- Si vous le permettez, comme vous ne m'aidez pas, je vais faire une petite supposition, Commandant.
Steve soupira. Il commençait à être sérieusement lassé par le petit jeu de Coleman.
Cela faisait près de vingt-quatre heures qu'il se trouvait en garde en vue et qu'il naviguait de la salle d'interrogatoire à la détention. Par respect son collègue et ami, Duke avait insisté pour que la détention se fasse dans un petit bureau mitoyen à l'open-space et non pas en cellule. Mais était-ce pour la sécurité de Steve ou celle des autres détenus ? Difficile de le savoir.
- Juste une chose, vous ne voulez toujours pas d'avocat ?
Steve ne répondit pas.
- Parfait, commençons alors, se réjouit Coleman. Madame Ortiz s'apprêtait à révéler publiquement votre lien de parenté avec Mademoiselle Ortiz, avança Coleman. Sauf que vous êtes presque une personnalité publique, Commandant. Et vous avez une charmante petite amie.
Steve n'apprécia pas la manière dont Coleman prononça le mot charmante.
- Pour sûr que ça mettrait beaucoup le bazar, une telle déclaration, continua le policier. Alors pour vous éviter tout ce dérangement embarrassant, vous l'avez tuée.
- Non ! s'indigna Steve, outré par l'aberration de cette hypothèse. En plus, Catherine est déjà au courant pour Melany. Elle l'a su dès les premiers instants, en octobre, après l'enlèvement de Melany.
- C'est vous qui le dites, rejeta Coleman. Dommage qu'elle ne soit pas là pour le confirmer.
Steve serra les dents. Coleman faisait tout puis lui faire perdre son sang-froid.
- Mais bon, même si ce que vous avancez est faux, le Lieutenant Rollins nous le confirmerait probablement, dénigra le lieutenant. J'ai entendu dire qu'elle ne devait rentrer que mardi. Pourtant, quand nos services ont essayé de la contacter un peu plus tôt dans la journée, ils ont eu l'étonnante surprise de découvrir qu'elle était injoignable car elle venait d'embarquer à bord d'un avion avec Hawaii pour destination.
- Je n'ai pas appelé Catherine. Je n'ai passé aucun coup de téléphone, s'agaça Steve.
- Ça, nous le savons. Mais quelqu'un l'a forcément fait à votre place. Pour la prévenir. Peut-être le Lieutenant Williams ? supposa Coleman. Vous avez eu plusieurs occasions de discuter avec votre subordonné depuis votre arrivée ici. Était-il au courant de votre lien avec Mademoiselle Ortiz ?
- Oui. Danny est la première personne à qui je me suis confié après l'avoir appris. Vous avez la possibilité de vérifier pour le coup.
Steve observa l'expression de Coleman.
- Mais bien sûr, vous ne croirez pas à l'authenticité de cette confirmation, puisque j'aurais pu le briefer, soupira Steve.
- Admettons que ce que vous dites est vrai, qui d'autre courant de ce lien ?
- Le Sergent Lukela. C'est d'ailleurs Duke qui m'a annoncé que j'avais une fille. Et Barry.
- Le technicien ? Le gamin ?
- C'est plus fort que vous. Vous ne pouvez pas vous empêcher de prendre tout le monde de haut, n'est-ce pas ?
Coleman accueillit le reproche de Steve comme un compliment.
- Comment se fait-il que Monsieur Gustin soit également dans la confidence ?
- C'est le technicien qui a réalisé l'analyse ADN établissant mon lien avec Melany.
- Qui d'autre ? enchaîna Coleman.
- Attendez voir, soupira Steve.
Il fit mine de réfléchir.
- Ma sœur. Elle l'a appris à Thanksgiving lorsque nous hébergions Melany parce que Cindy était à Chicago. Ma mère du coup. Mais elle le savait déjà. Le Commandant Joe White. C'est lui qui l'aurait dit à ma mère. Il parait même que mon père savait, lista Steve sans cacher son irritation.
- Pas les Lieutenants Kelly et Kalakaua ? s'étonna Coleman.
- Non.
Le policier releva un sourcil.
- Plus le nombre de personnes au courant était restreint, plus le risque que Melany l'apprenne par accident était limité.
