Don't blame me – Taylor Swift

Yellow Flicker Beat - Lorde

Ghost – Skip the Use

Rue des Abbesses – Elise Mélinand

For you, I would cross the line
I would waste my time
I would lose my mind
They say, "She's gone too far this time"

Don't blame me, love made me crazy
If it doesn't, you ain't doin' it right
Lord, save me, my drug is my baby
I'll be usin' for the rest of my life


Pékin, 26 avril 2030, 23h54 heures de Pékin

Ventres à terre et mains sur les oreilles, Rose et Allénore se regardèrent une dernière fois avant d'attraper leurs baguettes et de relever la tête. Scorpius avait lancé un protego contre lequel les balles des armes de leurs assaillants tombaient. Sur le voile invisible, les munitions cliquetaient avant de chuter sur le béton de la ville. Albus et Nilam, pendant ce temps, s'étaient précipités à lancer des sorts de désarmement, sans grand succès. Imperméabilisées à toute magie, les armes semblaient inatteignables. Louis, qui avait déjà combattu dans des conditions semblables, avait fait sauter tous les lampadaires de la rue avant de les rassembler pour former une barrière infranchissable, les morceaux de verres formant une carapaces coupantes et tranchantes pour ceux qui s'avançaient trop près d'eux.

Le silence se fit de nouveau.

De la buée sortait de leurs bouches et on entendait presque leurs coeurs battre à l'unisson. La rue était plongée dans le noir.

Rose avait les sourcils froncés et les yeux en alerte. La moindre ombre la tendait plus que la précédente et sa baguette entre les mains, elle tapa rageusement du pied avant de lancer un sort. Le sol se mit à ramollir, comme trop chauffé, et les pieds des tireurs s'enfoncèrent dans le bitume, les avalant progressivement.

Allénore, elle, avait la tête embrumée et les oreilles bourdonnantes. Elle chercha Louis du regard, trop occupé à fortifier la barrière de lampadaires et de verre qui les protégeait tous. Quand Louis finit par la voir, il se contenta de lui répondre avec un petit clin d'œil appuyé. Elle prit le temps d'observer l'environnement et émit un grognement presque animalier quand elle s'aperçut qu'ils étaient tous pris en tenaille. Ils étaient encerclés.

Nilam suivit le regard de son amie et fouilla dans sa sacoche, mordant entre ses dents sa baguette pour avoir les deux mains libres. Elle jeta une fiole contre le sol et lorsqu'elle explosa, un nuage de poussière scintillante se souleva, faisant tousser leurs assaillants.

Le silence revint un instant mais personne ne parla. Cette fois-ci, il n'y avait vraiment plus aucun bruit.

Briser l'accalmie aurait été une invitation à une nouvelle tempête que personne ne souhaitait affronter. La barrière de Louis, maintenant solidement forgée et dont les ampoules avaient été réparées, les éclairait tous assez pour qu'ils distinguent les positions des uns et des autres. Albus et Scorpius étaient toujours sur leur garde et rôdaient, comme des lions en cage. Ils se regroupèrent tous, sans se concerter.

Peut-être le faisaient-ils tout simplement parce qu'ils se sentaient plus en sécurité les uns près des autres.

Deux de leurs assaillants parvinrent toutefois à se frayer un chemin malgré la poussière corrosive de la potion qu'avait jetée Nilam. Allénore, acculée et sentant le dos de Rose qui reculait elle aussi, laissa échapper un autre son animalier, guttural et menaçant.

– Ils n'utilisent pas la magie et pourtant…

– Les Autres, marmonna Allénore.

C'étaient leurs méthodes, leurs façons faire, leur style de guerre.

– Leurs armes ont probablement été enchantées et tant qu'ils les auront, nous ne pourrons rien faire, articula calmement Scorpius.

Lorsque les deux tireurs arrivèrent trop près d'Allénore, désespérée, elle lança un sort qui les fit s'arrêter net. Les deux hommes en face d'elle se mirent à gémir, se tenant douloureusement la tête, les yeux voilés. Ils agonisaient, sans faire de bruit désormais, comme si toute la douleur concentrée dans leurs corps mobilisait déjà toutes leurs forces. Leurs lèvres étaient grandes ouvertes, mais rien n'en sortait. Pas un cri, pas un hurlement.

– Mais que fais-tu ? demanda Albus, effrayé. Arrête ça.

Comme si elle venait de se rendre compte de la présence de ses amis, Allénore leva le sort, le teint pâle et les yeux écarquillés.

– Qu'est-ce que c'était ? marmonna froidement Scorpius.

– Un memoria.

– Balèze, siffla Nilam.

– Ces deux personnes viennent de revivre leurs pires souvenirs, gronda Albus, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte de stupeur. Ce n'est pas balèze. C'est un sort dangereux, All.

Elle aurait pu se perdre dans les mémoires de ses victimes. D'autant plus qu'en tant que polyglomage, Allénore maîtrisait ces sorts avec plus de puissance certes, mais y était encore plus vulnérable que les autres sorciers. Les sortilèges qui touchaient à l'esprit, aux émotions, aux mémoires, étaient une seconde nature chez les polyglomages. Mais ils étaient aussi souvent à l'origine de leur perdition.

– Tu viens de leur faire revivre leurs pires souvenirs, répéta Albus comme s'il n'y croyait pas.

– Et ils nous en auraient donné de bien pire si Allénore n'avait rien fait, assura Nilam.

Albus était un enfant de la paix né de parents hantés par la guerre. Il tenait la douleur en horreur, qu'elle vienne de lui, de ses amis ou de gens qu'ils ne connaissaient même pas. Il la rejetait profondément, elle, et tous ceux qui se l'imposaient, qui se l'infligeaient, pour n'importe quelle raison.

– Vous êtes piégés ! leur annonça une voix forte et confiante.

Nilam laissa échapper un petit rire tant cette intervention semblait inutile et ridicule.

– Quelqu'un a une idée brillante ? Parce que ce serait bon le moment, indiqua Louis, la mâchoire serrée.

– Il faut les désarmer d'une façon ou d'une autre, maugréa Scorpius.

– J'ai dit une idée brillante Malefoy, grogna Louis.

– Leurs armes sont inatteignables !

– Mais pas invulnérables. Il suffit qu'ils les lâchent tous, réfléchit Allénore.

Elle sourit en croisa le regard de Rose, qui avait parfaitement compris où elle voulait en venir. Et parce qu'Allénore et Rose étaient des sœurs d'armes et d'âmes, parce qu'elles avaient cette connexion si précieuse qu'elles entretenaient depuis des années, parce qu'elles s'aimaient, parce qu'elles partageaient parfois une seule pensée, parce que faire la guerre à l'une revenait à faire la guerre à l'autre, elles attaquèrent.

Elles lancèrent le même sort au même moment. D'abord parallèles, les deux jets de lumière argentée qui sortaient de leurs baguettes finirent par se rejoindre, inondant les alentours d'une clarté aveuglante. Leurs sorts n'auraient pas dû être si puissants… Pourtant, elles durent fermer les yeux, les sentant brûler sous la violence frappante de leurs deux magies qui semblaient décuplées et se nourrir l'une de l'autre.

La chaleur montait. Le sol continuait de fondre. Le bitume fumait. La peau de leurs ennemis rôtissait. Les peaux de leurs amis et les leurs également. Les capes de Rose et d'Allénore était en train de brûler.

– ARRÊTEZ CA TOUT DE SUITE ! hurla Nilam.

Rose relâcha sa baguette la première, ahurie. Allénore l'imita bien vite et toucha à l'extrémité qui frôlait sa paume, la pierre précieuse qui s'y trouvait. Elle brillait, répandant quelques faisceaux bleutées. L'amazonite que Rose avait taillé et vissé à la poignée de la baguette d'Allénore était agréablement chaude et la lumière qu'elle diffusait scintillait en son centre. Allénore porta ses prunelles brunes sur la baguette de sa meilleure-amie, qui portait elle aussi, une amazonite.

