38. Interlude : Le Ministre
Rompant la connexion, Harry empocha le Miroiphone, prit une expression d'excuse et regarda sa femme à l'autre bout de la cuisine. Les sourcils de Ginny tenaient conférence au-dessus de son nez, s'entretenant sur le mécontentement de leur propriétaire. En des moments comme celui-ci, l'agacement de sa femme à sa place était l'un de ses traits les plus attachant, autant qu'affriolant. Ses lèvres pincées, l'étincelle dans ses yeux et la tension dans sa posture étaient des confirmations inutiles de son irritation. Savoir pourquoi elle était mécontente ne lui était d'aucun secours.
"Ce n'est que Kingsley," commença-t-il. Il savait que sa tentative pour la rassurer avait peu de chance d'aboutir à un succès immédiat, mais il devait commencer quelque part.
"Ce n'est pas une urgence, Harry," craqua Ginny. "Tu es en vacances et tu n'as pas à répondre à Kingsley au doigt et à l'œil vingt-quatre heures sur vingt-quatre."
"C'est pour ça que je lui ai dit que je n'étais pas disposé à le rencontrer à son bureau," dit Harry. "Tu m'as entendu lui dire que je prenais trois jours en récupération et que tu sortais pour la journée – avec Jacqui."
Les mots ne fonctionnaient pas, Harry fit donc deux pas en avant, agrippa les épaules de Ginny et la tira tout contre lui. Il embrassa le haut de son nez, gardant ses lèvres à cet endroit jusqu'à ce qu'il sente les rides disparaître et ses épaules se décontracter. Alors qu'elle se calmait, il fit glisser ses bras autour de sa taille et l'étreignit.
"Tu as des projets, Ginny, et moi aussi. Je ne vais pas laisser Kingsley les perturber. Tu vas sortir pour la journée," lui assura-t-il. "Mais Kingsley doit penser que c'est important. Le fait qu'il vienne jusqu'ici pour me voir le prouve. Il a quelques questions à propos du rapport sur l'affaire et il veut en parler 'en privé'. C'est le meilleur endroit. Pendant qu'il est ici, je vais simplement devoir à supporter que les enfants interrompent notre discussion."
"Si tu lui avais dit pour Al…"
"C'est probablement de ça qu'il veut parler, Ginny. Il a probablement remarqué quelque chose dans le rapport."
"Peut-être que tu aurais dû…" Ginny s'interrompit quand Harry secoua la tête.
"On a pris la bonne décision. Les rapports sont enregistrés, et ils sont lus, et…" faisant un pas en arrière, il regarda dans ses yeux chocolat, cherchant la confirmation.
"Emmener les enfants sur le Chemin de Traverse est déjà une corvée. Ils ne comprennent pas pourquoi des inconnus savent qui ils sont, ni pourquoi ils veulent absolument leur parler," approuva Ginny. "Tu as raison, une première page du style Albus Potter Capture le Meurtrier n'aurait fait qu'empirer les choses. Tout spécialement pour Al."
"C'est pour ça que c'est mieux si Kingsley vient ici," dit-il.
"Tu vas lui dire la vérité, mais de façon non officielle," observa Ginny.
"Est-ce que ça te va ? On connaît Kingsley, il…" commença Harry. Du coin de l'œil, il vit un mouvement et sa vigilance familiale passa de mineure à majeure. "Lily ! Non !" Il plongea la main vers sa baguette, mais trop tard. Dans un clapotement visqueux, le pot de yaourt à la fraise qu'elle avait lancé atterrit sur le côté par terre, répandant des traînées roses grumeleuses à travers les dalles de pierre.
Se tournant vers le bruit, Ginny soupira. "Pourquoi, Lily ?" demanda-t-elle. Sortant sa baguette, elle commença à nettoyer le désordre.
"Aime pas !" annonça Lily.
"Samedi, le yaourt à la fraise était trop-trop-trop bon," nota Harry. "Et tu en as mangé la moitié."
"Non." Lily réécrivit avec l'histoire certitude. "Aime pas," répéta-t-elle, s'essuyant la bouche sur sa manche. "Veut nana-nana."
"Il est là," remarqua Ginny, jetant un coup d'œil par la fenêtre.