Coleman ne put se retenir de pouffer. Il n'éprouvait absolument aucune gêne à avoir été l'accident. Au contraire, il en semblait plutôt fier.
- Essayons autre chose Commandant. Si vous le voulez bien.
Coleman s'avança et appuya ses coudes sur la table avant de partir sur une nouvelle hypothèse.
- Madame Ortiz voulait révéler à sa fille l'identité de son père. Mais vous, vous ne vouliez p… Non ! Ça ne colle pas. Vous vous rendiez souvent chez Madame Ortiz. Vous accompagniez Mademoiselle Ortiz à ses entraînements ou encore à ses compétitions. Vous l'avez même hébergée une semaine. Vous vouliez définitivement faire partie de sa vie.
Coleman calcula dans sa tête.
- Ça veut dire que c'est Madame Ortiz qui ne voulait pas ! s'exclama-t-il.
- C'est vrai. Je voulais le dire à Melany, admit Steve. Et c'est vrai. Cindy ne voulait pas. Au début. Mais elle avait fini par accepter. Hier soir justement. Nous devions l'annoncer à Melany ce soir. Pour son anniversaire.
Le cœur de Steve se brisa encore un peu plus à cette prise de conscience. Il avait fallu que toute cette histoire arrive le jour de son anniversaire. Un tout autre jour aurait été tout aussi terrible. Mais il y avait quelque chose de plus dramatique avec ce hasard de calendrier.
- Mais encore une fois, je ne peux pas le prouver, se désespéra Steve.
- Parce que vous avez tué là personne qui le pouvais.
- Combien de fois vais-je devoir vous le dire ? Je n'ai pas tué Cindy, s'exclama Steve en se redressant.
- Je pense que vous mentez.
Steve grogna en se laissant retomber sur le dossier de sa chaise.
- Je pense que Madame Ortiz a confirmé son refus hier soir. Vous avez perdu patience et vous l'avez tuée, dans le but de récupérer la garde de Mademoiselle Ortiz.
Steve fut sidéré.
- Mais est-ce que vous vous entendez Coleman ? Est-ce que vous entendez l'absurdité de vos propos ? Si j'avais voulu la jouer sans honneur pour devenir officiellement le père de Melany, j'avais d'autres moyens à ma disposition, moins criminels. Et puis je suis flic. Si j'avais effectivement tué Cindy, j'aurais couvert mes traces. Et je ne serais encore moins revenu sur la scène de crime !
- Commandant ! Aidez-moi un petit peu.
Coleman commençait également à perdre patience.
- Parce que vous voulez de mon aide ? Ça serait bien la première fois !
- Pour vous aider Commandant.
Steve ne put se retenir de pouffer.
- Réellement ! J'admets ne pas en avoir envie. Mais c'est comme ça. Je suis un bon policier. Je dois le faire.
Steve était trop loin dans l'hilarité pour pouvoir répondre.
- Les preuves sont accablantes. Le procureur n'a pas besoin de vos aveux pour vous inculper. Le jury vous enverra au peloton d'exécution et vous prendrez la perpétuité.
Coleman marqua une pause dramatique. Steve riait toujours.
- Mais si vous avouez, vous pourrez peut-être négocier une sortie de prison pour, disons, voir les enfants de votre fille se marier, estima le policier.
Steve parvint à reprendre le contrôle de son fou-rire. Il adopta la même position que son interlocuteur, buste en avant, avant-bras sur la table, et plongea son regard dans le sien.
- Dites-moi Coleman. Qu'est-ce que vous cherchez à faire ? Assouvir votre complexe de supériorité et nourrir votre égo surdimensionné en étant celui qui a fait plier le grand Steve McGarrett, le favori du gouverneur ?
- Je veux simplement rendre justice.
- Et si vous pouvez en profiter pour briller un peu en même temps, vous ne dites pas non, c'est ça ?
- Vous n'avouez pas juste parce que c'est moi ? méprisa Coleman.
- Non, je n'avoue pas parce que je n'avouerai pas un crime que je n'ai pas commis.
Steve se rassit dans le fond de sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine. Il ne voulait plus jouer.
- Comme vous voudrez, Commandant.
Coleman se leva et se dirigea vers la porte.