Les deux bijoux avaient été taillées à partir de la même pierre et semblaient se répondre, se chercher.

Leurs deux baguettes vibraient d'une intensité incroyable.

Passée la surprise, Albus, Scorpius, Louis et Nilam désarmèrent les derniers tireurs qui n'avaient pas été épargnés par l'attaque des deux jeunes femmes. Désormais ligotés et inoffensifs, ils poussaient des injures et leur promettaient un destin funèbre auquel ils ne prêtèrent aucune intention.

– C'est quoi ce délire ? s'époumona Albus en revenant vers les deux femmes.

Il éteignit leurs capes encore fumantes.

Scorpius s'était précipitée sur Rose pour lui faire lâcher sa baguette. Elle tomba sur le sol et lorsque Scorpius répéta son geste sur Allénore, toujours hypnotisée par la force de la magie qui se dégageait de sa baguette, elle ne se rendit pas compte que le blond était en train de lui arracher. Les deux baguettes, sur le sol, roulèrent jusqu'à l'autre et les deux amazonites se joignirent, comme aimantées, incapables de résister à l'attraction de l'autre.

Leurs lumières auraient pu tuer.

– Ne me dis pas que tu as fait des expériences sans au moins savoir un minimum quelles en seraient les conséquences ! s'emporta légèrement Scorpius.

– Je ne pensais pas que…, bredouilla Rose.

– Tu aurais pu vous faire tuer ! Non mais à quoi tu avais la tête, nom d'un lutin !

– Je sais ce que je fais ! gronda la rousse les poings sur les hanches. Les pierres que j'ai vissé à nos baguettes sont toutes petites et l'amazonite n'a pas un très grand pouvoir… Mais… Il faut que je prenne des notes ! Il faut que… Allénore, tu as senti cette vibration ? On a lancé le sort en même temps, peut-être que…

– STOP ! l'arrêta Scorpius en posant fermement ses deux mains sur ses épaules. Tu ne fais rien. Tu enlèves ces machins bling-bling de vos baguettes et tu me jettes ces pierres !

– Alors qu'elles viennent de nous sauver la vie ? Certainement pas !

Rose n'était pas vraiment quelqu'un de raisonnable quand il s'agissait d'expériences.

– Rose !

– Oh ferme-la un peu, par Morgane !

Scorpius fulminait mais décida de rester silencieux, les bras croisés sur sa poitrine, informant Rose qu'il était très mécontent. Elle avait risqué sa vie, ainsi que celle d'Allénore, sans réfléchir, parce que la passion de Rose pour son art, pour les baguettes et leurs pouvoirs, prenait le pas sur son caractère pourtant prudent et sage. Rose était comme un volcan. Calme et belle au repos, mais explosive et destructive en éruption. La passion de Rose était de la lave en fusion. Dangereuse, mortelle, mais qui laissait derrière elle une fois refroidie, une pierre indestructible et des terres luxuriantes.

Scorpius avait tout simplement peur et lorsqu'il était effrayé, il était capable d'agir comme un parfait crétin.

– Écoute, je sais que tu es talentueuse, mais ça aurait pu mal tourner…, marmonna-t-il tout penaud.

Rose lui sourit. Elle ne lui en voulait pas. Elle était contrariée, agacée mais ne rejeta pas sa main lorsqu'elle vint effleurer la sienne.

– Nos deux baguettes étaient comme connectées… Je n'ai jamais vu ça, songea Allénore en ramassant la sienne.

– Les priori incatatum sont extrêmement rares, observa Albus.

– Ce n'était pas un priori incantatum. Nos baguettes n'ont rien en commun. Ni le cœur, ni le bois… Rien. Si ce n'est le bijou d'amazonite qui provient de la même pierre.

– Les pierres précieuses, ajoutées à des baguettes pourraient avoir ce pouvoir ? demanda Albus à sa cousine.

– Non. Ce n'était pas un priori incantatum, insista Rose tout en réfléchissant. C'était autre chose.

– Je me demande si notre sort aurait eu autant de puissance avec une autre pierre, songea Allénore. L'amazonite est réputée pour ses vertus rayonnantes. Elle apporte la lumière et les bonnes ondes.

– Je reste persuadée qu'une pierre est utile seulement si on vise bien la tête de la personne sur qui on veut la lancer, grommela Nilam. Ce ne sont que des cailloux ! Ok, ça brille on sait tous qu'Allénore et Rose sont comme des pies mais faut pas déconner là !

– Les mages chinois savaient extraire les pouvoirs de certaines pierres. La litomagie est une réalité, c'est un fait, Nilam, la contredit Albus.

– Conneries.

– On devrait tester avec l'améthyste ou le silex ! s'enthousiasma Allénore.

– Oui ! répondit Rose. Je me disais la même chose. Peut-être même que si tu tailles l'extrait qui ira sur ma baguette et moi le tien, les effets seront encore différents… Nos magies seront plus diluées et …

– Rosie, Allénore…, les interrompit Louis. Ce n'est pas le moment. Vous devriez retirer ça de vos baguettes. Si vos sorts sont imprévisibles ou qu'elles agissent sans que vous puissiez anticiper les effets, nous pourrions être plus en dangers que nous ne le sommes déjà.

Les deux amies regardèrent tout autour d'elles et constatèrent que les personnes qui les avaient attaqué étaient toujours ici, immobilisées et hors d'état de nuire, certes… Cependant, ils étaient tous à découvert et ils auraient été imprudent de leurs parts de se sentir en sécurité. Allénore et Rose soupirèrent de concert et obéirent à Louis, qui récupéra les deux pierres semi-précieuses avant de les fourrer dans sa poche. Louis n'aimait pas tergiverser et il savait que Rose et Allénore réunies, si on leur en donnait le temps, construiraient un argumentaire imparable et ne se laisseraient jamais raisonner : leur reprendre leurs pierre aurait été mission impossible.

– C'était quand même super cool, bouda Rose.

– Il faut qu'on interroge un de ces gus… Ce n'est pas normal qu'ils nous aient attaqué comme ça, revint à l'essentiel Nilam.

– On nous a surveillé, comprit Louis. Ils savent que nous sommes ici et que nous cherchons des informations sur le Dragon Rieur. Ou pire…

– Sur Han Derrick, termina Allénore en retenant un frisson.

Ce n'était pas le moment de flancher. La polyglomage examina leurs prisonniers, qui faisaient désormais bien pâles figures…. Elle s'approcha calmement de la seule personne dont elle reconnaissait le visage. Elle se pencha, avant de s'accroupir à sa hauteur. Allénore ramassa l'arme qu'elle identifia rapidement. Elle se mit à la faire passer de sa paume gauche à sa paume droite, avant d'enlever le chargeur et de compter les balles. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas tenu une arme en main, et sa lourdeur, le poids, la forme, le métal froid contre sa peau… toutes ces sensations ne lui avaient pas manqué, loin de là. Pourtant, le simple contact de l'arme avec son corps, la grisa et lui donna une force, la même que celle qui pouvait l'habiter, lorsqu'elle était Mistinguette.

– Tu te souviens de moi ? glissa-t-elle à l'oreille de la jeune femme qui lui faisait face.

La blonde qui avait été sur les genoux de Louis, enfin de la créature magique qui avait prit possession du corps de Louis, la regardait avec des yeux d'ambre qui auraient pu mettre le feu à un blizzard.

– Oui, tu te souviens de moi, sourit Allénore. Je te remercie de nous avoir retrouvés…

– Tu devrais être morte.

Allénore mordit l'intérieur de sa bouche. Cette fille la connaissait d'avant le bar. Elle le sentait et l'avait comprit, à sa façon de la regarder. Elle la regardait… comme tous les Autres la regardaient avant. Comme une petite reine aux pouvoirs divins, comme celle qui allait les délivrer et pourtant, comme celle à qui on ne pouvait faire confiance…

– Tu veux entendre un secret ? chuchota la brune.

Elle approcha ses lèvres de l'une de ses oreilles, en continuant de sourire.

