Orgueil

A l'approche du carrosse grand mère se précipita dehors : elle guettait le retour de la demoiselle depuis des heures et se faisait beaucoup de soucis. André, lui, était monté se coucher tôt en lui disant que la chasse au masque noir ne le concernait pas.

Grand mère lui avait alors crié : comment peux tu dire ça ? Je croyais qu'Oscar était ton ami

ANDRE: c'est mon ami

GRAND MERE: et si cet homme lui faisait du mal ?

ANDRE: mais ne t'inquiètes pas, d'après ce qu'on dit c'est un voleur pas un meurtrier !

GRAND MERE: s'il arrive quoi que ce soit à Oscar je t'en voudrais toute ma vie

André s'était alors demandé ce qui avait pris à grand mère : aimait elle plus Oscar que lui, son propre petit fils ? Bah quelle importance, il n'était plus un enfant et grand mère l'avait toujours traité avec plus de rudesse qu'Oscar, sans doute parce qu'il était serviteur et Oscar noble.

Oscar réussit à descendre du carrosse et aidée de grand mère elle monta les escaliers pour regagner sa chambre

GRAND MERE: Oscar que t'est il arrivé

OSCAR: ce n'est rien grand mère

GRAND MERE: comment ça rien !

OSCAR: va te coucher, on en reparlera demain ; j'ai besoin de me reposer

GRAND MERE: comme tu veux chérie

Il était deux heures du matin. Oscar avait peu dormi, toujours cette image qui revenait : le masque noir. Elle, colonel de la garde s'était fait battre par une brute. Ce serait la dernière fois. Elle referma les yeux et se laissa envahir par un sommeil réparateur.

Le lendemain matin, tout le corps d'Oscar était endolori, recouvert d'ecchymoses, seul son visage avait été épargné et ne montrait que les signes de fatigue. Il était hors de question que quelqu'un se doute de quelque chose : comment expliquer qu'elle s'était fait battre aussi facilement par un voleur ; personne, encore moins son père, ne l'accepterait. Seule grand mère se douterait de quelque chose, elle connaissait la vraie Oscar, sa « petite fille ». Oscar de son côté ne voulait rien laisser paraître de ses douleurs de peur de donner trop de soucis à sa nourrice déjà trop inquiète. Elle soulagea comme elle put son corps meurtri puis se dirigea quelques minutes plus tard vers la chambre d'André pour leur entraînement quotidien.

A peine eut-elle frappé à la porte d'André que celui l'ouvrit, occultant l'entrée de sa chambre par son imposante stature. Soudain Oscar réalisa les différences qui avaient progressivement distingué leurs êtres. D'un coté une jeune femme qui devait tenir un rôle d'homme pour assouvir les caprices d'un père trop orgueilleux et de l'autre un gamin timide et effarouché devenu un homme mûr et sûr de lui.

Voyant que son ami était prêt pour l'entraînement l'épée à la main, elle réalisa que ce n'était pas à l'épée que le Masque Noir l'avait battue mais aux poings. Certes ce n'était qu'une femme mais dorénavant elle ne se laisserait pas aussi facilement dominer au combat corporel ; après tout à force d'entraînement elle parviendrait sans doute à battre le voleur. Ce serait certainement dur mais elle, une femme, avait réussi à devenir aussi habile à l'épée après des années d'entraînement. Elle en avait la volonté et André était le partenaire idéal : il savait bien se battre et il était costaud. Oui c'était décidé : André serait le Masque Noir, du moins pendant les prochains entraînements … et elle finirait par lui faire mordre la poussière.

OSCAR : tu peux laisser ton épée dans ta chambre, tu n'en auras pas besoin

ANDRE : ah bon ? Pas d'entraînement aujourd'hui ?

André savait qu'Oscar souffrait de sa rencontre avec le masque noir, même s'il faisait tout pour cacher ses maux ; aussi ne fut il pas surpris de sa décision : il avait besoin de reprendre des forces. Mais c'était sous estimer le colonel.

OSCAR: on va s'entraîner … mais pas à l'épée

André haussa un sourcil d'un air interrogateur ; que voulait Oscar, qu'est ce qui lui était passé par la tête ?

OSCAR: aujourd'hui on va s'entraîner sans arme

ANDRE: sans arme, tu veux dire aux poings ?

OSCAR: oui tu as bien compris, cela fait longtemps qu'on ne s'est pas dégourdi dans une bonne bagarre, il est temps.

André n'en revenait pas. Oscar qui semblait presque prêt à s'effondrer sous le moindre coup lui proposait de se battre contre lui. Décidément, il y avait des moments où André ne comprenait pas son ami d'enfance.

ANDRE: si c'est ce que tu veux

OSCAR: oui … et pas la peine de me ménager

ANDRE: te ménager ?

OSCAR: oui … je sais très bien de quoi tu es capable … alors inutile de me ménager sous prétexte que je suis « ton maître »

André n'avait jamais soupçonné qu'Oscar avait découvert que lors de leurs affrontements il faisait son possible pour ne pas lui donner des coups dangereux, mais qu'il ne se retenait jamais dans les tavernes. Mais qu'est ce qui arrivait à Oscar : le masque noir l'avait durement blessé la veille et pourtant il en redemandait. Etait-t-il devenu fou ? Oscar ne tiendrait pas dix minutes devant lui, plus résistant que le noble.

