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CHAPITRE XII

La sortie à Pré-au-lard lui avait quand même été accordée, ainsi que le bénéfice du doute. Aucun professeur n'avait rien dit sur le fait que Draco ait pu vouloir blesser intentionnellement un élève. On pariait sur Potter, bien sûr, alors qu'en réalité, il s'agissait de Joyce-Seaton. Mais sans preuve, personne ne pouvait lui reprocher la moindre petite chose. Les rumeurs allaient bon train et on essayait de se souvenir -ou au pire on inventait- des disputes entre Potter et lui. En fait, il s'en moquait éperdument. Tous les Serpentard étaient derrière lui et même Rogue avait témoigné en sa faveur auprès des autres professeurs. Le lien qui s'était forgé entre eux n'avait jamais faibli, même lorsque le culpabilité de son père avait été quasiment établie. Draco y repensa en souriant. Grâce aux relations haut placées de son père, on n'avait pas pu le mettre en prison et il avait été disculpé. Quelle récompense quand il avait vu la figure de Weasley senior au Ministère!

Il repensa au visage de la minette quand il lui avait foncé dessus à toute vitesse. C'était jouissif tellement la peur qu'il avait aperçue sur son visage s'y était incrustée. Mais elle l'avait amplement mérité! Ça, il n'avait pas apprécié le fait qu'elle l'insulte et le traite comme un moins que rien! Il n'était pas un homme à prendre à la légère! Et si, après ça, elle n'avait pas compris, il lui faudrait alors être un peu plus explicite…

Crabbe et Goyle tentaient de maintenir le rythme rapide de marche de Draco. Celui-ci avait, entre autres, une devise: le temps, c'est de l'argent. Autrement dit, en employant bien son temps -et son argent- , il pourrait réaliser de grandes choses. Et il avait bien l'intention de profiter de la sortie de Pré-au-lard pour pourrir la vie à Potter. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas asticoté, celui-là. Il parcourut le village dans l'espoir de le localiser rapidement. Il déambula ainsi longtemps mais ses recherches demeurèrent vaines. Mais, à sa grande déconfiture, ce fut Joyce-Seaton et Jordan qu'il croisa, au carrefour de la rue principale. La jeune fille lui décocha un regard glacé et Draco lui renvoya en retour un sourire sardonique. Il était sûr que Jordan n'était pas au courant de leurs cours. Pendant un court instant, le monde s'arrêta et leurs deux regards se mesurèrent et se défièrent. Puis la réalité reprit ses droits et ils continuèrent leurs marches chacun de leurs côtés.

Draco, Crabe et Goyle venait de tourner le coin quand ils entendirent des cris provenant de la rue qu'ils venaient de quitter. Fronçant les sourcils, le Serpentard fit rapidement demi-tour et son sang ne fit qu'un tour. À ses côtés, ses compagnons s'étaient momentanément figés, observant une bande de personnes encapuchonnées de noir. Des Mangemorts! Par l'enfer! Mais que faisaient-ils ici? Comment se faisait-il que Draco n'était pas au courant de leur « excursion »?

Les Mangemorts levèrent leurs baguettes et les pointèrent en direction des nombreux élèves présents dans la grand-rue. Les cheveux du Serpentard se dressèrent sur sa tête. Il savait quel sort ils allaient lancer. Il tourna la tête, instinctivement. Joyce-Seaton était dans leur ligne de mire. Non! Il n'allait pas les laisser faire ça! Sans y réfléchir à deux fois, il se précipita. Le Mangemort en face d'eux prononça son sort. Tout se joua à quelques quarts de seconde.

Draco empoigna la jeune fille et la jeta à terre. Il entendit la voix.

« Avada Kedavra! »

Jordan tomba. Draco se sentit frémir. Et glacé jusqu'aux os. S'il n'avait pas été là, ç'aurait été elle qui subissait le sortilège. Mais alors, elle le repoussa violemment. Sa tête cogna contre le mur d'un magasin.

« LEEEE! »

C'était un cri tellement déchirant que ça remua Draco jusqu'aux entrailles. Il la vit se précipiter sur le corps sans vie de Jordan.

« NOOON! Ce n'est pas possible… Lee! Lee! Je t'en supplie, réponds-moi! » sanglota-t-elle en secouant le Gryffondor par les épaules.

Les yeux de Jordan restaient fixes, regardant quelque chose au loin que Thia ne percevait pas. La Mort. Soudain, Draco se secoua et se releva. Il devait absolument faire quelque chose! Le jeune homme réagit au quart de tour. Était-elle stupide? Il venait de la sauver de leurs griffes et elle se fourrait droit dans leurs lignes de mire! De tous côtés, c'était le carnage! Il voyait les corps tomber les uns après les autres, frappés par les sbires de Voldemort. Fermement, il la saisit par le bras. Elle se retourna et le gifla. Le Serpentard se retint de ne pas lui rendre la pareille.

