Titre : De Profundis 01
Auteur : Crimson Nights
Genre : Yaoi – Angst – Romance – MP – Vampires –
Voyages Temporels – Pourra contenir des notions de BDSM
Sources : Harry
Potter I II III IV V
Rating : R (également pour certaines descriptions un
peu morbides…)
Pairing : Harry x
Other Characters
Disclaimer : Les
personnages que vous connaissez sont à Rowling, les autres sont à moi. J'espère
respecter les livres de l'auteur au maximum.
Dédicace : A Flore et Kaine…
AVERTISSEMENTS : Puisque
Harry est censé vivre un certain temps, on pourra assister à la mort de
plusieurs personnages, et il vous faudra BEAUCOUP de patience. Donc je
récapitule, si vous n'aimez pas soit le yaoi – relations amoureuses et
sexuelles entre hommes – soit les hpss, soit les vampires, soit les BDSM, que
vous ne supportez pas d'entendre parler de macchabées ou que vous n'avez pas
encore lu l'Ordre du Phénix, ce n'est même pas la peine de lire cette
fic.
Bon, Sev va arriver, mais
tard. Je préfère procéder par ordre plus ou moins chronologique pour faciliter
la compréhension. Comme mes chapitres étaient très longs, j'ai fait plusieurs
parties se découpant en chapitres plus courts.
Enfin, il est possible que
j'utilise certains termes anglais par habitude, en particulier les noms de
sorts et ceux de certains personnages (comme Snape…). Désolé d'avance si ça
arrive. Je vais essayer d'utiliser les noms français mais…
Par ailleurs, je ne prétends pas tout savoir sur les
vampires, et tout exploiter. J'utiliserai ce qui m'arrange, très franchement,
et certaines choses pourront choquer les connaisseurs, mais ce n'est pas à mon
âge avancé (lol) que je vais pouvoir creuser les mythes à tel point d'être
incollable sur tout. Donc je risque de dériver par rapport à ce que savent certains,
mais j'espère que ça ne leur gâchera pas le plaisir.
DE PROFUNDIS
Part I : Naissance et Apprentissage
Chapter I : L'Eveil
Où était-il donc ? Des sentiments contradictoires envahissaient son esprit. Il avait envie de se lever et de fuir, de courir pour le salut de son âme, mais quelque chose le rassurait à propos de la présence qu'il avait ressentie. Il avait l'impression qu'on ne lui voulait pas de mal. Il ne pouvait pas être aux mains de Voldemort ; le Dark Lord se serait fait une joie de rendre son séjour des plus désagréables.
Au contraire, il
avait l'impression que l'on veillait sur lui, que l'on attendait son réveil,
que l'on n'osait pas l'approcher avant qu'il ne se décide à se lever, à montrer
qu'il allait bien, qu'il n'était pas blessé. Il était confus. Il ne savait pas
ce qui arrivait. Bien entendu, l'étrange sensation qui l'avait saisi, les
conditions climatiques, le hurlement des loups – et ils ne pouvaient qu'être
des garous : il n'y avait pas de loups en Angleterre… tout cela se
bousculait dans sa tête, le terrorisait. Et pourtant, « quelque
chose » lui procurait des pensées réconfortantes, le calmait, et il
n'arrivait pas à se sentir totalement mal. Il ne parvenait même pas à être
vraiment méfiant.
Rassemblant son courage, il ouvrit les yeux.
Il faisait nuit.
Sa vision était trouble mais après quelques instants, il parvint à l'accommoder
suffisamment pour confirmer ses craintes.
Il n'était plus à Hogwarts.
Il ne connaissait
pas cet endroit. Au-dessus de sa tête, il pouvait apercevoir les branches des
arbres qui dansaient sous le souffle du vent. Il tapota le tapis de feuilles
humides à côté de lui à la recherche de ses lunettes, mais s'aperçut qu'elles
étaient brisées. Pris d'une peur soudaine à l'idée qu'il ait pu oublier sa
baguette, il chercha son instrument, sa « compagne » sur lui…
Et en ramassa
deux morceaux.
Son cœur cessa de
battre un instant, avant qu'il ne soit pris d'une rage folle d'avoir perdu son
seul moyen de survie dans un environnement qui lui était inconnu.
Bien sûr, il
avait fallu que le mauvais sort s'acharne contre lui. Pourquoi avait-il le nom
de Harry Potter ? Pourquoi fallait-il que ce nom le place toujours dans
des situations où il était le seul à se trouver ?
« Ooooooh shit… »
Ecœuré, il banda
ses muscles endoloris pour s'asseoir et se frotta les yeux en soupirant.
Bravo.
Sans lunettes et
sans baguette.
Autant aller
s'enterrer dans un coin et se laisser mourir.
Son cœur manqua
un nouveau battement quand une main se posa sur son épaule. Il sursauta si
violemment que la main se retira et que l'être qui l'avait touché n'osa pas
renouer le contact.
Il ouvrit de
grands yeux. Quelque chose lui disait que c'était la personne qui l'observait
depuis tout à l'heure. Cependant, alors qu'il aurait dû être effrayé, il ne
pensait pas à fuir.
Harry essaya de
mieux percevoir les contours du visage flou, immobile, l'homme ou quoi que ce
soit n'ayant pas jugé utile de se déplacer, lui laissant à loisir le temps de
le détailler, de retenir ses traits…
Ah, mais ce type
ne devait pas savoir ce qu'étaient des lunettes…
Il entendit une
voix mais il ne la comprit pas. Ses facultés mentales lui étaient revenues
dans leur intégralité à présent, mais l'homme parlait un langage qui lui était
inconnu.
Il s'agissait bien d'un
homme, au timbre grave et régulier de sa voix. C'était reposant ; c'était
agréable. Il se sentait doucement bercé par le murmure profond et grave. Il ne
faisait pas attention au fait que le visage s'était approché de lui, et tant
pis s'il ne comprenait rien à ce qu'on pouvait lui raconter. Il se sentait
bien : cela seul lui importait à ce moment-là…
Ses alarmes
intérieures qui auraient dû l'avertir et lui commander de ne pas fermer les
yeux se turent soudainement, et Harry se laissa de nouveau emporter doucement
par la torpeur.
Ses dernières
sensations furent un bras qui se saisissait de sa taille alors qu'il sombrait
dans le sommeil.
Lorsqu'il s'éveilla, il était incapable de dire combien de temps s'était écoulé depuis sa dernière « sieste ». Apparemment, il était frappé de somnambulisme. Il était maintenant à l'abri, dans une espèce de refuge souterrain creusé dans la roche. L'air sentait un peu le renfermé et la couche, sur laquelle il avait reposé, n'était pas des plus confortables – il s'agissait en fait d'un simple plancher de pierre un peu surélevé – mais il était à l'abri. Il entendait encore la tempête faire rage au dehors. Sans doute ne serait-il pas capable de sortir avant un petit moment.
Il observa la
salle autour de lui. En posant la main sur la paroi, il sentait que la roche
était un peu humide et il devinait qu'elle devait déjà commencer à se couvrir
d'algues microscopiques.
Il grimaça.
Il allait
attraper la mort…
Contre le mur du fond, l'eau s'infiltrait un peu plus et il l'entendait goutter rythmiquement dans la petite flaque qui s'était formée au pied du mur. Il imaginait fort bien la paroi rugueuse, irrégulière, qui se creusait de manière plus prononcée sur le bas. C'était cela qui permettait à l'eau de clapoter doucement.
Ses esprits lui revinrent petit à petit, il se souvint avec force détails des évènements de la veille. Sa petite « dispute » avec Snape. Le parchemin en bas des escaliers. Son réveil dans la forêt et l'homme qui l'observait…
Sans doute était-ce cet homme qui l'avait enfermé ici. Mais dans quel but ?
Il secoua la tête. Il ne savait pas vraiment comment il allait pouvoir communiquer avec quelqu'un qui ne parlait pas même l'anglais, mais il trouverait peut-être un moyen de communiquer.
Et puis il y
avait sa baguette. Il plissa ses yeux de myope mais n'aperçut rien qui
ressemblât à des morceaux de baguette magique dans la pièce où il était. Il y
avait seulement une table de pierre où était exposée une certaine variété de
mets à l'odeur alléchante. Malheureusement, il avait l'estomac noué et il ne
savait pas, malgré la sensation de faim qui le tenaillait, s'il réussirait à avaler
quelque chose.
Il soupira et se
leva, en quête d'une sortie. Il y avait une porte de l'autre côté de la table.
Il se dirigea vers elle, avançant avec précaution, mais alors qu'il avait la
main posée sur la poignée, la porte s'ouvrit, et il fut bon pour l'une des plus
grandes frayeurs de sa vie.
L'homme qui l'avait secouru la veille se tenait dans l'embrasure de la porte, quelque chose à la main. Harry attendit que le battement frénétique de son cœur se calme un peu pour parler à nouveau.
« Ah… M… merci pour hier soir… »
L'homme ne répondit rien, mais il le vit imperceptiblement pencher la tête sur le côté. Il semblait l'écouter avec attention. Si l'homme était en train de le dévisager, lui ne pouvait faire de même : la perte de ses lunettes l'handicapait autant que celle de sa baguette – non, celle de sa baguette l'handicapait davantage parce qu'avec elle, il aurait pu réparer ses prothèses.
Il essaya de sourire. Il savait qu'il devrait avoir peur. Une certaine angoisse le tiraillait à l'arrière du crâne, mais dans l'ensemble, il se sentait admirablement bien. Peut-être même trop bien. Cela devenait suspicieux.
Ses lèvres s'étirèrent avec plus de sincérité qu'il ne l'aurait imaginé.
« Vous vivez ici, n'est-ce pas ? Ah… euh… Où sommes-nous ? »
Harry regarda l'homme, attendant une réponse qui ne venait pas. Il frissonna et porta automatiquement ses mains sur ses bras en détournant les yeux pour embrasser la salle du regard.
« Il… Il fait froid… Ne trouvez-vous pas ? »
Il porta de nouveau ses yeux myopes sur l'homme qui n'avait pas bougé d'un pouce. Le jeune professeur força un petit sourire et soupira.
« Vous comprenez ce que je dis, n'est-ce pas ? »
Il allait se
détourner. Il savait d'avance la réponse de l'homme. Il était étranger. Ils ne
pouvaient se comprendre.
Mais l'homme
remua imperceptiblement la tête. Harry s'arrêta, son rythme cardiaque
s'accéléra. Il avait l'impression qu'au lieu d'un petit Alien, c'était son cœur
qui allait perforer sa cage thoracique.
« Vous comprenez ? »
L'homme abaissa
de nouveau la tête.
Harry aurait dû
se réjouir, mais cela n'avait rien de bon. Ses pensées se bousculaient dans son
esprit. Une intrusion, comme si quelqu'un avait lancé sur lui un Legilimens. Mais
il ne parvenait ni à se défendre, ni à comprendre pourquoi le sort n'avait pas
été prononcé. Il ferma les yeux, luttant, encore et encore, à en avoir mal à la
tête.
Une fois sa crise
d'adolescence passée, il était venu faire des excuses à Snape, et contre toute
attente, le professeur qu'il détestait le plus, le lui rendait bien, avait le
plus de raisons de ne pas lui venir en aide, et enfin avait accepté de tout
laisser de côté pour lui donner une seconde chance – après mûres réflexions,
Snape ne s'était pas privé pour lui faire des remarques acides à la moindre
occasion. Il s'était toujours délecté à lui montrer ses bêtises, lui mettre le
nez dedans jusqu'à ce qu'il comprenne, et Harry s'était parfois demandé si
Snape ne le confondait pas avec un petit chiot qui avait marqué son territoire
sur la paillasse de son bureau.
Mais à présent,
tout ce qu'il avait appris à force d'humilité et de persévérance ne lui servait
à rien. Cette magie le dépassait. Elle était d'un autre genre.
Il posa les mains
sur ses tempes et se mit à hurler, comme si cela pouvait l'aider à repousser
l'assaillant dans son cerveau.
En vain.
Il se mordit la
lèvre lorsqu'il vit des flashs de sa vie défiler sous ses paupières closes. La
lueur verte qui avait tué ses parents. Le placard sous l'escalier. Sa première
rencontre avec Voldemort. Le Basilique. Le Shrieking Shack. La mort de Cedric
Diggory. La mort de Sirius. La mort d'Hermione. La disparition de Luna
Lovegood. Les étés abominables qu'il avait passés dans le Surrey. Son dernier
face à face avec Voldemort à cette date. Le jour où il avait dû fuir son école
sous l'insistance de Dumbledore et que la moitié des apprentis Aurors avaient
été éliminés à sa place…
A la place d'un
seul homme…
Tout ça parce que
Trelauwnay avait dit qu'un gamin allait naître qui pourrait renverser
Voldemort.
Tous les pires
évènements de sa vie y passèrent.
Ponctués de
moments un peu plus heureux, mais tellement plus rares.
Harry tomba à
genoux en hurlant une nouvelle fois.
Et les visions
cessèrent aussi soudainement qu'elles avaient commencé.
Il rampa vers le mur pour s'y appuyer, les mains sur ses oreilles, se balançant en arrière comme toutes ces fois où il se réveillait seul, la nuit, aussi fragile qu'un enfant pouvait l'être, redoutant la venue de la lune car l'Occlumency n'avait pas mis à ban ses cauchemars, et l'attendant avec impatience parce qu'elle était belle et qu'elle était comme lui : solitaire.
Il aimait sa
solitude, l'angoisse qui le saisissait au crépuscule, alors qu'il disparaissait
sous ses draps pour une nuit peuplée de fantômes. Il aimait le calme que lui
apportait la vue de l'astre nocturne car il savait que lui seul pourrait le
soustraire à toutes ses obligations, au fait qu'il était astreint à sourire, à
se comporter avec les autres comme quelqu'un qui avait besoin de contact humain
bien qu'il aimât sa détresse, son malheur.