Harry regarda juste à temps pour voir la lueur bleutée du Portoloin s'estomper.
"Laisse-moi gérer Lily," poursuivit sa femme. "Tu as raison Harry, on peut faire confiance à Kingsley. Dis-lui. Mange ta tartine, James, on doit se préparer pour l'école. Est-ce que tu veux encore du jus de citrouille, Al ?"
"Je vais l'amener dans le salon," dit Harry. "Peut-être qu'on aura terminé avant que tu ne partes."
Ginny secoua la tête." Vous n'aurez pas terminé," observa-t-elle. "Tu lui as dit que Jacqui venait ici. Il sera toujours ici quand on reviendra."
"Tu penses qu'il voudra la rencontrer ?" demanda Harry.
"Certaine." Ginny hocha la tête. Désormais pleinement d'accord avec sa décision, elle lui offrit un sourire. "Tu as travaillé dur hier pour boucler cette affaire. Tu mérites quelques jours stressant à la maison."
"Tu ne veux pas dire déstressant ?" demanda-t-il.
"Je me serais trompée ?" demanda-t-elle en ricanant. "Tu as raison, bien sûr. C'est ce que je voulais dire. C'est obligé ! Nos enfants sont des petits anges parfaitement disciplinés, comme Lily vient juste de le démontrer." Elle lui embrassa la joue. "Vas-y."
Laissant Ginny gérer un petit déjeuner familial interrompu de plus, Harry se précipita hors de la cuisine, passa le vestibule et sortit dans la cour. Il portait un pantalon cargo très usé, un vieux polo confortable et ses chaussons Harpies de Holyhead. Si sa tenue était appropriée pour sa maison chaude et confortable, le monde de l'autre côté de la porte était différent. Il n'y avait que peu de vent, mais l'air était suffisamment frais pour le faire souffler expérimentalement. Il faisait froid, mais pas assez pour que sa respiration fasse de la vapeur.
Le Ministre de la Magie avait tout juste fermé la portière de sa Bentley. Ignorant la chair de poule se formant sur sa peau, Harry observa Kingsley scruter les environs. Il remarqua le regard du Ministre se poser momentanément sur la Drakestone lointaine.
"Bonjour Kingsley," lança Harry.
"Bonjour Harry," répondit Kingsley. "Bel endroit que tu t'es trouvé. Qu'est-ce que c'est ?" Il indiqua d'un mouvement de tête la pierre.
"Merci," dit Harry. "Les locaux l'appellent la Drakestone. Il y a des tas d'histoires dessus. Certaines impliquent même de la magie. Ça attire l'œil, n'est-ce pas ?"
Il semblait que Kingsley voulait poursuivre la discussion, mais Harry passa prestement au sujet qui les intéressait.
"On a environ quinze minutes avant que Ginny ne doive accompagner James à l'école. Après ça, je devrai surveiller Al et Lily. Comme je l'ai dit, Ginny et Jacqui seront de retour ici un peu après neuf heures, mais elle vont partir pour la journée. Je garderai aussi Annie Charlton. On devrait s'y mettre. Entre, je t'en prie."
Plutôt que de revenir par la cuisine, Harry conduisit Kingsley par la porte d'entrée dans le salon. Le soleil, toujours bas dans le ciel, perçait à travers les immenses fenêtres au fond de la pièce. La majeure partie de la salle était baignée des ombres matinales, même si la lumière du matin commençait à se répandre sur le sol. Dans le mur opposé aux fenêtres, un feu de bûches ronflant diffusait sa chaleur dans la pièce.
Se dirigeant vers les deux grands canapés et les deux fauteuils rassemblés autour de la cheminée, Harry déplaça un dragon en peluche et une grosse balle rouge du plus grand canapé et s'assit. D'un geste courtois de la main, il indiqua que Kingsley devait s'asseoir dans le fauteuil adjacent. Le Ministre observa longuement l'immense pièce avant de le faire.
"Pourquoi cette urgence, Kingsley ? Le tueur est en cellule, on a sa baguette et on peut prouver qu'elle a été utilisée pour lancer le Sortilège de la Mort. En plus, il a avoué. Est-ce qu'il y a un problème ?" demanda Harry.