Si cette blonde l'avait connue et reconnue en tant que Mistinguette, il ne servait plus à rien de faire semblant.

– Il m'arrive encore de le penser, parfois.

Allénore se recula et décida de rester silencieuse. Elle savait qu'elle ne prendrait l'ascendant que si et seulement si, son interlocutrice prenait la parole. Les jeux de pouvoirs étaient étranges et avaient des règles bien obscures… Mais si Allénore posait la première question, elle perdrait en faisant comprendre à la blonde qu'elle avait besoin d'elle, ou tout du moins, de ses réponses.

– Alors ? Tu vas rester là à me regarder longtemps sans rien faire ? Qu'est-ce que tu attends ?

Allénore ne leva pas tout de suite les yeux et continua de faire semblant d'inspecter l'arme. Quand elle entendit la blonde grogner d'impatience, elle réprima un sourire ravi et planta ses yeux dans les siens.

– Ça dépendra de toi.

– De moi ?

– Eh bien, de la raison que tu avanceras pour expliquer pourquoi tu nous as attaqué, mes amis et moi.

– Vous me cherchiez.

– Certes, admit Allénore. Sais-tu pourquoi ?

– Vous voulez reprendre les marchandises que vous n'avez pas eu le temps de voler la dernière fois, cracha-t-elle.

L'intérêt d'Allénore, piqué au vif, la fit se remettre sur ses deux jambes.

– Est-ce que tu sais qui je suis ?

– Un fantôme, murmura la blonde. C'est ce qu'ils disent tous.

Sans s'interroger sur le « ils », Allénore répondit :

– Et que disent-ils d'autre ?

– Que tu ne devrais pas respirer. Que tes cheveux auraient dû se ternir. Que ta peau aurait dû fondre de ton visage. Que des os auraient dû devenir poussière et que tes yeux auraient dû être fermés. Ils disent que tu as tué ton propre sang, que tu as trahi ta propre chair et que tu vis encore au soleil alors que tu ne mérites que la terre.

Allénore avait senti son sang s'épaissir dans ses artères et ses veines, au point que le calme qui s'était emparé d'elle n'avait rien de naturel ou d'appréciable. Tout était figé. De ses battements de coeur, jusqu'à ses gestes, de ses lèvres figées jusqu'à sa respiration, suspendue dans le temps.

Elle aurait voulu empêcher les mots de cette femme de se graver dans son cerveau. Mais il était trop tard et ils sonnaient désormais comme une malédiction.

– Tu es celle que l'on cherchait, intervint Nilam en passant devant Allénore. Tu étais au Dragon Rieur, l'autre soir. Tu …

– Passais du bon temps, comme tout le monde. Je n'ai pas de compte à vous rendre.

– Tu as tenté de nous tuer, déclara durement Scorpius.

– N'était-ce pas votre inttention ? l'interrogea-t-elle.

– Si tu nous dis comment nous rendre au Dragon Rieur, on vous laissera tranquille, tes amis et toi.

Elle sembla hésiter un moment. En vérité, il était évident qu'elle était même surprise par la proposition de Scorpius. Pourtant elle finit par parler :

– Le bar déménage tous les soirs depuis votre attaque, leur reprocha-t-elle. Il faut une invitation pour y entrer.

– Et quelle chance que tu en aies justement une ! s'enthousiasma Scorpius.

D'un geste simple réalisé avec sa baguette, il fit sortir de la veste de la blonde ce qui ressemblait à une carte de visite. Toute rouge et à l'écriture fine et dorée, la carte de se promenait dans les airs, obéissant à la baguette de Scorpius qui la faisait flotter dans les airs.

– Qu'est-ce qu'on fait d'eux ? leur demanda Albus en désignant les gens qu'ils avaient immobilisés.

– On lance un periculum, répondit simplement Louis. Les autorités magiques interviendront rapidement et se chargeront de tout ça.

Il observait Allénore, restant à quelques pas d'elle. Il savait qu'elle avait besoin d'être dans sa bulle. Elle avait sa tête des mauvais jours, celle qu'elle avait parfois quand elle avait l'impression que tout allait mal. Il n'avait pas parlé durant toute la discussion, préférant rester en retrait. Cependant, il était resté sur ses gardes, conscient qu'Allénore était une funambule, qu'elle avançait sur un fil et qu'elle pourrait basculer d'un moment à l'autre et prendre une décision qu'elle regretterait amèrement.

Elle était redevenue Mistinguette un temps et il en était presque soulagé : il avait toujours été convaincu qu'Allénore n'avait pas à la rejeter et qu'elle faisait partie d'elle. Pour autant, il savait que cette part d'ombre, celle que lui acceptait, elle, elle ne pouvait l'aimait ni même la tolérer.

Et maintenant qu'elle avait renfilé son masque d'espionne, même pour quelques minutes, elle l'avait fait devant ses amis, il attendait le moment où elle prendrait conscience de tout ce que cela impliquerait comme conséquences… Allénore ne pourrait plus mentir à ses amis si elle n'enlevait pas ce masque rapidement. Elle était intelligente et le devinerait sans peine bien assez tôt… Comme elle avait deviné que ces gens qu'ils venaient d'arrêter étaient des Autres.

L'embuscade. Les armes. Les mots…

Tout ressemblait aux méthodes des Autres et Louis savait qu'Allénore entendait sûrement à l'instant même le souvenir de la voix de son père, lui affirmant qu'ils survivraient bien après sa mort et que ses idées ne mourraient jamais.

Il avait eu raison et elle l'avait toujours su, n'avait jamais caché cette angoisse à Louis.

« Ils disent que tu as tué ton propre sang, que tu as trahi ta propre chair et que tu vis encore au soleil alors que tu ne mérites que la terre ».

Il la vit enlever une nouvelle fois le chargeur de l'arme qu'elle tenait toujours entre ses mains, et remettre les munitions à leur place, avant de la glisser dans la poche de son jean. Louis se sentit pâlir. C'était là, qu'il glissait les fleurs qu'il lui offrait. Dans la poche arrière de son jean…

Il vit le fantôme de Mistinguette et Allénore, qui ne tentait même pas de le repousser.

Il vit un peu de peur et de culpabilité. Il vit beaucoup de choses, mais lorsque ses yeux rencontrèrent les siens, il lui sourit et elle lui sourit également.

– Je t'aime, assura-t-il.

Lui qui ne voyait que le blanc et le noir, Allénore bousculait toutes ses convictions. Mais il l'aimait. Qu'elle soit gris pâle ou gris sombre.

Il ne fallait pas qu'elle l'oublie.

OOO

À l'instant même où elle était entrée au Dragon Rieur, Rose avait senti une énergie négative qui l'avait profondément atteinte. Elle avait avancé d'un pas lourd, suivant le mouvement en tentant de repousser cette sensation dans le fond de son coeur.

Elle soupçonnait l'immense gouffre au milieu du bar, d'aspirer tout ce qu'il y avait de bon et de joyeux en elle.

En pénétrant dans le bar, elle chercha malgré elle ses amis.

Nilam était déjà en train de boire, avec Albus, qui avait pris l'apparence d'un vieillard.

Louis discutait le plus naturellement du monde avec un trafiquant, visiblement déterminé à lui refiler des œufs de kenkoon. Le blond faisait semblant de négocier un meilleur prix…

Scorpius lui, rasait les murs.

Allénore, elle, était introuvable.

Rose avait une très bonne intuition.

Deux ans avant que Hugo ne soit diagnostiqué de son lupus, elle avait su, même enfant, que son frère était malade et fragile.

La veille de la disparition d'Allénore, deux ans et demi auparavant, elle avait senti que quelque chose n'allait pas.

Une heure avant que les démonzémerveilles ne se mettent à attaquer Londres, elle avait eu un goût amer dans la bouche et des fourmis dans les jambes.

