CHAPITRE XIX
Quand il quitta enfin l'infirmerie et rentra chez lui, Draco vit avec étonnement qu'un attroupement s'était formé dans la salle commune. Il s'approcha avec mauvaise humeur (normalement, les Serpentard auraient dû l'accueillir bras ouverts et, là, ils n'avaient même pas remarqué sa présence!) et entendit des chuchotements. Qu'est-ce que c'était que ce bazar?
Soudain, quelqu'un l'aperçut et les Serpentard se retournèrent alors vers lui, un sourire goguenard aux lèvres, riant sous cape. Ayant un mauvais pressentiment, Draco se contenta de les darder d'un regard méprisant et de hausser un sourcil interrogateur. Il ne s'abaisserait certes pas à demander à l'un ou l'autre des explications!
« Tiens, tiens… Mais qui voilà… » dit la voix détestablement reconnaissable de Zabini. « Le garçon mis à terre par une fillette… »
Draco grinça des dents. L'autre Serpentard en profita pour remuer le couteau dans la plaie.
« Jeté par cette même fille. Une Gryffondor, les amis… (il y eut quelques rires sardoniques) Malfoy! Draco Malfoy jeté par une Gryffondor! Qui perd conscience après le coup de cette mioche… Il faudrait peut-être la remercier, hein Malfoy? Elle nous a ouvert les yeux… »
Sans son légendaire sang froid, Draco aurait réduit en charpie l'insolent élève. Il bouillait littéralement de fureur mais il ne ferait pas le plaisir de se mettre en colère. Zabini allait lui payer très cher cette humiliation.
Zabini se rapprocha de Draco et lui asséna, assez fort pour que tous puissent entendre et rire mais tout bas pour donner plus de répercussion à sa remarque.
« Draco Malfoy n'est qu'une tapette… »
Draco s'enfonça les ongles dans la paume des mains. Il allait le tuer. Jamais personne ne lui avait infligé une telle honte en public. Même Potter. Il allait le tuer. Il se pencha à l'oreille de Zabini et lui murmura, à l'identique.
« La tapette extermine les moucherons, même les chiures telles que toi, Zabini… Alors ferme ta grande gueule et écrase-toi. »
Il dit ceci avec un grand sourire à réfrigérer n'importe quel être vivant. Zabini ne put s'empêcher de frissonner mais le mal était fait. Il ne pouvait plus reculer. Il était trop vantard, trop avancé, trop ivre de vengeance. Le garçon passa son bras autour des épaules du Serpentard, condescendant:
« Malfoy, Malfoy… Tu as toujours été si… stupide… Tes menaces n'impressionnent personne…Sans Crabbe et Goyle, tu n'es plus rien…Et puis, si Joyce a pu le faire, pourquoi pas moi? »
Il lui fit quelques tapes dans le dos puis fit demi-tour, vainqueur. La plupart des Serpentard, voire tous, le suivaient (littéralement ou non). Draco n'allait pas en rester là. Pas question qu'il perde son titre de prince des Serpentard. Il était le maître ici et comptait bien le rester!
« Oh, oh… Zabini veut se battre, à ce que je vois… Eh bien, si je suis si facile à battre… je te laisse une chance de le prouver.. » contre-attaqua Draco, un air mielleux sur le visage.
Zabini haussa un sourcil en le dévisageant, méprisant et dégoûté.
« Je ne m'abaisserai pas à te porter un coup, Malfoy. »
Draco eut une sourire goguenard.
« Qui est la tapette, maintenant? » s'enquit-il.
Quelques Serpentard les regardaient avec incertitude, se demandant visiblement de quel côté se tourner.
« Tu me fais pitié » cracha Zabini, haineux.
Tranquillement, Draco observa ses ongles, un fin sourire jouant sur ses lèvres.
« Tu es si ridicule, Zabini. Rien que de la gueule, tout ça. Tu es incapable d'agir. Aucune tripe. »
Rageur, Zabini s'énerva, faille que cherchait Draco. Il fonça sur le Serpentard et l'agrippa au col, sans que le blond n'essaie de s'échapper, toujours aussi serein.
« Qu'est-ce que tu cherches, Malfoy? Tu veux te battre? » Il y avait comme une intonation incrédule dans sa voix. « C'est ça? »
« C'est toi qui l'a proposé, pas moi. » énonça Draco, l'expression sardonique.
L'autre le lâcha brusquement et ôta sa robe, un sourire rageur et un air assuré sur le visage. Les Serpentard s'agitaient, aimant la perspective d'un combat.
« Je suis ton homme, Malfoy… Bien que je ne sais pas si on peut parler d'homme en te désignant… »
Draco ne montrait rien d'autre qu'un calme tranquille.
« En tant que préfet, je me dois de te dire que les combats sont interdits dans l'enceinte du collège, Zabini. Tu ne voudrais pas une retenue, tout de même? »
L'interpellé eut un air ahuri.
« Tu ne peux pas me coller… »
« Que tu crois, Zabini, que tu crois… »
Son air assuré fit peur à Zabini. Il sortit sa baguette.