D'une certaine
manière.
Parfois, il aurait aimé que le soleil ne se lève plus sur sa vie. Pour ne pas être obligé de vivre alors qu'il avait plus aimé les morts, les victimes de son ennemi, les victimes de Voldemort.
Ses souvenirs le faisaient souffrir, mais il s'y accrochait parce que c'était la seule chose qu'il lui restait des personnes qu'il aimait. C'était une souffrance malsaine. Paradoxalement, c'était elle qui lui permettait de ne pas devenir fou. Il préférait vivre dans le passé parce qu'il avait peur de ce qui pouvait advenir dans le futur. Il se disait que tant qu'il aurait mal, il serait encore humain, encore un peu « normal ».
L'homme s'était
approché de lui et l'avait pris dans ses bras. Harry se laissa aller vers
l'avant, posant la joue contre l'épaule dure de l'étranger. Il savait qu'il ne
devrait pas se laisser toucher ainsi, mais il n'arrivait pas à penser
rationnellement. Il n'était pas chez lui, c'est tout ce qu'il savait. Il ne
savait même pas s'il était vraiment en Grande-Bretagne. Il voulait revoir n'importe
qui. S'excuser auprès de Ron et essayer de vaincre ses préjugés pour s'écraser
devant Malfoy. Il n'était qu'un lâche, comme les Dursley. Il n'y a que les
lâches qui condamnent ceux qu'ils n'ont pas essayé de comprendre…
Il passa les bras
dans le dos de l'homme et accrocha ses mains à ses vêtements. Il voulait
profiter au maximum du soutien qu'on lui offrait. Qu'importe ce que lui
réservait cet inconnu. Tout le monde s'était toujours attendu à ce qu'il soit
fort, même si on le traitait comme un enfant, tout cela parce qu'il s'appelait
Harry Potter.
Au diable Harry
Potter…
Il cacha son
visage dans la poitrine de l'étranger lorsque les premières larmes coulèrent du
coin de son œil. L'homme le serrait contre lui avec bienveillance. Il se sentait
protégé. Il sentait la main qui lui caressait doucement le dos, il entendait
cette voix douce, ces accents exotiques qui lui pansaient le cœur.
Il était Harry
Potter, mais Harry Potter n'avait jamais été aussi fort que le monde aurait
voulu le croire. Il était un être humain. Il n'avait jamais reçu la tendresse
et l'affection de ses parents, et ce n'étaient pas ses amis qui pouvaient
combler ce manque. Sirius avait été plus que bien pour ce rôle. Mais combien de
temps avaient-ils pu passer ensemble ? Remus aurait pu le remplacer
également. Cependant, à la mort de Sirius, l'homme s'était réfugié dans ses
missions pour l'Ordre et bien que passant voir Harry dès qu'il le pouvait, il
était toujours « ailleurs ».
Harry était
rarement considéré comme un être humain. Il était un « instrument »,
rien d'autre.
Et il avait
horreur de cela.
Les doigts longs
et fins de l'homme remontèrent dans son dos, caressant les cheveux dans sa
nuque. Le contact le fit frissonner. Il ne chercha pas à se libérer de
l'emprise de l'homme. Il avait l'impression qu'il se briserait s'il faisait
cela. C'était lui qui maintenait ensemble les deux parties de son être :
celle qui aimait la nuit, celle qui en avait peur ; celle qui avait envie
de fuir, celle qui désirait se laisser bercer comme un enfant. Celle qui avait
peur de tout et celle qui le poussait inlassablement au-devant du danger…
La voix résonnait
dans sa tête de manière douce et rassurante, et il la désirait avec autant de
force qu'il la redoutait. L'homme tira un peu sur ses cheveux, et Harry ouvrit
doucement les yeux, sa vision troublée par son infirmité autant que par ses
larmes.
L'étranger
caressa son visage, passant la main à plusieurs reprises dans les cheveux indisciplinés
pour les décoller de ses joues humides. Il continuait à parler doucement, et
Harry se demanda ce qu'on lui disait. Il referma les yeux, sentit un souffle
froid sur ses joues, avant que deux lèvres ne viennent effleurer les larmes. Il
frissonna et les rouvrit brutalement, fixant devant lui l'homme qui s'était
apparemment occupé de lui. Il eut soudainement envie de prendre ses jambes à
son cou.
Mais il devait se rendre à l'évidence : il avait apprécié.
Il n'avait jamais
connu de véritable moment de tendresse, et si on lui en avait donné, il ne s'en
souvenait pas. Après avoir passé son enfance chez les Dursley… Et il ne pouvait
se rappeler exactement des courts instants qu'il avait partagés avec ses
parents…
Il ferma les yeux
et déglutit lentement lorsque les lèvres venaient sécher son autre joue. Il se
sentait léger mais son corps était trop lourd pour bouger. Il se sentait attiré
par l'inconnu, comme par une aura à laquelle il ne pouvait pas résister.
Lorsque celui-ci passa la main par-dessus ses cheveux, sans même le toucher, il
le perçut malgré tout. Il ressentait tout son être, il savait ce qu'il faisait,
comme si leurs corps communiaient alors qu'ils se touchaient maintenant à
peine. Il chercha de nouveau le contact des bras protecteurs et s'y abandonna.
L'homme se saisit de lui et le transporta vers sa couche comme s'il était une
poupée de chiffons. Harry avait toujours les yeux fermés. Il était choqué,
d'une certaine manière, et tout était si embrouillé dans sa tête qu'il ne se demanda
pas pourquoi on était si gentil avec lui. Le prix qu'il devrait payer pour
cette attention. Tout ce qu'il arrivait à penser était qu'« il »
n'était pas Voldemort, et qu'il ne lui voulait pas de mal.
Enfin, c'était ce
qu'il espérait.
Une seule chose
le dérangeait encore à propos de cet homme. Il avait un pouvoir magique qui lui
était inconnu. La mana transsudait de ses pores, mais il était différent.
Il ne s'agissait
pas d'un Wizard.
C'était peut-être
cette magie qui l'embrouillait et l'apaisait à la fois. Le faisait se sentir
bien alors qu'il aurait dû être mal, inquiet, angoissé.
Il soupira et
ouvrit les yeux pour voir l'homme penché sur lui, qui continuait à lui caresser
les cheveux.
Il sourit.
« Qui êtes-vous ? »
L'homme le regarda un moment, avant d'ouvrir la bouche, pointant son index au milieu de son nez.
« Volkh. »
Harry se releva sur les coudes, surpris. L'homme parlait avec hésitation, et un certain accent, mais il parlait anglais. Ou du moins comprenait-il certaines expressions…
« Vous
connaissez ma langue ?
Non, mais
j'apprends vite. »
Et en effet, chaque mot qu'il prononçait semblait plus juste. Harry se demanda vaguement si l'homme avait appris sa langue dans son rêve.
« Tu es fatigué. Mange. Tu vas en avoir besoin. »
L'homme se leva
pour prendre une écuelle en bronze sur la table. La viande était rouge mais
Harry avait trop faim pour faire la fine bouche. Il attrapa le morceau et
mordit dedans à belles dents, le sang gouttant sur son menton. Il essuya le
sang presque rageusement de la paume de sa main rugueuse. Il devait faire
mauvaise impression sur son hôte, qui s'était d'ailleurs assis à côté de lui
sur la pierre, mais il n'en avait cure. Après tout, on ne lui avait pas donné
de couverts.
Il grimaça en
faisant couler le morceau dans sa gorge. C'était la première fois qu'il
mangeait de la viande crue et même si elle avait un bon goût, assez prononcé néanmoins,
il n'appréciait pas la sensation du sang encore un peu tiède dans sa bouche.
Si on n'avait pas
pris soin de faire dégorger un peu la viande, il allait être malade.
Mais pour cela,
il devait avoir le ventre plein.
« Qu'est-ce
que c'est ? demanda-t-il en montrant son assiette.
Ah, du cerf.
Pour toi… »
Harry fit soudainement la grimace. Là, il allait peut-être être malade. Il finit de mâcher sa bouchée, lentement, doucement, avant de l'avaler avec difficulté et de repousser son assiette avec un petit sourire.
« Merci, je n'ai pas très faim… Vous avez à boire ? »
Il crut voir l'homme froncer les sourcils, regarder son assiette sans faire mine de la ramasser.
« Ce n'est
pas bon ?
Ah vrai dire…
Si, si c'est bon, mais je préfère la viande cuite et…
Je peux cuire
ta viande…
Non non, merci
beaucoup, ça ira, je n'ai pas très faim », l'assura-t-il.
L'inconnu eut l'air soupçonneux, mais finit par se lever et porter l'assiette sur la petite table au milieu de la pièce. Il revint s'asseoir à côté de lui avec un gobelet d'eau en terre cuite. Harry se demanda ce qu'il pensait de son visage donc la couleur devait avoisiner celle de la cire, mais l'étranger ne dit rien. Le Gryffindor vida son verre, après quoi il eut encore plus la nausée.
Il ferma les yeux et s'adossa au mur. Il sentait les yeux de l'homme sur lui ainsi que chacun de ses moindres gestes. Il pouvait fermer les yeux et savoir le plus petit de ses mouvements. Il se demanda s'il pouvait entendre son esprit s'il se concentrait un peu plus.
« J'ai retrouvé ceci à l'endroit où tu es apparu… »
Harry fronça les sourcils en tendant la main.
« J'ai pensé que c'était important pour toi alors je les ai ramassés… »
Il y avait ses
lunettes et les morceaux de sa baguette.
Les uns comme les
autres, inutilisables.
Son sac, où il
avait quelques bouquins, des parchemins remplis ou non. Des livres et des
carnets qu'il avait rétrécis et une plume avec de l'encre, au moins, avaient l'air
intact.
Il fit un petit
sourire amer. L'homme semblait avoir un bon fond. D'ailleurs, pourquoi
l'aurait-il accueilli si cela n'avait pas été le cas ?
« Je vous remercie beaucoup », répéta Harry.
L'homme fit un large mouvement de tête avant de regarder en direction de la porte.
« Cette nuit est la « Longue Nuit »… »
Harry n'était pas certain d'avoir entendu ce qu'il venait d'entendre. Son cœur cessa de battre quelques secondes.
« Je vous
demande pardon ?
La
« Longue Nuit »… Le jeune homme avec le signe est venu, comme ma
Maîtresse Lilith l'a prédit pendant l'éclipse lunaire, l'an passé… »
Son sang ne fit
qu'un tour.
Lilith ?
Il ramassa ses
draps et les attira contre lui. Il devait rêver, rien de plus simple. Lilith
n'existait pas. Lilith n'avait jamais été qu'une légende. Un mythe. Un songe
peut-être d'un poète en mal d'inspiration.
« Où
sommes-nous ?
Quelque part au
Nord d'une île, tout au Nord de ce que tes pensées appelaient l'Ecosse… »
Harry ouvrit de grands yeux.
« L'Ecosse ?
Angleterre… Ce
pays n'existe pas, mais tu as dit… Angleterre… Nous n'avons pas bougé d'endroit
depuis que tu es apparu… »
Le professeur de DCFM le fixa, mais il ne voyait que le vide.
« Attendez… Ceci n'est pas l'Angleterre, ce n'est pas Hogwarts… »
Il plissa les yeux.
« Quand sommes-nous ? »
L'homme sourit.
« Au début
de la « Longue Nuit » et…
Stop !
Qu'entendez-vous par « Longue Nuit » ?
La nuit la plus
longue de l'année… »
Harry roula des
yeux. C'était l'évidence même. Ils étaient donc un vingt-deux décembre.
S'était-il déjà écoulé trois jours depuis qu'il avait dispensé son dernier
cours aux Ravenclaws et aux Hufflepuffs ?
Il fronça les
sourcils. Vingt-deux décembre, certes, mais de quelle année ? Si tant est
que les dires de l'homme étaient vrais, la Forêt Interdite avaient été en
grande partie défrichée il y a des siècles, et il n'avait rien vu qui
ressemblât de près ou de loin à Hogwarts ou à Hogsmeade…
« Tu es
arrivé exactement quand Lilith la Nephilim nous l'a dit…
Attendez… »
Le ton de l'homme était assez joyeux, ce qui ne cadrait pas du tout avec ses paroles.
« Quand… non, que se passe-t-il, en ce moment ? »
Harry jugea sa question ridicule. Si l'hypothèse qu'il avait se révélait exacte, l'homme était parfaitement incapable de lui dire ce qui se passait. Mais celui-ci se contenta d'un geste vague.
« Ce que j'ai vu dans ton rêve de ce pays n'existe pas. Du moins pas encore. Les vivants dressent des cercles de pierre un peu partout sur vos îles. Mais je ne sais pas si cela te dira quelque chose. Ma Dame m'a dit de te dire qu'Abram est né, à Ur, et que les temps sont troubles au pays des Pharaons… »
Le jeune homme se redressa. Il avait toujours été intéressé par l'Egyptologie, ayant passé des heures dans la bibliothèque de l'école à éviter son cousin…
« Quoi… Quelle dynastie… Quels troubles… »
L'homme était un peu embêté. Les Egyptiens ne comptaient pas encore les dynasties à l'époque. Quand aux périodes de trouble, elles ne se comptaient plus.
« Il y a plusieurs pharaons… Mais celui qui domine est Wahankh … »
Harry fit un rapide calcul. Il avait entendu parler de plusieurs périodes de troubles en Egypte. Le nom du pharaon par contre, ne lui disait strictement rien.