Rose était capable de se lever le matin, et dès son premier pas, de déterminer si une journée serait bonne ou mauvaise. Ça faisait beaucoup rire Scorpius lorsque cela produisait. Dans ces moments-là, il la forçait à revenir au lit près de lui et la gardait tout proche de son coeur, à lui murmurer que tout irait bien et qu'en se levant une nouvelle fois, cette mauvais impression disparaîtrait. Rose souriait lorsqu'il lui disait de tels mots, de telles promesses, comme si la perspective qu'elle passe une mauvaise journée était une idée parfaitement intolérable pour Scorpius. Mais ça marchait … Parfois.

Louis avait dupliqué l'invitation pour qu'ils entrent tous. Cachées sous les capuches de leurs capes, Allénore, Nilam et Rose avaient décidé de dissimuler leurs visages. Albus avait un visage trop reconnaissable, étant le fils et le frère de deux Aurors très réputés, et Nilam lui avait fait ingurgiter deux grandes gorgées de polynectar en lui pinçant le nez. Scorpius et Louis étaient les seuls qui déambulaient de le bar à visages découverts et Rose n'aimait pas ça. Elle n'aimait pas ça du tout…

Rose chercha Louis du regard. Il portait un t-shirt blanc, au col rond, ample, trop pour lui. Il nageait presque dedans. Rose savait que ce haut appartenait en fait à Allénore. Sa meilleure-amie lui avait confié lui prêter souvent ses pulls et hauts, parce qu'elle trouvait ça terriblement sexy et grisant, de savoir qu'il portait ses vêtements à elle. Elle l'avait avoué d'une voix intimidée, presque honteuse et rougissante. Rose avait capté le regard d'Allénore sur Louis chaque fois qu'il portait un haut à elle… Louis avait rentré ce haut-ci, vraiment trop grand pour lui, dans son pantalon noir et dans d'autres circonstances, Rose se serait un peu moquée de de son cousin et de son habitude de piquer les fringues d'Allénore. Parce qu'encore, aujourd'hui le haut était uniforme, ne portait aucun message féministe ou écolo, n'avait ni paillettes, ni motifs qui ne ressemblaient pas à Louis, le grand dragonologue ! Ce qu'il était adorablement niais… Mais dans ce bar, il avait l'air espiègle, malin. Rose ne lui aurait joué aucun tour. Louis était loin d'être idiot et c'était quand elle le voyait négocier avec des trafiquants qu'elle s'en rendait compte. Il était impressionnant. Même vêtu du t-shirt de sa petite-amie.

Scorpius lui, se faisait plus discret sans vraiment y parvenir. Il adressait des sourires froids et polis qui passaient bien dans ce genre de milieux. Il avait déjà quelques serveuses et serveurs à ses pieds.

Au moment même où elle avait franchi la porte, la fabricante de baguettes avait retenu son souffle. Le bar n'était pas le même que celui où Allénore et elle avaient testé des élixir d'euphorie… Ici, le sol était collant, les trafiquants ne se cachaient même pas, et un homme au fond de la salle faisait éclater des pétards laissant de petits dragons survoler les airs quelques dizaines de minutes avant de s'éteindre. L'un d'eux s'approcha si près du nez de la rousse, qu'elle dû le balayer d'un geste rapide de la main.

Albus fût le premier à mettre à exécution le plan qu'ils avaient vaguement dessiner, qui consistait simplement à entrer au compte-goutte à dix, vingt, trente, cinquante minutes d'intervalles chacun dans le bar, puis de s'y disperser pour glaner quelques informations sur les marchandises qui se trouvaient dans les sous-sol la dernière fois.

Rose se mit à respirer plus normalement lorsqu'un origami, un petit écureuil, se posa sur son épaule. Il était parfois déconcertant pour Rose de se rendre compte que sa meilleure-amie était effectivement une polyglomage. Allénore avait toujours eu une certaine sensibilité et d'aussi loin qu'elle se souvienne, Rose avait toujours été impressionnée par cette capacité que son amie avait, de savoir, de comprendre ce que Rose ressentait. Rose savait qu'Allénore lui avait envoyé cet origami pour la rassurer et elle en eut la confirmation lorsqu'un second, un colibri, se nicha dans ses cheveux après avoir piaillé près de son oreille et donné un coup de bec affectueux sur le nez.

– Tu ne devrais pas être ici, l'alerta une voix derrière elle. Ta visite de la dernière fois n'a pas été appréciée…

Rose se retourna et haussa un sourcil. Une petite serveuse, aux cheveux verts et aux grands yeux couleur saphir, la regardait avec inquiétude. Elle atteignait à peine les genoux de Rose en hauteur, qui détestait regarder ainsi de haut quelqu'un. Son nez crochu et ses oreilles allongées n'avaient rien de commun et tranchaient avec une bouche très humaine, aux lèvres pulpeuses et soigneusement maquillées.

– Tu es une demie-gobeline…

Probablement la personne qu'ils recherchaient. La serveuse qui avait tenté d'alerter Allénore.

Allénore n'avait pas cru bon de le préciser… Sûrement parce qu'elle ne se fiait absolument pas à ce genre de détails. Pourtant, la demie-gobeline offrit à Rose un sourire énigmatique et presque fière.

– Finement observé.

L'humour pince-sans-rire de son interlocutrice fit rire Rose, qui se détendit légèrement.

– Je me demande ce qu'une personne aussi intelligente que toi fait ici, déclara-t-elle.

– Je pourrais te poser la même question, rétorqua Rose.

– Je ne suis pas une personne.

– Alors qu'es-tu ?

– De pays en pays, de lois en lois, d'époques en époques, mon statut change. Comment m'appellerais-tu, toi ? Comment me désignerais-tu ?

– Quel est ton prénom ?

La demie-gobeline semblait presque étonnée que Rose lui pose une telle question…

– Glaïeul.

– C'est comme ça que je t'appellerai, alors.

– Je t'ai reconnue à tes origamis, indiqua-t-elle. Et si je t'ai reconnue, Mistinguette, d'autres aussi. Tu n'es pas très discrète et tu viens de te mettre en danger… Tu n'aurais pas dû revenir ici.

Rose comprit rapidement que la créature la prenait pour Allénore. Ses cheveux roux étaient dissimulés sous la capuche de sa cape et son visage était camouflé par le tissu. Ce qui était en soit une très bonne chose, surtout si des gens en avaient après la brune. Allénore était ainsi plus en sécurité et si les pistes étaient ainsi brouillées, ils auraient plus de chance à s'en sortir et à faire sortir Allénore indemne …

– Je fais souvent des choses que je ne devrais pas faire, sourit Rose en songeant que cette phrase seyait parfaitement à Allénore.

– Vous devriez partir. Toi et tes amis. Malgré ton déguisement, ils savent qui tu es…

– Ils ?

– Les Autres.

– Tu pourrais être des leurs.

Rose savait qu'il valait mieux se montrer suspicieuse et méfiante. Mais la demie-gobeline se mit à rire grassement :

– Et je l'ai été, tout comme toi. Tu ne te souviens probablement pas de moi… , soupira Glaïeul. Mais un jour, je t'ai soignée après que tu sois rentrée de mission. Les sirènes du clan de l'océan Indien t'avaient bien amochée et la moitié de ton bras gauche ne tenait plus que par un bout de chair en train de se nécroser. Tu étais parfaitement consciente et tu crachais l'eau de tes poumons. Tu hurlais. Tu te croyais encore sous l'océan. Tu criais des prénoms. Tu les cherchais. Je t'ai calmée. Je t'ai parlé de gâteau au chocolat, de musique classique et de glaïeul… Les fleurs préférées de ma mère. La petite asiatique qui te suivait partout n'était pas là. Il y avait ce blond, là et son frère… Il te veillait avec un air malsain sur le visage, comme s'il voulait te posséder. Je l'ai chassé beaucoup de fois.Je t'ai soignée, répéta-t-elle, pendant une semaine, nuit et jour, sans dormir, en mangeant près de toi, en buvant sans te quitter des yeux parce que la mort rôdait, tu semblais si fragile, toi que nous considérions tous comme une petite reine aux grands pouvoirs et un matin… Tu as ouvert les yeux, tu es répartie comme si de rien n'était et le soir du jour d'après, un bouquet de fleurs est apparu sur la couchette que j'occupais au quartier général des Autres. C'étaient des glaïeuls.

