Chapitre 37 : Asile

Elle l'avait regardé s'approcher en courant. D'un simple regard, elle avait vu tout l'amour qu'il lui portait. Il s'était interposé entre la mort et elle, mais la faucheuse s'était emparée de sa vie en échange. Pourquoi ? Elle ne méritait pas un tel sacrifice après l'avoir fait tant souffrir. Elle le vit s'écrouler devant elle, la fixant autant que possible du regard ; puis les yeux d'André quittèrent la vie. Cet homme, qu'elle chérissait tant, lui avait permis de sauver sa vie : elle avait tué l'Archange. Maintenant elle se laissait tomber à terre, les mains sur son visage … déversant toutes les larmes de son corps. Oscar était seule à présent.

Après un temps qui sembla interminable, ses yeux se rouvrirent à nouveau. Au milieu de la pièce, se trouvait un homme à terre, inerte, la tête baignant dans une mare écarlate : le tueur avait succombé ! Elle pleurait, repliée sur elle-même, à ses côtés. Un imperceptible murmure se fit entendre : « Oscarrrrrr ». La jeune femme leva brusquement la tête : ce n'était pas possible, elle rêvait ; elle croyait entendre André l'appeler. Mais le murmure se répéta une nouvelle fois ! Elle devait en avoir le cœur net. Elle s'avança à genoux près du corps enveloppé de noir …

OSCAR hésitante : André ?

Elle se rapprocha à nouveau un peu plus près et le retourna pour voir son visage. Son cœur valsait entre une frénésie et un arrêt. Elle découvrit alors son visage : il était blanc comme un linge, ses yeux laissaient s'échapper des larmes mais ils étaient ouverts dans sa direction. Elle vit alors les lèvres d'André esquisser un mouvement.

ANDRE agonisant : Oscarrrrr

OSCAR heureuse de le savoir en vie : André, je suis là, je vais m'occuper de toi

ANDRE en parlant difficilement : je…. je suis si …. Que tu…. vivante

OSCAR : je vais te ramener…

Elle examina rapidement le corps de son amant : la balle l'avait traversé par l'arrière sur le côté droit de la poitrine et la plaie saignait beaucoup. Elle déchira un morceau de la cape noire pour tenter de faire un pansement provisoire. André avait besoin d'un médecin rapidement ses organes pouvaient être touchés : poumon, foie…

Premièrement il fallait sortir de cet endroit sordide. Elle se releva et passa le bras de son sauveur par-dessus son épaule. Certes André était bien plus lourd qu'elle mais elle n'avait pas le choix : elle devait le sauver à tout prix. Elle se dirigea laborieusement dans les couloirs et déboucha finalement sur la porte qu'avait emprunté le masque noir quelques minutes auparavant. Voyant qu'ils se trouvaient à l'arrière d'une maison, elle en fit le tour pour trouver une issue.

A l'angle de la maison, elle leva légèrement la tête et reconnut la demeure. Le Palais royal ! La demeure du Duc d'Orléans, cousin de Louis XVI : lieu de théâtres, de cafés voire même de prostitution, où nobles et philosophes pouvaient se retrouver. Elle savait qu'elle ne serait sans doute pas la bien venue mais elle s'approcha tout de même de l'entrée.

HOMME en détaillant les deux hommes : qui êtes vous ?

Oscar se doutait que le tableau qu'elle donnait avec André était loin d'être à son avantage. Elle était crasseuse, couverte de sang et portait un homme inconscient, blessé à mort.

OSCAR d'un ton sec : je suis Oscar François de Jarjayes ! Prévenez monsieur le Duc d'Orléans de ma présence immédiatement et allez quérir un médecin !

HOMME sentant que le soldat ne plaisantait pas : tout de suite Monsieur.

L'homme pénétra en courant dans la demeure. Oscar ne prit pas le temps d'attendre, elle ne pouvait pas se le permettre : elle le suivit dans l'entrée. Quelques instants à peine plus tard le Duc se présentait à elle.

DUC D'ORLEANS : colonel, que me vaut ce…

Il n'eut pas le temps de poursuivre devant l'état des deux « invités ». Il reconnut aisément l'homme que tentait de soutenir le colonel : Le Masque Noir ! Que faisaient ils ici ? Que s'était il passé ? Il n'appréciait pas la présence du soldat du roi mais il n'avait aucune animosité envers le voleur masqué. Ce bandit ne lui avait jamais causé de tort.

DUC à un domestique : emmenez le blessé dans la chambre de l'aile ouest, à l'écart, et donnez sa voisine au colonel. Et allez chercher le docteur au plus vite !

DOMESTIQUE : tout de suite Monsieur.

L'homme remplaça Oscar pour porter André. Oscar suivit du regard les deux hommes monter les escaliers.

DUC voyant le regard inquiet du colonel : n'ayez crainte colonel de Jarjayes, il ne vous sera fait aucun mal dans ma demeure … et je vous donne ma parole… tout sera tenté pour le sauver. Sur ses mots, elle s'écroula inconsciente.