"Pas de problème, Harry. J'ai quelques questions pour toi, des questions qui, je pense, feraient mieux d'être résolues de façon informelle. Avant cela, cependant… il y a quelque chose que je dois te dire…" Kingsley parla avec prudence. "J'ai autorisé la libération de Wregan Fawley, sans charges."
"Mais…" La protestation de Harry s'arrêta quand il vit l'expression du Ministre.
"Si je pensais que nous pouvions justifier son incarcération, Harry, je l'aurais fait. Fawley a de nombreux amis, notamment plusieurs au sein du Magenmagot." L'explication lente et réfléchie de Kingsley donnait à Harry matière à réflexion. "C'est l'un des derniers survivants d'une famille de Sang-Purs extrêmement ancienne et deux membres du Magenmagot m'ont contacté à son sujet. Ils se sont plaint que tu avais autorisé son interpellation sans réel motif. Je leur ai dit qu'ils étaient déraisonnables, mais que je comprenais leurs préoccupations, et j'ai personnellement autorisé sa libération." Kingsley s'interrompit et regarda Harry dans les yeux. "Évidemment, ce n'est pas la raison pour laquelle il a été relâché, mais je n'ai pas vu d'intérêt à corriger la croyance de Fawley et de ses amis que le Magenmagot a de l'emprise et de l'influence sur moi."
"Mais…"
Kingsley leva la main. "J'ai informé ceux qui sont venus se plaindre que le fils adoptif de Fawley a été arrêté pour avoir tué quatre Moldus et leur ai rappelé que, comme il a refusé de répondre à la moindre question posée par les Aurors envoyés dans sa propriété, Fawley avait provoqué ta suspicion. Ils peuvent être partis avec l'impression que j'allais te réprimander, mais je ne le ferais pas. Tu as fait ce qu'il fallait, Harry. Je n'ai autorisé sa libération que pour une seule raison : nous n'avons aucune preuve contre lui."
"Pas beaucoup de preuve," protesta Harry.
"Aucune !" dit fermement Kingsley.
"Il a adopté un jeune garçon et ne l'a soumis à rien d'autre qu'un lavage de cerveau en utilisant une combinaison de Sortilèges d'Amnésie et de Modification de Mémoire," protesta Harry. "Il a fait d'énormes altérations à la mémoire de Pelias Hume. Il est probable que le traitement de Pelias par Fawley soit ce qui l'a transformé en un tueur de Moldus."
"Probable ne suffit pas," lui rappela Kingsley. "Nous avons besoin de 'au-delà du doute raisonnable'. Il n'y a pas de discussion sur les faits. Fawley a fait des altérations majeures aux souvenirs de Pelias. Il l'a admis. Il prétend que Pelias était un garçon malheureux qui fuguait souvent de la maison. Il a dit à l'Auror Fortarôme que, dans le but de garder Pelias en sécurité et heureux, il a supprimé tous les souvenirs concernant les vrais parents et du frère de l'enfant. C'est abominable, je le sais, mais ni les Oubliators ni les experts de Ste Mangouste n'ont trouvé la moindre preuve que les modifications de mémoire de Fawley ont transformé Pelias en un tueur. En fait, il semble que Pelias s'est libéré des altérations mémorielles de son père adoptif par simple force de volonté. Malgré les efforts de Fawley, Pelias s'est rappelé de son frère, de ses parents et du fait que Fenrir Greyback était responsable de la mort de ses parents."
"Fawley était cruel," commença Harry.
"Je suis d'accord !" dit Kingsley. "Wregan Fawley a fait oublier à Pelias tout de ses vrais parents. Quand tu as découvert ça…" Kingsley soupira et secoua tristement la tête. "Je comprends les raisons de son arrestation, Harry. Cependant, la descente dans sa maison n'a trouvé aucun indice d'utilisation de Magie Noire ou d'objets maudits. Quoi qu'ait fait Fawley – ou n'ait pas fait – à Pelias, il n'a rien fait de mal. Du moins, il n'a rien fait qui entre dans le cadre d'une enquête du Bureau des Aurors. Je sais que tu veux l'amener devant la justice et je comprends tes raisons. C'est pour ça que j'ai envoyé les transcriptions des interrogatoires à la fois aux Oubliators et à l'IMAPE – l'Initiative Multi-Agence de Protection de l'Enfance. Les baillis du Shérif et la Protection de l'Enfance vont enquêter.