Rose hésita à lui dire la vérité. Elle avait le coeur au bord des lèvres, en imaginant une Allénore brisée et seule, sur un petit lit d'infirmerie, veillée par une inconnue … Rose avait souvent pensé qu'Allénore avait échappé à la mort de nombreuses fois. En revanche, personne n'avait jamais verbalisé cette pensée, personne ne lui avait parlé de ces fois où sa meilleure-amie avait failli glissé vers l'autre monde, où ceux où elle s'était elle-même volontairement mise à flirter avec ses limites.

Allénore aurait pu mourir seule.

Rose n'en aurait jamais rien su, alors que sa place aurait été près d'elle.

Et Rose eut envie de vomir.

L'écureuil de papier se nicha près de son oreille et caressa de son museau la joue de Rose.

– Tu animais toujours tes origamis. Tu ne te baladais jamais sans un écureuil, un hibou et un ours. Ils s'emmêlaient dans tes cheveux et un jour… Tu as arrêté. Je crois que Richards les a brûlé après l'une de ses… sautes d'humeur. Quelques rumeurs ont circulé pendant des jours, mais Polly les a fait taire. Il se disait que ton visage avait…

Un ours pour Albus. Un hibou pour Scorpius. Un écureuil pour Rose. Leurs patronus. Allénore n'avait jamais cessé de penser à eux…

– Tu n'as pas survécu à tout ça pour mourir de façon aussi stupide ma petite ! Déguerpis d'ici et que je ne t'y revois plus jamais ! Tu as été graciée par la communauté magique ! Tu peux vivre librement et tu le mérites.

– Tu le mérites, toi aussi…

– Je suis recherchée par tous les Aurors de cette Terre. Je sais ce que les sorciers font aux Autres qu'ils capturent… Je ne suis pas sotte, tiqua Glaïeul, se sentent insultée.

– Elle témoignerait en ta faveur, marmonna Rose.

Glaïeul haussa un sourcil et examina le visage de son interlocutrice. La rousse se sentit nue et pinça furieusement ses lèvres. L'attitude de la demie-gobeline changea immédiatement. Rose n'était pas polyglomage… mais nul doute que les bras croisés sur la poitrine et un froncement sourcil creusant une belle ride entre deux yeux au regard noir, indiquaient une hostilité certaine… Rose aurait dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

– On cherche un miroir.

Glaïeul désigna du doigt un grand miroir, derrière elle, sans se retourner, afin de ne pas quitter Rose des yeux.

– Ta coiffure est parfaite ma petite.

– Pas ce genre de miroir.

Glaïeul haussa un sourcil, l'autre demeurant fermement froncé.

– Évidemment que tu ne viens pas pour ce genre de miroirs.

Rose vit Scorpius s'approcher d'elle. Elle décida de prendre un risque :

– Je ne suis pas celle que vous pensez. Mais c'est une amie. Elle est déjà venue ici… dans ce bar je veux dire. C'était en mars dernier pour ...

– Chercher son blond ? Son bon blond ? Le visage de Louis Weasley a été affiché durant des mois entiers au quartier général des Autres… Je l'ai tout de suite reconnu et je ne suis pas la seule.

Rose tourna les yeux vers Louis, coincé entre trois hommes qui commençaient à l'acculer contre un mur. Louis, loin de paniquer, riait et agitait les mains, racontant probablement une histoire à dormir debout pour charmer ou calmer son auditoire … Malheureusement pour lui, ces gens ne semblaient pas vouloir l'écouter.

– Il a été pris au piège par un ungaikyō…, indiqua Rose.

– Oui. Et j'allais prévenir les Aurors avant que ton inconsciente d'amie n'intervienne.

– Au risque de vous faire arrêter ?

La serveuse pouffa d'arrogance.

– Tu aurais dû lui dire de ne pas revenir… à ton amie.

– Elle n'écoute jamais qu'elle…, soupira Rose.

– Écoute… Tout ce que je peux te dire, c'est que de nombreux miroirs magiques sont arrivés début mars. Le patron du Dragon Rieur les a conservé ici un bon moment …Je pense qu'il les a réservé pour le gouffre, indiqua la demie-gobeline. En tout cas, depuis deux semaines, ces miroirs ne sont plus dans la réserve…

Une second explosion fit de nouveau trembler les murs et un cri déchirant le suivi. C'était un cri de douleur, de ceux que l'on sortait du plus profond des entrailles pour repousser la mort. L'une des personnes descendue dans le trou béant du bar venait de mourir, et l'écho de son cri résonnait encore par ricochet dans l'établissement. Quand il se tût, Rose ferma les yeux pour accueillir le silence.

– Ils sont vraiment dans le gouffre, ces miroirs, n'est-ce pas ? maugréa-t-elle.

Elle rouvrit les yeux. Scorpius était en face d'elle, juste derrière Glaïeul. La demi-gobeline hochait tristement la tête. Scorpius, en même temps, lui faisait signe d'écourter sa conversation pour fuir au plus vite. Maintenant qu'elle prenait le temps de regarder autour d'elle, elle se rendait compte que plusieurs personnes l'avaient encerclée et que la porte était lourdement gardé par deux trolls qui n'avaient rien de très commode…

– Vous devez partir maintenant. Et dîtes à Mistinguette qu'elle …

Une détonation les fit sursauter et Rose trouva vite la personne à l'origine du tir.

Le bras levé vers le plafond, sa capuche tombée sur les épaules et perchée sur le comptoir du bar, Allénore observait furieusement les clients du bar avec un air supérieur qui ne lui ressemblait pas.

– … devrait se montrer plus discrète, termina Glaïeul.

Allénore pointait désormais l'arme sur Albus. Enfin plus exactement sur l'homme qui visait Albus avec sa propre arme.

– Baisse ça immédiatement, siffla-t-elle entre ses dents, la mâchoire trop serrée pour bien articuler.

Voyant qu'elle ne se faisait pas obéir, elle profita de l'effet de surprise pour tirer une seconde fois. Des gens se mirent à prendre la fuite et les deux trolls du fond, vite acculés, furent poussés et forcés de se retirer de la porte qu'ils gardaient. Rose sortit sa baguette et désarma deux sorciers, prêts à attaquer Allénore.

– Baisse. Ça. Immédiatement, répéta-t-elle calmement.

Albus, blanc comme un linge, se ressaisit et donna un coup de pied dans les genoux de son agresseur, avant de lui jeter un sort.

À partir de ce moment là, le temps sembla se suspendre dans le bar du Dragon Rieur. Plus personne n'osa parler, plus personne n'osa bouger. Le premier d'entre eux qui l'aurait fait aurait déclenché les hostilités et tout le monde se regardait, sans trop savoir qui il faudrait attaquer… Au moins, Scorpius, Louis et Nilam se fondaient encore parfaitement dans la foule. Albus et Allénore, en revanche, était les victimes toutes désignées de l'attaque qui finirait par venir. Rose l'était tout autant, maintenant qu'elle avait désarmé ces deux autres sorciers pour défendre Allénore.

– J'ai envoyé la localisation du bar aux Aurors. Vous avez présentement deux minutes pour tous partir, les prévint Allénore d'une voix forte.

Les vampires, loups-garous, gobelins, les hommes, les femmes qui n'avaient pas encore pris la fuite et qui semblaient hésiter à le faire, se décidèrent sous la menace de Mistinguette, si bien qu'il ne resta plus qu'une quinzaine de personnes. Ils savaient tous que s'ils se faisaient prendre par les Aurors, le procès qui les attendrait leur serait fatal. Depuis la mort d'Ed Richards et le démantèlement officiel des Autres, les crimes et délits liés aux trafics de créatures magiques étaient sévèrement punis. Rose se mit à compter : ils étaient en supériorité numérique.

