Chapitre 24 : Impairs

Il était tard à présent chez Monsieur de Fontange. Oscar, une fois sortie de son mutisme, avait ficelé le brigand qui avait échappé à la mort : il était sérieusement blessé à l'épaule mais il était toujours en vie. Voyant s'approcher le colonel de la garde, épée à la main, il eut un mouvement de recul : le soldat n'avait pas hésité à tuer ses complices, il en ferait de même avec lui.

OSCAR : qui a orchestré ce plan ?

BRIGAND : je ne sais pas

OSCAR en pointant du doigt un des hommes à terre : ne me dit pas que c'est ce chef qui a organisé toute cette opération !

BRIGAND la lame d'Oscar sous la gorge : Je… Je ne sais pas comment il s'appelle… Il est toujours masqué…

OSCAR : où est son repaire ?

BRIGAND : je l'ignore, je sais qu'il rôde vers le Palais Royal, mais j'en sais pas plus.

Oscar délaissa le bandit, ramassa les sacs qui contenaient une partie du butin et retourna à l'intérieur de la maison. Elle saisit une masse suspendue en décoration dans le salon puis commença à défoncer la porte de la salle de jeu. Au bout de quelques coups, la porte céda devant le regard étonné des invités.

MONSIEUR DE FONTANGE : eh bien, colonel, vous êtes notre sauveur.

OSCAR en lui tendant les précieux sacs : malheureusement, un des bandits s'est enfui avec une partie des bijoux. Je vais faire mon possible pour retrouver cette racaille.

MONSIEUR DE FONTANGE : je comprends, mais je vous remercie tout de même. Sans vous nous aurions tout perdu ce soir. Je suis votre débiteur.

Oscar remercia son hôte de sa générosité, puis, après un bref salut aux nobles présents, se mit en quête des deux bandits. Tout d'un coup elle réalisa qu'elle avait oublié André. Où était-il ? Pourquoi n'était il pas venu les aider ? Inquiète elle se précipita près du lieu où le jeune homme devait surveiller la demeure. Personne. Elle s'affola. Avait il été attaqué ? Etait il blessé ? Elle continua à le chercher quand, un peu plus loin, elle vit le corps d'un homme allongé au sol. Le cœur battant, le colonel s'approcha de la masse inerte et s'aperçut qu'il s'agissait du quatrième bandit que le masque noir avait pourchassé. Il avait été touché en plein cœur, mais il n'y avait aucune trace du butin. Quelque peu soulagée, elle repartit à la recherche de son ami. Après quelques minutes interminables, elle le découvrit. Il semblait inconscient, étendu au sol mais aucune blessure grave n'était visible. Heureuse, elle s'avança vers lui.

OSCAR en le secouant légèrement : André ? André ?

ANDRE qui paraissait reprendre ses esprits : Oscar ? Que fais tu ici ?

OSCAR : comment vas tu ?

ANDRE : je vais bien, enfin je crois. Quelqu'un m'a surpris par l'arrière

OSCAR : Où est le masque noir ?

ANDRE : le masque noir ?

OSCAR : oui, il a tué le dernier brigand, à quelques pas d'ici.

ANDRE cherchant à se défiler : mon dieu ! Ils ont attaqué ! Tu n'es pas blessée ?

OSCAR : non, ne t'inquiètes pas. Quelques égratignures sans gravité.

ANDRE : je suis désolé de t'avoir abandonnée

OSCAR en le prenant dans ses bras : ne crains rien. Nous les avons arrêté … mais le masque noir s'est encore enfui… avec une partie du butin.

ANDRE : je suis sûr que tu découvriras bientôt qui il est. Rentrons

Au petit déjeuner du lendemain, Oscar raconta à André et à grand mère comment elle avait été à deux doigts de capturer le masque noir et comment, finalement, celui-ci l'avait aidée pour mieux la trahir ensuite.

GRAND MERE : cet homme me fait froid dans le dos ! Dès que je suis seule, j'ai l'impression qu'il va surgir de nulle part.

ANDRE moqueur : n'exagère pas grand mère. Il a sans doute d'autres chats à fouetter qu'à te faire peur.

OSCAR sérieuse : il est doué…

ANDRE perplexe : doué ? Que veux tu dire ?

OSCAR : il a réussi à pénétrer dans la demeure de Monsieur de Fontange sans être repéré

ANDRE : sans doute qu'il s'y est introduit une fois que les bandits se sont débarrassés des gardes

OSCAR : je ne sais pas…

GRAND MERE : tout ce que je sais moi, c'est qu'il faut être prudent : aucun noble n'est à l'abri. Dorénavant je vérifierais par deux fois que toutes les entrées sont closes avant l'aller me coucher !