« Attendez… Avez-vous entendu parler de Ramsès II ?Je veux dire… Usermaatresetepenre ? »
Le vampire secoua
la tête.
Donc avant 1300
avant Jésus-Christ.
« La Reine Maatkare ? »
Non plus… 1500
avant Jésus-Christ.
Harry commença à
pâlir.
« Ah… Le code d'Hammurabi, en Babylon ? euh… Khakheperre ? »
Toujours pas…
Bon…
Après Sésostris
II, ils en étaient donc à environ 1850 avant Jésus-Christ.
Harry grimaça.
« Les grandes pyramides ? Khufu, Kafre, Menkaure ? "
Le visage de l'étranger
s'anima. Apparemment, le jeu lui plaisait beaucoup.
Seulement, il
plaisait beaucoup moins à Harry.
« Oui ! Les grands triangles de pierre… Ils y sont tous… »
Harry soupira.
D'accord. Ils
étaient quelque part entre 2450 et 1850 avant Jésus-Christ.
La fourchette
était grande mais il était trop éprouvé pour creuser les dates davantage. Ses
souvenirs restaient après tout assez fangeux.
Il soupira de
nouveau, longuement, en fermant les yeux et en appuyant l'arrière de son crâne
contre la paroi rocheuse.
Chez lui, et si
loin en même temps…
Son cœur se
serra. Qu'était-il donc arrivé ? D'autres avaient-il subi le même sort que
lui ? Comment allait-il rentrer à son époque ? Il n'y avait aucun
parchemin par terre, et il n'avait pas non plus sa baguette…
Encore eût-il
fallu qu'il puisse l'utiliser sur le temps et il en était incapable. La magie
temporelle requerrait un calme intérieur intense et les mages qui touchaient au
temps avaient toujours été considérés comme des hallucinés.
Si encore il n'y
avait que cela… Mais cet homme… Lilith… Quel rapport ? La
vénérait-il ? L'avait-il déjà vue ? Etait-il… ?
Harry rouvrit les
yeux et décolla son crâne de la paroi. Cette aura bizarre qu'il avait sentie
depuis le début… Il n'avait plus de doute… Il n'avait jamais rencontré un tel
être, mais il ne pouvait expliquer autrement la concentration magique qui
émanait de lui alors qu'il n'était ni un sorcier, ni un mage. Il planta son
regard dans les yeux de l'homme.
« Etes-vous un vampire ? »
L'homme cligna
des yeux, sans doute étonné par l'agressivité du ton du jeune homme. Un sourire
étira ses lèvres, découvrant très légèrement la pointe de deux canines acérées.
Contrairement à
ce qu'il aurait pensé, Harry n'était pas effrayé le moins du monde. Tout ce
qu'il avait lu sur les vampires les décrivait comme des êtres damnés,
insensibles et cruels, qui n'avaient qu'une seul but dans la vie : vider
leurs victimes de leur sang.
Le meurtre, la
perversion étaient censés transparaître sur leur visage aux yeux de quelqu'un
comme Harry – quelqu'un qui avait vu le mal. C'était ce que racontaient les
mythes. Et Harry y avait cru dur comme fer. Mais cet être était si différent de
toutes ses assomptions que ça ne pouvait être un véritable vampire…
Bien entendu, étant l'ami d'un loup-garou assez atypique, il savait que la règle ne s'appliquait pas à tout le monde, loin de là, et qu'il ne fallait souvent qu'une étincelle pour faire prendre un incendie.
Ce qu'il avait vu
de Volkh, qu'il lui ait montré ou non ce qu'il était vraiment, n'avait rien
d'effrayant. Il se sentait touché, ému d'une certaine manière ; il le
comprenait. Il savait que cela pouvait paraître bizarre, mais le vampire
s'était montré attentif à lui, à ses sentiments. Il avait semblé affecté par sa
détresse quelques instants plus tôt. Il désirait certainement quelque chose en
retour mais Harry avait le sentiment que s'il avait voulu le tuer, il aurait
déjà pu le faire.
Et comme c'était
un vampire, il avait des facultés intellectuelles accrues. Pas étonnant dès
lors qu'il ait appris l'anglais aussi rapidement… en écoutant simplement ses
souvenirs…
« Oui, je suis un vampire… J'ai été transformé par Lilith il y a maintenant environ trente-trois vies d'homme… »
Harry assimila l'information. Des "vies d'homme"… Ce n'était pour lui pas plus parlant que lorsqu'on lui disait que ses ancêtres n'avaient pas encore bâti Stonehenge. Il haussa les épaules. Il était trop fatigué pour faire le calcul de toute manière. Tout ce qui l'importait maintenant, c'était…
« Et votre… « Lilith »… Pourquoi vous a-t-elle envoyé me chercher ? »
Le vampire sourit de nouveau, avançant légèrement le thorax, provocateur, pour rapprocher son visage de celui de Harry.
« Tu vas être mon Ardetha et je serai ton Adra… Ton Mentor… Ton « Sire », si tu préfères… »
Harry se mit à rire.
« Et pourquoi perdrais-je mon âme pour venir vous rejoindre, mh ? »
Volkh fronça les sourcils. Ce que le jeune brun venait de lui dire ne lui plaisait pas vraiment. Mais Lilith l'avait averti qu'il aurait sans doute du mal à le convaincre.
« Tu dois. Et ce n'est pas une question de perdre ou non son âme. Je souffre encore malgré ma transformation. Je suis donc encore un peu humain quelque part, non ? »
Harry le fixa d'un air hébété pendant quelques secondes. Sa réflexion l'avait un peu pris à parti.
« Oui… Enfin… »
Il se mordit la
lèvre et baissa la tête. Il n'avait pas eu l'intention de blesser le vampire.
C'était simplement… Tout cela était si absurde ! Lui, Professeur de
DADA à Hogwarts pour ce qui lui semblait être la veille… et avoir tellement
prévenu les élèves contre les dangers des vampires… dans son tout dernier
cours… Coïncidences ?
Des mains froides
se posèrent sur ses joues brûlantes de fièvre et il leva la tête pour
rencontrer les iris noirs de l'homme.
« « Harry »… Tu n'as pas le choix… Tu veux rejoindre tes amis, n'est-ce pas ? Tu veux te venger de cet homme qui a tué les gens que tu aimais ? »
Le jeune professeur détourna le regard. Entre les mains du vampire, il était complètement perdu.
« Je sais
que je n'ai pas le choix…
Nous n'avons
pas le temps et je le regrette… Cette nuit est la plus favorable pour la
transformation…
Mais je ne veux
pas vivre éternellement ! »
Le vampire eut un sourire un peu triste.
« Beaucoup d'entre nous n'atteignent pas… comment dis-tu ? Un demi-siècle ? Peut-être ne seras-tu pas en vie lorsque ton époque se déroulera. Mais si je ne te change pas ce soir, tes amis ne retrouveront même pas tes restes… »
Harry soupira et
baissa les yeux.
Bien entendu. Le
choix était très facile.
« Et que
dirai-je à mes élèves ? Coucou, alors tout ce que je vous ai dit sur les
vampires, ce n'est pas bien, regardez-moi, je ne vais pas vous attaquer ?
Tu n'as pas le
choix, Harry. Et ne présumes pas encore de ce que nous sommes. Les réactions
diffèrent selon les gens. Tu pourrais devenir ce monstre sanguinaire que tout
le monde a raison de craindre.
Ah, et vous
dites cela pour me rassurer, n'est-ce pas ?
Harry…
Qu'est-ce qui
vous fait dire que je ne mourrai pas au bout de cinquante ans, si c'est si
fréquent…
Parce que
certains sont changés alors qu'ils ne devraient pas.
Alors qu'ai-je
de plus ?
Tu as ce
pouvoir en toi. Depuis ta naissance. C'est un don qui ne se transmet pas par le
sang, malgré une prédisposition dans certaines lignées, mais que l'on acquiert
à la naissance ou non. Comme la magie.
Ah ?
Oui. Cette
noirceur que tu sens en toi, qui ne demande qu'à sortir. Cet amour que tu as
pour la nuit, pour la lune… Tes visions, le fait que tu aies senti ce que
j'étais sans vraiment le savoir, dès le premier soir…
Je serai
incapable de tuer…
Dans ton autre
vie, tu t'étais destiné à tuer Voldemort…
C'est
différent… Voldemort a tué mes parents… Peut-être serai-je contraint de tuer
ceux d'enfants sans défense et…
Je t'apprendrai
à choisir tes victimes… Tu as confiance en moi, n'est-ce pas ? »
Harry l'observa
un moment. S'il voulait être honnête avec lui même, il aurait dû répondre que
oui, il avait très certainement plus confiance en lui qu'en beaucoup d'autres
personnes qu'il connaissait pourtant de longue date. Qu'il l'admette ou non, il
se sentait particulièrement bien avec lui, en confiance.
Mais pour cela,
le vampire aurait dû lui tirer les vers du nez à l'aide de crochets
métalliques.
« Ne te sens-tu pas bien avec moi ? »
Harry frissonna. Le vampire s'était encore rapproché de lui et Harry n'aimait pas du tout les réactions que sa proximité provoquait dans son propre corps. Les vampires avaient certes des pouvoirs de séduction non négligeables mais… de là à réagir de cette manière-là face à un étranger… Malfoy, avec son ascendance, il aurait compris, mais là…
L'ironie résidait
dans le fait qu'Harry avait la prétention de se battre contre les forces du
mal, qui, dans l'opinion publique, comprenaient les vampires. Mais que sa
pauvre condition de mortel ne lui permettrait pas de résister bien longtemps à
la créature.
Ce n'était pas
que l'homme n'était pas désirable. Au contraire. Il était plus grand que lui,
ce qui n'était pas négligeable pour l'époque, avait le teint diaphane où
ressortaient magnifiquement ses cheveux et ses yeux noirs, étirés en amande.
D'aussi près, il voyait un peu mieux les détails de son visage et il n'aurait
jamais imaginé que les contemporains de cette période avaient pu avoir les
mains aussi fines, les traits aussi délicats. La figure de Volkh n'avait
cependant rien de féminin, surtout pas ses cicatrices. Il avait les lèvres
fines, sur lesquelles débordaient, lorsqu'il souriait, deux canines brillantes.
Il avait des épaules larges, un torse sans défaut, un ventre plat et ferme sur
lequel Harry savait qu'il aimerait s'appuyer. Quelque chose de protecteur se
dégageait de son attitude, et en même temps de possessif et d'extrêmement
érotique.
Le jeune homme
baissa les yeux et prit la main du vampire dans les siennes, la retournant pour
en regarder la paume. Volkh le laissa faire, imaginant sans doute qu'il
cherchait à utiliser sa magie pour lire les lignes qu'il traçait du bout des
doigts.
Des mains fortes,
des mains de guerrier, mais pas aussi malmenées que les siennes, durcies par
une pratique intensive du Quidditch et son entraînement d'Auror. Avant sa mort,
Volkh avait dû avoir une excellente position au sein de son clan.
« Nous prendrons notre temps, Harry, mais tu es un Klavasi… Tu as le potentiel… il faut que je t'aide à t'éveiller ce soir… »
Harry se mordit la lèvre tout en continuant à redessiner les sillons dans la main du vampire. Et si c'était comme le Fourchelang ? S'il avait ce pouvoir parce que Voldemort avait voulu le tuer mais qu'il l'avait « raté » ?
Rien n'indiquait que Voldemort ait aussi le Don Obscur, mais il craignait vraiment de devoir une fois de plus se servir des talents de son ennemi.
« Tu as encore des choses à faire dans ton époque… Tu dois t'excuser auprès de tes amis… Tu dois convaincre ton Severus que tu es désolé… »
Harry rougit fortement à cette remarque. « Son » Severus ? Le pauvre professeur Snape – et la majorité des sorciers homophobes de son temps – fumeraient par les oreilles s'il entendait une absurdité pareille. Cette fois, l'ironie était que si Snape occupait effectivement presque toutes ses pensées, c'était surtout – encore – en mal.
« Tu veux tuer cet homme. Tu dois aussi le faire, c'est ton destin. Songe un peu à ce que ça t'apporterait, Harry… Songe au pouvoir que tu auras… Tu es un mage, n'est-ce pas ? Je peux le sentir… et ma Dame le savait. Mais avec la magie des vampires en plus… et si je peux te changer aujourd'hui… »
Selon les vieilles légendes, avant que les vampires ne quittent l'Angleterre pour fuir tous jusqu'aux Carpates, les vampires qui étaient créés le vingt-deux décembre étaient incontestablement les plus puissants, les plus résistants, les plus sains d'esprit et les plus robustes de tous. C'est pour cela que l'on choisissait la plupart du temps cette date pour transformer un vampire ou lui donner de l'« avancement » au sein d'un clan. C'était une période « bénie » pour cette espèce que les gens considéraient comme « maudite ».
« Harry, tu
comprends ce que je te dis ? Si tu survis… Tu n'auras rien à craindre
là-bas…
Voir mourir les
gens que l'on aime… »
La voix et les yeux du jeune homme étaient éteints. Il avait laissé tomber la main du vampire.
« C'est le sort commun, Harry. Personne n'y échappe. »
Il lui adressa un léger sourire.
« Nous-mêmes ne pourrons toujours échapper à la mort. Certains d'entre nous se laissent même volontairement mourir… »
Harry hocha la tête. Il n'avait pas envie de réfléchir. Il voulait retourner chez lui, mais il voulait aussi apprendre ce qu'il pourrait de cet homme.
« Harry…
Est-ce que ça
fait mal ? »
Le vampire sourit doucement, avant de lui caresser la joue du revers de la main. Harry ferma les yeux au contact et arrêta de respirer.
