Chapitre 19 : Confidences

Au second bal, le colonel de la garde se rendit accompagné de son valet, comme à son habitude. Le début de la réception se déroula à nouveau sans présence du moindre bandit. André avait décidé de ne pas lâcher Oscar d'une semelle ; la soirée semblait partie pour être sans anicroche : le masque noir ne se montrerait pas et après une inspection minutieuse des lieux, aucun comportement suspect n'était à noter.

ANDRE : je crois que ce soir encore nous allons rentrer bredouille

OSCAR : possible mais la soirée n'est pas encore finie

ANDRE : tu as raison mais elle commence à toucher à sa fin : de nombreux nobles ont pris la direction de leur demeure.

OSCAR : peut être mais je veux rester jusqu'au bout : je ne veux pas qu'il puisse s'échapper s'il est là ce soir !

ANDRE : « s'il est là » ? Le masque noir, tu veux dire

OSCAR : oui le masque noir, de qui veux tu que je parle ?

ANDRE : il me semblait qu'il y avait aussi le groupe des malfrats

OSCAR : oui, tu as raison. Excuse moi, mais ce type se joue de moi et …

ANDRE : et tu veux que cela cesse !

OSCAR : oui !

André comprenait ce que ressentait la jeune femme. Elle, le colonel de la garde, un des plus fidèles et efficaces officiers de sa majesté, se faisait rouler par ce voleur. Cette femme était orgueilleuse et elle n'aurait de cesse de poursuivre ce fameux voleur pour le démasquer. Comme il aurait voulu lui dire la vérité ; la soulager de ce poids. Mais son secret était aussi un atout pour la jeune femme : sans le savoir, elle avait le masque noir pour surveiller et protéger ses arrières ; à l'insu de tous.

Leurs pas les avaient finalement conduits dans les jardins. Oscar était à nouveau plongée dans ses pensées, comme quelques heures plus tôt au château. André sentit qu'elle avait quelque chose à lui dire mais elle hésitait. Il attendit plusieurs minutes, la laissant commencer quand elle le souhaiterait.

OSCAR troublée : André, il faut que je te dise quelque chose d'important

ANDRE angoissé par son air sérieux : je t'écoute Oscar ; tu sais que tu peux tout me dire

Le colonel vérifia qu'ils étaient bien hors de portée d'oreilles indiscrètes, puis reprit la parole.

OSCAR : André… je t'ai menti !

ANDRE affolé craignait le pire : tu m'as menti ?

OSCAR : oui

ANDRE arrivant à peine à dire les mots : tu… tu ne m'aimes pas ?

OSCAR surprise : quoi ?

ANDRE : tu vas me dire qu'en fait tu ne m'aimes pas

Oscar éclata soudain de rire. Mon Dieu, mais qu'avait imaginé André ? Ses rires redoublèrent quand elle vit la mine déconfite de son amant ; bientôt des larmes se mirent à couler le long de ses joues. Elle voulait lui parler du masque noir et lui croyait qu'elle ne voulait plus de lui.

ANDRE agacé : Oscar !

OSCAR se contrôlant tant bien que mal : pardonne moi André, mais si tu voyais ta tête !

ANDRE fâché : tu devrais avoir honte de te moquer ainsi des sentiments des autres

OSCAR calmée : comment ?

Elle ne riait plus. André avait pris l'affaire très au sérieux : son regard triste lui broya le cœur. Non, elle n'avait jamais cherché à le blesser ; elle l'aimait plus que tout. Elle chercha les mots, les gestes qui pourraient le rassurer.

OSCAR tendrement : André…

Mais André n'écoutait plus : le visage baissé, les bras tremblants le long du corps. Alors mue par tout l'amour qu'elle avait pour lui, la jeune femme poussa son amant contre un arbre dans une obscurité profonde, et l'embrassa de tout son être. Elle se pressa si fort contre André qu'il en avait mal. Puis le colonel se recula pour qu'ils reprennent mutuellement leur souffle.

OSCAR haletante : si cela ne te suffit pas, je suis prête à me donner à toi dans l'instant.

André ressaisi, observa le visage de cette femme : elle ne mentait pas !

ANDRE : pardonne moi, je ne sais pas ce qui m'a pris.

OSCAR : ce n'est rien mon amour

ANDRE aguicheur : ta proposition tient toujours ?

OSCAR : laquelle ?

ANDRE : de te donner à moi dans l'instant !

OSCAR : André tu ne crois pas que ça suffit : « le colonel de la garde embrassant son valet dans les jardins » tu crois que ce n'est pas suffisant ? Et si quelqu'un nous voyait ? Tu penses qu'il en conclurait quoi ?

ANDRE : qu'Oscar François de Jarjayes apprécie les beaux jeunes hommes vigoureux !

OSCAR : rien que ça !

ANDRE : il penserait que tu as des pratiques sexuelles hors normes

OSCAR : bref, ma vie se résume à ces deux mots « hors normes »

ANDRE : peut être mais c'est toi que j'aime.

Oscar et André étaient enfin soulagés d'avoir résolu ce quiproquo. Mais Oscar se devait de dire la vérité au jeune homme : le mensonge lui pesait trop.

OSCAR redevenue sérieuse : André lorsque je t'ai dit que je t'avais menti ; cela ne te concernait pas toi mais le masque noir

ANDRE intrigué : le masque noir ?

OSCAR : oui. En fait j'ai rencontré pour la première fois cet homme au château du comte de Villeneuve et malheureusement j'ignorais qui il était et je n'ai pas pu le stopper. Et plusieurs fois encore après, il s'est enfuit. Ce type me rend digue. C'est comme s'il me connaissait.

ANDRE attentif : et toi tu le connais ?

OSCAR : non ! Il ressemble à « monsieur tout le monde » et pourtant il y a quelque chose de familier en lui. Je dois découvrir qui il est ; il en va de mon honneur. Tu comprends n'est ce pas ?

ANDRE soulagé : oui je comprends… mais est ce si mal ce qu'il fait ? Je veux dire : voler quelques « miettes » aux nobles pour les donner aux affamés.

OSCAR : je ne pense pas que ce soit un homme mauvais ; je pense même qu'il a, par certains côtés, un cœur noble. Mais n'oublie pas toi, que je dois stopper ses agissements.

ANDRE navré : je le sais.

OSCAR après un moment : je crois qui est inutile d'attendre ici plus longtemps : rentrons

ANDRE : d'accord.