"Mais, si Fawley a utilisé des charmes mémoriels pour lui faire détester les Moldus…" protesta Harry.
"Si," souligna Kingsley. "Il n'y a pas de preuves, Harry. Le fait qu'il ait été cruel envers son fils adoptif ne suffit pas."
Harry se tut, pensif. "Tu as raison," admit-il. "Et Ginny aussi. Quand je suis rentré hier soir, elle m'a demandé si je ne poursuivais pas Fawley pour les mauvaises raisons."
"Ton épouse est une femme sage," dit Kingsley. "Je ne crois pas que nous saurons jamais quelle responsabilité porte Fawley. Il est possible qu'il ait guidé Pelias. Il est tout aussi possible qu'il soit entièrement innocent. Il est même possible qu'il se soit contenté de se tenir à l'écart et qu'il n'ait rien fait pour empêcher Pelias de basculer vers la haine. Pelias a avoué le meurtre de quatre Moldus. A-t-il exprimé le moindre remord ?"
"Absolument aucun," admit Harry. "Il abhorre les Moldus et les Nés-Moldus."
"A-t-il impliqué son père adoptif en aucune façon ?"
"Non," admit Harry.
"Alors si toi, personnellement, veut continuer à enquêter sur Fawley, tu vas devoir demander ton transfert au Bureau du Shérif local ou aux Services de l'Enfance. Les actions de Fawley envers son fils ne sont pas du ressort des Aurors et, ayant lu les transcriptions de ses interrogatoires, je pense que nous serons chanceux si nous parvenons à obtenir une condamnation pour Utilisation Illégale et Non-Autorisée d'un Sortilège d'Amnésie."
Harry repensa à tous ce que les Aurors avaient découvert sur Fawley. Forcé de conclure que Kingsley avait raison, il soupira.
"Tu as capturé un tueur, Harry," dit Kingsley d'un ton consolateur. "Réjouis-toi de ça. En plus, tu es parvenu à porter les préjugés de Fawley à l'attention du Ministère. C'est un instigateur potentiel de crimes haineux. J'ai déjà placé son nom sur la liste de surveillance."
"Merci." Harry hocha avec gratitude la tête.
"Qu'en est-il de son frère Jason ? Tu l'as inculpé lui aussi. Est-il un complice ou une victime ?"
"Complice, d'après nous," dit Harry. "Selon Pelias, les charmes mémoriels qu'il a utilisés n'ont fait que restaurer les souvenirs de Jason. Il prétend que quand Jason a découvert qu'il avait été adopté et ce qui était arrivé à leurs parents, il a lui aussi été convaincu que Greyback devait mourir. Les frères savaient qu'ils ne seraient jamais capables d'entrer illégalement dans Azkaban. Pelias prétend que c'était, en fait, Jason qui a eu l'idée de faire sortir Greyback."
"Et c'est pour ça que tu as autorisé son inculpation, malgré le fait que Jason n'ait toujours rien dit," remarqua Kingsley. "Son avocat a répondu aucun commentaire à chaque question et pourtant son frère l'a impliqué."
"Le procureur a confirmé que nous avions assez de preuves, il a été placé en détention provisoire."
"Et Pelias prétend que Jason a planifié les meurtres. Ayant lu tes compte-rendus, je ne suis pas certain que tu sois d'accord. Est-ce que je me trompe ?" demanda Kingsley.
"Terry et moi avons eu une longue discussion à ce sujet. Terry est persuadé que c'est le système HASARD qui a trouvé le plan."
"Vraiment ?" Kingsley se pencha en avant.
Harry hocha la tête. "Pendant sa dernière année à Poudlard, Jason a assisté à une conférence d'Arithmancie. Michael l'a présentée. C'était sur toutes les utilisations de l'Arithmancie dans les prédictions, et il semble que Michael en ait plus dit sur le système HASARD qu'il n'aurait dû. L'expertise de Jason en Arithmancie est impressionnante, mais il n'est pas au niveau de Michael, ni même de Terry. Pelias pense que son frère est un génie de l'Arithmancie, Terry ne le pense pas."