« C'est de ta faute! Je suis sûre que tu le savais! » lui cracha-t-elle au visage, haineuse.

Elle délirait. Draco fit appel à toute sa force et l'arracha au cadavre de son petit ami. Elle se débattit mais il la tenait solidement. Il l'envoya contre le mur. La violence du choc l'estourbit quelques secondes.

« Calme-toi, idiote! » intima-t-il de sa voix la plus sèche et autoritaire. « Si on veut s'en sortir, on doit se faire discrets! »

Ou elle ne l'écouta pas, ou elle ne le comprit pas. Draco vit soudain son regard se voiler et sa figure se contracter sous la rage. Elle venait de repérer, malgré les capuches qui recouvraient le visage des Mangemorts, celui qui avait tué Jordan.

« Non! » ordonna Draco, en vain.

Elle lui fila un coup dans l'estomac qui le fit se plier en deux puis, sans perdre de temps, elle sortit sa baguette et fonça en direction du Mangemort, en plein milieu du massacre. Les yeux de Draco s'agrandirent de frayeur. Cette fille était totalement suicidaire. Il courut pour la rattraper, tout en prenant lui aussi sa baguette. Et pria pour que les Mangemorts reconnaissent en lui le fils de Lucius Malfoy et ne le tuent pas. Enfin, il repéra Thia. Elle s'était faite acculer dans une ruelle par trois Mangemorts et l'assassin de Jordan ricanait d'une manière effrayante en l'observant. Le visage de la Gryffondor reflétait la haine et la peur. Elle n'avait aucun moyen de s'enfuir. Il ne lui restait qu'à faire face. Draco craignit que rien ne soit possible pour la sortir de là. Non! Il ne pouvait pas la laisser se faire tuer! Mais que pouvait-il faire? Il n'allait tout de même pas se jeter sur eux! Son père se trouvait peut-être là, parmi eux! Quelle honte ça serait pour lui…

Il recula dans l'ombre.

L'honneur de la famille avant tout. Désolé, Joyce-Seaton.

Le Mangemort qui venait de tuer Jordan ria à nouveau et ce rire familier transperça le cœur de Draco. Il connaissait la plupart des sorciers formant le groupe des Mangemorts, ces hommes et ces femmes à la solde du Lord Noir. Et il savait à qui appartenait cette voix. Il s'enfonça plus profondément dans l'ombre, jetant un coup d'œil à ses arrières, afin de ne pas être victime de l'Avada Kedavra dans le dos. Ç'aurait été une fin fort peu glorieuse pour le dernier des Malfoy…

Tout en fuyant ainsi à pas de loup, les ongles du Serpentard lui rentrèrent dans les paumes. Ce fut plus tard qu'il découvrit avec stupeur que du sang coulait des blessures.

Lâche! Lâche! lui répétait inlassablement sa conscience.

Je dois penser à mon avenir et à celui de mes parents! objectait l'orgueil familial.

Son père n'avait pas été acquitté facilement. Ce n'était pas Draco qui allait le remettre en tôle. Vaincu, il recula définitivement pour ne pas voir le visage de Thia quand elle mourrait.

Soudain, des éclairs de lumière bleue transpercèrent le ciel. Draco tourna si brusquement la tête qu'il craignit de s'être démis le cou. Les professeurs étaient arrivés et ils luttaient férocement contre les Mangemorts. McGonagall le bouscula sans le voir et se précipita vers la ruelle, suivie de près par le petit professeur Flitwick. Draco inspira et se rendit compte que cela faisait une bonne minute qu'il retenait sa respiration. Ils allaient peut-être la sauver, en fait. Il s'avança pour distinguer ce qui se passait mais une main ferme le retint en arrière. Il regarda le possesseur de cette main. Rogue.

« Vous allez bien, Malfoy? »

Les yeux vides, Draco fit oui de la tête mais désigna la ruelle dans laquelle avait disparue les deux professeurs. Des éclairs verts et bleus en jaillissaient à présent. Ça avait l'air de barder. Rogue n'hésita pas et alla porter secours à ses collègues. Draco resta là, bras ballants, ne sachant pas quoi faire. Il se sentait inutile. Il entendit autour de lui des 'pop'. Les Mangemorts désertaient le terrain. Lorsque tout danger fut écarté, Draco se ravança pour voir le spectacle. Une tornade aux épais cheveux marrons et courts fit alors irruption, l'attrapant sauvagement par le bras.