- Je transmets le dossier au procureur demain matin à la première heure, annonça-t-il la main sur la poignée. À vous de voir d'ici là.
Alors que le policier quittait la salle d'interrogatoire, Steve leva les yeux au ciel. Ce type lui sortait vraiment par les yeux !
Steve ne fut pas raccompagné dans sa cellule de fortune par un officier. Cette fois, il fut raccompagné par Duke en personne.
- Coleman n'est pas au courant. Il ne voulait pas, rapporta Duke. Mais elle y tenait vraiment.
Le sergent retira les menottes de ses poignets avant de sortir, laissant un Steve confus. Quelqu'un était ici ? Avec lui ? Il se retourna vivement et embrassa la pièce du regard. Tapie dans un coin du petit bureau, il aperçut une silhouette. À cause de la pénombre engendrée par le crépuscule naissant, Steve ne distinguait pas son visage. Duke avait dit elle. Catherine ? Non. Elle était encore dans l'avion. Donc, ça ne pouvait être que…
- Alors comme ça vous êtes mon père.
Melany s'avança dans la lumière qui s'engouffrait dans le bureau à travers les stores. Instinctivement, Steve se précipita vers l'adolescente. Lorsqu'il la prit dans ses bras, le doute le saisit et il s'écarta, maintenant tout de même ses mains sur ses épaules. Et si Melany ne voulait pas qu'il l'approche ? Mais elle n'avait manifesté ce désaccord par aucun mot, aucun geste et n'avait pas non plus eu de mouvement de recul. Il plongea son regard dans le sien. Ses yeux exprimaient de la tristesse, c'était évident. Mais il n'y voyait plus de déception. La colère était toujours là. Mais elle ne lui était pas destinée.
- Je sais que vous ne l'avez pas tuée, déclara Melany. Tout le monde le dit. Je sais aussi que toutes les preuves sont contre vous. Mais je refuse d'y croire.
L'émotion envahit le corps de Steve, lui nouant la gorge et lui brouillant la vue. Il attira à nouveau l'adolescente contre lui, faisant passer tout son soulagement dans cette étreinte. Le monde entier pouvait le croire coupable, sa fille reconnaissant son innocence lui était amplement suffisant à cet instant.
Steve s'écarta à nouveau de Melany après une bonne minute, la meilleure de cette journée absolument épouvantable.
- Je suis désolé, soupira-t-il. Je ne voulais pas… Nous ne voulions pas que tu l'apprennes de cette manière.
- Vous voulez dire toute seule à six heures du matin, sous la pluie, sur les écrans de télévision d'un magasin d'audio-visuel après avoir passé la nuit dehors ? répondit Melany sur le ton de la plaisanterie.
Steve ferma les yeux, une seconde. Il voulait bien dire comme ça. Il ne voulait pas imaginer la journée qu'avait passé sa fille. Mais son apparence lui apportait tout de même la réponse. Elle avait pleuré. Beaucoup. Les stigmates étaient encore visibles sur son visage habituellement si rayonnant. Elle portait encore ses affaires de concours. Son pantalon n'avait de blanc que le nom. Il avait dorénavant pris une teinte grise et l'énorme tache d'un marron verdâtre était immanquable. Steve comprit avec regret que Melany n'avait pas pu décrocher ce podium, et surtout il comprit pourquoi elle n'avait pas pu décrocher ce podium.
- Je ne me suis pas fait mal, rassura Melany comprenant les pensées de Steve. Je vais juste avoir un gros bleu sur la hanche et sûrement quelques courbatures demain matin.
La porte du bureau se rouvrit et Duke apparut dans l'embrasure.
- Je suis navré Steve, mais Melany ne va pas pouvoir rester plus longtemps.
Il posa une main sur la joue de sa fille.
- Ce n'est pas grave Duke. Tu as déjà pris beaucoup de risques pour nous offrir cette entrevue, remercia-t-il.
Puis Melany traîna des pieds vers la sortie.
- Au fait ! Melany ? héla Steve alors qu'elle atteignait la porte.
Elle se retourna.
- Joyeux anniversaire.
Un sourire apparut sur le visage de l'adolescente et une étincelle de gaieté illumina son regard.
