Chapitre 30 : Solitude
André descendit de son cheval, il l'accrocha machinalement à une des branches du chêne. Il se hissa jusqu'à la cabane dans laquelle il s'assit. Quelle soirée étrange, pensait-il, d'un côté le paradis, de l'autre côté l'enfer et au milieu … cette femme. Oscar. Il avait appris à apprécier son compagnon d'armes dès que les deux garnements s'étaient associés pour faire tourner la tête à grand-mère. Au fil des années, ils étaient devenus frères !
Après avoir revêtu le costume du masque noir, Oscar était devenue le chasseur et André la proie, mais leur amitié restait inchangée. Il y a quelques semaines, tout basculait : son compagnon, son frère, était en réalité une merveilleuse femme ; une femme à laquelle il était irrémédiablement attachée. Et maintenant ? Qui était elle ? Une aventure ? … Il ne pouvait se résoudre à cette idée. Cette femme avec qui il avait dansé ce soir lui ressemblait si peu… et si ce n'était pas elle… si elle avait revêtu un costume comme lui se transformait en masque noir. Si tout n'était qu'illusion ?
Une fois rentrée au château, Oscar était montée se rafraîchir et se changer. Personne, à part grand-mère, ne l'avait vue sortir de la demeure en robe de bal. Il ne fallait pas que ses parents la remarquent et lui demandent des explications. Elle redescendit après un moment. Tout le monde semblait couché, même André pensait elle. Il l'avait précédé et devait maintenant ronfler tranquillement dans son lit.
Profitant de la quiétude de la demeure, elle voulut le rejoindre dans sa chambre pour le serrer dans ses bras ; elle avait passé toute la soirée avec lui et pourtant il avait été si distant au final. Elle avait besoin de sa chaleur, de son amour. Elle pénétra discrètement dans la chambre de son amant. La pièce était sombre, Oscar distinguait à peine le lit ; elle s'en approcha mais fut surprise de le découvrir vide ! Mais où était André ? La jeune femme commençait à s'inquiéter : André devait être rentré depuis deux bonnes heures ! Elle priait pour qu'il n'ait pas fait de bêtise : quitter le château… ou pire ! Elle devait partir à sa recherche !
Elle prit une lanterne et partit à sa rencontre. Elle s'approcha de l'écurie quand elle vit, avec soulagement, André en sortir.
OSCAR apaisée : mais que fais tu dans l'écurie aussi tard ?
ANDRE menteur : ton cheval avait perdu un fer, j'ai du le remplacer
OSCAR : à cette heure ci ?
ANDRE inventant un nouveau mensonge : grand-mère m'a confié beaucoup de travail ce soir, et je savais que tu devais aller à Versailles demain.
Oscar ne pouvait décrocher son regard du visage d'André ; elle le savait peiné mais il ne laissait rien paraître. C'était trop. Elle avait joué avec les sentiments d'André et elle avait perdu. Elle devait tout lui avouer : la raison de cette soirée, qu'elle savait qu'il était le masque noir… tout ! Mais pas ce soir : elle se donnait la nuit pour y réfléchir, pour choisir les mots, les gestes qu'attendait son compagnon. Elle s'approcha de lui, le serra dans ses bras avec toute la tendresse dont elle était capable et lui posa un délicat baiser sur les lèvres.
OSCAR en se détachant d'André à regret : bonne nuit, mon amour… essaie de te reposer.
La nuit, la jeune femme eut un sommeil agité, peuplé de cauchemars : André la quittait ! Elle se réveilla plusieurs fois en sursaut, elle aurait tant voulu qu'André soit là, près d'elle, pour la réconforter, pour la rassurer, pour l'aimer. Mais on était au beau milieu de la nuit, et elle était seule dans son lit ! L'épuisement finit par la submerger au petit matin ; si bien que grand-mère, inquiète de ne pas la voir descendre, vint aux nouvelles. La vieille femme frappa à la porte, n'obtenant aucune réponse elle se glissa dans la chambre et stoppa net. Le lit d'Oscar ressemblait à un champ de bataille. Les oreillers étaient éparpillés au sol, les draps et couvertures de part et d'autre du lit. Et Oscar… La jeune fille était en travers du lit, à plat ventre, la tête reposant sur ses bras repliés. Grand-mère s'approcha d'elle et posa délicatement sa main sur l'épaule pour la réveiller.
GRAND MERE : Oscar ? Oscar ?
OSCAR en se réveillant : qui y-a-t-il ?
GRAND MERE inquiète : ça va ma chérie ?
OSCAR : oui, grand-mère
Petit à petit, Oscar ouvrit les yeux et s'étira pour soulager ses muscles endoloris. Les souvenirs de la soirée resurgirent bientôt ; elle devait voir André au plus vite !
OSCAR à présente parfaitement réveillée : grand-mère, André est-il levé ?
GRAND MERE : bien sur, mon petit. Il est même réveillé depuis l'aube ; il m'a d'ailleurs proposé d'aller en ville me chercher quelques provisions.
OSCAR pensive : en ville ?
Sur ces mots, la jeune femme sauta du lit, enleva sans attendre son vêtement pour revêtir chemise, pantalon et gilet et sortit en courant de sa chambre.
GRAND MERE étonnée : mais que fais tu ? Où vas tu ? Tu n'as même pas déjeuné.
OSCAR comme si le diable la poussait : je vais rejoindre André en ville, je n'en ai pas pour longtemps… je mangerai à mon retour.
Elle devait le voir, elle devait lui dire tout de suite la vérité. Elle se dirigea sans attendre vers l'écurie et partit au galop à la recherche d'André. Un peu plus loin des yeux regardaient le colonel de la garde franchir les grilles du château…
