Chapitre 34 : Mort
André venait de pénétrer dans l'antre de l'Archange de la Terreur. Il avait suivi les bruits dans les nombreux couloirs pour tenter de se diriger vers leur source. Ce qu'il vit alors le figea. Il aperçut un homme au visage masqué, les yeux jubilatoires posés sur une forme à terre. Deux hommes s'écartèrent alors de cette masse.
TUEUR : eh bien je crois qu'il a son compte désormais
ARCHANGE : maintenant il ne nous servait plus à rien de toute façon ! Laissez le corps là, on s'en débarrassera plus tard : nous devons déjà aller chercher les fusils.
André sentit son cœur s'arrêter dans sa poitrine. Non ! Ce ne pouvait pas être elle ! Des larmes commencèrent à ruisseler sur ses joues, ses jambes le portaient à peine. Il l'avait perdue. Cet assassin la lui avait volé définitivement. Comment allait il pouvoir vivre sans elle maintenant? Une fois les hommes partis, il se résolut à s'approcher de ce corps sans vie. Il n'arrivait pas à y croire. Il s'agenouilla réprimant tant bien que mal ses sanglots.
La jeune femme était face contre terre. Ses cheveux blonds étaient maintenant teintés de mèches écarlates. Ses vêtements étaient couverts d'un mélange de terre, de poussière… et de sang. Elle avait été rouée de coups… jusqu'à son dernier souffle. En observant ses délicates mains, il devina qu'elle s'était battue toutes griffes dehors : ses ongles étaient cassés et la jointure de ses doigts rougis par les coups qu'elle avait dû porter à ses meurtriers.
Lorsqu'il la retourna dans ses bras, il vit son regard éternellement clos. Il repoussa une mèche pourpre de sa joue, dévoila ainsi une plaie saignante. Qu'avaient ils fait à son beau visage ? Il resta prostré, le cadavre de sa femme dans les bras, attendant à son tour la mort.
Son cœur se mit à battre de nouveau. Il ouvrit les yeux, passa sa main sur son visage. Ses joues étaient couvertes de larmes. Son regard fixa les lattes de bois face à lui. Il était réveillé ! Tout n'avait été qu'un rêve… non ! Un cauchemar ! Il réalisa enfin où il était, sa cabane. Il se redressa, il était en nage. Il regarda par l'entrée de sa cachette, il faisait à présent nuit dehors.
Sa mémoire le ramena alors à la réalité. Quelques heures auparavant, il avait rejoint le château du Marquis de Bouillé pour lui remettre la missive du Général de Jarjayes, puis, de retour au château, il avait eu besoin de s'isoler quelques heures pour réfléchir. Sans doute la fatigue de cette horrible journée avait-elle eu raison de sa résistance.
Mais ce cauchemar ? Etait ce une prémonition ? André ne croyait pas à ce genre de superstition mais c'était d'Oscar dont il s'agissait. Il savait parfaitement que sa vie ne tenait à pas grand chose. Ses kidnappeurs voulaient-ils la faire disparaître avant même que la rançon ne soit versée ? Etait-ce message que lui signifiait ce rêve. Devait-il agir dès cette nuit ?
L'homme pénétra dans le passage obscur. Il arrivait à percevoir les geôliers éméchés qui discutaient sur la chance de l'Eborgné.
MALFRAT 1 : je sens que notre invité va regretter d'être venu au monde. Ha ! Ha !
MALFRAT 2 : ah ça tu l'as dit. Il a beau être borgne, il n'en est pas moins cruel. J'espère qu'il quand même laisser notre petit jouet encore en vie quelques heures… histoire d'en profiter encore.
L'homme caché dans l'ombre tremblait d'effroi : ces hommes n'étaient pas de simples brigands mais bien des criminels sans scrupule. Combien avaient ils pu massacrer de personnes ?
Oscar, le poignard à la main, commençait à s'avancer vers le coin éclairé. Soudain un des hommes se leva et se dirigea dans sa direction. Ne voulant pas être repérée, elle se cacha dans un renfort sombre du couloir pour surprendre son adversaire.
MALFRAT 1 en se levant : je vais voir ce que l'Eborgné est en train de mijoter. Ca fait un moment qu'il est avec l'aristo, il ne faudrait pas qu'il l'ai trop amoché !
La brute s'approcha de la cellule, attrapa la chope que son collègue avait posée sur le tabouret à l'entrée et acheva de la vider. Au moment où il pénétra dans la pièce, Oscar lui asséna un coup derrière la nuque. L'homme s'effondra dans un bruit sourd, la chope de bière tomba alors au sol dans un bruit métallique.
MALFRAT 2 : eh les gars ! Qu'est ce qui s'passe ?
MALFRAT 3 en tendant une épée à son ami et en prenant la sienne : viens, on va voir ce qui se passe !
Oscar sortit alors de l'ombre. Elle tenait dans chaque main les poignards des deux tueurs qu'elle avait mis hors d'état de nuire. Elle se trouvait à présent face aux deux derniers gredins, épée à la main. Si elle voulait quitter ce lieu maudit, elle devait les terrasser. Le combat qui allait s'engager aller être difficile : deux couteaux contre deux épées, un contre deux… comme elle aurait aimé qu'André soit à ses côtés… mais il n'était pas là… elle était seule pour défendre sa vie.
Dans un cri de rage, la jeune femme se rua sur le premier homme ; pris par surprise il évita la première lame mais la seconde vint directement se planter dans sa gorge ! Le second geôlier, assistant à cette scène mortelle impuissant, se recula pour se remettre en garde. Contrairement à ce qu'ils avaient tous cru, ce soldat n'était pas un novice couard ! A l'issue de ce combat, un des deux adversaires succomberait.
Oscar saisit l'épée de sa victime et se retourna vers son dernier agresseur. L'homme ne lui laissa pas le temps de faire un geste qu'il se jeta dans la bataille pour sa vie. Les coups portés étaient d'une telle violence que des étincelles semblaient s'échapper des deux lames en contact. La brute était sans conteste plus forte et en meilleur état physique que le soldat. Oscar échappa de peu à sa lame à plusieurs reprises, mais l'arme finit par entailler la chair de son bras gauche. Sous la douleur, le poignard qu'elle saisissait jusqu'alors l'abandonna. Au moment où le meurtrier s'apprêtait à lui asséner le coup de grâce, elle esquiva la lame et planta son épée dans le ventre du bourreau qui chuta au sol, mort.
ARCHANGE : plus un geste, colonel !
Oscar leva les yeux vers l'homme. Elle était tellement prise par son dernier combat, qu'elle n'avait pas vu l'assassin approcher. Maintenant il la tenait en joue avec son pistolet à quelques mètres d'elle. A cette distance elle n'avait aucune chance de l'atteindre avec son épée, l'Archange ferait feu bien avant.
ARCHANGE en pressant sur la détente : adieu, colonel !
Le coup partit. Un voile noir traversa les yeux de la jeune femme.