ANDRE : calme toi grand mère, ce n'est qu'un voleur ; pas l'ennemi numéro un du pays !

Grand mère partit furibonde dans la cuisine avant de se faire traiter de vieille folle par ses petits enfants.

OSCAR : ma vie est de plus en plus compliquée : je me fait passer pour un soldat, j'aime un « roturier », ma famille l'ignore, le masque noir se moque de moi… et maintenant j'ai une vieille nourrice paranoïaque sur les bras !

Oscar et André passèrent la journée à Versailles, leurs altesses souhaitaient vivement avoir un compte rendu de la soirée de Monsieur Fontange. Oscar fut surprise de la présence de son hôte à l'audience. En fait Monsieur de Fontange avait demandé à être entendu par le roi et la reine pour complimenter les actions de leur colonel de la garde. Oscar en fut d'autant plus génée que tous les biens n'avaient pas pu être retrouvés et que le masque noir s'était échappé, mais sur ce dernier point, elle ne dit mot. Le Général de Jarjayes accueillit avec beaucoup de fierté la nouvelle de gratification de son fils. Son fils s'était montré digne du nom des Jarjayes, c'était tout ce qui lui importait. De son côté Madame de Jarjayes accueillit avec un sourire aimant et apaisé le retour de son enfant, tant de tourments pour sa chère fille…

Le soir venu, Oscar et André se séparèrent juste après souper, le jeune homme prétexta la journée éreintante pour rejoindre tôt sa chambre. Il attendit patiemment que la maison soit silencieuse pour s'éclipser de la demeure. Il devait se rendre près de la demeure de Monsieur de Fontange où il avait un butin à récupérer. La veille, le masque noir avait aidé le colonel de la garde à déjouer le plan de cambriolage à l'encontre de Monsieur de Fontange.

Pour la première fois, il s'était permis d'apparaître à la lumière. Il avait vu le regard d'Oscar posé sur lui ; elle l'avait détaillé, notant le moindre détail qui lui aurait permis d'identifier le masque noir. André le savait parfaitement … elle était sur le point de le découvrir. Après le combat, il avait voulu ôter son masque, lui montrer la vérité, lui révéler qu'André Grandier et le masque noir étaient une seule et même personne. Il espérait ainsi mettre fin aux tourments de son aimée. Mais le sort en avait voulu autrement : le brigand qu'il avait assommé s'enfuyait avec un partie de la récolte. Il l'avait suivi et stoppé.

Une fois l'homme mis hors d'état de nuire, il avait enlevé son costume sombre pour revêtir sa tenue classique. Il avait alors entendu les appels d'Oscar, partie à sa recherche. Il fallait qu'il trouve une excuse de son inactivité à la soirée : il s'allongea au sol… et Oscar fit le reste. Maintenant il devait reprendre les habits du voleur masqué et surtout les bijoux qu'il avait récupérés au malfrat, avant que quelqu'un ne les découvre.

Il revint au château de Jarjayes aussi vite que possible pour ne pas éveiller les soupçons. Une fois son cheval à l'écurie, André voulut traverser la cuisine avant de se rendre dans sa chambre. Il marchait à pas feutrés, inutile de se faire repérer ; comment expliquerait il son paquetage, une poignée de bijoux emmaillotées dans son costume de bandit. Il franchit la porte de la cuisine quand il esquiva une poêle de justesse et une grand mère hurlante : « Voleur , si tu fais un pas de plus je… ». Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase quand elle vit la mine de son petit fils qui avait échappé de justesse à un fracassement de tête.

ANDRE en posant discrètement son fardeau derrière une caisse et criant : mais tu es folle grand mère ! Tu as failli me faire exploser la tête comme un pastèque ! Mais d'ailleurs qu'est ce que tu fais avec cette poêle ?

GRAND MERE, plus que gênée en voyant son petit fils médusé par sa violence : oh mon petit… je suis tellement désolée… je ne sais que dire… je croyait que c'était ce maudit voleur

OSCAR: le masque noir, tu veux dire ?

ANDRE admirant la dynamique poitrine de la jeune femme essoufflée : Oscar ? Mais qu'est ce que tu fais là ?

OSCAR tentant de reprendre son souffle : j'ai entendu grand mère crier, alors je suis descendue aussi vite que possible pour voir ce qui se passait. Alors ?

GRAND MERE encore plus embarrassée : si tu savais ma petite Oscar… J'ai failli tuer André !