Chapitre 17 : Investigations

A Chanlyr

De retour au château, Oscar s'aperçut qu'André n'était toujours pas rentré. Il était tard et elle commençait à s'inquiéter. En effet, après avoir quitté le colonel chez le duc de Méracle, le masque noir avait laissé son déguisement pour reprendre sa vraie personnalité : André Grandier. La nuit était déjà pourtant bien avancée mais il tenait tout de même à s'acquitter de la mission qu'Oscar lui avait confié: rechercher des renseignements dans les tavernes sur le groupe de voleurs qui sévissaient au détriment du masque noir.

Plus tôt ces vauriens seraient stoppés et plus tôt le masque noir serait mis « hors de cause », du moins pour ces derniers vols et surtout aux yeux de son colonel de la garde. Il ne voulait en aucun cas qu'elle le prenne pour un voleur de bas étage. Il avait sa fierté après tout. Il savait qu'elle n'était pas d'accord avec ses agissements mais il se doutait qu'elle en comprenait les raisons même si elle ne laissait rien paraître.

A la sortie du bal, il s'était dirigé sans attendre vers les quartiers de fréquentation douteuse. Il s'était abrité dans une ruelle sombre pour ôter sa panoplie et redevenir le simple roturier. Il camoufla son visage sous un large chapeau et enveloppa ses larges épaules dans sa cape afin de ne pas être reconnu. Son pied et surtout ses côtes le faisaient souffrir. Oscar n'y était pas allée de main morte ! Quelle femme ! Il devait faire plus attention aux « contacts » qu'il avait avec elle sous les traits du masque noir ou il finirait alité ; il faut dire que depuis qu'il connaissait sa nature de femme, il lui était quasiment impossible de lever la main sur elle. Moralité, sa seule défense contre cette amazone était l'esquive voire la fuite.

De plus ces corps à corps finiraient par le trahir : Oscar était très perspicace. Elle lui avait déjà fait des remarques à son sujet dès leur seconde rencontre sur la ressemblance entre André et le masque noir. A ce souvenir, il repensa à l'éloge qu'elle avait fait au masque noir après qu'il l'ait embrassée : « André ne se comporterait jamais de manière aussi inconvenable : c'est un gentilhomme. Vous vous ressemblez peut être physiquement mais son âme est noble alors que la vôtre est… ». Mais il devait mettre ces soucis de côtés pour un moment : il avait une mission à accomplir.

André passa plusieurs heures dans différents estaminets pour trouver des indices sur les voleurs de bijoux. Après quelques verres offerts par ci par là, il acquit plusieurs informations : le groupe rassemblait trois peut être quatre hommes, tous de moralité douteuse. Certains parlaient d'un homme étrange qui rôdait dans les rues de Paris. Un homme, à l'odeur de mort ; ils le décrivaient comme l'Archange de la Terreur, portant un masque opaque qui dissimulait entièrement ses traits. Mais tous avaient entendu parler de son regard froid, presque sans âme. André ne put obtenir si cet homme avait un lien avec la bande de voleur : personne ne savait … ou ne voulait savoir. Estimant que cela suffisait pour ce soir, le valet décida de rentrer au château de Jarjayes ; la nuit était déjà grandement avancée et il avait besoin d'un repos bien mérité.

Après une chevauchée éprouvante, il arriva enfin à destination. Tout semblait endormi. Oscar était rentrée bien avant lui et devait maintenant tranquillement être dans son lit bercée par Morphée. Il la reverrait au petit déjeuner et lui ferait son rapport. Dans la pénombre, il se dirigea discrètement vers sa chambre pour ne pas déranger les occupants de la maisonnée. En entrebâillant sa porte, il remarqua une fine lumière vacillante ; une bougie finissait de se consumer sur la commode de sa chambre. En ouvrant davantage la porte il l'aperçut. Oscar.

Elle était assise là sur une simple chaise, elle s'était changée pour mettre une tunique et un pantalon simples, un châle reposait sur les épaules, un livre était ouvert sur ses genoux ; elle était endormie. Il pénétra sans bruit dans la pièce et referma la porte derrière lui. Elle l'avait attendu mais la fatigue avait eu raison de sa volonté ! Il resta quelques secondes à la contempler en silence, puis ce fut l'obscurité : la bougie avait cessé son feu. Il en alluma rapidement une nouvelle puis s'approcha de sa belle. Comme elle est magnifique, pensa-t-il. Comment pourrais-je vivre sans elle ? Non, je ne pourrais pas.

Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la déposer dans son lit et ensevelir ses doigts dans sa chevelure soyeuse pour l'aimer encore et encore. Mais il savait que c'était impossible, pas ce soir, pas ici, pas seuls ! D'ailleurs il était lui même exténué : le bal, sa rencontre avec Oscar qui lui avait sans doute fêlé une ou deux côtes, et enfin les tavernes ; il devait se reposer et récupérer.

A contre cœur, André devait la réveiller. Il se pencha doucement et caressa sa bouche de ses lèvres. A leur contact, Oscar émergea de ses songes comme une fleur qui s'ouvre sous la chaleur du soleil levant ; puis elle ouvrit les yeux croisant ainsi le regard amoureux de son valet.

ANDRE : désolé de te réveiller mon amour

OSCAR : ne sois pas désolé, je t'attendais, je suis contente que tu sois rentré.

ANDRE : tu n'aurais pas du

OSCAR : il doit être tard

ANDRE : disons plutôt qu'il est très tôt ; mais la nuit n'est pas encore finie.

OSCAR : maintenant que tu es là, je vais monter me coucher

ANDRE : veux tu que je te raccompagne ?

OSCAR : c'est inutile, tu dois être épuisé toi aussi … et je préfèrerais qu'on ne nous surprenne pas en train de monter dans ma chambre, tous les deux, à une heure aussi tardive.

ANDRE : tu as raison, mon amour. Mieux vaut rester prudent.

Oscar se leva de sa chaise et serra tendrement André dans ses bras pour lui souhaiter une bonne nuit. Un baiser vint clore leur étreinte.

OSCAR : bonne nuit

ANDRE : bonne nuit, Oscar. A demain

Oscar remonta tranquillement jusqu'à sa chambre alors qu'André s'allongeait de tout son long sur son lit. Quelques instants plus tard, il était en compagnie de sa femme … au pays des rêves.