"Pourquoi ne pas demander à Michael…"
"Michael est très fragile. Trudi, Padma et Parvati disent toutes qu'il n'est pas assez en forme pour contrôler le système. Il est très probable que Jason l'ait Confusé et Perturbé pendant des mois. J'aurais dû le remarquer !"
"Ne te blâme pas, Harry. Trudi ne l'a pas remarqué et elle est mariée avec lui."
"Je ne vais pas non plus blâmer Trudi. Elle le fait elle-même, elle pense même démissionner," dit Harry.
"C'est une bonne Auror, Harry," dit doucement Kingsley. "Mais n'essaie pas de la forcer à rester."
"Un Auror qui n'est plus intéressé par le travail qu'il fait est un risque, je le sais." Harry hocha la tête en approbation. "J'ai autorisé un congé pour circonstances particulières pour elle, deux semaines à plein salaire. On réévaluera la situation après."
"Bien." Kingsley hocha la tête. "Cela lui donnera le temps d'y réfléchir."
"Michael ne peut pas nous aider, donc Terry jette un œil au système HASARD. Je ne vais pas le bousculer. Ce n'est pas un expert du gabarit de Michael, mais Padma l'aide. Il leur faudra quelques jours, mais les premières indications sont que Jason essayait d'utiliser le système comme d'un guide. Il essayait de l'utiliser pour prédire un cheminement vers leur objectif. Plus tard, on a demandé à Michael de nous aider pour l'enquête, donc Michael et Jason ont tous les deux altérés les informations d'entrée, et ils essayaient tous les deux d'atteindre des objectifs différents."
"Mais tu penses que le système lui-même a suggéré les meurtres ?"
"Oui, mais Terry n'est pas certain de pourquoi. Il est possible que le plan n'ait été que de simplement te faire chanter toi – ou le Magenmagot – pour faire libérer Greyback. Il est aussi possible que leur grand plan ait été un succès."
"Un succès ?" demanda Kingsley.
"Comme Terry l'a fait remarquer, ils voulaient une opportunité pour tuer Greyback. S'ils sont tous les deux reconnus coupables…"
"Ils seront à Azkaban, l'endroit où se trouve Greyback." Les yeux de Kingsley s'écarquillèrent.
"Exactement," approuva Harry. "C'est ce qui me donne des maux de tête. J'ai donné à Terry jusqu'à jeudi, à mon retour au bureau, pour parvenir à une conclusion."
"Mais tu es déjà certain de leur mobile ? Afin d'obtenir leur vengeance sur Greyback – un tueur en série qui est en prison et purge une peine de perpétuité incompressible – les frères ont tué quatre Moldus innocents et l'une de nos meilleures Aurors ?" Kingsley était plus proche de la colère que Harry ne l'avait jamais vu.
"Horrible, n'est-ce pas ?" Harry hocha la tête. "Ça me fait penser, à propos de Polly…"
"Pas maintenant, Harry," dit Kingsley. "Nous pourrons discuter de son avenir quand tu reviendras au travail."
"Oui," lança Ginny depuis l'escalier. "Reste concentré sur le sujet en question, Harry, et cela implique de garder un œil sur ces deux-là. Salut Kingsley. Bienvenu à Drakeshaugh. Je vous ai laissé le plus de temps possible, mais James et moi devons partir maintenant. Il est temps pour moi de l'accompagner jusqu'à l'école."
"Ginny." Kingsley salua l'arrivée de Ginny d'un sourire et d'un hochement de tête, puis tourna son attention vers James. "Salut James, mon nom est Kingsley. Tu es très élégant, est-ce que c'est ton uniforme d'école ?"
"Oui." James hocha la tête et tritura nerveusement la manche de son pull en répondant.
"Est-ce que tu aimes l'école ?" demanda Kingsley.
"Ça va," répondit James.
"Je suppose que tu seras toujours là quand je reviendrai." Tout en aidant son aîné à enfiler son manteau, Ginny sourit poliment à leur invité. Se tournant vers Al et Lily qui étaient également entrés dans le salon, elle dit : "Papa et Kinglsey vont s'occuper de vous jusqu'à mon retour." Ramenant son regard sur Kingsley, elle croisa son regard. "Je sors pour la journée avec mon amie Jacqui. Mes projets impliquent que Harry garde les enfants. Nous partirons dès que possible."