– Tu as du culot de te présenter ici, grogna un homme.

Allénore le jaugea et de son regard que Rose n'avait toujours connu que bienveillant et timide, elle y lut une force et un mépris pour cet homme, qui la glaça toute entière.

Rose ne connaissait pas cette Allénore.

Mais loin de la rejeter, elle calqua son expression sur celle de son amie et pointa sa baguette sur l'un des sorciers qui menaçait Allénore.

Faire la guerre à l'une revenait à faire la guerre à l'autre.

Elle lança un sortilège informulé et des plantes rampantes se mirent à pousser silencieusement du sol, s'enroulant autour de ses chevilles.

– Où sont les miroirs ?

– Les miroirs ?

– Tu sais très bien de quoi je parle !

Allénore fixait le gouffre du bar. Elle avait compris. Elle refusait simplement d'y croire, tout comme Rose.

Endolo…

Louis hurla alors même qu'il n'était pas visé par le sort. Allénore avait fermé les yeux et son visage s'était figé dans l'attente brève de la souffrance, mais la douleur n'était pas venue. L'apprenti dragonologue avait prononcé sa formule à temps, plaquant le sorcier au sol, si aplati contre lui qu'ils ne faisaient presque plus qu'un.

Tout aussitôt, Nilam se retrouvait à affronter deux femmes, probablement demie-géante aux vues de leurs tailles. En un claquement de doigt, Glaïeul désarma les personnes qui s'était approchées d'un peu trop près de Rose et Scorpius. L'un des hommes, celui sur lequel elle avait fait pousser des plantes grimpantes autour de ses chevilles, s'était étalé de tout son long. Louis avait eu la bonne idée de se servir de l'immense cloche qui trônait au milieu du bar pour y envoyer un sorcier droit dessus et l'assomer. La baguette de Scorpius envoyait des jets de lumière orangée qui engluaient leurs adversaires et Rose eut à peine le temps de souffler que tout était redevenu tranquille.

Allénore sentit le soulagement s'emparer d'elle.

Elle avait reconnu quelques visages, des qui appartenaient à des membres des Autres qui avaient probablement trouvé refuge dans ce genre de bars …

Ces gens étaient des trafiquants. Pas des mages noires. Pas des mages tout court. Ils maîtrisaient assez mal la magie… Les Autres étaient des guerriers, pas des soldats, ni combattants. Ils étaient désordonnés, mal-préparés et souvent très vite dépassés.

Elle entendit un cliquetis symbolique. Elle sauta immédiatement du comptoir du bar pour avancer vers l'homme qui avait braqué son pistolet sur Albus. Le canon touchait la peau de son crâne et elle retint son souffle un instant. Elle sortit sa propre arme de la poche arrière de son jean et la pointa sur lui.

– Un pas de plus, un mot de plus, et je l'emmène dans un endroit dont on ne revient pas, menaça-t-il.

La politique du jusqu'au boutisme, de faire un maximum de dégât autour de soi, même si cela impliquait de mourir… Cet homme était un ancien Autre. Un ancien Autre, très poète, par ailleurs…

– Tu as cinq baguettes prêtes à te neutraliser. Les Aurors ne vont pas tarder à arriver. Quoiqu'il arrive, tout tes petits plans et mauvais desseins s'arrêtent ici.

L'homme tremblait mais il se tourna vers Allénore en souriant. Il pressa la détente, légèrement, juste assez pour qu'Allénore le voit, et se retourna vers Albus. Mais elle fut plus rapide et son tir à elle partit le premier. Lorsque sa balle se logea dans le creux du genoux de l'homme, il tomba immédiatement à terre en criant. Le sang se répandit mais indifférente, Allénore se contenta de donner un grand coup de pied dans l'arme qu'il tenait encore dans la main.

– Je t'ai déjà demandé deux fois de la baisser …

– All'…, murmura Albus.

Ils tremblèrent tous les deux en se regardant, interdits. Lui, parce qu'il l'avait vu abattre de sang-froid quelqu'un sous ses yeux, et surtout parce qu'il se souvenait de l'adolescente qu'elle avait été et qui pleurait lorsqu'elle marchait par inadvertance sur les escargots, parce qu'il se rappelait du jour où Louis avait cogné Goyle après qu'il l'ait insultée, et qu'elle avait piqué une gueulante, affirmant que la violence ne résolvait rien. Allénore tremblait quant à elle, parce qu'elle voyait dans le regard d'Albus qu'il connaissait le monstre en elle désormais.

– Tu viens de tirer sur quelqu'un…

– Et ce quelqu'un allait te tuer, Albus ! intervint Nilam en glissant sa main dans celle de celui-ci.

La potioniste avait besoin de sentir son pouls, de s'assurer qu'il était vivant et qu'il allait bien. Il était filant et irrégulier, mais fort et bien présent. Le coeur d'Albus battait et c'était le plus important. L'odeur de la poudre importait peu et elle remercia Allénore d'un bref signe de tête.

Rose et Scorpius les avaient rejoint en quelques pas. Louis terminait de confisquer les baguettes des personnes qu'ils venaient d'affronter, et ne s'approcha d'eux qu'une fois après avoir confectionné un beau bouquet, qu'il déposa sur le comptoir.

– Les miroirs sont dans la fosse, annonça-t-il gravement. Ils sont une épreuve des combats abyssaux.

– On le sait, répondirent Allénore et Rose en même temps.

– Glaïeul me l'a dit, expliqua la rousse.

– J'ai entendu le patron du bar, fit-elle en désignant l'homme qui se vidait de son sang, en parler.

Elle agita sa baguette au niveau de son genou et la plaie se referma.

– La balle est sortie, cependant, tu devrais probablement demander un médecin pour t'assurer que tout ira bien, souffla distraitement la polyglomage au directeur du bar.

– Qui est Glaïeul ? demanda Scorpius.

Rose se retourna pour regarder la serveuse.

– On peut lui faire confiance ? interrogea Allénore.

– Quelle petite ingrate tu es …, grommela Glaïeul en souriant tout de même.

Elle était restée un peu cachée dans l'ombre, collée au bar.

– Elle t'a sauvée la vie, raconta Rose. Elle était… Une Autre.

Allénore pencha la tête sur le côté, comme si cela pouvait l'aider à se rappeler. Mais rien ne vint. Il fallait dire qu'en deux ans, elle avait vu de nombreux visages, entendu et appris de nombreuses histoires, rencontré beaucoup de personnes qui l'avaient touchée, fait pleurer ou perdre un instant foi en l'humanité. Et Han… Han avait manipulé nombreux de ses propres souvenirs pour la couper des Autres et l'empêcher de trop s'intégrer.

– Qu'importe, trancha Glaïeul. Je vous déconseille simplement de faire ce que vous avez dans la tête, jeune fille. Vous avez eut assez d'ennuis pour au moins sept vies.

Et elle disparut sur ces mots.

– Elle a sauvé ton bras après que le clan des… , commença Rose.

– Elle a bien fait de partir, l'interrompit Allénore.

Rose lut sur son visage qu'Allénore se rappelait et que les souvenirs étaient remontés.

– Tu as vraiment fait prévenir les Aurors ? fit Louis.

Elle hocha la tête, avant de s'approcher du gouffre. Le sol était collant, couvert d'alcool, de morceaux de verres et de chaises renversées après la panique et les mouvements de la foule qui avait fuit l'affrontement. Allénore se pencha au-dessus du vide. Elle sentit les deux mains de Louis s'enrouler autour de sa taille, comme pour la retenir d'y plonger. Elle se colla instinctivement contre son torse, profitant de sa chaleur et du confort de son corps contre le sien.

– Si nous allons en-bas, nous irons tous les deux, souffla-t-il à son oreille d'une voix apeurée mais étrangement convaincue.

Allénore ne serait jamais descendue sans lui. Pourtant, et parce qu'elle savait qu'il en était de même pour lui, elle hésitait. S'envoyer elle-même auprès de la mort était devenue une habitude à laquelle elle s'était tristement accoutumée. En revanche, y envoyer Louis lui était intolérable.

