Chapitre 23 : « … les jeux sont faits »
Remerciement à Tof pour ses remarques judicieuses
Le colonel de la garde se tenait devant l'entrée de la maison de Monsieur de Fontange. Le Général de Jarjayes avait finalement obtenu qu'Oscar puisse participer à la soirée de jeux organisée dans la demeure le soir où les bandits devaient effectuer leur larcin. Comme convenu, André restait caché aux abords de la propriété pour surveiller le moindre élément suspect et intervenir dans la mesure du possible.
GARDE bloquant l'entrée : Puis je connaître votre identité ?
OSCAR : Je suis Oscar François de Jarjayes
GARDE : Pardonnez moi, mais vous n'êtes jamais venu. Puis je connaître la personne qui vous a recommandé ?
OSCAR : il s'agit du Marquis de Bouillé.
GARDE en lui cédant le passage : je vous en prie.
Oscar profita de cet arrêt pour faire un état des lieux : deux gardes à l'entrée, et deux ou trois qui faisaient des rondes dans les jardins. Elle suivit ensuite le garde qui l'accompagna jusqu'à la salle de jeu.
MONSIEUR DE FONTANGE : Colonel de Jarjayes, ravi de vous accueillir ce soir
OSCAR : bonsoir, merci à vous Monsieur de Fontange d'avoir accepté ma venue.
MONSIEUR DE FONTANGE : mais c'est un honneur pour moi de recevoir le colonel de la garde. J'ignorais que vous appréciez les distractions telles que celles-ci.
OSCAR : pour dire vrai, c'est une de mes connaissances qui m'a conseillée de venir me présenter à vous.
MONSIEUR DE FONTANGE : j'en suis flatté, je vous souhaite de passer une excellente soirée.
OSCAR : merci Monsieur.
Oscar fit dans un premier temps le tour des différentes pièces qui accueillaient les invités, et essaya de se mêler aux autres nobles présents à cette soirée. Elle ne devait pas éveiller les soupçons pour ne pas que les bandits ne s'aperçoivent de la mascarade. Il était convenu qu'elle jouerait quelques parties en début de soirée pour ensuite se concentrer sur la surveillance des lieux.
Elle s'assit à la table où se jouait le poke. Elle essaya de mettre en place les différentes tactiques qu'André lui avait inculquées ces derniers jours. Malheureusement, elle perdit plus qu'elle ne gagna : sans doute par manque de motivation. Il faut dire que ses entraînements avec André avaient pris du piquant. Voyant qu'Oscar n'arrivait presque jamais à gagner avec les boutons de grand mère, toutes les parties étaient jouées avec leurs vêtements comme mises. Finalement, les parties se finissaient en jeu érotique. La jeune femme repensa à un vieux dicton : « heureux en jeu, malheureux en amour », un petit sourire étira ses fines lèvres.
Quelques minutes plus tard, le colonel s'excusa auprès de ses partenaires et se leva de sa chaise pour quitter la table de jeu. La soirée était déjà bien entamée. Elle devait se tenir sur ses gardes. Si les bandits avaient effectivement décidé de cambrioler ce soir la demeure de Monsieur de Fontange, elle devait les stopper, quel qu'en soit le prix. Elle se retira de la salle de jeu et commença discrètement à visiter les pièces ; Monsieur de Fontange et sa femme étaient trop occupés à distraire leurs invités pour s'apercevoir de son absence et de son exploration. Après avoir inspecter plusieurs chambres, les pas d'Oscar la menèrent jusqu'à une pièce qui semblait être le bureau du maître de maison.
Il avait réussi à se faufiler dans la propriété sans se faire voir. Il avait suivi des yeux la colonelle parler aux gardes de la demeure puis entrer. Il passa par les toits pour atteindre la fenêtre du balcon. D'un geste sûr, il avait crocheté la serrure pour finalement pénétrer dans les murs. Il avait choisi cette pièce en raison de son exposition : la fenêtre donnait directement sur l'entrée éclairée et gardée, ce qui lui permettrait d'avoir un œil sur les différentes allées et venues. Il examina de plus près la pièce qui l'entourait : même plongée dans l'obscurité, elle paraissait richement décorée ; il rechercha un éventuel coffre fort, sans succès. Il prit alors sa position d'observation près des rideaux en attendant le moment opportun.
Il venait de jeter un nouveau coup d'œil vers l'extérieur quand il sentit un objet froid glisser le long de son visage. Il vit un éclat de lumière étinceler sur le métal brillant. Aucune erreur possible : une épée. Il était mis en joue. Un des gardes l'avait certainement entendu fouiller la pièce. Il devait se montrer très perspicace s'il voulait s'en tirer vivant !
OSCAR dans son dos : Bonsoir
Le masque noir sursauta en entendant cette voix familière.
Le masque noir dans un instant d'égarement pensa : « Mon Dieu. Oscar ! Elle m'a pris au piège. Moi qui suis venu pour l'aider, pour la protéger, je me jette dans la gueule du loup. Quelle ironie ! Elle vient capturer la bande de brigands et elle repart avec le masque noir ! Elle l'avait attrapé et ne le lâcherait pas ! Cette fois, il ne s'en sortirait pas indemne ! »
LE MASQUE NOIR toujours immobile : bonsoir, colonelle
OSCAR : je n'espérais plus vous rencontrer
LE MASQUE NOIR en essayant de l'amadouer : ainsi vous vouliez me revoir, j'en suis flatté
OSCAR : inutile de vous faire des idées, je ne suis pas là pour vous compter fleurette mais pour vous arrêter !