"Je comprends," lui dit Kingsley.
"Bien," répondit Ginny. "En route, James. Au revoir."
Suivis d'une cacophonie d'au-revoir, Ginny prit la main de James et le guida hors de Drakeshaugh.
"Papa a besoin de parler à Kingsley," dit Harry à ses deux plus jeunes enfants. "Est-ce que vous voulez bien jouer ici jusqu'à ce qu'on ait terminé ?"
"Oui Papa." Al hocha la tête.
Lily secoua la sienne. "Veux toilettes !" annonça-t-elle, dansant anxieusement d'un pied sur l'autre.
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Quand Harry revint plusieurs minutes plus tard, Kingsley était assis par terre avec Al. À la surprise de Harry, ils jouaient tous les deux avec les cubes en bois.
"J'ai parlé avec Al de ses amis Henry et Annie, et il m'a parlé des balles que l'ami de James a donné à tout le monde," dit Kingsley sur le ton de la conversation. "Je suspectais que ton rapport avait omis quelques détails et, d'après ce qu'en a dit Al, il semble qu'il y a plusieurs choses dans ton rapport qui… nécessitent des clarifications."
Harry lança un regard furieux à son chef.
"L'information a été donné librement." Kingsley le regarda fixement en retour. "Je n'interrogerais jamais un enfant et je n'utiliserais certainement jamais la Légilimancie. Est-ce que tu veux que je prenne du Véritaserum ? Tu dois en avoir dans ton portefeuille d'Auror."
"Non, je te crois," répondit Harry. "J'allais te dire ce qui s'est réellement passé. Ginny et moi en avons discuté plus tôt. Mais je ne veux pas que cela devienne officiel."
"J'étais un Auror durant de nombreuses années, Harry." Kingsley fixait le visage de Harry en parlant. "Je suis bien conscient que, en de rares occasions, certaines choses doivent être omises des comptes-rendus. Je l'ai fait moi-même, comme tu le sais." Se tournant vers Al, il poursuivit. "Je suis désolé, Al, je dois parler avec ton papa. Tu es un garçon intelligent, tu peux continuer ce château de briques sans mon aide, n'est-ce pas ?"
"Oui," lui assura Al.
"Moi aider," proposa Lily. Harry la posa par terre et elle partit en courant vers son frère.
Alors que les deux enfants commençaient à bavarder et à planifier, Harry et Kingsley revinrent auprès du feu.
"D'après le compte-rendu officiel, l'Auror McLeod est responsable de la capture de Hume, à la limite de la propriété. D'après Al…"
"Al est un enfant, Kingsley. Simplement être 'le fils de Harry Potter et Ginny Weasley' lui causera assez de problèmes quand il arrivera à Poudlard. Il n'a pas besoin non plus d'être 'Albus Potter, l'Enfant Auror' ou peu importe comment la presse l'appellera," dit fermement Harry. "Hamish McLeod a accepté de prendre tout le crédit de l'arrestation de Pelias Hume."
"J'aimerais savoir ce qui s'est réellement passé."
"Personne ne peut Transplaner dans l'enceinte de Drakeshaugh. Pelias a Transplané à la lisière du bois et a volé sur un balai. Il a déclenché les alarmes à l'instant où il a passé le mur. Malheureusement, les enfants jouaient tous dans les bois et Pelias a rencontré Rosie en premier. Elle l'a vu et a crié. On a tous commencé à courir quand l'alarme s'est déclenchée. J'ai Cartographié cet endroit, comme tu le sais. Je savais exactement où il était. Pelias est parvenu à l'agripper et c'est à ce moment-là que les autres enfants sont arrivés. Al l'a touché avec de la magie involontaire. Polly a été la suivante sur place, elle avait l'avantage de pouvoir littéralement traverser les arbres. Hamish et Camelia étaient en service de sécurité, ils étaient les suivants sur site. Le temps que Ron, Hermione et moi y arrivions, tout était terminé. Le pauvre Al était effondré, il pensait avoir tué Pelias. En fait, il a réussi on ne sait comment à lancer un sortilège de Stupéfixion très puissant. Hermione pense que la douille usagée l'a aidé à se concentrer."