- Vous savez que vous êtes le premier à me le souhaiter aujourd'hui, Commandant ?
Elle s'arrêta, hésita puis sortit. Duke referma la porte derrière elle, la verrouillant à clé cette fois.
Steve ferma les yeux et prit une grande inspiration, s'enivrant encore de la douce saveur de ce moment. Il resterait à jamais gravé dans sa mémoire.
- Tu es sûr que tu ne te rappelles de rien d'autre ? insista Danny.
- Non Danny, répéta Steve, pour la énième fois.
Il se frotta les yeux et soupira.
- Pas même un petit détail ?
- Non pas même un petit détail, répondit Steve en se tournant vers Catherine.
La jeune femme avait fini par arriver, tard dans la soirée. Chin l'avait récupérée à la descente de l'avion et l'avait immédiatement conduite jusqu'au siège de la HPD. Comme avec Melany, Steve avait pris Catherine dans ses bras dès qu'elle était entrée dans le bureau. Et comme l'adolescente, la jeune femme avait reconnu l'innocence de Steve.
Ça avait été le deuxième meilleur moment de la journée. Il était le deuxième non pas par ordre de préférence, mais parce que c'était la deuxième fois que Steve ressentait un peu de joie et beaucoup de soulagement au milieu de toute cette tourmente. Il était en revanche incapable de classer ces deux moments, tous deux cadeaux inestimables dans le cœur de Steve.
Le jour avait désormais changé et l'aube approchait. Danny, Catherine, Chin et Kono avaient passé la nuit à relire, réanalyser, revérifier les éléments du dossier, du moins que les éléments que le 5-0 avait à sa disposition car le Lieutenant Coleman ne s'était pas montré très collaboratif. Malheureusement, leur nuit blanche avait été infructueuse. Ils n'avaient pas trouvé le moindre début de piste qui permettrait de prouver l'innocence de Steve, hormis l'absence de poudre sur ses mains, ce qui constituait une preuve bien trop faible.
À la demande de son meilleur ami, Steve avait, encore une fois, répété son emploi du temps de la veille. Il avait passé la journée avec Melany qu'il avait ramené chez elle en fin d'après-midi. Il était ensuite directement rentré chez lui et était directement allé nager. Il n'avait quitté à nouveau la maison qu'après l'appel de Duke. Et la suite, ils la connaissaient.
- Je suis désolé.
Steve s'en voulait d'entraîner ses amis dans ses déboires.
- Mais rien ne me vient à l'esprit.
Il s'en voulait encore plus de ne pas pouvoir les aider davantage.
Quelqu'un frappa à la porte. Danny alla ouvrir. C'était Melany.
Après son entrevue avec son père, elle avait refusé de partir. Elle avait tout de même abandonné sa tenue de concours. Duke, face à sa ferme intention de rester, avait envoyé un officier récupérer des affaires propres chez l'adolescente. Elle portait désormais un simple jean et son sweat à l'effigie du Gondor. Elle avait insisté pour que l'officier lui ramène précisément celui-là.
- Je crois que j'ai trouvé quelque chose, déclara Melany en entrant dans le bureau.
Elle apportait avec elle des documents. Danny pointa la position où se trouvait l'adolescente la seconde précédente, autrement dit sur le seuil puis là où se trouvait désormais l'adolescente. Comme Catherine et Steve ne se formalisaient pas de cette irruption pas vraiment autorisée, il haussa les épaules et referma la porte avant d'exprimer son étonnement vis-à-vis de la déclaration de Melany.
- Mes excuses. Je ne crois pas, se porta-t-elle en faux. J'en suis sûr.
Danny retint son rire. Melany se montrait bien présomptueuse.
- J'analysais les preuves contre le Commandant…
- Eh ! la coupa Danny. Comment tu y as eu accès ?
- Elle trainait dans l'open-space à côté, répondit Melany avec un haussement d'épaule.
- Je ne suis pas vraiment sûr que tu ais le droit de regarder, réprima Danny.
- Si le sale type qui s'occupe de l'enquête…
- Melany !
Le reproche venait de Steve. Melany se tourna vivement vers lui.
- Quoi ? C'est la vérité, se défendit l'adolescente. Ce policier est plus préoccupé par la gloire que par la vérité. Donc c'est un sale type.