« Et depuis quand tu respectes les lois, Malfoy? Les transgresser a toujours fait partie de ton quotidien… »
« Les lois peuvent être utiles, parfois… Dans des cas tels celui-ci par exemple… »
« Tu n'oserais pas… »
L'air horrifié de l'autre excita le blond. Draco s'amusait de plus en plus.
« En es-tu sûr, Zabini? »
Serrant les mâchoires, Zabini abaissa sa baguette. Draco décida de l'enfoncer encore.
« Dis donc, maintenant que j'y pense, tu fais bien partie de l'équipe de Quidditch, non? »
Les cheveux de Zabini se dressèrent presque sur sa tête. Draco n'allait tout de même pas le… le virer de l'équipe? Non, pas pour ça! Et Malfoy n'était pas le capitaine! C'était Montague! Les Serpentard retinrent leur souffle observant le match entre les deux adversaires. Et, là, Zabini perdait par KO…
« Oui… en remplacement, je crois…A la batte… Comme la « fillette »… Je me trompe, Zabini? »
« … »
Le jeune homme s'abstint de répondre. Draco continua, toujours aussi venimeux.
« Ton rôle était donc de…? De? (il n'attendit pas la réponse) De protéger les joueurs, Zabini! » bêtifia-t-il à son tour le Serpentard. « Décidément, tu n'as pas retenu correctement la leçon… »
Draco s'approcha, très froid, d'un Zabini pétrifié.
« Que foutais-tu quand elle m'a désarçonné, Zabini? Tu comptais les brins d'herbe? Quel batteur de choc tu fais, vraiment… On se demande pourquoi tu es là… Ce n'était pas très malin de ta part de vouloir me ridiculiser par cette chute, Zabini… Parce que, après tout, la mioche s'est révélée plus douée que toi… »
Sur cette dernière parole, Draco quitta la salle commune, vainqueur. Crabbe et Goyle, repentants, le suivirent comme des bons toutous qu'ils étaient. (n/a: cependant, le gabarit est différent imaginez la taille des chiens, sinon! De vrais cerbères!) Ce soir, ça allait être la castagne. Comme un chat guettant sa proie, Draco fondrait sur lui avec la férocité d'une chouette sur un rongeur et le mettrait en pièces. Ce soir, Zabini allait regretter d'être né.
°°°
Draco avait remis Zabini en place. Maintenant plus calme, il espérait que le récidiviste avait compris qu'il était inutile de jouer contre lui, qu'il serait toujours perdant. Que Draco serait toujours le plus fort. Sinon, Zabini le regretterait. Ce n'était pas la faute de Draco si Zabini finirait eunuque! Après tout, cet hypocrite le cherchait bien… toujours à s'entêter… Il aurait dû comprendre depuis longtemps qu'il n'était pas de taille face à Draco…
Draco laissa cette affaire de côté dans son esprit. Il était plus serein, ceci le laissait indifférent. La scène de l'infirmerie le laissait songeur. Cette petite était décidément très étrange. Elle lui avait fait ressentir des choses… auxquelles Draco n'avait pas vraiment envie de songer. C'était déjà assez compliqué.
Mais, au plus profond de lui, le jeune homme se demandait, troublé, quels sentiments il avait envers la jeune Gryffondor. Ce qui n'était au départ qu'un jeu, un pari, avait pris une importance qui pourrait sembler à n'importer quel Serpentard dérisoire et futile. Mais pour lui, tout était différent. N'était-il donc plus le Serpentard plus que parfait dont tous parlaient? Le chien d'entre les chiens? Le loup, le chef de la meute? Le serpent impitoyable, cruel, calme, sûr de lui, assuré, supérieur le plus admiré des Serpentard? N'était-il donc plus un Malfoy à cent pour cent?
L'aimait-il?
Voilà. Le grand mot était lâché. Draco se posait trop de questions au sujet de Joyce-Seaton. Il l'avait appelée par son prénom, chose qu'il ne faisait pratiquement jamais. Il avait ressenti tant d'émotions contradictoires en l'embrassant, en l'effleurant, en la regardant. Ce n'était plus une simple question d'attirance physique. Au début, c'était vrai, Draco se l'avouait volontiers, il l'avait choisie pour sa plastique appétissante qu'elle ne savait pas mettre en valeur. Mais il avait tout de suite deviné ce que les autres avaient dédaigné. Elle était mignonne, ça, aucun doute. Au premier cours, Draco avait été très excité par son attitude provocatrice. Mais ça n'allait pas plus loin. Du moins à ce moment-là. Draco n'arrivait pas à fixer à partir de quand la situation avait changée.