"Je comprends pourquoi tu as modifié le compte-rendu officiel," dit avec sympathie Kingsley. "Mais je préférerais qu'il soit exact."
"Non !"
"Écoute-moi…" insista Kingsley. "Je me targue de diriger un Ministère transparent et honnête, Harry. De mon point de vue, il y a eu bien trop de secrets au fil des ans. Je propose que le rapport de l'Auror McLeod soit réécrit. Il doit être vague, mais factuel. Quelque chose de l'ordre de 'Une fois le suspect maîtrisé, l'Auror McLeod l'a transporté jusqu'à une cellule des Aurors' devrait faire l'affaire. Nous avons besoin d'une déposition qui puisse être transmise à la presse."
"Vous en avez déjà une."
"Elle prétend que McLeod a maîtrisé Hume. Je préfère être flou mais honnête que d'accepter un mensonge. Je veux un compte-rendu complet, précis dans les moindres détails."
"Mais…"
"Je te donne ma parole que le compte rendu complet sera 'Classifié Secret pour Raisons Opérationnelles' selon mes ordres. Nous pouvons laisser fuiter quelques indices sur le système de sécurité autour de ta propriété, ce qui est réel, et cela devrait apaiser les soupçons. Le rapport sera finalement rendu public, évidemment, parce que même les comptes-rendus classifiés sont soumis à la règle des trente ans. Est-ce que ça posera un problème ? Je suppose qu'Al sera capable de supporter que l'information soit divulguée en 2039."
"Je…" Harry hésita. "Ça me semble raisonnable, Kingsley, mais est-ce que je peux en parler avec Ginny avant de prendre une décision ?"
"Bien sûr," lui assura Kingsley. "Une telle décision doit être prise par les parents de l'enfant impliqué, pas par des Officiels sans visage du Ministère tels que le Directeur des Aurors ou le Ministre de la Magie."
"Merci." Harry sourit avec gratitude.
"Ce qui ne me laisse plus qu'une seule question," dit Kingsley. "Pourquoi ne pas avoir fait appel à l'Escouade des Oubliators ? Il y avait quatre Moldus à Drakeshaugh quand les alarmes ont retenti."
"Deux d'entre eux ont moins de cinq ans," souligna Harry.
"Mais les adultes, Harry, les parents…"
"Jacqui et Ginny avaient toutes les deux énormément bu. Jacqui s'est évanouie, elle n'a rien vu."
"J'ai parlé avec Polly hier. Elle aussi m'a assuré que Mme Charlton n'avait rien vu ni entendu." Kingsley se renfrogna. "Malheureusement, je connais Polly depuis de nombreuses années. Je sais quand elle ment."
"Jacqui a vu Polly juste avant de s'évanouir, mais certaines personnes à l'enterrement de Polly aussi l'ont vu," protesta Harry. "Ils n'ont pas été Oubliettés, parce que certains Moldus peuvent voir les fantômes."
"Si Jacqui n'a rien vu d'autre, alors nous pouvons ne pas avoir besoin de l'Oublietter, mais qu'en est-il de son mari ?"
"Mike a vu les lumières des Portoloins d'Urgence quand les Aurors sont tous arrivés, mais on lui a dit que ça faisait partie du système d'alarme."
"Et il vous a cru ?"
"Oui." Harry hocha la tête. "Mike est un brave type et il n'est pas idiot, mais il… il est…"
"Il est tellement enfermé dans le monde Moldu qu'il ne peut pas voir au-delà ?" suggéra Kingsley. Le Ministre s'adossa dans son fauteuil, se décontractant apparemment. Harry, cependant, savait qu'il était scruté attentivement. "Je ne lis pas tous les Comptes-Rendus d'Affaire du Bureau des Aurors," poursuivit Kingsley. "Mais j'essaie de rester à jour de ceux soumis par l'Équipe d'Interaction avec les Moldus. Ils sont toujours très instructifs. Certains Moldus refusent tout simplement de voir la magie, même lorsqu'elle se passe sous leurs yeux de nombreux autres trouvent des explications rationnelles à ce qu'ils ont vu. Seuls quelques-uns, rares, comme la Détective Inspectrice Dubois, ont la volonté et la détermination de suivre les indices peu importe combien ils paraissent impossibles."