Melany n'avait échangé avec le Lieutenant Coleman que quelques phrases. Mais cela lui avait été suffisant pour comprendre à quel genre d'homme elle avait à faire.
- En plus c'est un mauvais enquêteur, ajouta Melany sans sommation.
Danny fut incapable de contenir son rire cette fois. Définitivement, cette gamine ne manquait pas d'audace.
- Il n'a absolument pas pris en compte, ou même pas cherché du tout, les chaussettes célibataires.
- Les chaussettes célibataires ? répétèrent Steve et Danny, à l'unisson.
- Les anomalies, traduit Catherine. C'est comme ça que Nikki Heat appelle les anomalies détectées pendant une enquête de police dans les livres de Richard Castle.
- Ah, d'accord. Mais qu'entends-tu par-là Melany ? demanda Steve.
- Pour constituer son dossier d'enquête, il s'est focalisé uniquement sur les éléments qui vont dans son sens : la culpabilité du Commandant. Mais il a complètement occulté, inconsciemment, ou bien volontairement, dans ce cas, je lui conseille de sérieusement revoir son code d'éthique, les éléments qui pourraient sous-entendre l'innocence du Commandant.
Steve, Danny et Catherine fixèrent Melany, ahuris. Il était impossible qu'elle tienne ces principes moraux fondamentaux à suivre pendant une enquête de police uniquement des histoires qu'elle lisait. Elle les avait forcément vu en pratique.
- Tout ça pour dire que si le Lieutenant Coleman…
Elle insista sur le nom du policier.
- … ne voulait pas que je regarde, il n'avait qu'à me le dire ou ranger sa boîte si précieuse ailleurs.
Les trois adultes échangèrent un regard en haussant les épaules. L'adolescente marquait un point.
- Tu as donc trouvé une chaussette célibataire ? demanda Steve, ramenant tout le monde au sujet de départ et en reprenant l'expression de sa fille.
- Oui.
Elle tendit à Danny, le plus proche, l'un des documents qu'elle avait apportés. Il s'agissait de la capture d'écran montrant Steve au volant de sa voiture à deux pâtés de maison de chez Cindy juste après le meurtre.
- Il n'y a pas quelque chose qui vous choque ?
La photo passa des mains de Danny à celles de Catherine pour finir dans celles de Steve. Les membres du 5-0 ne virent rien qui suscitât de l'intérêt. Melany récupéra l'image qu'elle tourna vers les trois adultes et en pointa un détail.
- Il porte des gants.
Steve, Danny et Catherine regardèrent de plus près. Melany disait vrai. Comment avaient-ils pu manquer ça ?
L'adolescente poursuivit sa démonstration
- C'est sa voiture. C'est normal qu'on retrouve les empreintes du Commandant dedans. C'est pareil à la maison. Il y est venu tellement de fois ! Le Commandant n'avait aucun intérêt à porter des gants.
Les trois adultes furent impressionnés, stupéfaits même, par le sens de l'observation et les capacités d'analyse de l'adolescente.
- Donc quelqu'un aurait pris ta voiture ? supposa Catherine.
- C'est tout à fait possible, Cette personne aurait récupéré les clés, et le pistolet, chez toi, récupéré ta voiture et se serait rendu chez Cindy, elle aurait tué Cin…dy…
Danny grimaça de sa maladresse. Mais Melany ne réagit pas. Alors Danny continua son récit.
- Puis elle aurait ramené la voiture chez toi et remis les clés à leur place. Tout ça sans que tu t'en aperçoives ?
- J'étais dehors. En train de nager, rappela Steve. C'est tout à fait possible.
- Et facile ! enchérit Danny. Tu ne verrouilles jamais la porte de chez toi. Je t'avais bien prévenu que ça t'apporterait des malheurs un jour.
Steve fronça les sourcils. Un détail lui revint en mémoire.
- J'ai reculé le siège de ma voiture.
- Quoi ?
- Quand je suis monté dans ma voiture après le coup de fil de Duke, j'ai reculé le siège de ma voiture. Sur le moment, pris par l'urgence de la situation, je n'y ai pas fait attention.