– Combien de personnes sont déjà remontées ? Je sais que tu le sais. Tu me l'as dit la première fois que nous sommes venues ici… En deux ans et quatre-vingt soirées passées ici, tu n'as entendu la cloche sonner que …, essaya de se rappeler Nilam derrière eux.

– Quatre fois, murmura fatalement Allénore.

Albus restait inerte à ses côtés, incapable de dire quoi que ce soit. Scorpius tentait d'évaluer la profondeur de la fosse et avait jeté un sort de flamme jusqu'à la voir s'éteindre dans la noirceur sans l'entendre percuter le fond. Rose faisait le tour et s'arrêta seulement une fois arrivée au niveau du système de poulie qui permettait aux combattants abyssaux de descendre.

– Donc… si je comprends bien… des gens doivent combattre des créatures magiques, affronter des épreuves, au fond de ce trou ?

Allénore et Louis hochèrent la tête.

– Pourquoi font-ils ça ?

– Qui donc ? demanda Allénore. Les organisateurs des combats abyssaux ou ceux qui y jouent ?

– Parce que tu appelles ça un jeu ? s'offusqua Albus.

– Ces gens ont besoin de distraction, expliqua Louis. C'est comme ça qu'ils occupent leur journée, c'est comme ça qu'ils assoient leurs pouvoirs, c'est comme ça qu'ils se font connaître dans le milieu et remportent les plus grosses parts de marché, expliqua Louis. Ceux qui descendent dans ce trou n'ont souvent plus rien à perdre et ont besoin d'argent pour eux ou leur famille. Certains parient même sur leurs propres morts, pour que leur famille touche un peu d'argent … D'autres sur leurs succès. Ceux qui s'en sortent sont souvent très entraînés et ne sont pas les plus pauvres du lot. Dans les bars clandestins où j'allais, il se murmurait que Main Rouge était le seul à avoir survécu plus de 3 aux combats abyssaux.

En tant que magizoologiste il avait souvent eu l'occasion de soigner des créatures qui avaient réussi à s'échapper de ce genre d'événements. Louis avait appris l'existence des combats abyssaux pendant ses études et en fréquentant quelques bars clandestins, mais ce n'était que par le biais d'Allénore, qu'il avait compris l'ampleur du phénomène. Pourtant, elle ne lui en avait raconté que le strict minimum. Elle n'avait jamais mentionné y avoir participé, mais Louis n'était pas dupe… Il savait.

– Les paris de combats abyssaux font vivre la plupart des bars clandestins comme le Dragon Rieur. Il est affilé à pas moins de cinq autres bars, dissimilés dans le monde, pour ce que j'en sais… Pour un sorcier, remonter cette fosse garantit une autorité et un respect dans le milieu des trafics. Beaucoup de femmes participent aux combats abyssaux pour cette raison. Au début… Ed Richards obligeaient les sorciers qui souhaitaient se joindre aux Autres à participer à au moins un combat. Cette règle a très vite été abandonnée.

– Pourquoi ? Ed Richards n'était pas le genre d'homme à avoir soudainement des poussées de bons principes…, maugréa Scorpius.

– Beaucoup moins d'une chance sur quatre de s'en tirer, rappela Allénore. On est même de l'ordre du 0,2 chance sur à pourquoi. Il avait besoin de combattants, pas de cadavres.

– Ça fait cinq pour cent de chance de réussite, en déduisit Louis qui avait silencieusement calculé tout ça.

– Réfléchissez le comme vous le voulez. Par pourcentage. Par part. Je m'en fiche. Le résultat est le même : là-dedans, ce n'est pas …

Elle avait des fantômes dans la voix et dans le corps, mille frissons et maux de têtes, mille peurs et encore plus de tracas. Allénore était une trouillarde de nature. Mais lorsqu'elle avait vraiment peur, elle s'assombrissait complètement, de ses traits légers, jusqu'à son petit sourire toujours présent, en passant par sa posture repliée sur elle-même jusqu'à ses poings serrés…

– Vous ne pouvez pas comprendre.

– Alors explique nous ! supplia Rose.

– Ce n'est pas quelque chose qui s'explique Rosie ! Ça… Ça se vit et encore. À l'intérieur de ce trou, ce n'est que de la survie !

– Tu y as bien survécu toi…, bougonna Scorpius. Et tu n'es pas une flèche en défense contre les forces du mal.

Rose commença à se ronger les ongles. Louis soupira. Il ne savait pas tout ce qu'Allénore avait fait, durant les deux années où elle avait vécu avec les Autres. Elle se confiait par période, et toujours avec parcimonie. Louis avait récolté quelques informations par ci par là, et en avait vite déduit qu'Allénore avait fréquenté des milieux vraiment peu recommandables… Avoir la confirmation qu'elle avait effectivement participé à un combat abyssal lui fit mal et lui donna envie de la serrer dans ses bras. Ce qu'il fit.

– J'ai eu beaucoup de chance. La personne qui est descendue avec moi ne s'en est pas sortie et …

Elle se tût et chercha Louis du regard, se retourna pour lui faire face. Elle avait besoin de respirer, elle avait besoin de calme, elle avait besoin d'une île et c'était en lui qu'elle la trouvait. Elle s'éloigna rapidement de lui pourtant, commençant à faire nerveusement les cent pas.

– Moins d'une chance sur quatre…, c'est pas mal au final ! déglutit Scorpius en reprenant.

Il se donna une certaine contenance et commença à évaluer avec Rose la qualité de la corde.

– Une chance sur quatre… Ça fait vraiment peu de chance de remonter vivant de ce merdier ! s'exclama Albus.

Pourtant, il se saisit de la corde en premier, non sans continuer à regarder Allénore. Elle était son amie et se le répétait. Non pas pour s'en convaincre, car le coeur n'avait jamais besoin d'être convaincu selon lui… Mais plutôt pour se donner une raison de faire ce qu'il s'apprêtait à faire et voulait faire.

– Vous ne descendrez pas dans cette abysse, les arrêta Allénore. Il en est hors de question.

– Une chance sur quatre, au fond, ça se tente, sourit Nilam à son tour.

– À combien descendent les combattants ? interrogea Louis.

– Par deux. Jamais plus.

– Et bien, nous sommes six… On triple nos chances ! se réjouit-il faussement. Tu l'as dit toi-même de nombreuses fois : ces gens ne sont pas de bons sorciers, ils n'ont pas eu les mêmes formations que nous. Nous pouvons nous en sortir.

Scorpius avait toujours été quelqu'un de confiant, très confiant, mais jamais de trop confiant. Là, il se montrait imprudent et prétentieux, des défauts qu'il n'avait pas coutume d'emprunter, ou tout du moins jamais sans que Rose ne le gratifie d'une tape sur la tête et d'un regard dépité.

Aujourd'hui, Rose ne faisait rien.

– Vous ne savez pas…

Car il la sentait s'énerver, Louis desserra son étreinte autour d'Allénore, pour la laisser respirer et lui donner de l'espace.

– Allénore, laisse-nous prendre nos propres décisions.

Elle les en avait trop souvent privés.

– Vous n'allez pas descendre dans ce maudit trou juste parce que j'ai besoin de réponse !

– C'est exactement ce qu'on va faire…, insista Albus.

– Bordel…

Allénore jurait jamais et dans d'autres circonstances, elle aurait pu simplement profiter du fait que ses amis auraient fait n'importe quoi pour elle. Chose dont elle n'avait toujours pas pleinement pris conscience malgré le fait qu'ils l'aient attendu deux ans, qu'ils lui aient tout pardonné, même d'avoir effacé une partie de leurs souvenirs ou de les avoir abandonné…

Au lieu de ça, elle prit le pistolet qu'elle avait reglissé dans la poche arrière de son jean et commença a vidé le chargeur. Il lui restait sept balles seulement, là où son chargeur pouvait en contenir dix. Elle en avait tiré trois tout à l'heure. Elle s'attacha à en enlever de trois autres, qu'elle laissa tomber sur le sol. Elle remit les quatre balles aléatoirement dans le barillet et le tourna, avant de remonter l'arme.