"Mike rationalise," approuva Harry. "Jacqui remarque souvent des choses qui ne lui semblent pas cohérent, c'est pour ça que j'ai suggéré que tu utilises la voiture du Ministère pour venir ici. C'est toujours des petits détails. Rien ne la rend plus suspicieuse que des visiteurs qui semblent être arrivés sans véhicule. Malgré ça, Mike lui fournit d'ordinaire une solution logique et cohérente pour des Moldus. Samedi soir, après que Jacqui se soit évanouie, il ne l'a pas quitté. Ginny est restée avec eux. Il n'a rien vu de plus que les lumières et il a accepté l'histoire de couverture. Aucun d'entre eux n'a eu besoin d'être Oublietté."
"Je suis sûr que tu as raison, Harry, mais tu as trois jeunes enfants," dit Kingsley. "Les Sortilèges d'Amnésie viendront presque certainement dans le futur. Pourquoi le risquer ?"
"James a un ami qui n'est pas de sa famille," dit Harry. "Il vit au milieu de Moldus. C'est important pour moi, et pour Ginny. Il est facile de détester les inconnus, c'est plus difficile de haïr ses voisins."
"C'est aussi l'argument que porte Hermione," observa Kingsley.
"Elle parle 'd'ouverture aux autres' et de la peur de l'inconnu. Hermione dit que c'est à cause de ça que bien des Sang-Purs détestaient les Moldus et les Nés-Moldus. Ils étaient effrayés, parce qu'ils ne savaient rien d'eux," dit Harry. "Je suis d'accord."
Une cloche tinta.
"Ça signifie qu'une voiture remonte le chemin," observa Harry. "Ce sera Ginny, Jacqui et Annie."
"Annie là !" cria Lily en courant vers la porte.
Al suivit de près sa sœur.
"Accio manteaux, Accio chaussures," lança Harry en se levant. Kingsley l'imita.
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Harry entendit la moto s'animer dans un rugissement. "Les voilà parties," observa-t-il. "Tout va bien, Kingsley ?"
"C'est une femme remarquable," annonça le Ministre de la Magie.
"Laquelle ?" demanda Harry.
Kingsley rit doucement. "Bonne question. Ce sont toutes les deux des femmes remarquables, mais je faisais référence à Mme Charlton, pas à ta femme. Es-tu certain qu'il n'y a pas de sang magique dans sa famille ?"
"Je pense qu'elle doit en avoir, mais cela devait être il y a très longtemps," dit Harry. "J'ai rencontré la mère de Jacqui une fois, quand on cherchait Rabastan Lestrange. Elle m'avait donné les indications pour aller à la Pierre Tremblante, l'entrée secrète du village des loups-garous. Elle ne pouvait pas tout à fait voir l'entrée, mais elle savait qu'il y avait quelque chose d'étrange là-bas. Jacqui est pareille. Je sais que Jacqui a vu Polly. Je présume que sa mère la verrait elle aussi."
"Cela semble probable," dit Kingsley. "Polly est aussi certaine que la petite Annie l'a vue. Merci de m'avoir laissé l'opportunité de lui parler seul à seule. Je lui ai posé la question, indirectement. Elle a vu Polly, mais elle ne veut pas admettre voir des fantômes. Elle veut être normale, passer inaperçue."
"Connaissant les Moldus, je ne suis pas sûr qu'elle y parvienne en partant à moto avec Ginny," remarqua Harry. "Mais tu es d'accord qu'il n'y a aucune raison de l'Oublietter ?"
"Oui." Kingsley hocha la tête. "Elle est déçue du fait de n'avoir pas pu voir le randonneur, mais elle a accepté votre histoire. Vous allez devoir très prudents, Harry. Vous méritez une vie normale, et vos enfants aussi, mais souvenez-vous que personne ne peut transgresser le Statut du Secret, pas même toi. Je ferais mieux d'y aller. Au revoir Al au revoir Lily au revoir Annie."
"Au revoir pousse-king," répondirent en chœur les enfants.
