Chapitre 32 : Instructions
Les heures défilaient. André s'était lancé à la recherche de sa belle. Il avait fouillé tous leurs endroits secrets où ils avaient partagé leur intimité, même sa cabane ; il était retourné en ville au cas où il l'aurait manqué de peu ; enfin il s'était rendu à Versailles dans un ultime espoir. Sans succès ! Oscar était introuvable ! Avait elle changé d'avis ? S'était elle enfuie ? Cette incertitude lui était insoutenable. Résigné par sa quête infructueuse de la journée, il rentra au château ; il reprendrait ses recherches dès l'aube. Il rejoint grand-mère qui lui avait laissé son repas sur la table.
GRAND MERE les yeux rougis : alors chéri ?
ANDRE : toujours rien grand-mère, je l'ai cherchée dans tous les endroits que je connaissais, je continuerais demain. Je te promets de la retrouver.
GRAND MERE pensant à voix haute : j'espère que ce n'est pas cet homme !
ANDRE perplexe : « cet homme », quel homme grand-mère ?
GRAND MERE : Oscar m'a fait promettre de ne rien dire….
ANDRE prenant la vieille femme par les épaules : dis moi, de qui parles tu ? Cet homme est peut être responsable de sa disparition ! Tu dois tout me dire, grand-mère !
GRAND MERE estimant que la vie d'Oscar était plus importante que tous les secrets : en fait cela fait quelques jours qu'Oscar est bizarre…
ANDRE : bizarre ?
GRAND MERE : oui … en fait c'est depuis que j'ai trouvé ce morceau de tissu noir dans la cuisine… ensuite elle m'a demandé de lui confectionner une nouvelle robe… j'ai cru comprendre que c'était pour un homme… Oh mon dieu, André ! Je suis sûre que c'est lui qui a enlevé ma petite Oscar !
ANDRE n'y tenant plus : qui ?
GRAND MERE affolée : le masque noir !
ANDRE : pourquoi penses tu cela ?
GRAND MERE : eh bien, après avoir montré à Oscar le morceau de tissus, son regard a changé… plus étrange encore elle m'a demandé de ne pas t'en parler… elle m'a dit qu'elle s'en occuperait seule ! Oh André, qu'a-t-il fait à ma petite chérie ?
André était abasourdi par le discours de sa grand-mère. Un morceau d'étoffe noir… il se souvenait avoir remarqué un accroc à sa cape… Aucun doute ! Oscar avait découvert l'identité du masque noir ! Cela expliquait son attitude les jours qui suivirent : elle lui avait tendu un piège au bal masqué. Elle le connaissait trop bien pour savoir qu'il succomberait à son charme et elle lui avait savamment demandé de ne pas l'accompagner : elle voulait lui laisser la possibilité de la rejoindre sous les traits du maque noir. Ainsi tout ce qu'elle avait dit sur lui : « amoureux exquis », qu'elle voulait découvrir de nouvelles choses avec le masque noir… elle l'avait manigancé à l'avance. Quel idiot il était ! Le piège était grossier et pourtant il était tombé dedans sans sourciller. Il l'aimait, il l'aimait tant… il passerait sa vie à la chercher s'il le fallait.
ANDRE en prenant la vieille femme dans ses bras pour la rassurer : ne t'inquiètes pas, grand-mère, le masque noir ne fera jamais de mal à Oscar, tu as ma promesse
GRAND MERE en pleurant : j'ai si peur André…
ANDRE : moi aussi… mais je vais la retrouver !
………
Dans la cellule,
ARCHANGE : alors colonel, je suppose que vous vous demandez pourquoi vous êtes ici. Eh bien, disons qu'il y a deux raison à cela… non plutôt trois : me venger de vous, de votre intrusion dans mes plans ; obtenir quelque compensation de votre enlèvement ; et enfin faire disparaître l'un des hommes les plus respectables et dangereux du roi. Vous voyez, vous êtes quelqu'un d'important à mes yeux et il est hors de question que je vous laisse partir … vivant ! Ha, Ha, Ha !