– Moins d'une chance sur quatre, voilà ce que c'est ! Je vais vous le montrer ! s'écria-t-elle en pointant l'arme sur sa tête. Si je tire une fois, j'ai une chance sur quatre d'y rester.

– Allénore…, grogna Louis en s'approchant de nouveau d'elle.

– Vous allez me laisser me tirer dessus ? demanda-t-elle à ses amis. Vous pensez toujours que ça se tente, une chance sur quatre ?

Albus était de nouveau paralysé. Rose retenait son souffle et Nilam avait haussé un sourcil.

– Arrête ça immédiatement, siffla Scorpius.

– Non, vous ne comprenez pas… On n'a pas besoin de chance ou de probabilité. On a besoin de certitude. Je refuse de perdre encore une seule personne de plus. Je refuse de vous perdre vous ! Pas après tout ce que j'ai fait.

– Si Han Derrick est vivant, d'une façon ou d'une autre, tu ne nous empêcheras pas de descendre dans ce gouffre pour le vérifier et nous assurer qu'il ne s'en prendra ni à nous, ni à toi… , ajouta Nilam. Il n'est pas question que de toi, putain !

Allénore pressa un peu plus son doigt sur la détente et les regarda tous uns à uns dans les yeux. La tension entre eux tous menaçait d'éclater comme elle aurait sûrement dû le faire bien avant ce moment. Scorpius avait ses doigts sur sa baguette, prêt à intervenir. Rose ne respirait plus et des larmes menaçaient couler de ses yeux. Elle suppliait Allénore de ne rien faire, et elle savait, à ses tremblements que sa meilleure-amie ressentait sa détresse. Albus avait les yeux vides, il réfléchissait à tous les scénarios envisageables et se préparait déjà à sauter sur Allénore pour l'empêcher de faire quelque chose qui les hanterait tous pour toujours. Nilam ne semblait pas inquiète, pas plus que Louis d'ailleurs…

Tout se passa très vite. Les doigts de la polyglomage pressèrent encore un peu plus la détente.

Et elle leva finalement le bras en l'air pour tirer.

Rien ne se produisit.

Aucune balle ne sortit.

Rose étouffa un sanglot et Albus se précipita sur Allénore pour lui retirer l'arme des mains. Elle était bien trop sonnée pour se défendre et se laissa faire, le corps épuisé par toute l'adrénaline qui l'avait traversée.

– Il semblerait que tu sois en veine, aujourd'hui… , la félicita Nilam.

Rose lui lança un regard meurtrier.

– Elle n'a jamais eu l'intention de se tirer une balle dans la tête et de jouer avec sa vie, soupira Nilam en tapotant l'épaule de Rose.

Rose en resta interloquée.

Louis avait posé ses deux mains sur le visage pâle d'Allénore, creusé par deux sillons de larmes parfaitement silencieux, que personne n'avait entendu. Il caressait de ses pouces ses joues, pour les rosir un peu et lui rappeler qu'elle était bien vivante.

– Ne refais plus jamais ça, fit-il en posant ses lèvres sur son front.

Louis n'avait jamais craint un instant qu'Allénore prendrait le risque de mettre fin à ses jours, tout comme Nilam. Car contrairement à Rose, Scorpius et Albus, Nilam et lui avaient déjà vu les yeux d'une personne s'apprêtant à se tuer ou à se sacrifier.

Les yeux noirs de Jia Li.

Pour autant, la vision d'Allénore avec un pistolet sur l'une de ses tempes le faisait trembler tout entier et avait agité son coeur d'une panique qu'il n'avait contrôlé qu'en rationalisant le fait qu'Allénore ne ferait jamais ça. Elle voulait juste leur faire comprendre….

– Ils ont raison et tu le sais. Si Han Derrick est vivant, ça ne te concerne plus seulement toi. Ça me concerne. Ça concerne nos familles et le monde sorcier tout entier. Cet homme est dangereux et si tu as la certitude que tu l'as vu dans ce miroir,…

Allénore laissa éclater un sanglot.

– Je n'aurais pas dû vous faire croire que j'allais…

Non elle n'aurait pas dû. Louis le lui dirait une prochaine fois. Il avait toutefois conscience du fait que la violence de la démonstration d'Allénore n'avait eu que pour seul but de protéger ses amis et comme à chaque fois qu'elle souhaitait défendre les personnes qu'elle aimait, leur ouvrir les yeux sur la dangerosité de ce qu'ils voulaient faire, Allénore se laissait aller dans les extrêmes.

Elle avait joué avec leurs peurs et leurs sentiments. Elle les avait manipulée.

Ils avaient eu la pire version d'elle-même. Celle qu'elle leur avait caché et qu'elle avait du mal à aimer. Celle que Louis avait accepté parce qu'il y avait tant de beaux, tant d'espoir en elle…

– Les Aurors ne tarderont pas à arriver, souffla Allénore. C'est à eux de s'occuper de ça. Pas à nous, refusa-t-elle. On n'aurait jamais dû partir. On n'aurait jamais dû …

Allénore ne termina pas sa phrase.

– Laissons les aurors gérer cela. Je vous en supplie, marmonna-t-elle. On… On n'a pas à faire ça. Ce n'est pas à nous de prendre ce risque.

Ou peut-être que si, elle n'en savait rien. Allénore n'était juste tout simplement pas prête à sacrifier quelque chose ou quelqu'un pour avoir des réponses ou racheter ses fautes. Son orgueil sur ces sujets lui avait fait trop de fois commettre des erreurs.

Elle était à bout.

Les remords et les regrets l'assaillaient.

Et ils allaient tous accepter.

Cependant, une autre explosion fit trembler le sol et le tenancier du bar explosa de rire, un peu faiblement, car il était toujours en train de saigner. Louis rattrapa Allénore, qui avait perdu l'équilibre sous le coup de la détonation. Rose était tombée au sol, après avoir sentit ses genoux remonter anormalement dans son ventre. Les poutres du bar continuaient de trembler, le plafond menaçait de s'effondrer et lorsqu'une seconde secousse, aussi violente que toutes les autres se fit ressentir, Albus chuta dans l'abysse en hurlant. Nilam, en tentant de le rattraper, était tombée avec lui. Scorpius avait lancé un sort pour les rattraper, sans se rendre compte que le sol se dérobait sous ses pieds, et que les planches du parquet du bar étaient en train de couler au fond d'un immense précipice. Ils s'appelèrent tous les uns les autres, sans comprendre ce qui était en train de leur arriver.

Le bar du Dragon Rieur était en train de s'effondrer et de plonger dans le vide.

– Que vous le vouliez ou non, vous allez descendre ! s'exclama le sorcier qu'Allénore avait blessé.

Et le sol s'ouvrit définitivement sous eux, pour les précipiter tous les six dans une obscurité infinie.

Ils dégringolèrent longtemps dans le noir et le néant.

James Potter et Citlali Tucker, accompagnés de toute une brigade d'Aurors, ne trouvèrent sur place que deux origamis sur les lieux.

Une chouette à l'aile blessée, et un colibri écrasé sous la cloche qui sonnait la victoire des combattants.


This is the start of how it all ever ends
They used to shout my name, now they whisper it
I'm speeding up and this is the
Red, orange, yellow flicker beat sparking up my heart
We rip the start, the colors disappear
I never watch the stars there's so much down here
So I just try to keep up with them
Red, orange, yellow flicker beat sparking up my heart

Une petite review me ferait très plaisir !

Louis qui pique les vêtements d'Allénore ? Genre, je voudrais vraiment qu'on en parle, parce que, quand je l'ai écrit, je me suis dit "pouaaaah qu'il est chou quand même ce petit Lou' !".

Les peurs de Rose ?

Cette chute finale ?

Je veux vraiment avoir vos avis !