LE MASQUE NOIR : « m'arrêter » vous n'avez toujours que ce mot à la bouche. Il ne sied guère à votre beauté
OSCAR plus menaçante : je vous serais grés de ne pas oublier à qui vous parlez !
Le masque noir se décala légèrement pour ne pas être blessé par la lame et se retourna face à la jeune femme.
LE MASQUE NOIR : alors ? Que comptez vous faire, mademoiselle ?
OSCAR : je vous arrête ! Remettez moi votre arme !
Elle ne plaisantait pas. Il lui avait trop de fois glissé entre les mains. Cette fois serait une de trop. Il n'avait que deux solutions : révéler son identité ou tenter de lui échapper, mais dans les deux cas il compromettait le piège tendu aux malfrats. Il commença à dégrafer le ceinturon de son épée quand ils entendirent des hurlements à l'étage en dessous, sous leurs pieds !
……….
Au même moment…
BANDIT 1 : aller ! Tous contre le mur ! Les armes au sol ! Le premier qui bouge, je le tue !
MONSIEUR DE FONTANGE : Que voulez vous ?
BANDIT 1 : eh bien pour un aristo vous êtes pas bien futé. On veut tout ! Les bijoux et la monnaie
MONSIEUR DE FONTANGE : vous ne vous en sortirez pas ! La maison est entourée de gardes !
BANDIT 1 : comptez-y ! Vous pensez vraiment qu'on ne s'en est pas occupé ? Vous nous prenez pour des minables ou quoi ?
Les trois hommes commencèrent à tout piller : arrachant les colliers et bagues aux femmes, n'hésitant pas à frapper les nobles qui n'allaient pas assez vite.
BANDIT 2 : ça y est chef, on a tout !
BANDIT 1 : non, pas encore, il reste le coffre
MONSIEUR DE FONTANGE : quel coffre ?
BANDIT 1 en prenant une femme en otage : Jouez à ce petit jeu là, et elle y passe !
MONSIEUR DE FONTANGE : très bien
Monsieur de Fontange déplaça un portait de sa femme et dévoila ainsi une petite porte qu'il ouvrit avec une clef dorée.
MONSIEUR DE FONTANGE : servez vous … mais ce faites aucun mal à cette dame
BANDIT 1 : aller, prenez tout !
Une fois la besogne faite, les trois hommes se regroupèrent près de la porte, tandis qu'un quatrième complice, un serviteur, refermait la porte de la salle à clef, emprisonnant ainsi toute la noblesse présente.
……….
LE MASQUE NOIR en entendant les ordres des bandits : alors colonel ?
Oscar réfléchissait. D'un côté le masque noir qui était à sa merci et qu'elle était sur le point de démasquer ; de l'autre les bandits qui avaient justifiés sa présence ce soir. Elle n'avait pas le choix : tous les membres assistant à cette soirée savaient que le colonel de la garde était présent. Si elle n'agissait pas… Ces malfrats étaient plus à redouter que cet homme masqué !
OSCAR en se dirigeant en courant vers la sortie : la prochaine fois !
Elle descendit les escaliers pour atteindre la salle de jeu. Voyant qu'il lui était impossible de l'ouvrir, elle prit en chasse les quatre hommes qui se dirigeaient vers l'extérieur. Pendant ce temps, le masque noir sortit du bureau par la fenêtre de sorte à intercepter la bande. Au final, le masque noir bloquait la sortie de la demeure, tandis que le colonel de la garde condamnait l'entrée de la maison. Les crapules devraient les tuer pour passer et s'enfuir. Oscar trouva le tableau peu commun : un soldat aidé par un malfrat pour stopper d'autres malfrats. Elle en perdait son latin.
Sous la lumière des flambeaux, elle croisa le regard clair du voleur masqué qui lui fit signe d'attaquer. Sans attendre, elle se jeta épée brandie sur deux des brigands en même temps que le masque noir faisait pareil avec les deux gars restants. Le combat était difficile. Oscar réussit à stopper un de ses assaillants en lui plantant son épée dans l'épaule droite, l'homme incapable de saisir son arme restait à terre tordu de douleur. Face à elle, le masque noir assomma un des hommes, qui laissa tombé un sac de bijoux, et commençait à prendre le dessus sur le second. Les échanges de coups duraient encore quelques secondes puis les deux malfrats finirent par succomber à leur tour.
A la fin de la lutte, Oscar et le masque noir se retrouvèrent immobiles à quelques pas l'un de l'autre, se faisant face, épée à la main. La jeune femme pouvait pour la première fois observer l'homme à la lumière. Elle avait enfin l'occasion de voir les détails impossibles à déterminer lors de leurs précédentes rencontres. Ses cheveux étaient brun, peut être noirs. Il paraissait jeune sans doute quelques années de plus qu'elle, à peine. Mais ses yeux, ses yeux qui la fixaient ! Deux pierres scintillantes ! Elle les devinait bleus ou bien verts. Elle devrait s'approcher pour le savoir. Oscar s'avança d'un pas puis de deux. Ce soir elle connaîtrait l'identité du rôdeur… Mais ce fut sans compter sur le brigand assommé qui, oublié des deux « justiciers », avait ramassé une partie du butin et s'enfuyait en courant. Sans attendre, le masque noir se mit à sa poursuite, laissant le colonel seule à ses réflexions.