Ainsi serait son destin, pensait Oscar : enfermée puis exécutée par cet assassin ? Elle avait entendu courir le bruit à la cour qu'un homme, dont tout le monde ignorait l'identité, était devenu le spécialiste des attentats à l'encontre de la noblesse. Cette description correspondait parfaitement au personnage qui se trouvait face à elle. Cet homme n'éprouvait aucune pitié : sa vie ne représentait rien pour lui ! Elle se calma ; paniquer ne pourrait pas lui rendre service. Quitte à mourir, elle préférait mourir en combattant. C'était décidé ! Elle n'attendrait pas la mort, impassible… elle irait à sa rencontre !
Le calme revenu, elle pensa à André. Quelle ironie : tous ces hommes qui portent un masque ! L'un, le masque noir, est un homme bon, juste, droit ; l'autre, l'Archange, est un meurtrier, froid, sans pitié. L'un était sa vie, l'autre tenait sa mort dans sa main. Il avait décidé de la tuer, soit ! Elle ne lui faciliterait pas la tâche.
Devant le mutisme du colonel, l'assassin la gifla à nouveau pour attirer son attention. La joue de la jeune femme prit une teinte violacée tandis qu'un filet de sang s'échappait de sa bouche.
ARCHANGE : n'avez vous rien à dire ?
OSCAR : je croyais que je ne devais pas poser de questions !
ARCHANGE : bien, je vois que vous comprenez la situation… et qui commande ici. Finalement vous êtes bien comme tous ces « toutous de la reine », sous votre bel uniforme, vous n'êtes qu'une femmelette !
Oscar ne réagit pas à la remarque : inutile de contredire l'homme. Après tout s'il la prenait pour un pleutre, tant mieux… il se méfierait d'autant moins d'elle.
ARCHANGE : nous allons voir si vous êtes le digne héritier de votre père
OSCAR : mon père ?
ARCHANGE : il a ordre de nous fournir 300 fusils s'il veut récupérer son fils adoré !
OSCAR : une rançon ? Voilà pourquoi je suis encore vivant !
ARCHANGE : vous êtes peut être un couard mais je dois dire que vous êtes un peu plus perspicace que ces hommes de la cour. En effet, vivant vous pouvez encore m'être utile, ensuite…
Il ne finit pas sa phrase, mais Oscar n'en avait pas besoin pour savoir ce qu'il prévoyait de faire : témoin gênant, inutile, mort. L'Archange sortit alors de la cellule, suivi par les quatre gredins, laissant le colonel de la garde seule à ses pensées.
…….
André venait de quitter grand-mère et se dirigeait dehors quand il croisa le général qui pénétrait d'un pas vif dans le château. Le jeune homme nota le visage sérieux et sévère du soldat.
GENERAL : André ?
ANDRE : Général ? Quelque chose ne va pas ?
GENERAL en lui tendant une missive : je veux que tu remettes ceci au Marquis de Bouillé, en main propre ! Personne ne doit être au courant.
ANDRE étonné par la nervosité du général : est ce qu'il s'agit d'Oscar ?
GENERAL : après tout, tu es son ami… mais je t'interdis d'en parler à qui que ce soit… encore moins à la mère d'Oscar !
ANDRE : vous avez ma parole, Général
GENERAL : André, un homme vient de me remettre ce message
Le général tendit le document à André qui commença à le lire avec effroi :
« Général, nous avons en notre possession votre fils, Oscar. Si vous voulez le revoir vivant et en bonne santé, rendez vous dans deux jours à l'adresse suivante avec 300 fusils. Si vous n'obtempérez pas, vous recevrez la tête de votre fils en guise de souvenir. Si vous nous tendez un piège, il sera immédiatement exécuté »
GENERAL en tendant à André une chaîne : il y avait ceci avec la lettre. C'est la médaille que j'ai offerte à Oscar pour ses dix ans.
ANDRE inquiet : qu'allez vous faire, mon général ?
GENERAL en prenant la direction de son bureau : quelle question ! Je vais faire ce qu'il demande ! Pars maintenant, il faut tout organiser !
André prit la missive et rejoignit l'écurie pour se rendre chez le marquis. Tout n'était pas aussi simple ! Et Oscar était elle en vie ? Son instinct lui disait oui mais il savait que dans ce genre d'affaire, on ne laissait pas de témoin. Si la jeune femme était encore indemne, ce ne serait pas longtemps le cas. Le général était aveuglé par l'orgueil : il était prêt à tout faire pour récupérer son « héritier », sans se rendre compte qu'une rançon ne la ramènerait pas vivante.