ANDRE: très bien, comme tu voudras

Oscar voulait se battre, soit ils se battraient, les prochaines heures allaient être difficile pour « son maître »

A peine eurent ils quitté les murs du château qu'Oscar se retourna brusquement et commença à se jeter sur André. Ce dernier, qui se tenait sur ses gardes para le puissant coup du jeune homme et fut même surpris par sa puissance. Ainsi malgré le combat d'hier avec le masque noir, il avait suffisamment de force pour le frapper aussi fort. Cette fois-ci Oscar ne voulait pas plaisanter : il voulait savoir que quoi il était capable et André se rendit bientôt compte qu'il devait prendre le combat au sérieux.

Au moindre pas, au moindre geste, Oscar avait l'impression que ses muscles se déchiraient. Elle dut se mordre les lèvres pour ne pas hurler. Elle montra à André un visage impassible sur lequel le doute n'avait pas sa place.

De nombreux coups furent échangés entre Oscar et André mais ce dernier serait immanquablement le plus fort, d'autant plus devant un adversaire déjà physiquement affaibli. Ne supportant plus cette mascarade; André voulut mettre fin à cet absurde combat : Oscar ne pouvait pas être victorieux. Pourtant il ne pouvait laisser gagner Oscar, pas cette fois ci : il y avait son honneur d'homme mais aussi son honnêteté: ne pas faire semblant.

« Désolé Oscar » pensa-t-il. A ce moment il frappa violemment Oscar qui s'écoula d'un coup au sol, inconscient.

ANDRE: désolé Oscar, mais tu l'as cherché. Ton arme c'est l'épée, pas les poings … tu devras t'en contenter.

Sur ses mots, il ramassa son ami, le posa à califourchon son épaule et rentra au château. Il monta les escaliers jusque dans la chambre d'Oscar. Celle ci était sombre mais de bon goût, il déposa Oscar sur son lit puis se mit à la recherche de Grand mère qui le soignerait comme elle l'avait toujours fait pour ses « petits fils »

GRAND MERE en voyant dans quel état était Oscar : que s'est il passé ?

André : il a voulu se battre, alors on s'est battu

André avait à peine fini de parler qu'il sentit sa joue en feu : grand mère, pourtant si calme d'habitude, venait de lui donner une gifle magistrale

GRAND MERE: mais qu'est ce qui t'as pris de le mettre dans un tel état, el… il a déjà beaucoup souffert de son combat avec le masque noir et toi tu ne trouves rien de mieux à faire que de terminer le travail de ce vaurien. Tu ne vaux pas mieux que lui !

André comprenait que grand mère soit fâchée mais là elle n'était pas fâchée… elle était furieuse. Il mit ça sur le compte des explications que le père d'Oscar ne manquerait pas de demander.

ANDRE: occupe toi de lui, veux tu ?

GRAND MERE: bien sûr, mais ne te crois pas sorti d'affaire pour autant, nous en reparlerons plus tard.

Une fois André sorti, grand mère prit soin de déshabiller Oscar inconsciente. Celle ci se réveilla finalement lorsque la vieille nourrice finissait de lui passer de l'onguent sur ses ecchymoses.

OSCAR: grand mère ?

GRAND MERE: oui ma chérie, ne t'inquiètes pas, tu seras bientôt sur pied

OSCAR: qu'est ce que je fais ici ? J'ai impression d'avoir été piétinée par des chevaux

GRAND MERE: c'est André qui t'a montée, il est ensuite venu me chercher. Il va m'entendre ce garnement. Faire ça à une femme c'est honteux !

OSCAR: ne lui en veut pas. C'est moi qui lui ai demandé de ne pas retenir ses coups … et n'oublies pas qu'il croit se battre contre un homme. D'ici quelques jours tout sera oublié … enfin presque tout

GRAND MERE: tu es trop gentille avec lui, il ne le mérite pas

OSCAR: si il le mérite, tu peux être fière de ton petit fils grand mère

GRAND MERE: je ne sais pas si je suis fière d'André mais sache que je suis très fière de toi, ma chérie, même si je trouve parfois que tu prends mauvais exemple sur lui.

Oscar dut garder la chambre deux jours, tant le moindre de ses mouvements était difficile. Au bout du troisième jour quelle ne fut pas la surprise d'André, après avoir ouvert la porte de sa chambre, de rencontrer Oscar, qui visiblement l'attendait.

ANDRE: épées ou corps à corps ?

OSCAR: ni l'un ni l'autre. Tu as fait de mon corps de la bouillie … mais je ne t'apprends rien

ANDRE: c'est toi qui as voulu que je joue le jeu… et puis une partie de tes blessures ne datent pas d'hier

OSCAR: encore une fois tu as raison. Tu m'as fait réaliser que je ne pouvais pas rivaliser de force avec un homme tel que toi … tant pis, je trouverais bien un autre moyen

ANDRE: tu ne renonceras donc pas à le chasser

OSCAR: le masque noir ? Non. Même s'il est très fort, je serais plus rusée que lui

André sentit son cœur se serrer : son meilleur ami, son frère d'arme … une proie, un chasseur