« Tous les jours. Mais j'essaierai de faire en sorte que ce soit un peu moins douloureux pour toi… »
Harry hocha la
tête et s'allongea lentement sur la couche minérale.
Tout cela allait
un peu vite, et il le savait. Mais il sentait que le vampire le transformerait,
qu'il le veuille ou non, et s'il voulait rester à peu près sain d'esprit, mieux
valait qu'il se laisse faire. Cela lui éviterait d'avoir une grande trace
sanguinolente dans le cou à force de s'être débattu, et puis de toute manière…
Quel choix
avait-il ?
Il ferma les
yeux.
Il était perdu.
C'était sa seule chance de revoir ses amis, d'essayer de réparer ses erreurs.
Peut-être ne vivrait-il pas assez longtemps pour cela. Il songeait déjà à tout
ce qu'il allait devoir endurer, les tentations qu'il aurait d'empêcher quelque
chose de terrible de se produire, qu'il voudrait essayer de sauver ses parents,
Sirius et les autres… et Hermione qui travaillait sur le Veil au moment de sa
mort…
Il ferma un peu
plus fort les paupières lorsque Volkh posa la main sur ses hanches,
s'allongeant doucement sur lui.
Il ne fallait pas
qu'il pense à ça. Il ne devait rien changer. Et puis son « guide »
avait raison. Peut-être mourrait-il avant de revivre leur histoire.
S'il décédait
maintenant, ce ne serait pas la conscience tranquille. S'il voulait réparer ses
torts, il devait saisir l'opportunité qu'on lui offrait. Peut-être était-ce le
prix à payer pour réparer ses fautes, mais la souffrance qu'il avait causée
était… sans doute très forte par rapport à ce qu'il s'apprêtait à faire…
Vendre son âme à
un démon…
Et en même temps,
il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne payait pas encore assez cher, car
il savait que beaucoup de bonnes choses adviendraient par la suite ; qu'il
allait vivre une expérience unique, qu'il avait la chance de devenir autre
chose, et que c'était à lui de faire en sorte que cette autre chose soit
quelqu'un de bien…
Le vampire
l'observa un instant d'un air impassible, penché au-dessus de lui comme il
était. Il regarda un long moment ses paupières closes bordées de cils noirs et
denses, dessinant sur les joues pâles des demi-lunes, les lèvres encore rouges
et appétissantes, l'étrange marque en forme d'éclair qu'il avait au front. Il
esquissa un sourire. Lilith avait eu raison. Le garçon était tout simplement
magnifique et sa puissance était impressionnante. Il compenserait amplement
l'abandon de son ancien Ardetha. Après tout, Volkh n'avait encore jamais donné
dans le sentimentalisme. Les choses pouvaient changer, mais auparavant…
Il savait que le
jeune homme aurait du mal à accepter certaines modalités du mode de vie des
vampires. Que c'était quelque chose de dur, que d'abandonner ainsi sciemment
une grande partie de son humanité. En outre, il savait qu'il lui faudrait du
temps. Mais si Lilith l'avait choisi, lui et pas un autre, pour s'occuper du
jeune homme, c'était parce qu'il avait toujours été le plus compréhensif, le
plus patient en toute chose. Sans doute aussi parce qu'il restait son favori à
ce jour…
Il avait jusqu'à
présent toujours atteint l'objectif qu'il s'était fixé, avec ses élèves. Avoir
Harry pour disciple était un honneur et une marque de confiance de la part de
leur Mère. Il était quand même resté en très étroite relation avec elle, même
après avoir atteint le stade d'Elder et avoir eu plusieurs
« Enfants » à sa charge.
« Tu n'auras pas de regrets Harry… »
C'était plus une affirmation qu'une question. Il sourit doucement devant le silence du jeune homme.
« Je t'apprendrai à ne pas en avoir. Maintenant, je risque de te faire un peu mal… »
Harry acquiesça
et tourna un peu le visage pour lui faciliter l'accès à sa gorge. Le vampire esquissa
un nouveau sourire. Le jeune homme était très obéissant. Cela faciliterait
peut-être la suite. Il avait été choisi pour être son Maître et il accomplirait
son devoir jusqu'au bout, en tirant bien entendu les avantages.
Il planta
doucement ses canines dans la jugulaire de Harry, qui se crispa d'abord avant
de se relaxer sous les mains rassurantes du vampire. Le jeune homme sentit les
dents effilées glisser dans sa chair, puis le sang se précipiter hors de lui.
Il s'était demandé s'il n'était pas temps de revenir en arrière, mais il était
déjà trop tard…
A mesure qu'on le
privait de son sang, il sentait un plaisir immense monter en lui, comme il n'en
avait encore jamais expérimenté. Il commença à se tordre sous le vampire, dont
la peau se réchauffait de manière effrayante, les mains effleurant ses flancs
mettant ses sens en feu. Il n'était pas habitué à ce qu'un homme, qu'un être
humain le touche, pas de cette manière-là, et il n'avait encore rien connu
d'aussi érotique. Il se mordit les lèvres légèrement, crispant ses poings pour
s'empêcher de nouer ses mains autour du dos du vampire, pour le rapprocher de
lui et espérer frotter son aine douloureuse contre celle de l'être qui se
nourrissait de lui. Il ne savait pas d'où lui venaient toutes ses idées, mais
elles lui déplaisaient fortement.
Tout cela allait
décidément trop vite. Le vampire semblait emporter avec son sang ce qui lui
restait de sa moralité. Il ne savait pas comment étaient vus les sorciers et
les vampires à cette époque-là, mais il n'avait pas envie de changer d'avis si
facilement, d'admettre qu'il s'était trompé sur toute la ligne, de se dire que
s'il n'avait presque pas été touché lorsqu'il avait appris que Cho Chang
sortait avec un autre garçon, si, depuis, il n'avait jamais réussi à aller plus
loin avec une fille que le dîner aux chandelles dans un bon restaurant, c'était
simplement qu'il n'aimait pas les filles autant qu'il le pensait.
Il cria de
surprise lorsque la main encore un peu froide du vampire se glissa dans son
pantalon, frôlant son sexe chaud. Il bougea légèrement le cou, et s'il
ressentit une douleur assez vive, le vampire poussa un petit gémissement de
surprise.
Harry sentait sa
réaction s'amplifier au contact de la simple pression de la main sur son membre.
La honte l'envahissait lorsqu'il s'aperçut des réactions de son corps aux
administrations du vampire. Un mâle… Pourquoi ne devait-il connaître le bonheur
qu'aux mains d'un mâle ? Il haletait lourdement, ondulant des hanches
autant pour échapper de l'emprise du vampire que pour aller à la rencontres des
doigts experts, qui avaient libéré son sexe sans qu'il ne sache vraiment
comment. L'air froid le fit de nouveau crier de surprise mais la main de celui
qui le vidait lentement de son sang venait se refermer autour se lui, allant et
venant de plus en plus rapidement.
Le vampire pesait
sur l'une de ses cuisses, et le jeune homme put sentir son sang gonfler
progressivement le membre de son futur Mentor.
Volkh suçait
toujours, avec une lenteur abominable. Il savait parfaitement ce qu'Harry
devait penser en ce moment. Il entendait chacune de ses pensées. Il savait
qu'il était désorienté. Perdu. La manière dont il réagissait à ses caresses lui
indiquait également que le jeune homme n'avait encore jamais expérimenté de
plaisir purement sexuel – en tout cas, pas avec quelqu'un. Et certainement pas
en compagnie d'un homme.
C'était
absolument délicieux. Le sang de Harry était légèrement sucré, même s'il
gardait un fort arrière-goût métallique, et sa façon de bouger sous lui,
d'émettre ces petits bruits de contentement, lui faisaient perdre le sens.
Il sentait le
corps s'affaiblir sous lui, et il regretta un instant de ne pas pouvoir
prolonger encore l'Etreinte.
Mais après tout,
ils auraient tout le temps dans les années qui suivraient.
Il pressa un peu
fortement le membre du jeune homme avant de passer le pouce sur le gland déjà
luisant, et cela suffit à faire crier faiblement le jeune homme et à le vider
de ses dernières forces alors qu'il jouissait abondamment dans sa main. Après
quelques soubresauts, le sorcier ouvrit de grands yeux verts pour le regarder,
même si ses yeux brûlaient de fièvre, et il pantelait sous lui. Volkh retira
précautionneusement ses canines et lécha les blessures avec application,
jusqu'à ce qu'elles se referment. Il ne voulait pas que le corps du jeune homme
garde des marques de sa transformation. La plaie se referma rapidement et Volkh
sourit, satisfait. Bien entendu, il n'était pas « rassasié » mais il
avait quelque chose à faire.
Le jeune homme,
les lèvres devenues blanches, entrouvertes, semblait l'interroger de ses yeux
noircis par le désir et voilés par les après-coups de l'orgasme. Il était tout
simplement magnifique. Avant même sa transformation, Volkh avait toujours eu
une fascination morbide pour les mourants. L'instant où il préférait voir ses
victimes était précisément celui-là. Pâles, à l'article de la mort, voyant sans
doute déjà se pencher sur eux la Camarde avec sa grande faux…
Il sourit à Harry
et caressa affectueusement son visage. Il tombait souvent
« amoureux » de ses victimes. Amoureux d'une certaine manière. Il
n'avait néanmoins jamais profané leurs corps, sauf lorsqu'il les transformait,
comme il aurait voulu le faire – comme il le ferait dans quelques années – avec
Harry.
Mais avec le
jeune Gryffindor, il savait que sa passion serait sans doute plus profonde,
plus sérieuse, et en même temps plus détachée.
Sans quitter le
jeune homme de ses yeux noirs, il se mordit fortement les lèvres et les
appliqua sur celles du jeune homme. Il savait qu'il devrait se mordre ailleurs,
mais il avait envie de lui faire goûter au baiser de la Mort. Harry sembla un
peu étonné, et son baiser était encore maladroit. De plus, boire le sang sur la
lèvre inférieure du vampire ne devait pas être une chose aisée. Mais Volkh appréciait
les coups de langue pressés sur sa plaie, timides et en même temps de plus en
plus audacieux.
Il retira ses
lèvres assez rapidement, sentant sa plaie se refermer. Il sourit en voyant
Harry essayer désespérément, encore très faible, de les reprendre, gémissant
pour l'embrasser encore, le touchant pour la première fois afin de ramener son
visage, mais Volkh saisit ses poignets avant de se redresser et de planter
violemment ses dents dans son propre carpe pour y faire couler le sang d'un
carmin abscons. La vision du jeune homme ouvrant largement la bouche pour
essayer d'attraper les gouttes qui l'éclaboussaient, dardant doucement la
langue, le fit sourire de nouveau, et il finit par se soustraire à la
contemplation pour donner à son Infant ce qu'il voulait. Le sorcier se jeta
goulûment sur son bras, l'encerclant de ses mains pour pouvoir le coller un peu
plus à ses lèvres. Le vampire grimaça lorsque les dents peu coupantes le
fouillèrent pour essayer d'en avoir plus, mais il était satisfait.
Il aurait cru que
le jeune homme n'aurait pas la « force morale » de boire. Il s'était
à l'évidence trompé.
Le Gryffindor
buvait avec un plaisir apparent, et ce même plaisir qui montait en Volkh lui
fit rejeter la tête en arrière et fermer les yeux, montrant légèrement les
crocs sous l'effet du contentement qu'il ressentait.
Volkh décolla
son bras au bout d'un moment, mais les lèvres de Harry réclamaient encore le
sang. Le vampire arrêta son nouveau-né d'un doigt sur les lèvres.
« Ca suffit pour le moment », déclara-t-il avec un sourire.
Une nouvelle
fois, il se dit que son « nouveau-né » était tout bonnement
magnifique. Son teint commençait à pâlir vraiment, gommant le léger hâle que
lui avait donné le Quidditch. La fièvre qui brillait dans ces yeux d'un vert
clair éclatant, presque blanc laiteux maintenant que la Soif, s'exprimait en
lui, et en avait changé la nature. Cependant, le regard du jeune Ardetha était
toujours hanté par la mort, ce qui avait fasciné son Adra la première fois où
il avait regardé dans ses yeux. Etre si vieux et si jeune à la fois…
Les iris prirent
une couleur plus sombre, presque normale, à mesure que la « Soif »
disparaissait, et l'expression de Harry s'adoucit légèrement. Il ferma les
yeux. Il devait être fatigué. Volkh le souleva pour le prendre contre lui,
conscient que la phase suivante de sa transformation n'était pas la plus
agréable.
Harry avait été surpris.
Il avait eu un haut le cœur au début, mais il avait décidé qu'il aimait le goût
du sang et à mesure qu'il buvait, son malaise disparaissait pour laisser place
à une envie toujours plus importante d'en avoir encore. Il avait été encore
plus étonné lorsque le vampire lui avait retiré sa main. Il n'avait pas fini de
boire. Il en voulait encore. Le bien-être qu'il éprouvait lorsque le sang chaud
coulait le long de son œsophage dépassait de loin tout plaisir qu'il avait pu
ressentir en se nourrissant d'autres mets.
Volkh s'était
trompé. Cela ne lui avait pas fait tellement mal. Cela lui avait même fait
beaucoup de bien. Pour la première fois depuis des années, il se sentait vivre.
Il était en train de s'endormir comme un bébé après avoir eu sa ration de lait.
Et soudain, il Le sentit.
