Chapitre 38 : Illusion

Un homme qui avait assisté à la scène à l'écart, s'approcha de la jeune femme et la souleva dans ses bras.

HOMME : permettez, Monsieur le Duc, que je m'occupe du colonel de Jarjayes.

DUC étonné mais nullement gêné de ne pas à avoir à se préoccuper du soldat: si vous le souhaitez, mon ami. Je vais demander à ce qu'on vous apporte le nécessaire.

HOMME : merci, Monsieur.

L'homme monta doucement les escaliers en prenant soin de ne pas faire de mouvement brusque et de ne pas aggraver la plaie au bras de la blessée. Il se dirigea alors vers la chambre qu'avait indiquée le domestique. Il la déposa délicatement sur le lit et attendit qu'on lui apporte de quoi la rafraîchir et la soigner.

Les heures passèrent encore et encore. L'homme restait au chevet du colonel tout en se tenant au courant de l'état de santé du masque noir. Il avait demandé à ce que le masque du voleur ne soit sous aucune condition ôté. Son ordre fut respecté : le Palais Royal était le lieu des libertés, au sens large, et le choix de cacher son identité en faisait partie. Le masque noir enlèverait son masque s'il le souhaitait, pas avant !

Le lendemain soir, elle reprit enfin conscience. Elle ouvrit les yeux. Où était elle ? Où était André ? Elle examina la pièce : elle était simple mais décorée avec goût. Oscar se redressa doucement sur son lit et observa un homme, assis à ses côtés, la tête reposant sur ses bras repliés sur son lit. Elle devait encore être inconsciente : cet homme avait les cheveux foncés, ses épaules paraissaient larges … non ce ne pouvait pas être lui. Elle l'avait quitté mourant… était elle morte ? Rêvait elle ?

L'homme, la sentant bouger, se releva à son tour. Oscar n'en croyait pas ses yeux ! « André ! » André était là devant elle ! Elle se jeta à son cou pour le serrer à l'étouffer. Elle ne voulait plus jamais se détacher de lui. L'homme ne put esquisser le moindre mouvement : la jeune femme le plaquait contre son corps, pleurant, riant, lui murmurant des mots doux. « André » ! Mais il n'était pas André... Doucement, avec un maximum de délicatesse, il se détacha d'elle, il prit son visage entre ses mains et se plaça face à elle.

HOMME gentiment : Oscar … Oscar, regardez moi… regardez moi bien… je ne suis pas André

Oscar, désorientée, le regarda… c'est vrai ce n'était pas son André, certes cet homme lui ressemblait beaucoup mais ce n'était pas André. Mais alors, où était il ? Etait il encore vivant ? Devant la peur de la jeune femme, l'homme lui libéra le visage lui raconta calmement ces dernières heures.

HOMME : le masque noir est encore vivant… le médecin s'est occupé de lui… il est dans un état grave mais le médecin pense qu'il pourrait s'en sortir. La balle est miraculeusement passée entre le foie et le poumon, nous avons craint qu'elle n'ait touché la veine cave devant tout le sang qu'il avait perdu mais heureusement cela n'a pas été le cas.

OSCAR un peu plus apaisée : merci mon dieu…. Quand pourrais je le voir ?

HOMME : d'ici peu, je pense mais vous devez déjà penser à vous soigner.

OSCAR : inutile, je vais bien, je peux me lever et aller le voir maintenant !

HOMME catégorique : non ! Elle ne me pardonnerait jamais s'il vous arrivait quoi que ce soit !

« Elle » ? De qui voulait-il parler ? Et d'ailleurs, qui était cet inconnu qui ressemblait tant à André ?

OSCAR : qui êtes vous ? Et qui est cette femme dont vous parlez ?

HOMME : vous ne me reconnaissez pas ? Nous nous sommes rencontrés une fois dans une taverne où vous vous êtes défoulé avec votre valet. Je suis Bernard Châtelet.

OSCAR la main sur le front, comme pour se remémorer : je me souviens … mais pourquoi m'avoir soignée ? Vous ne m'appréciez pas plus que moi je ne vous apprécie !

BERNARD : c'est à cause de ma femme !

OSCAR intriguée : votre femme ?

BERNARD : oui, Rosalie Lamorlière

OSCAR : vous connaissez Rosalie.

BERNARD : en effet, je l'ai rencontrée la première fois au détour d'une rue : sa mère venait d'être assassinée sous ses yeux par une calèche transportant une noble…

OSCAR pensive : … la comtesse de Polignac

BERNARD : oui… plusieurs années plus tard, nous nous sommes retrouvés, aimés et enfin mariés.

OSCAR : c'est donc vous qui m'avez soignée ?

BERNARD gêné par ce que sous entendait la question : oui… disons que Rosalie m'a parlé de vous après notre mariage … tout ce que vous aviez fait pour elle … et qui vous étiez en réalité.

OSCAR les joues pâles rosissant : je vois…

BERNARD : je savais que vous connaissiez le risque que vous preniez en venant ici… vous n'aviez sans doute pas d'autre choix à en croire l'état du masque noir… je sais que Rosalie tient énormément à vous … je n'ai fait que mon devoir envers ma femme. Je me suis occupé de vous comme elle l'aurait fait si elle avait pu.

BERNARD après quelques instants : que s'est il passé ?

Gagnée par sa confiance, Oscar lui raconta son enlèvement, ses combats, l'Archange, son sauvetage par le masque noir … mais ne dit rien sur sa véritable identité.

BERNARD : « L'Archange de le Terreur »… Monsieur de Robespierre m'en avait déjà parlé : sensiblement les mêmes idées que nous mais avec des méthodes radicalement différentes… meurtres, vols…

BERNARD hésitant : vous m'avez appelé « André » à votre réveil, Rosalie m'a parlé de votre compagnon, André Grandier je crois. Je comprends votre méprise … même avec son masque on ne peut échapper à la ressemblance…

BERNARD devant la mine inquiète d'Oscar devant cette révélation : reposez vous à présent, votre secret et celui de votre ami sont en sécurité. Je veillerai sur lui.

Il l'aida alors à s'allonger, la recouvrit des draps. Oscar s'endormit…