Chapitre 29 : Ensorceleuse

André n'en revenait pas ! Oscar, sa chère Oscar, était lassée de lui. Pourquoi le traitait elle d' « amoureux exquis », comme si leur amour n'était qu'une passade ? Il savait que la jeune femme avait un caractère fort, voire dominateur dans son rôle de soldat ; mais en amour elle semblait plus délicate, plus attentionnée à faire plaisir à son amant. Etait ce fini ? Devait il renoncer à elle au profit de cet homme presque irréel, ce masque noir ? Ne se rendait elle pas compte que le voleur n'existait pas vraiment, du moins qu'il ne s'agissait que d'une icône au service des pauvres ? Le masque noir n'avait de réelle existence que dans le cœur d'André.

Que devait il faire ? S'il ôtait son masque maintenant, elle risquait de le détester, prise en faute de l'avoir trahi. S'il profitait de cette soirée en tant que masque noir, elle risquait de lui échapper au profit de cette illusion. Pourtant dieu sait qu'elle était belle. Il était prêt à tout risquer pour elle. Mais elle, comment allait elle réagir une fois qu'elle aurait assouvi son désir pour ce voleur ? Car, à un moment ou à un autre, elle lui enlèverait son masque. Et là ? Le rejetterait elle à nouveau ? Non, il ne le supporterait pas ! La fuite ? Etait ce là sa seule possibilité ? Sans doute. Il voulait garder Oscar pour lui ; comme un pirate qui protège son trésor jusqu'à la mort.

Oscar observait son amant. Il paraissait choqué par ce qu'elle venait de dire. Elle savait qu'au final elle devrait tout expliquer à André : rien n'était vrai dans cette soirée. Ni cette magnifique robe qui ne convenait qu'à une de ces nobles courtisanes ; ni la lassitude qu'elle faisait croire pour son merveilleux amant. Elle voulait tant qu'il lui dise la vérité maintenant. Elle ne demandait qu'une chose : qu'il la prenne dans ses bras, qu'il lui dise « c'est moi, André, je t'aime tant ! ». Mais André persistait dans cette mascarade. Soit ! Elle redoublerait d'ardeur !

OSCAR : Monsieur ? Monsieur ?

OSCAR voyant son partenaire pensif : mon bien aimé ?

LE MASQUE NOIR revenant à la triste réalité : oui ma chère ?

OSCAR : j'ai le sentiment que ma présence vous lasse…

LE MASQUE NOIR : bien sûr que non. Vous êtes d'une agréable compagnie

OSCAR faussement timide : juste « agréable compagnie » ? Moi qui pensais que cette tenue vous ferait plaisir.

LE MASQUE NOIR tentant de résister à ces lèvres tentatrices : c'est vrai, votre toilette est ravissante.

Elle avait découvert son pouvoir de séduction avec André et maintenant elle l'utilisait à la perfection. A présent Oscar mettait tout en œuvre pour avoir le masque noir en son pouvoir. André devait résister. Il savait pertinemment que répondre aux avances de son aimée, ce soir, le conduirait à sa déchéance. Il avait de plus en plus de mal à supporter ce corps tant de fois exploré, collé au sien. Il devait penser à autre chose… mais les images de ses nuits d'ivresse avec cette déesse ne cessaient de ressurgir dans sa tête.

Voyant qu'André faisait son possible pour rester insensible à son charme, Oscar profita de la nouvelle danse pour poser sa tête sur la large épaule. André sentait à présent le léger souffle de sa partenaire sur sa gorge, tandis que ses seins taquinaient son torse. Ce jeu devait cesser au plus vite ! Le désir, trop longtemps retenu, commençait à le dominer. Il devait fuir ! Quitter cette diablesse !

LE MASQUE NOIR essayant de rester impassible : pardonnez moi, ma chère, mais je vais devoir prendre congé de vous

OSCAR à la fois surprise et déçue : déjà ? Mais le bal n'est pas encore fini…

LE MASQUE NOIR : je suis navré… mais je pense que d'autres messieurs, présents ce soir, se feront un plaisir de vous inviter à danser.

OSCAR essayant de le retenir : ne pourriez vous pas me raccompagner ?

LE MASQUE NOIR : je ne pense pas être le bienvenu dans votre demeure… aussi je vous quitte à l'instant.

Le masque noir s'écarta de sa cavalière, lui baisa la main en murmurant « je suis sincèrement désolé, ma mie ». Le voyant s'éloigner, un sourire se dessina sur les lèvres d'Oscar : « Fuis mon bien aimé, je connais ta cachette… ».