Ses yeux s'exorbitèrent et tout son corps se crispa contre celui de son Mentor. L'Elder, préparé à ce qui allait suivre, resserrait déjà sa prise autour de lui, le caressant et murmurant doucement dans cette langue étrangère. Harry ferma les yeux et serra fortement les dents pour les empêcher de claquer nerveusement. Il sentait une partie du sang qui n'avait pas été assimilé remonter dans sa gorge et malgré ses efforts pour ne pas le gaspiller, il le régurgita. Il avait mal absolument partout dans son corps. Ce n'était pas encore aussi douloureux que lorsque Voldemort était de mauvaise humeur, mais c'était très différent ; avec le Dark Lord, il avait surtout mal à la tête, une migraine fulgurante qui l'aveuglait et le jetait le plus souvent à genoux ; il avait maintenant mal dans tous les muscles, comme si on l'avait écartelé pendant des heures puis pendu par les pieds. Il cherchait l'air désespérément, la bouche grande ouverte, pantelant ; il avait l'impression d'étouffer. Plus il ouvrait la bouche, plus il suffoquait. Son Maître l'allongea sur la couche, laissant les poings serrer ses vêtements, et se coucha sur lui comme si cela pouvait l'aider à respirer. Il savait que ce dont Harry avait besoin pour le moment, c'était de quelqu'un à ses côtés pour le rassurer, l'aider.
« Ton corps est en train de mourir», expliqua-t-il dans sa langue, mais, bizarrement Harry le comprenait, « et tu luttes trop fort pour rester en vie. Ne résiste pas, abandonne-toi, laisse, laisse-toi aller… »
Harry ferma les yeux et les poings un peu plus fort, s'accrochant à son Mentor comme on s'accroche à une corde pour ne pas tomber dans un gouffre. La voix était agréable, mais il l'entendait de moins en moins. Il entendait son cœur battre dans ses oreilles, s'affoler de plus en plus alors que le son l'étourdissait. Il lutta pour rouvrir ses yeux baignés de larmes, mais sa vision était troublée par un voile rouge. Il les referma presque aussitôt, se serra un peu plus contre l'homme, écoutant la voix de plus en plus faible, qui parlait sans relâche et d'un seul coup, tout disparut. Son corps se détendit entièrement.
Il avait, une nouvelle fois, perdu connaissance.
A son réveil, son Adra était penché au-dessus de lui. Le vieux vampire était sans doute tout aussi pâle que lui.
« Comment te sens-tu ? »
Harry cligna lentement des yeux, puis un sourire s'épanouit sur ses lèvres.
« Je me suis déjà senti mieux. »
L'homme avait l'air un peu inquiet, un peu préoccupé. Quelque chose ne s'était sans doute pas passé comme prévu. Harry s'en aperçut et fronça les sourcils.
« Quelque chose ne va pas ? »
Volkh posa nerveusement une main sur son front avant de la rabattre sur ses genoux et d'esquisser un sourire qui mourut aussitôt.
« J'ai cru que j'allais te perdre. »
Il soupira
lourdement et détourna le regard.
Harry était
atterré. Son Mentor semblait vraiment s'inquiéter pour lui. Personne ne s'était
inquiété à ce point. Certes, il y avait eu Sirius et Remus, et s'il voulait
être honnête – même si ça tuerait le sorcier en question de l'admettre – il y
avait aussi eu Severus Snape, mais de cette manière-là…
Harry déglutit.
« Je suis censé être Immortel, non ? »
Volkh secoua la tête.
« Certaines personnes rejettent le sang de vampire. Même des gens qui possèdent le Don Obscur. Ces personnes là meurent… définitivement. J'avais dit à Lilith que de reboire encore de son sang et de boire également celui de Seth, de Sekhmet et celui de Kali avant de te faire était peut-être jouer un peu trop avec la chance… »
Il déglutit à son tour. Harry, s'il avait pu, aurait pâli. Le fantôme d'un sourire erra de nouveau sur les lèvres de l'Adra.
« Tu vas être – tu es déjà – un vampire très puissant, Harry. Un vrai monstre. Lilith savait que c'était risqué, je le savais aussi. Mais l'espace d'un instant, j'ai failli ne plus y croire… »
Harry voulut se redresser sur un coude mais il fut violemment recouché par le vampire.
« Il
vaudrait mieux que tu restes allongé encore quelques temps. Nous commencerons
ton apprentissage après.
Que s'est-il
passé ?
Le sang que tu
as bu était très puissant, mais ta magie l'est aussi. Le sang d'un vampire
contient lui aussi des propriétés magiques, qui sont entrées en compétition
avec tes pouvoirs avant de s'assimiler à eux. Il nous arrive souvent de prendre
des sorciers et ça ne se passe jamais dans les meilleures conditions. Mais
jamais encore je n'avais vu ça… Tu avais le Don. Cela aurait dû se passer
beaucoup mieux que cela. »
Le jeune homme le
regardait. Il avait apparemment pleinement confiance en lui. Sinon il aurait
cherché à fuir. Au lieu de ça, il le contemplait, attendant sagement qu'il
continue.
Volkh ferma les
yeux et soupira de soulagement.
« Maintenant tu es hors de danger. On dit toujours que c'est la première nuit que l'on risque le plus de ne pas survivre à la transformation. Mais malgré le fait que la magie des vampires était déjà en toi à faible dose, cela fait sept levers de lune que tu dors. Je t'ai apporté tes victimes toutes les nuits pour te nourrir, et heureusement que ton instinct de survie à prévalu parce qu'il te faudra absolument boire du sang presque toutes les nuits jusqu'à ce que tu deviennes Calmae. Et même à ce moment-là, tu ne devras jeûner que durant de très brèves périodes. »
Harry assimila
silencieusement ces informations.
Il connaissait
plus ou moins cette étape du développement du vampire. C'était celle où ils
étaient le plus fragiles. Novice, il devait apprendre à survivre, à revivre,
et en même temps les lois des vampires, leur mode de vie, leurs règles. Il
fallait s'habituer à tout cela et la plupart des apprentis vampires
s'éteignaient avant d'avoir atteint le stade de Calmae.
Harry s'aperçut
que cela faisait un moment que le silence régnait dans la pièce et que son Sire
l'étudiait attentivement, en quête du moindre signe d'inconfort. Il lui sourit
pour le rassurer.
« Ca va, vous savez… Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous claquer entre les doigts… »
Le jeune vampire
ne savait pas si son aîné avait compris cette expression – il avait beau avoir
appris sa langue une infinité de fois plus rapidement qu'un être humain normal,
ce qu'il n'était pas, il risquait de ne pas avoir saisi le sens de certaines
expressions idiomatiques. Volkh avait toutefois l'air sceptique.
Quelque chose
frappa soudain le professeur de DADA : il distinguait parfaitement les traits
de son nouveau « Maître ». Il cligna des yeux, et remonta
machinalement ses lunettes avec le majeur et l'index – mais ne rencontra pas la
barre métallique reliant les deux verres.
Il sourit, amusé.
C'était en effet bizarrement amusant de savoir combien les choses changeaient
lorsque l'on devenait quelqu'un d'autre. Il envisagea vaguement la possibilité
que sa vue ne serait pas la seule à changer, que la perspective avec laquelle
il voyait les choses changerait également. Ainsi que d'autres choses, peut-être
guéries comme sa myopie. Il porta la main à son front mais plissa les sourcils.
Sa cicatrice restait. En regardant sa main et son avant-bras nus, il s'aperçut
qu'il lui restait encore ses plus vilaines cicatrices. Mais il n'avait pas
espéré que tous les tissus se réparent : il en était entièrement couturé,
et son sang de vampire devait croire qu'elles constituaient ce qu'il était au
fond, puisqu'il s'agissait de souvenirs…
Cette pensée lui
laissa un goût amer dans la bouche. Les sorciers considéraient les vampires en
tant que des forces sombres, même si, comme avait semblé le dire Snape, leur
sang coulait dans celui de nombre de hautes lignées de Wizards, de manière très
diluée.
En faisant plus
attention, son audition s'était aussi affinée. Il entendait ce qui se passait
dehors, et leva vivement la tête en percevant le craquement léger de branches
quelque part au-dessus de leur tête. Volkh suivit son regard puis lui sourit.
« Tu t'habitueras rapidement… »
Harry acquiesça
dans le vague, se demandant s'il en était de même pour ses autres sens. Il
caressa doucement la pierre rugueuse sous ses doigts et sourit en ressentant
toutes ses aspérités ; la pierre lui semblait vivante. Il savait que si
elle lui paraissait moins froide, c'était que sa peau était devenue aussi
froide qu'elle. Contrairement à ce qu'il aurait pensé, cette idée ne l'effraya
pas. Elle le réconfortait même, d'une certaine manière, et l'homme se demanda
vaguement si ce n'était pas Volkh qui lui envoyait des pensées agréables pour
le distraire.
Son Maître lui
fit un petit sourire avant de dégager de son front une mèche rebelle.
« Que comptes-tu faire… une fois revenu dans ton temps ? Si du moins tu parviens à rester en vie jusque là… »
Harry regarda le
plafond, cherchant ce qu'en effet il comptait faire, une fois revenu au
vingt-et-unième siècle après Jésus-Christ… Son esprit raisonnait encore comme
celui d'un humain, et ce laps de temps lui semblait l'éternité.
N'aurait-il pas
intérêt à prendre en note tout ce dont il se souvenait, de l'histoire, de sa
vie ? Lorsque son siècle arriverait, il faudrait qu'il maintienne
l'illusion, au moins pour quelques personnes. Le plus longtemps possible. Tout
le monde à Hogwarts verrait que quelque chose s'était passé, et qu'il n'était
plus le même ; sans doute sentirait-on qu'il était devenu un vampire.
Ron allait le
tuer. Ron allait sérieusement le tuer. S'il revenait ainsi, sous sa
forme vampirique, faire ses plates excuses à son ami, le rouquin ne le
prendrait jamais au sérieux. Il aurait beaucoup de mal à mentir à Weasley, et
Draco repèrerait immédiatement le moindre de ses mensonges.
Encore
faudrait-il qu'il en soit capable…
Il se mordit la
lèvre et grimaça à la douleur vive qui le piqua ; ses canines étaient
douloureuses. Il savait que des transformations s'opéraient encore en lui à ce
moment-là et qu'il risquait de souffrir un peu. Sans doute plus autant que
lorsqu'il avait été fait, néanmoins…
Et puis il y
avait le Veil… Il aurait environ quatre mille ans pour sauver à retardement la
seule personne qui pouvait l'être encore… Reprendre les recherches d'Hermione
et les approfondir, les faire aboutir. Hermione ne serait pas là pour assister
à la concrétisation d'un travail acharné. Mais elle serait sans doute heureuse
de voir que ses théories étaient justes – avec sans doute quelques petites
modifications.
Harry offrit à son Adra un sourire amer.
« Abattre l'homme qui a tué mes parents. Trouver quelque chose pour qu'il ne sorte pas encore une fois de son corps. Ramener Sirius. Et réparer certaines injustices que j'ai commises de mon vivant… »
Le vampire
acquiesça avec un petit sourire.
Harry avait des
principes et il aimait ça. Il avait craint que sa morale s'évanouirait aussitôt
après l'étreinte. Mais Harry, pour le moment, restait intact, pur… du moins
pour un vampire. Bien entendu, il y avait cette partie noire, commune à tous
les leurs. Et les changements qui s'opèreraient dans son caractères au cours
des siècles, à l'instar de ceux qui auraient eu lieu de toute manière au cours
des années de sa vie mortelle, étaient inévitables.
Le jeune homme
rayonnait cependant d'une énergie positive qui lui coupait le souffle, comme le
jour où il était tombé du ciel, dans la forêt, comme un cadeau de la
Providence…
« C'est bien… Il faut que tu gardes cet objectif, quoi qu'il arrive. Cela t'aidera à rester en vie… A ne pas te laisser mourir…
Il va falloir que je rédige tout ce dont je me souviens… Ainsi je n'oublierai pas des détails qui pourront m'être utiles le jour où je devrai reprendre ma place… »
Son Adra acquiesça de nouveau.
« Oui, et il
te faudra aussi apprendre certaines choses…
Telles
que ?
Ce que t'impose
ta condition de vampire. Tes droits, tes devoirs. Nos lois. Il te faudra
apprendre à maîtriser ta condition, à te servir de ta force, à te nourrir,
t'habituer à notre mode de vie, à nos lois, à la langue que nous utilisons
là-bas… à tout ce qui t'amènera à t'intégrer rapidement dans notre clan…
Clan ?
Dans quelques
temps, tu viendras avec moi aux portes de l'Akkadie… C'est là qu'est caché,
enterré dans les roches, notre repaire… »
Harry acquiesça.
De toute manière, il ne voyait pas vraiment ce qu'il pouvait faire d'autre…
Attendre quatre millénaires…
Sans doute en
apprendrait-il plus dans les années à venir…
Volkh se leva, et Harry le dévisagea de nouveau à loisir.
Du haut de son
mètre quatre-vingt, Volkh devait sembler un géant à l'époque. D'après ce que le
jeune vampire pouvait en deviner sous les lourdes étoffes qui le couvraient, il
possédait par ailleurs un corps d'athlète assez musclé. Il avait des yeux
éclatants, mais noirs, tout comme ses cheveux. Il avait un visage long, fin,
et, même s'il restait délicat, coupé au couteau.
Cela avait
d'ailleurs été littéralement le cas : deux cicatrices rose clair
marquaient son visage pâle, l'une naissant à la base du nez pour descendre sur
la joue droite, et l'autre marquant sa joue gauche pour serpenter jusque dans
son cou. Ses mèches tombaient sur son front d'une manière qui semblait tout à
fait ordonnée, tout en restant naturelle. L'homme dégageait une certaine
impression de force, de puissance, et sachant que c'était un vampire, mieux
valait sans doute ne pas se frotter à lui…
Harry voulut
savoir ce que son Maître avait fait pendant sa vie. Le vampire lui raconta
qu'il venait des contrées du Nord. A la description qu'il en donna, Harry fut presque
sûr qu'il s'agissait de la Scandinavie…
Lilith était donc
allée jusqu'en Scandinavie ?