« Draco, Salazar, tu es vivant! » s'exclama Pansy Parkinson en le serrant contre elle.

Draco la regarda sans la voir. Que tout ça lui semblait futile!

« Oui, oui, je vais bien… » fit-il d'un ton fatigué, tout en passant une main sur son front.

Quand il retira sa paume, elle était luisante de sueur. Et de sang.

« Mais tu es blessé! » s'écria Parkinson.

« Juste la paume, rien de grave. » répondit-il d'un ton atone.

Pansy le fixa d'un air méfiant. Elle avait senti qu'il lui cachait quelque chose. Mais s'il ne disait rien, ça n'était même pas la peine d'essayer de lui tirer les vers du nez. Le Serpentard fixa la ruelle, attendant un miracle. Ou peut-être le pire, il ne savait pas.

« Bon Dieu, pourquoi n'étions-nous pas au courant! » jura-t-il.

Pansy prit un air dur.

« Je n'en sais pas plus que toi, Draco. Ils sont inconscients. Nous aurions pu être tués! »

Draco accusa le coup sans rien montrer. Pansy ne parlait que d'eux, les Serpentard, et ne daignait accorder un regard aux autres sorciers qui étaient étendus sous ses yeux. Seul son sort l'intéressait. Une vraie Serpentard. Impitoyable. Il sourit intérieurement. Ne l'était-il pas, lui aussi? Pourtant, il s'était précipité au secours d'une élève. Et pas n'importe laquelle! Une Gryffondor! Encore, si ça avait été une Serpentard…Mais une Gryffondor! Qu'est-ce qu'il lui avait passé par la tête? Elle ne signifiait rien pour lui.

Crabbe et Goyle étaient restés plantés plus loin, là exactement où Draco les avait laissés, n'osant pas traverser le champ de batailles jonchés de corps en vie ou non. Les Mangemorts ne savaient pas tous pratiquer l'Avada Kedavra à la perfection et quelques élèves se tordaient de douleur.

Pathétique. Ils auraient pu faire un effort. Je suis sûr que j'y arriverais mieux qu'eux. Je maîtrise déjà le Doloris…et facilement en plus…

Draco reporta ses regards vers la ruelle, comme hypnotisé. Enfin, il entendit trois petites détonations. Les derniers Mangemorts venaient de transplaner. Rogue et Flitwick sortirent alors. Draco n'osa pas demander des nouvelles de la Gryffondor, d'abord parce que Parkinson était là et trouverait ça louche, en plus parce que les professeurs se poseraient des questions sur les relations entre Thia et lui (il n'avait aucune envie qu'on commente allègrement sa vie sociale en salle des profs) et parce que Draco Malfoy était censé haïr les Gryffondor.

En les voyant là, à deux, l'air découragé, le cœur de Draco se serra. La petite poule était morte, elle aussi. McGonagall devait être en train de la transporter à Poudlard. Mais ce n'était pas lui qu'elle avait aimé à sa dernière seconde. C'était l'autre. Il avait perdu son pari. Mais pas que ça, il le sentait bien. Elle n'avait pas pu supporter que Jordan meure et elle l'avait suivi dans l'au-delà. C'était ça, l'amour? Ça existait vraiment?

Pansy lui parlait mais il ne comprenait rien. Il crut qu'il allait éclater en sanglots, chose qu'il n'avait jamais faite, du moins depuis ses cinq ans. Ses larmes étaient au bord de ses yeux, prêtes à tomber. Mais il ne lâcherait aucune larme. Il avait sa fierté. Mais qu'était donc la fierté, en fait? Thia venait de mourir.

McGonagall réapparut. Les yeux de Draco s'ouvrirent en grand. Elle était là. Cette petite idiote était vivante! Les profs étaient arrivés à temps! Draco faillit s'étrangler tant il était heureux. Une remarque de Pansy lui fit toucher terre.

« Regarde-moi ces déchets vivants. Cette fille a vraiment l'air d'une écervelée. Se faire coincer comme ça, c'était d'un stupide! Trois professeurs pour elle, c'est décidément trop. »

Draco faillit l'étrangler, elle. Mais il n'en fit rien. Thia venait de poser ses yeux sur lui. Et elle le transperçait d'un regard meurtrier. Elle le rendait visiblement responsable de la mort de Jordan. D'un coup, Draco se sentit blessé à mort. Il la regarda s'éloigner et ravala ses larmes.

Petite garce! pensa-t-il. Mais le cœur n'y était pas. Il se sentait affreusement triste.

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Hé, hé, hé! Avez-vous remarqué le fait que, vers la fin du chapitre, Draco appelle Thia par son prénom?… Le séducteur deviendrait-il séduit?