Chapitre 27 : Manigance
Après de longues minutes, Oscar descendit rejoindre sa nourrice à la cuisine. En entrant dans la pièce, elle vit la vieille femme qui l'informa qu'André ne s'était toujours pas levé. Tant mieux pensa Oscar, elle pourrait discuter tranquillement avec grand-mère.
OSCAR : grand mère, je voudrais te demander deux services.
GRAND MERE : bien sûr ma chérie, lesquels ?
OSCAR : premièrement, je voudrais que tu ne parles pas à André de ta « découverte ». Je préfèrerais lui annoncer moi même la nouvelle quand j'aurai la preuve de l'identité du masque noir.
GRAND MERE : comme tu veux, je te laisserai l'en aviser
OSCAR : merci
GRAND MERE : et quel est donc le second service qui tu avais à me demander ?
OSCAR : une robe !
GRAND MERE surprise : tu veux que je te fasse à nouveau une robe ?
OSCAR : c'est exact
GRAND MERE : tu veux retourner à un bal ?
OSCAR : oui, mais encore en secret… même André ne doit rien savoir.
GRAND MERE en se rappelant le piège que lui avait tendu son petit fils : comme tu le souhaites. As tu une préférence pour ta toilette ?
OSCAR : oui. Je voudrais une robe simple, comme la première, mais disons … un peu plus… comment dire ?
GRAND MERE : aguichante ?
OSCAR : tout à fait !
GRAND MERE timidement : c'est pour un homme, n'est ce pas ?
OSCAR : là encore chère grand mère… c'est un secret.
Oscar partit ensuite prendre son service auprès de sa majesté, laissant son valet récupérer de toutes ses émotions. Toute la journée, les pensées de la jeune femme étaient tournées vers la double personnalité d'André / le masque noir. André était le faucon : beau, apprivoisé, docile ; tandis que le masque noir était bien plus : un aigle majestueux, puissant quasi indomptable. Elle sourit à la comparaison. En fait le masque donnait à André la possibilité d'être celui que sa naissance ne lui permettait pas d'être.
Quelle aveugle elle avait été ! Pendant toutes ces semaines, André se transformait en voleur masqué sous leur nez. Même grand-mère, qui pourtant avait le chic pour découvrir toutes leurs manigances passées, n'y avait vu que du feu. Il devait avoir une tanière secrète : il ne pouvait pas prendre le risque d'être vu et démasqué. Mais cet endroit devait être proche du château, André devait pouvoir réapparaître rapidement. La jeune femme chercha dans sa mémoire les différents coins où ils allaient étant enfants. La cabane ? Pourquoi pas ? Cela faisait des années qu'elle ne s'y était pas rendue, c'était une possibilité.
Sa décision était prise. Avant de rejoindre le château, elle rentra son cheval à l'écurie et n'apercevant personne, se dirigea à pieds avec les bois. Oscar surveillait les alentours ; elle ne voulait qu'André puisse la surprendre. Après quelques pas elle aperçut la cabane perchée sur les premières branches d'un grand chêne. La petite échelle en bois était sur le point de se décomposer au moindre souffle de vent, alors sous son poids… Elle fit le tour de l'arbre et repéra une corde habilement dissimulée dans le tronc : aucun doute elle avait été récemment installée. Elle sourit : André avait vraiment pensé à tout. N'importe quel visiteur importun aurait rebroussé chemin devant l'état de dégradation de l'échelle, cela dissuadait quiconque de monter dans la cabane.
La jeune femme entreprit alors de monter. La cabane, autrefois si grande, ressemblait maintenant à une maison de poupée. Elle eut un petit rire en imaginant André, si grand, si robuste, recroquevillé dans cette maisonnette qui avait été construite par des adolescents. Une fois ses yeux accoutumés à la pénombre, Oscar repéra la petite table sur laquelle reposait des étoffes. La tenue du masque noir ! Elle déplia la cape et repéra l'accroc ; elle sortit le morceau de tissu noir trouvé dans la cuisine. Il s'y ajustait parfaitement. Après avoir tout replié tel quel, elle se retourna et vit leur boîte à trésor.
Le sourire aux lèvres, elle se souvint qu'avec André elle y cachait leurs jouets les plus précieux pendant leur jeunesse. Elle l'ouvrit et fut surprise d'y découvrir un vieux bilboquet, des cailloux plats dont André se servait pour faire des ricochets et quelques autres joujoux. Elle souleva émue ces jouets et distingua au fond de la boîte un petit baluchon noir. Curieuse, elle le sortit et l'ouvrit. Des bijoux ! Elle était tombée sur le butin du masque noir ! Elle aurait voulu reprendre ces richesses mais si elle le faisait André comprendrait qu'il était confondu. Non ! Elle attendrait ! Maintenant elle savait où était l'antre du voleur.
Il commençait à être tard, Oscar jugea bon de rentrer avant que quelqu'un, en particulier André, ne s'inquiète de son retour tardif. Alors qu'elle passait devant l'écurie, elle vit le jeune homme arriver dans sa direction.
A : bonjour mon amour. Je ne t'ai pas vue ce martin
OSCAR : bonjour André, excuses moi, je devais me rendre auprès de sa majesté. Grand-mère m'a dit que tu dormais alors j'ai préféré que tu te reposes ; ces derniers jours ont été éprouvants.
ANDRE : effectivement. Mais toi aussi tu dois te ménager.
OSCAR en se rapprochant : ne t'inquiète pas. Dès que j'aurais identifié le masque noir, je pourrais me reposer … dans tes bras.
ANDRE une lueur triste dans les yeux : tu veux toujours le piéger ?
OSCAR : bien sûr ! D'ailleurs j'ai un plan !
ANDRE avec un regain d'intérêt : Un plan ?
OSCAR satisfaite de la curiosité de son compagnon : oui : je vais aller à tous les bals… il finira bien par se montrer et là…
ANDRE : mais s'il ne se montre pas ?
OSCAR mettant en place son piège : il doit se montrer… c'est pour cela que je te demande de ne pas venir avec moi… il ne faudrait pas, qu'en te voyant, il se doute de quelque chose.