Il était un
guerrier, promis à un grand avenir, malgré ses cheveux peu orthodoxes et ses
regards trop brûlants qui faisaient qu'on le comparait souvent à un démon. Son père était le
chef d'un petit groupe d'hommes, il était son deuxième fils. L'aîné était
jaloux de la réussite de Volkh. Ou plutôt de ses réussites, car non content
d'être un héros à la guerre, où il avait gagné un grand nombre de cicatrices
sur tout le corps, il avait un succès phénoménal auprès des femmes, dont les
mères l'avaient pourtant maudit à cause de son physique.
Le pire était
qu'il s'était toujours plus intéressé aux armes qu'aux femmes…
Oh, bien sûr,
l'aîné de Volkh avait déjà une femme et des enfants. C'était lui qui était
destiné à succéder à son père. Mais la préférence de celui-ci, dirigée vers son
cadet, était flagrante et connue de tous. Malheureusement, le frère de Volkh la
vivait très mal. Le vieil homme ne cherchait d'ailleurs même pas à la cacher.
Il traitait l'aîné comme un chien, ne cessait de le comparer à son jeune frère,
soulignant les prouesses, l'intelligence exceptionnelle et la ruse de ce
dernier, lui rappelait sans relâche qu'il n'avait pas son agilité, sa force,
son ardeur au combat, son adresse au lancer de javelot, lui disait qu'il
n'était capable de rien hormis d'engrosser sa femme… Le vampire avait plusieurs
fois averti son père qu'il devait cesser de le prendre pour un modèle. Volkh
savait pertinemment que son frère, aussi buté et limité qu'il pouvait l'être,
avec son physique ingrat et son esprit trop commun, n'avait néanmoins pas
mérité d'être traité de cette manière. A vrai dire, ce favoritisme le gênait
également. Plus d'ailleurs parce qu'il pressentait que tout allait mal se
terminer…
L'aîné de Volkh
conçut pour son frère une vive jalousie qui le poussa à fomenter un complot,
qui échoua. Malheureusement, certains guerriers qui supportaient Volkh virent
d'un mauvais œil que son incapable de frère tente tout bonnement de le
supprimer… Ils décidèrent de régler le problème, sans avoir averti leur chef.
Et le jour de ce qui équivalait aux trente ans de Volkh, son frère aîné mourut
au dîner que l'on donnait en son honneur, empoisonné, tandis que sa femme et
ses enfants se faisaient trancher la gorge dans une tente avoisinante.
Bien entendu, son
père aimait quand même son fils aîné et l'incident renversa complètement ses
affections. Volkh, des années plus tard, avait songé avec amertume que son père
devait être attiré par la morbidité, et que s'il avait aimé le sang qui avait
coulé sur les mains de Volkh, et par extension son fils, la mort de son aîné
avait dû lui rappeler qu'être mort soi-même était encore plus « morbide »
justement que de causer la mort des gens.
Le père imputa la
faute du meurtre à son cadet, pourtant innocent, et ordonna qu'on le mette
également à mort. En temps normal, il n'aurait dû que le bannir, mais le père
avait tellement été déçu par Volkh qu'il ne supportait pas l'idée de le savoir
encore en vie. Son benjamin, alors âgé de seize ans et particulièrement cher à
Volkh, lui succèderait, mais ses deux aînés ne seraient plus de ce monde…
Le jour où devait
avoir lieu son exécution, une femme vêtue de noir était arrivée, et avait pris
le corps du jeune homme, condamné à s'ouvrir les veines. Cette femme avait nom
Lilith. Tout le monde avait cru l'homme mort et ses soldats n'avait pas eu le
courage de l'empêcher de prendre le corps – il n'avaient d'ailleurs pas eu
assez de tripes pour se dénoncer au chef du village –, se disant qu'il devait
s'agir de la seule conquête de Volkh qui ne lui avait pas tourné le dos. Ce
serait la seule personne à vouloir prendre soin de sa dépouille et lui rendre les
derniers hommages…
Mais Lilith avait
nullement l'intention de lui offrir quelque chose que l'on ne donne qu'aux
morts… elle préférait de loin lui donner la vie éternelle et en faire son
compagnon…
Ou plutôt, l'un
de ses esclaves…
C'est ainsi que l'Adra d'Harry fut transformé en vampire, près de dix siècles avant ce jour…
Harry et l'homme,
qui s'était tu depuis un moment, étaient restés debout, en silence. Le
« nouveau-né » avait écouté son Maître avec beaucoup d'attention. Son
Adra n'avait pas eu une vie facile. Du peu qu'il en savait, et vu la petite
lueur dans ses yeux, la pointe d'émotion dans sa voix que seul quelqu'un de
suffisamment entraîné pouvait déceler, Harry en conclut qu'il aurait peut-être,
à l'époque, préféré mourir…
Le jeune homme
adressa à son Sire un sourire compatissant, qui surprit énormément ce dernier.
Volkh cligna des yeux dans un réflexe parfaitement humain, avant de secouer la
tête pour chasser ses pensées.
L'estomac de
Harry gargouilla et celui-ci grimaça d'un air gêné tout en posant la main sur
son ventre, alors que son Adra éclatait de rire. Harry le regarda par en
dessous. Cela faisait des années qu'il n'avait pas entendu de rire, à part les
gloussements de ses groupies lorsqu'il passait dans les couloirs. Même les
tables d'Hogwarts ne retentissaient plus des rires joyeux des étudiants.
Ah, la table des
Slytherins était à part… De toute manière, à voir leur professeur principal…
Harry esquissa un
sourire attendri qui le surprit lui-même. Mais il n'arrivait pas à l'effacer de
sa tête. Volkh cessa de rire, le dévisageant un long moment. La gaieté du
novice disparut et il baissa la tête, mortifié, blessé par le regard de son
Adra sur lui. Il aurait voulu être un petit animagus, à ce moment-là, même un
rat, pour pouvoir aller se cacher dans un coin jusqu'à ce qu'il se calme et que
la douleur qui gonflait son cœur cesse de le tourmenter…
Quatre mille ans…
Cela faisait tellement de temps pour apprendre… Dire qu'il allait devoir se
forcer à survivre tout ce temps, à survivre en tuant des gens, en se
nourrissant de leur sang… Quatre mille ans…
Quatre mille
ans ! Un soudain élan de détresse s'empara du jeune homme. Son cœur
battait follement dans sa poitrine, et il était même surpris de l'entendre
battre. Après tout, le sang circulait encore dans son corps, il fallait bien
irriguer son cerveau. Il avait toutefois toujours cru que les vampires
n'avaient pas de pouls…
La seule
différence était qu'il entendait parfaitement chaque battement de son cœur.
Chaque battement. Et à chaque fois, il avait l'impression de sentir le sang
cogner contre ses tempes, avec une telle violence qu'il lui semblait que ses
artères allaient éclater…
Il crispa la main
sur sa poitrine et tout son corps se tendit. Il perçut bientôt les bras
réconfortants de Volkh entourant son torse et il serra les mâchoires, fermant
très fort les yeux, essayant de se concentrer sur la voix basse, grave, lente
et douce qui lui murmurait à l'oreille des mots rassurants.
« Lorsque tu es mort », expliqua Volkh au bout d'un moment, « ton cœur s'est arrêté de battre, mais il a repris son battement car je t'ai redonné de mon sang… Il arrivera souvent dans ta vie que ce cycle recommence… En particulier si tu décides de te mettre en sommeil… »
Il se tut
quelques instants. Harry n'avait pas l'air d'arriver à se calmer. Il savait que
plus son disciple s'énerverait, plus son sang pulserait vite, et plus il aurait
mal à la tête. Les vampires s'habituaient très vite mais certains supportaient
mal l'intrusion de pensées autres que les leurs dans leur tête, et si un Adra
et son Ardetha ne pouvaient plus communiquer par l'esprit une fois leur lien
réalisé, le jeune homme devait entendre des choses qui se passaient à plusieurs
kilomètres de là…
Volkh observa le
profil torturé de son disciple. Le nez fin et très légèrement arqué, la peau
déjà si pâle, les longs cils noirs…
Il sourit et
laissa glisser ses lèvres le long de la joue du jeune homme. Le frisson qui
ébranla son disciple le réjouit au plus haut point. Si réceptif…
Cette créature
serait sienne – elle lui était due –, et peut-être serait-il un peu moins
patient qu'il se l'était promis avant de le voir, avant de l'entendre. Le jeune
homme était décidément de plus en plus intéressant. Il n'avait rien connu de si
captivant depuis…
Oh, oui… Cette
créature ferait son bonheur…
Les vampires
partageaient avec leurs disciples des liens souvent plus forts que de Maître à
élève. Harry devait être au courant de cette partie. Ce n'était pas obligatoire,
mais c'était le cas la plupart du temps. Certains maîtres prenaient même leur
rôle jusqu'au bout et se servaient de leur disciple comme d'un jouet sexuel.
Réflexion faite, beaucoup d'Ardetha étaient réduits en esclavage sexuel auprès
de leurs Maîtres. Dans ce type de relation, il était vrai que l'Adra dominait
le plus souvent, et ils appréciaient particulièrement les jeux qui faisaient
intervenir le sang et la souffrance.
Volkh n'était pas
comme ça. Il avait déjà eu des amants – qu'il n'avaient pas transformés ou qui
étaient déjà vampires – mais il n'avait jamais dispensé de tels traitements, à
moins que ses partenaires ne lui aient expressément demandé. Il prisait
davantage le contrôle total, le fait que ses amants soient dans ses bras, sous
lui, les créatures les plus responsives et les plus vulnérables du monde.
Très peu de
maîtres restaient avec leurs disciples une fois que ceux-ci avaient atteint le
stade d'Elder. Ils pouvaient rester des amis très proches, et se réunissaient
parfois. Mais ce qu'Harry ne devait pas savoir, c'était que certains vampires
entretenaient un lien amoureux avec plusieurs de leurs confrères. Dans ce cas
très précis, qu'ils nommeraient plus tard « Polyamori », les
partenaires étaient liés par le sang qu'ils partageaient pendant leurs
étreintes, ce qui les rendait plus fort ; ils formaient une espèce de
petite communauté au sein du clan, chaque membre veillant sur les autres, ce
qui était un atout non négligeable dans un monde ou vos propres frères étaient
prêts à vous sauter à la gorge pour s'accaparer votre puissance.
Ce genre de
relation était malléable, en ce qu'il pouvait intégrer ou exclure une ou
plusieurs personnes à certains moments. Lorsque l'un des membres en ramenait un
nouveau, celui-ci était généralement bien accepté car le groupe formait un
tout. Lorsqu'il finissait par se diviser, les membres, aussi surprenant que
cela puisse paraître, restaient solidaires et pouvaient toujours compter les
uns sur les autres…
Volkh soupira.
« Viens Harry. Tu dois avoir soif… »
Harry ne put empêcher un sourire affamé de s'étaler sur son visage. Un sourire qui s'effaça aussi brusquement qu'il était venu, laissant place à de l'amertume.
Le jeune homme baissa la tête et son Adra baisa son front pour tenter de le réconforter.
« Tu n'es pas un monstre Harry. Crois-moi, nous ne sommes pas des monstres… »
Le novice se dégagea doucement des bras de son Mentor pour se rasseoir sur son lit minéral.
« Je me rappelais juste… le sang… »
Il secoua la
tête. Il avait eu le même problème pendant son entraînement d'Auror. Pour
apprendre à se défendre, il fallait parfois faire des sacrifices. Il avait
appris à utiliser un certain nombre d'armes et de sorts, et portait sur son
corps un lacis de cicatrices qui témoignaient de combats passés avec ses
confrères.
A chaque fois
qu'il voyait le sang couler, que ce soit sur son corps ou sur celui d'un autre,
il se rappelait la nuit de la mort de Diggory.
Il s'était
habitué, à la longue. Cependant, il associait toujours vaguement les traînées
rouges sur son bras au décès de son camarade et à son impuissance ;
c'était néanmoins suffisant à le faire douter de lui-même et durant les
quelques secondes de doute, on s'arrangeait pour lui donner un coup qui
pourrait s'avérer fatal…
Il ne comprenait
pas comment il avait pu supporter de boire le sang de son Adra, de voir les
gouttes rouges couler sur sa bouche, et à en être excité. Il rougit à la
pensée. Cela devait être un « truc » de vampire…
Volkh sourit de
nouveau et s'accroupit à ses pieds, levant vers lui ses profonds yeux noirs. Il
lui saisit doucement les mains. Harry fut bien obligé de le regarder.
« Harry… Il te faut boire… Tu n'es pas un monstre, quoi que tu puisses penser… Et tu as besoin de ce sang pour vivre, Harry… tu te souviens de ce que tu m'as dit tout à l'heure ? »
Sa voix était douce et caressante, mais elle était aussi tranchante, comme une lame de rasoir. Le grand brun répéta.
« Tu te
souviens ?
J'ai dit qu'il fallait
que je m'excuse… et que je tue ce sorcier… »
L'Adra eut un sourire satisfait et se leva, le tirant par la main.
« Bien. Allez viens… »
Voyant qu'Harry hésitait encore, Volkh se retourna vers son novice.
« Tu es quelqu'un d'autre, maintenant, Harry. Je sais que tu voulais changer depuis longtemps… Que tu en avais assez que l'on se serve de toi… Plus personne ne se servira de toi maintenant… Personne n'osera… A part peut-être Lilith mais un jour tu dépasseras sa volonté… Tu en as le pouvoir… Pour le moment, tu vas simplement devoir apprendre à accepter ta nouvelle nature… Accepte ce que tu es si tu ne veux pas devenir fou… »
Harry le fixait intensément, et un léger sourire vint se dessiner sur ses lèvres.