Il se fustigea intérieurement. Il était militaire. Il avait reçu un entraînement pour remarquer ce genre de chose, même en situation de crise. S'il y avait réfléchi ne serait-ce qu'une seconde, il aurait peut-être pu voir venir toute cette histoire.
- Il y a effectivement quelqu'un qui a pris la voiture du Commandant, confirma Melany. Regardez.
Elle distribua d'autres documents, également des captures d'écran de vidéos de surveillance du trafic. D'après le code temporel, les captures se suivaient.
- C'est à peine dix minutes après le meurtre de…
Melany ne finit pas sa phrase.
Mais si le premier cliché montrait bien Steve au volant du Silverado, les suivants racontaient une toute histoire. Trois photos montraient le conducteur semblant s'arracher le visage. Ce n'était plus Steve sur la dernière image mais un tout autre homme.
- Un masque ? présuma Danny.
- Le tout est d'identifier cet homme, admit Catherine. Et de le retrouver.
- C'est déjà fait, annonça Melany. Il s'appelle Dennis Barrett
Décidément, elle allait de surprises en surprises !
- Ou devrais-je dire, il s'appellait Dennis Barrett.
Ses surprises n'étaient pas toutes plaisantes, du moins arrangeantes.
- Il est mort. Accident de voiture. Sur Kalanianaole Highway près de Wailupe.
- C'est près de chez nous, remarqua Catherine.
- Le rapport d'enquête conclut à une rupture des plaquettes de freins. La voiture a fait une sortie de route dans un virage et s'est écrasée en contrebas de la chaussée. L'accident a été découvert hier matin. Mais les faits seraient survenus vendredi soir.
Melany montra les photos du véhicule accidenté et du conducteur décédé. Il s'agissait du voleur de la Silverado.
- Et ce n'est pas tout. Par chance, la voiture n'a pas pris feu. Regardez ce qui a donc pu être retrouvé dedans.
Elle brandit le dernier document qu'elle avait apporté. C'était la photo des effets personnels de Dennis Barrett. Et parmi ceux-ci, il y avait ce qui ressemblait à un masque.
- Remarquable.
Danny acclamait la découverte mais aussi et surtout l'auteur de cet exploit. Cette adolescente en avait dans la tête. Il fronça les sourcils.
- Mais ! Dis-moi ! Comment tu as eu accès à toutes ces informations ? demanda Danny, suspicieux. Les vidéos du trafic, la base de données pour la reconnaissance faciale et le rapport d'accident ?
Melany grimaça et détourna une fraction de seconde le regard.
- Il se pourrait que j'ai utilisé vos codes d'accès au serveur, Lieutenant Williams, avoua-t-elle.
- Mes codes ? Mais… Comment tu les as eus ?
- J'ai peut-être laissé traîner mon regard lorsque vous vous êtes connecté tout à l'heure, dans le bureau du Sergent Lukela.
- Tu ne dormais pas ? s'exclama Danny, scandalisé.
- Je suis passée maître dans l'art de faire croire aux gens que je dors alors que non. C'est l'inventeur même de cet art qui me l'a appris. C'est extrêmement efficace comme méthode de renseignements.
Danny se tourna vers Steve.
- Il nous la faut dans l'équipe cette petite ! C'est la parfaite candidate ! Elle remplit tous les critères. Surtout ceux concernant le respect approximatif des règles et des procédures.
En d'autres circonstances, la remarque de Danny aurait reçu le guilleret accueil qu'elle méritait. Mais tous étaient beaucoup trop épuisés pour rire.
Catherine ramena tout le monde à des considérations plus importantes.
- Nous avançons là que des suppositions. Comment prouver que cet homme est bien le tueur ? Et du coup prouver que Steve est innocent ?
Ils prirent conscience que les découvertes de Melany ne résolvaient malheureusement pas tous les problèmes. Le silence s'installa dans la pièce. Chacun réfléchissait.
- Le coup de feu a été tiré à bout portant, rappela Steve.
Pour la première fois depuis son arrivée, ce fut Melany qui ne saisit pas et tous les autres qui comprirent où Steve voulait en venir.
- Donc le tueur aura reçu du sang sur ses vêtements, enchérit Catherine.
- J'appelle Barry tout de suite, déclara Danny en sortant du bureau, le téléphone déjà collé à l'oreille.
