Chapitre 15 : Pensées

Le soir même, Oscar et André se préparaient pour leur mission. Oscar avait entreprit de découvrir l'identité secrète du masque noir. Elle n'avait pas développé le sujet avec André car elle savait pertinemment qu'il était contre l'idée de sa capture. Elle ne voulait pas blesser l'homme de sa vie, aussi elle gardait cette mission pour elle.

Elle avait décidé de reprendre son enquête là où elle l'avait suspendue : aux bals de la cour. Il était à présent inutile qu'elle se « travestisse » en femme : le masque noir l'avait savamment piégée et connaissait à présent la vérité sur son sexe. Elle irait aux bals en tant que colonel ; de toute façon pour sa mission elle devait avoir le maximum de cartes en main : sa féminité n'en faisait pas partie, du moins de son point de vue.

Oscar savait cependant qu'il y avait de nouveaux participants : maintenant elle devait se tenir doublement sur ses gardes ; une bande de voleurs peu scrupuleux avait fait son entrée dans les soirées nocturnes nobles. La méfiance était de rigueur. Elle ne devrait pas affronter un ennemi mais deux !

André, de son côté, faisait son possible pour ne rien dévoiler à Oscar. Il souffrait de lui cacher ainsi sa double vie. Il ne voulait pas qu'elle croit qu'il n'avait pas assez confiance en elle pour lui révéler qu'il était sa « proie » : le masque noir en personne. Il savait que tôt ou tard elle allait découvrir la vérité et pour tout dire André ignorait quelle serait sa réaction. La seule chose dont il était persuadé, c'était de leur amour réciproque ; la vie du masque noir ne serait jamais en péril avec elle. Mais son cœur ?

Dès lors que la mission avait été attribuée à Oscar de traquer les voleurs, André avait pris la décision de ne plus la laisser seule, à son insu. Il savait quelle combattante elle était. Elle lui avait montré bon nombre de fois qu'à l'épée elle rivalisait avec la majorité des meilleurs escrimeurs masculins et elle avait courageusement affronté le masque noir, seule ! Il eut une pensée triste quand il repensa aux blessures qu'il lui avait infligée à deux reprises : lorsque que Oscar, le colonel, avait pris en chasse le masque noir dans les jardins ; puis lorsqu'elle lui avait demandé de s'entraîner aux poings avec lui pour être à la hauteur lors de leur prochain affrontement. A l'époque il ignorait totalement que son ami d'enfance cachait un corps et un cœur de femme. Elle avait accepté les coups, les blessures sans une plainte. Mais son frêle corps n'avait pas résisté longtemps sous les assauts de sa puissance.

Maintenant il avait trop peur que cela se reproduise : il ne voulait pas que quiconque puisse la blesser autant qu'il avait osé le faire, par ignorance. Plus jamais ! Aussi il mènerait ses investigations comme un rôdeur, à ses côtés.

Maintenant qu'il était devenu intime avec Oscar, André devait se tenir sur ses gardes : il lui révèlerait son identité secrète quand il le jugerait nécessaire. En attendant, l'écurie, qui était son lieu de « métamorphose », n'était plus assez sure. La jeune femme guettait le moindre moment de solitude avec son amant pour échanger baisers enflammés ou caresses sensuelles. Loin de regretter ces marques de passion, André était contraint de se trouver un nouvel antre.

Il réfléchit rapidement aux cachettes possibles : celles du château et les écuries étaient automatiquement inappropriées à présent, réservées aux ébats des amants ! Il lui revint en mémoire une cabane à l'orée du bois qu'il avait construite avec Oscar dans leur jeunesse. Il n'y était pas retourné depuis de longues années mais sans doute ferait elle l'affaire. La maisonnette était cachée par les arbres mais donnait une vue directe sur les écuries. Durant de nombreuses années, ce lieu d'espionnage avait servi de refuge aux deux adolescents. C'était décidé ! Maintenant il devait se préparer avant le départ d'Oscar qui ne devait pas soupçonner sa filature.

Il retrouva Oscar dans l'entrée sur le point de partir.

ANDRE : tu es prête ?

OSCAR : oui, bien sur

ANDRE : tu seras prudente, n'est ce pas ?

Oscar la solitaire, le colonel froid et distant, adorait le regard protecteur que lui lançait son ami. Bien sur qu'elle serait prudente : elle était sur ses gardes depuis ses premiers pas. Elle avait été éduquée à ne jamais se laisser surprendre. Elle sourit en repensant que finalement deux personnes l'avait pourtant surprise : le masque noir et André ! L'un était devenu sa moitié, son âme soeur tandis que l'autre serait bientôt face à son épée, démasqué !

OSCAR : n'aies aucune inquiétude. Le voleur que je cherche n'est pas un meurtrier : c'est juste un renard rusé, que je finirais par capturer.

André remarqua la lueur de défi qui passa dans les yeux de sa femme. Il ne connaissait que trop bien cette flamme : elle était devenue sa raison de vivre. Elle était bien décidée à l'attraper et si cela n'avait pas été dans de telles circonstances… il se serait bien laissé prendre.

ANDRE : je le sais bien ; mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir te protéger

OSCAR : comme tu l'as toujours fait mon amour

Elle regarda autour d'eux pour s'assurer que personne ne pouvait les surprendre puis s'approcha d'André pour un doux baiser.

OSCAR : je t'aime

ANDRE : je t'aime aussi mon ange

OSCAR : à plus tard, fais attention !

ANDRE : aucun souci

« À tout de suite, colonel » murmura André avant de prendre la direction de la cabane, nouveau repaire du masque noir.