« Je n'ai pas vraiment le choix, n'est-ce pas ? »
Un large sourire vint éclairer le visage de Volkh.
« Tu apprends vite, Harry Potter… »
Ce soir-là, Harry
participa à sa première chasse. Ils étaient allés assez loin dans les bois et
son Adra lui avait indiqué un certain nombre de choses. C'était la première
fois qu'il ouvrait sur le monde ses yeux de vampires et c'était absolument
fascinant. Il n'aurait jamais cru voir et entendre des choses aussi belles.
Chaque arbre, chaque pierre même semblait animé de vie…
Et puis la Soif
surpassa son émerveillement, et Volkh dut le sentir parce qu'il lui montra à
cet instant précis l'endroit où il devrait l'enrayer – temporairement…
Volkh contempla les
yeux verts de son disciple. Les veines du jeune homme apparaissaient sous sa
peau ; il se demanda comment il avait pu tenir aussi longtemps à admirer
la nature alors qu'il souffrait d'une faim pareille…
Le jeune homme ne
portait pas encore les vêtements qu'il revêtirait à Kultha, la
« capitale » de Lilith. Il devinait qu'ils ne seraient pas tellement
au goût du jeune homme. Et si lui apprécierait de le voir dans cet…
« uniforme », en privé, il n'aimerait pas le fait que tant d'autres
personnes auraient de la même manière la possibilité de le voir dans cet
accoutrement…
Il sourit en
regardant le jeune homme habillé à la mode des gens de cette époque, dans ce
pays, vêtus de tissus grossiers et de capes parce que c'était l'hiver…
Amusant. Le jeune
homme regardait partout, comme un nouveau-né… Ce qu'il était d'une certaine
manière. Il était plutôt enthousiaste pour le moment. Sans doute le serait-il
moins quelques instants plus tard.
« Harry… Il est temps… »
Volkh avait repéré une maison quelques jours plus tôt. Le sang de personnes âgées était moins bon, mais elles se débattaient moins facilement. En outre, Harry aurait sans doute moins de mal pour sa première chasse – sans compter le fait qu'il s'était déjà nourri, inconsciemment, dans leur abri – si sa victime était déjà au seuil de la mort…
C'était
psychologique, mais Volkh se souvint avoir été malade lorsque, pour sa première
fois, Lilith l'avait forcé à prendre la vie d'un enfant de quatre ans… Malade
des semaines durant… simplement parce qu'elle voulait le rendre plus fort…
Mais malgré sa
qualité et son talent en temps que guerrier, cela avait été presque au-dessus
de ses forces… D'autant qu'il n'avait pas été à l'époque assez puissant pour
résister aux injonctions de Lilith…
Il soupçonnait
leur « Mère » d'avoir voulu lui faire passer un test puisqu'il était
devenu et resté son favori après cela… il devait l'avoir brillamment réussi.
Toutefois, il ne
voulait pas cela pour Harry. Il sentait en le jeune homme beaucoup de forces,
mais aussi une grande faiblesse… Assassiner une vieille femme qui a vu mourir
son époux et ses enfants, c'était comme lui apporter enfin la paix… mais un
enfant ou quelqu'un qui a une famille…
Personne ne
devrait être obligé de commettre une telle atrocité… Jamais…
Et c'était
pourtant ce qu'ils étaient condamnés à faire tous les soirs de leur vie…
Heureusement pour lui, et pour le prolongement de la race humaine, il avait
depuis longtemps cessé d'avoir Soif aussi régulièrement mais il allait s'écouler
du temps avant que Harry ne devienne comme lui un Elder…
Ils s'étaient arrêtés devant la maison, derrière les fourrés. Volkh jeta un signe de tête en direction de la bâtisse.
« Ferme les yeux… Peux-tu sentir où elle se trouve ? »
Harry fronça les sourcils. Elle. Bien. Sa première victime – enfin, sa première victime officielle – était une femme… Les femmes et les enfants d'abord mais… les yeux verts scrutèrent un moment ceux de son Mentor, avant qu'il ne les tourne de nouveau vers la demeure, l'air grave. Il fronça un peu plus les sourcils, l'air grave. Il soupira.
« Ecoutez, Adra… Je ne suis pas sûr de supporter ça… »
Les sourcils de Volkh s'arquèrent. Il afficha un air surpris.
« Pourquoi
cela ?
Le sang… Mes
seuls rapports avec le sang… mes seuls souvenirs… ça c'est mal passé… que ce
soit de voir du sang couler sur les champs de bataille, ou mon sang que… »
La voix d'Harry
se tarit brusquement. Le jeune homme baissa la tête avec un air qui frisait le dégoût
profond. Volkh savait que quelque chose travaillait Harry, qu'il avait sans
doute vécu quelque chose d'horrible et peut-être que son sang en avait été la
cause. Sans doute cela avait-il un rapport avec ce qu'il avait vu dans ses
souvenirs et ce que Harry lui avait dit plus tôt. Quant à savoir ce que son
Ardetha en pensait vraiment…
Malheureusement,
il ne pourrait pas attendre que son disciple se décide à parler. Il tendit la
main pour lui presser doucement l'épaule, avec un petit sourire triste mais
compréhensif.
« Ferme tes yeux, conseilla encore l'Adra. Cela t'aidera à te concentrer… »
Harry soupira et
fit comme on lui demandait. Après tout, il avait toujours fait ce qu'on
attendait de lui. Il n'avait jamais été qu'un pantin. Aux mains de Dumbledore.
Occasionnellement, surtout dans sa Cinquième Année, aux griffes de Voldemort.
Et maintenant, c'était le tour de Volkh et Lilith. Il avait baissé les bras il
y a très longtemps et il s'opposait à très peu de choses maintenant. Ce n'était
pourtant pas l'envie qui lui manquait.
Une image lui
apparut au bout d'un moment, comme gravée sur l'intérieur de ses paupières. Il
ne voyait qu'une ombre, une ombre entourée par une lumière blanchâtre et
vacillante, qui devait provenir d'une lampe derrière elle. L'ombre se déforma
petit à petit, et il aurait juré voir des sillons rouges se dessiner sur elle,
serpenter sur son corps, plus brillants que la lumière protectrice qui
l'enveloppait et qui semblait battre lentement, et Harry réalisa soudain qu'il devait
s'agir de ses vaisseaux sanguins…
Volkh vit son
disciple tomber à la renverse en ouvrant de grands yeux clairs – trop clairs –
vers le bâtiment. Un léger sourire vint ourler ses lèvres et il tendit la main
à Harry pour essayer de le relever, de le mettre debout plutôt qu'il ne reste
par terre avec le postérieur dans la boue… C'était mignon, mais assez
disgracieux…
« Elle t'attend », annonça-t-il. « Viens… »
Harry déglutit
lentement. Il savait que cela n'allait pas lui plaire. Cependant, cela faisait
partie des choses de sa nouvelle vie qu'il ne pourrait éviter…
Il soupira et
suivit son Adra qui avait déjà commencé à se diriger vers la porte. Avant de la
pousser, Volkh l'arrêta en levant le bras.
« Rabats ton capuchon », ordonna-t-il.
Une nouvelle fois, Harry obtempéra et,
plongeant sous le bras encore tendu de son « professeur », poussa la
porte, pénétrant dans la demeure.
Il regarda
autour de lui. La maison respirait la tristesse et la mélancolie. La nostalgie
des lieux le gagna peu à peu. Il secoua la tête. Que faisait une femme, à vivre
toute seule, loin d'un village ?
Il chassa ses
pensées et monta l'escalier rudimentaire qui menait à l'étage. La femme
sursauta en le voyant, ouvrant de grands yeux brillants, avant de se relaxer.
Harry se demanda vaguement si son Adra y était pour quelque chose…
« Ah, alors vous êtes enfin venu me prendre, n'est-ce pas ? »
La voix était
fatiguée, si fatiguée…
Harry se
retourna, mais n'aperçut pas son Mentor. Il fronça les sourcils, et pénétra un
peu plus loin dans la pièce… De plus près, il vit qu'il s'agissait d'une
vieille dame. Mais il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'elle disait. La
vieille femme souriait, sereine, et pourtant le jeune homme avait la sensation
qu'elle savait ce qui l'attendait.
« Eh bien, vous allez m'emporter près de mon époux, n'est-ce pas ? »
Harry pencha encore un peu la tête, un peu troublé. Il avait maintenant l'impression de comprendre la globalité de ce que lui disait la femme. Il s'approcha encore, jusqu'à être à côté d'elle. Elle tendait les bras vers lui. Elle respirait avec difficulté.
« C'est bizarre… J'aurais cru voir un grand homme à la barbe blanche, avec une charrette transportant déjà une dizaine d'âmes, mais je ne vois qu'un jeune homme apeuré… »
Harry, subjugué par le réseau de veines qui se dessinaient sous sa peau, saisit doucement les mains que lui tendait la femme, et s'agenouilla devant elle, avec une lenteur irréelle. Le capuchon de son manteau ne le cachait plus à présent. Il leva les yeux vers elle. Elle sourit. Sa victime…
« Je t'ai attendu longtemps, tu sais ? »
Harry fronça légèrement les sourcils, l'observant de son regard clair. Il pouvait sentir ses émotions. Il pouvait même comprendre certaines de ses pensées, et il n'avait pas envie d'envahir son intimité, mais elle le forçait à le faire…
« Tu n'as pas besoin d'attendre si longtemps, tu sais… Fais ce que tu as à faire… »
Harry
comprenait, d'une certaine manière, même si cette langue lui était étrangère.
Il avait soif, et puis cette vieille femme désirait mourir. Elle était seule,
apparemment, depuis longtemps, et s'ils avaient été à leur époque, il y aurait
sans doute un peu partout des photos de son défunt mari… ainsi sans doute que
d'autres membres de sa famille…
Il se leva
légèrement, la main de la vieille dame toujours dans les siennes… Si seulement
elle pouvait s'endormir un peu…
« Tu n'as pas encore l'expérience suffisante pour la faire s'endormir », chuchota une voix dans son oreille.
Harry
sursauta ; il crut mourir de peur. Mais encore une fois, ça lui serait
difficile maintenant…
Il fit un
sourire embarrassé à son Adra, qui lui retourna la politesse, d'un air amusé
plus qu'autre chose, ce qui mit quelque peu le jeune homme en colère. La femme
pouvait les voir et les entendre et…
« Elle dort », expliqua Volkh, comme s'il avait deviné ses pensées…
En fait, depuis
que le Gryffindor était son Ardetha, Volkh ne pouvait plus lire son esprit, ni
Harry le sien. Néanmoins, il avait toujours été un excellent observateur et les
jeunes novices étaient prévisibles ; ils étaient pour les plus anciens
comme un livre ouvert… Le jeune sorcier était particulièrement lisible, comme
si son crâne n'était qu'une mince couche de cristal, laissant à découvert
toutes ses pensées les plus intimes…
Le fait était
que Harry, malgré les apparences, ressemblait énormément à ce qu'avait été
Volkh. Un jeune homme avec des principes, mais désillusionné par la vie, et
déçu par ce qu'il était ou ce qu'il était devenu, ce que l'on attendait de lui
tout au moins… Déçu aussi parce qu'il n'avait jamais eu de vie à lui, déçu
parce qu'il avait commis des erreurs irréparables…
Le sourire de
Volkh se fit plus tendre et il tendit la main pour caresser la joue de Harry,
qui, à sa grande surprise, se laissa faire, fermant même les yeux et
approfondissant le contact…
Pas si
transparent que cela, finalement...
Il lui tardait que
Harry soit prêt, car il avait besoin d'un contact plus intime… mais le brusquer
ne ferait que briser sa confiance…
Volkh déglutit
et enleva sa main. Les yeux du jeune vampire s'ouvrirent lentement, il le fixa
intensément pendant un moment. Puis, avec une lenteur tout aussi insoutenable,
le jeune homme porta à ses lèvres le poignet de la femme, déchira les chairs de
ses incisives et de ses canines, ses dents de vampires n'ayant pas encore
poussées…
L'Adra contempla
son élève, fasciné, alors que les couleurs de la vie, ôté à la vieille femme,
recoloraient doucement ses joues encore pâles, et que ses lèvres, les
premières, se gorgèrent de sang, se teintant de rouge… Les yeux verts,
s'assombrissant au fur et à mesure que la Soif était étanchée, étaient baissés,
concentré que le jeune homme était sur sa tâche. Volkh le trouva tout
simplement magnifique… A vrai dire, il n'avait encore jamais vu une aussi belle
chose sur terre… Certes, le fait qu'ils avaient un lien de Sang le rendait
forcément irrésistible aux yeux de son Adra, mais Harry était-il seulement
conscient d'être aussi attirant, ne serait-ce que pour Volkh ?
Volkh aurait
tout donné pour savoir ce qui avait traversé l'esprit de Harry à ce moment-là. Au
moment où il l'avait longuement observé après que son Adra eût posé la main sur
la joue du jeune homme. Mais Harry ne disait rien, et il n'était pas prêt à le
demander…
Le sorcier avait
semblé légèrement confus lorsque Volkh avait hissé le corps sans vie sur ses
épaules. Là encore, néanmoins, il n'avait rien dit. Volkh savait pourtant que
ce n'était pas une chose souhaitable, et encore moins une habitude à prendre.