Au match de Quidditch? Lors du deuxième match? Lors de l'attaque des Mangemorts? Non. Il sentit la jalousie irradier son corps et la rage l'envahir. Non. C'était à Noël. Quand cet abruti l'avait embrassée devant tout le monde. Il avait serré Pansy très fort en la faisant danser, ses yeux fixés sur le couple enlacé au milieu de la piste. La Serpentard avait crié de douleur. Draco ne s'était pas excusé, hypnotisé par le spectacle. Là, quelque chose s'était déchiré en lui. Il avait eu envie, une envie meurtrière d'arracher le sourire de Jordan, de le tabasser, lui crever les yeux, lui enfoncer son poing dans la mâchoire. Draco s'était maîtrisé et s'était légèrement étonné de la vague si rapide et si violente d'émotions. Puis il lui avait semblé qu'il avait oublié cet incident tout au long du bal mais maintenant qu'il s'en rappelait, un arrière-goût amer de défaite avait envahi sa bouche tout du long à partir de là. Il n'avait pas quitté le bal (il était un Serpentard après tout! Fier! Supérieur! Noble!)mais s'était endormi, cette nuit-là, de très mauvaise humeur.
Et quand il l'avait vue les yeux rongés. La compassion qu'il avait éprouvée. Il n'avait pas compris tout de suite. La douleur qu'il avait ressentie. Il avait cru, naïvement, qu'il s'agissait d'un simple dégoût parce qu'elle était laide à cet instant. Mais il avait eu mal pour elle, pas mal pour lui.
Draco secoua la tête. Ça devenait très compliqué. Il n'était pas sûr de comprendre tout ce qu'il pensait. Tous ces souvenirs…
L'aimait-il?
C'était la seule chose importante, non? Elle était venue le voir à l'infirmerie. Elle avait caressé son visage et -ô grandiose!- elle avait consenti à l'embrasser. Draco aurait pu mourir heureux. Mais le destin s'en était mêlé. Elle aimait encore Jordan, il en était sûr. Mais comment aurait-il pu rivaliser avec un mort? On idéalisait toujours les morts, niant leurs défauts, exagérant leurs qualités.
Draco aurait voulu se prendre la tête dans les mains mais l'endroit (et le fait qu'il soit un Malfoy) l'en empêchait. Une salle de cours n'était en effet pas le meilleur coin où faire le point sur sa vie.
Et elle? L'aimait-elle?
Il tourna ses regards dans sa direction. La Gryffondor était assise quelques rangs devant lui. Elle rêvassait sur ses notes, ne prêtant attention que lorsque Flitwick tournait ses regards vers elle. En attendant, elle écrivait. Ou… Draco pencha insensiblement la tête pour voir ce qu'elle faisait exactement.
« Draco! Qu'est-ce que tu fais? » geignit Parkinson, assise derrière lui. « Je ne vois plus rien! »
Le jeune homme leva les yeux au ciel. Que cette teigne était énervante!
« Depuis quand tu suis les cours? » s'enquit Draco, assez impoliment en se retournant vers elle.
Puis, sans autre forme de procès, il se remit droit sur sa chaise et reprit son activité. Il lui semblait que Joyce-Seaton dessinait. Sa tête s'inclina encore un peu. Draco vit qu'elle gribouillait quelque chose sur son parchemin. Ah, non, elle ne dessinait pas, elle écrivait à une de ses amies. Il la vit faire passer son mot à Patil ou Brown (Draco ne voyait pas qui était qui et d'ailleurs il s'en moquait. Les filles de Gryffondor se ressemblaient toutes) quand le professeur d'enchantements regardait ailleurs.
Le Serpentard examina le profil de Joyce-Seaton, comme on observerait un microbe nouvellement découvert à Sainte-Mangouste. Elle était jolie mais sans plus. Ce n'était pas la fille la plus belle du collège. Draco n'était même pas sûr de pouvoir dire qu'elle était belle. Elle avait du charme, c'était tout. Alors pourquoi cette attirance, pourquoi ces battements de cœur malvenus quand il la regardait sourire à ses amies? Il plissa les yeux pour l'observer mieux. Elle avait un petit plus, que les autres n'avaient pas, ou moins. Ce sourire, ces yeux brillants, cette étincelle au fond de ses prunelles noisette. Ce petit plus qui la rendait spéciale aux yeux de Draco. Quoi? Sûrement un peu tout, songea-t-il, déconcerté par les sentiments qui l'agitaient.
Sentiments?
Draco Malfoy ne ressentait aucun sentiment. Des émotions, certes. Des sensations, oui. Mais des sentiments? Non.
Soudain, elle tourna la tête vers lui, comme alertée de ce regard insistant. Leurs yeux se rencontrèrent. Son sourire, destiné à une de ses amies le frappa de plein fouet.
Il lui rendit timidement son sourire, conscient malgré toute sa mauvaise volonté d'une chose primordiale. Elle lui sourit en retour, plus franchement. Puis elle se retourna et regarda Flitwick qui lui lançait un regard un peu méfiant.
Le cœur encore battant, Draco sourit dans le vide. Oui, il l'aimait. Draco Malfoy était amoureux.
°°°
Mais c'est pas mignon tout ça? Je viens de m'apercevoir qu'il ne reste qu'un chapitre avant la fin de cette fic ! Hé, hé, encore une de finie ! enfin, presque ! merci pour avoir suivi cette fic dans son ensemble !
