber au sol derrière lui. Il grogna "La ferme," au vieil homme, et marcha froidement en-dehors du salon.

...

OOO

...

D'habitude, l'air frais de la nuit était un refuge pour Hikaru. Il engourdissait tous ses autres sens jusqu'à ce qu'il ne puisse plus qu'observer les lumières de la ville et entendre le bruit des rues animées. Il était seul avec lui-même, retiré dans son propre monde, perdu dans son propre esprit.

Mais à cet instant, son esprit était une prison.

"Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ?" marmonna-t-il pour lui-même à plusieurs reprises, répétant les mêmes mots maintes et maintes fois. "Qu'est-ce qu'il m'arrive, qu'est-ce qui ne va pas ?" Il essaya de se remémorer ses parties, que d'habitude il connaissait bien, sa consolation. Mais maintenant elles ne lui venaient pas. En s'efforçant de son mieux, il ne pouvait visualiser rien de plus qu'un damier vide. Avait-il joué en premier komoku ou hoshi lors de sa partie avec Toya Akira dans les premiers Préliminaires pour la Ligue Meijin ? Avait-il été noir ou blanc ?

Avait-il gagné ? Perdu ?

Hikaru pensa au tsumego (NdT : exercices de situations de vie et de mort pour les groupes). Il pouvait encore se rappeler d'une situation sur laquelle il avait travaillé dans un livre professionnel de vie et de mort. Blanc tuait. Il lutta pour visualiser la situation, et trouva le point vital. Mais à son avis, la forme de noir était un château fortifié, que son peu de talent ne pourrait pas abattre. Hikaru abandonna rapidement.

"Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ?" répéta-t-il alors qu'il tournait dans le sentier boisé qui était le chemin le plus rapide en venant du salon de Toya. Il se souvint de la première fois qu'il l'avait pris—juste après la première partie que Sai avait jouée à travers lui, la totale victoire contre Toya Akira. Il avait été inquiet à propos du devoir d'histoire qu'il aurait à faire en rentrant à la maison. Sai l'avait aidé, et il avait eu 100 (NdT : Bon, on va dire 20/20 pour nous ).

"Sai..." dit-il doucement. Il se sentait étrangement coupable de n'avoir dit à personne son existence, en encore plus coupable du fait que Toya ne l'avait pas cru. "Je suis désolé."

Un bruit brisa soudainement la réflexion de Hikaru. Il fit volte-face. Il n'y avait personne.

Un bruissement d'étoffe. Hikaru tourna sur lui-même, sans savoir exactement la cause de sa paranoïa—c'était un parc boisé ouvert. Tout à coup, la source du bruit attira son attention, et il eut un hoquet de surprise. Une robe blanche bordée de violet clair palpitait au vent. La robe couvrait le corps entier de l'homme, sa tête étant la seule partie visible. De longs et flottants cheveux violets ruisselaient hors d'un ample et haut chapeau.

"Sai !"