Harry avait besoin de savoir un certain nombre de choses, de l'interroger sur
ce qui le tourmentait, et pour que son Adra lui réponde proprement, pour qu'il
lui soit d'une aide quelconque, encore fallait-il que le jeune vampire lui pose
ses questions…
Ils étaient
rentrés dans leur abri. Il s'agissait en fait d'une cavité naturelle où Volkh
avait facilement arrangé certaines salles en lieux de vie – ou de mort. Il
n'avait creusé que dans certaines pièces et ce pour figurer un élément du
« mobilier ». Il avait aussi rajouté des portes en bois – enfin ce
qui figurait des portes… Certaines pièces semblaient avoir été aménagées bien
antérieurement, comme si ces grottes étaient des vestiges d'habitations
troglodytiques…
En descendant
dans les profondeurs, Volkh se demanda vaguement pourquoi le jeune homme était
si silencieux. Cela ne disait rien de bon. Il se tournait parfois, le cadavre
encore sur ses épaules, mais Harry marchait la tête basse. Il n'avait rencontré
qu'une seule fois les yeux redevenus émeraude, et ils étaient voilés par une
expression indéfinissable, mêlant entre autres le doute au remords et à la
satiété. Harry avait presque aussitôt détourné le regard pour le porter sur le
sol. Il ne disait strictement rien.
Le Mentor
soupira en arrivant près d'une porte au fond d'un couloir. Il aurait préféré
éviter cela dans un premier temps mais… après tout, il fallait que Harry
réalise…
Le jeune homme
avait froncé le nez dès son arrivée dans le couloir mal ventilé. Volkh sourit à
cela. Il apprenait à se servir de ses sens malgré lui. Il savait que ce n'était
pas une odeur agréable, surtout pour un vampire, mais il ne pouvait faire
autrement. Il était surpris par la bravoure du jeune homme. Ce genre d'odeurs
avait l'habitude de faire fuir un vampire en sens inverse, et l'Elder lui-même
avait toujours du mal à pousser la porte. Il pouvait sentir les hésitations du
jeune homme derrière lui, l'entendait à sa respiration hachée, et il était
plein de pitié pour lui, mais il fallait qu'ils entrent…
Il poussa la
porte d'un coup de pied et rassembla ses forces pour supporter le relent pestilentiel
de la salle. Harry était tombé derrière lui, une main sur le visage. Volkh
pénétra dans la pièce et déposa sans douceur le cadavre de la vieille à côté de
la dernière victime qu'Harry avait faite pendant son sommeil, une jeune
prostituée… Elle gisait sur le sol, les yeux tournés vers le ciel, la gorge
lacérée par les dents peu coupantes du jeune homme. Les cheveux blonds qui
tombaient devant son visage étaient souillés par le sang et la sueur. Elle
s'était débattue avec beaucoup de force, criant pour qu'on lui laisse la vie
sauve… Mais un vampire endormi, qui avait Soif, n'était pas vraiment en mesure
d'écouter ses prières…
Elle n'était pas
dans le plus mauvais état… La première victime de Harry, l'homme d'un couple de
voyageurs perdus dans la forêt, que Volkh avait repérés peu de temps après être
sorti à la recherche de nourriture pour son jeune disciple, qu'il avait séduit
et conduit dans leur demeure, avait eu la tête arrachée à force de se débattre…
Comme Harry n'avait pas fini son « repas », Volkh lui avait fait
boire un peu du sang de la femme qu'il avait déjà drainée lui-même pour
recouvrir ses forces…
Volkh, faisant
une brève moue en pensant vaguement que ces hommes et ces femmes n'étaient plus
en quelque sorte que des bouteilles vides, s'accroupit à côté du jeune homme
qui faisait son possible pour ne pas régurgiter le sang qu'il avait absorbé. Il
voulut caresser les cheveux du novice mais celui-ci sursauta tellement que son
Mentor renonça.
« Ardetha,
regarde la réalité en face…
Non,
non… »
Le jeune homme se tordait sur le sol, respirant par saccades, et Volkh ne savait que trop bien ce qui se passait dans sa tête à ce moment-là.
« Harry… »
Le sorcier ne répondit pas, ne bougea pas, recroquevillé sur le sol froid dans une position fœtale. Son Adra soupira et caressa d'une main plus sûre les cheveux de Harry, qui tressaillit, d'inconfort cette fois…
« Harry, il faut que tu regardes, il faut que tu vois ce qu'ils sont et ce que tu es… Ou plutôt ce que tu n'es plus… »
Le jeune homme
avait le cœur serré et il sentait un liquide un peu collant couler le long de
ses joues. Il rouvrit les yeux ; sa vision était troublée par un voile de
couleur rouge. Grimaçant, il porta la main à sa joue et découvrit avec stupeur
que ses larmes étaient un mélange de liquide lacrymal et de sang. Il leva enfin
le regard vers son Adra, qui lui sourit d'un air compréhensif, et se pencha
pour le faire se rasseoir, le prenant contre lui.
Harry trouvait
le réconfort que lui apportaient les bras de cet homme assez étrange. Il
n'avait jamais rien expérimenté de pareil, et l'habitude qu'il prenait à
laisser quelqu'un le prendre dans ses bras était inquiétante par sa rapidité,
mais il ne se sentait pas la force de repousser cet être qui prétendait lui
avoir fait don de la vie éternelle – ou d'une éternité de souffrances.
Il avait évité
le contact humain pendant la majorité de sa vie, même s'il avait faim de cette
affection… Il n'avait jamais vraiment aimé qu'on le touche… sans doute à cause
des Dursley qui lui avaient répété qu'il était sale et qui ne l'avaient jamais
touché que pour le frapper, lorsque Vernon rentrait ivre après une soirée au
pub trop arrosée… Sa tante n'aurait jamais commis un tel acte, bien entendu,
mais elle n'avait jamais rien fait non plus pour empêcher Vernon de le rosser
jusqu'à ce qu'il en soit malade – mieux valait, après tout, Harry que Dudley,
même si la simple idée que l'on puisse battre quelqu'un, même
occasionnellement, l'horripilait. Vernon savait cependant se retenir lorsqu'il
allait devoir inviter quelqu'un, ce qui offrait à Harry quelques jours de
répit. Un neveu battu – même si Harry était rarement présenté comme un neveu,
lorsqu'il l'était –, ou incapacité par des coups trop douloureux, même si invisibles
aux personnes qui n'étaient pas au courant, faisait trop mauvaise impression
sur les visiteurs…
Bizarrement,
cependant, son Adra lui apportait un réconfort réel, qu'il ne parvenait pas à
refuser… Un réconfort qu'il n'avait ressenti qu'une seule fois dans sa vie,
quand une personne l'avait pris dans ses bras un soir, à la fin de sa septième
année, alors qu'il était rentré à Hogwarts à demi inconscient, suite à une
attaque du Dark Lord, qui s'était soldée par un match nul… Harry ne savait pas
qui l'avait pris dans ses bras, et il ne voulait pas savoir. Il savait juste
que ce n'était pas quelqu'un qui l'avait déjà touché auparavant. Il s'était
réveillé seul à l'infirmerie. Enfin, avec Madame Pomfrey, mais malgré le fait
qu'elle s'était toujours vraiment inquiétée pour lui, elle ne comptait pas
vraiment… Hermione n'était déjà plus là à ce moment-là. Ah, Hermione était sans
doute la seule personne qui avait pu le serrer dans ses bras. Elle ne lui avait
pas vraiment demandé la permission, non plus, mais il se sentait bien avec
elle. Les disputes qu'ils avaient eues ensemble avaient été moins nombreuses et
moins sérieuses qu'avec le rouquin, même si le sujet de ses désaccords avec Ron
avait souvent été très terre-à-terre.
Avec Hagrid ou
Ron, et même Sirius et Remus, il se sentait oppressé, il avait envie de
s'échapper, même si à l'origine, c'était lui qui avait couru dans leurs bras…
Mais il était le
Garçon-qui-a-Survécu, le garçon doré de Dumbledore, et il n'avait pas pu se permettre
de laisser paraître son inconfort aux vues et au su de tous…
Mais là, c'était
différent. Il inspira profondément. Sans doute était-ce le lien qui les
unissait en tant que Maître et Disciple qui lui faisait désirer tellement fort
d'être touché par cet homme. Néanmoins, il appréciait réellement le contact et
il ne lui venait pas à l'esprit l'idée de s'en séparer…
Une main effleura doucement ses joues pour effacer ses larmes. Il soupira puis se dégagea de l'étreinte de son Adra. Que devait-il penser de lui ? Qu'il était faible ? Qu'il ne méritait pas le Don ?
« Regarde », répéta Volkh, d'une voix douce, sans chercher à le reprendre contre lui.
Harry se força à
regarder autour de lui. L'odeur déjà était en elle-même insoutenable ; une
odeur de sang suranné, de corps en décomposition, une odeur qui lui donnait la
nausée, une odeur de mort… Harry doutait fortement qu'il pût soutenir plus que
cela.
Harry garda les
yeux ouverts en essayant de ne pas respirer. Son regard balaya la pièce en un
mouvement circulaire. Il ferma un instant les paupières dans un vain espoir de
refouler ses larmes. Il y avait là une petite quinzaine de cadavres ; le
dernier en date devait avoir quatre mois au moins, ses vêtements étaient en
lambeaux et sa peau grossièrement rougeâtre collait à ses os, la chair semblait
scellée au sol par endroits. Ses yeux étaient tombés de leurs orbites, et,
alors qu'il fixait le visage, Harry vit une espèce de scolopendre sortir du
trou noir… Il frissonna et recula sous l'effet de la surprise, pour butter
contre le corps de Volkh, qui le maintint fermement contre lui. Harry se
concentra le plus qu'il put sur l'appui que lui offrait son Mentor, et se
contraignit à regarder encore…
La plupart des corps avaient été tués assez décemment, ils n'avaient que deux points rouges dans la gorge ; seules neuf dépouilles, dont la vieille femme, semblaient avoir vécu un sort moins agréable… La chair avait été arrachée à coups de dents maladroits. L'un des cadavres n'avait même plus de tête. L'une de ces victimes semblait avoir eu une mort à peu près propre, mais celle-ci portait aussi au cou des traces plus nettes…
Harry soupira lourdement en réalisant qu'il s'agissait de ses victimes…
« Harry », murmura la voix de Volkh derrière lui, « il faut que tu comprennes… Ce ne sont plus que des corps… des enveloppes charnelles… ils n'ont plus d'âme aucune… Des corps vides, des corps qui se putréfient parce qu'ils n'ont plus le souffle de vie pour les animer… Regarde-toi, regarde-nous… Nous sommes morts, mais nous continuons à vivre… L'esprit est le plus important… Tu apprendras à te servir de ton corps, mais tu verras que tu n'es pas mort… pas vraiment… Nous avons recommencé à vivre, et c'est pour cela que nous ne serons jamais comme cela… Harry, comprends-tu ce que je veux te dire ? »
Le jeune vampire tourna le visage pour observer l'Adra du coin de l'œil, puis baissa la tête. Il comprenait, mais ce n'était pas cela qui l'empêcherait d'avoir mal au cœur, et ce à double titre… Il inclina la tête.
« Oui, je comprends… »
Il trouvait cela révoltant… Il se doutait que c'était l'habitude des hommes de l'époque, de laisser les corps dans un souterrain, assis, posés contre le mur… Mais il trouvait cela inconvenant…
« Ne pourrait-on pas les.. brûler ? Ou les enterrer plutôt ? »
Volkh l'observa un moment en silence, avant de secouer la tête.
« Pas pendant quelques temps… J'ai besoin que cela rentre dans ton esprit, même si c'est difficile, et pour cela je devrai les garder encore quelques temps avec moi… »
Il avait été un
peu surpris après ce que lui avait dit le jeune vampire… Brûler les cadavres…
les enterrer… Ils n'avaient jamais fait cela… Apparemment, la leçon n'était pas
rentrée vraiment comme il l'avait souhaité… Il voulait que Harry comprenne
qu'il était devenu quelqu'un d'autre, qu'il n'était plus comme
« eux »… Apparemment, Harry avait bien assimilé cette dernière partie
mais il ne s'était pas refroidi envers ceux qui étaient condamnés à être ses
victimes comme il l'avait espéré…
Les vampires ne
se détournaient jamais complètement de la race humaine, mais le jeune homme
semblait encore trop attaché, et cela ne pouvait créer que des ennuis. S'il ne
surmontait pas son dégoût de tuer, Harry serait malheureux toute sa vie. Sans
compter qu'il finirait bel et bien par perdre la tête et se donner lui-même en
pâture aux autres vampires… Il était différent, il avait l'air de le savoir,
mais il n'avait pas l'air de vouloir admettre qu'il fallait qu'il cesse de considérer
la race humaine comme des égaux, et surtout de s'apitoyer sur leur sort… Les
humains pouvaient être leurs victimes, leurs amants parfois, mais ils étaient
toujours, quoi qu'ils puissent en dire, d'un côté comme de l'autre, d'une
certaine manière, inférieurs…
Il quitta ses
pensées en sentant le jeune homme se grandir un peu dans ses bras, cherchant à
lui faire face.
« Pouvons-nous sortir d'ici maintenant ? »
Volkh lui fit un petit sourire et se dégagea, avant de le prendre dans ses bras. Il savait que le jeune homme était exténué, physiquement autant que moralement. Il abandonna la pièce, refermant doucement la porte derrière lui, marchant prudemment pour que son Ardetha ne soit pas bousculé par le mouvement, sentant son corps s'amollir lentement dans ses bras, regardant vaguement les grands yeux sombres hantés par de nouveaux fantômes…
To be continued…
Notes de fin de chapitre :
Au sujet de la Soif. Tout le monde sait que c'est plus une faim qu'une soif, d'ailleurs le terme anglais que l'on utilise le plus souvent est « Hunger », mais je trouve que la Faim ce n'est pas aussi joli en français, donc j'ai fait une entorse au règlement…
