Chapitre cinq : Kiyoi.
Kurai s'adossa au mur, serrant son sac contre sa poitrine de toutes ses forces.
Tako l'avait retrouvé.
Et maintenant, il faisait quoi ?
Le bon sens aurait voulu qu'il quitte la ville, ou au moins le quartier.
Mais il n'avait pas tellement de bon sens et...
Il venait d'être admis dans ce lycée…
Enfin…
Et puis… il y avait autre chose, quelque chose qui l'empêchait de s'enfuir…
Les grondements de Hasaki, les sourires timides de Yoake et la grandiloquence rarement retenue de Kazari.
Il n'avait pas envie de fuir.
Pas cette fois.
Il soupira et se redressa.
D'abord, il devait récupérer ses affaires.
Ensuite, il aviserait.
Yuki, Kyo et Tohru rentraient.
Ce soir, pas de travail pour Tohru : elle avait sa soirée libre et comptait en profiter pour emballer les chocolats qu'elle avait acheté…
Elle marchait, en silence, en souriant.
Elle ne s'en rendait pas compte, mais les deux garçons l'observaient avec intensité, chacun se posant sans le savoir la même question…
Tohru s'arrêta brusquement. Kyo et Yuki se retournèrent, surpris, et comme aucun d'entre eux n'avait pensé à s'arrêter ils se rentrèrent dedans.
« - Tu peux pas regarder où tu vas, k'so nezumi ?
- Je te retourne la question, baka neko.
- La ferme !
- Regardez… souffla Tohru »
Les deux garçons s'interrompirent, s'approchèrent d'elle et suivirent la direction qu'elle indiquait.
Sur le chemin en contrebas, presque au même endroit que celle de Tohru, il y avait une tente…
Yuki et Tohru échangèrent un regard, puis Tohru et Kyo et enfin Kyo et Yuki mais pas pour les mêmes raisons.
Yuki soupira et ils descendirent jusqu'au chemin…
… au moment où Kurai le remontait.
Ils se croisèrent devant la tente.
S'ensuivit un silence un peu gêné où chacun se demandait si c'était à lui de rompre ce silence et si oui comment.
« - Ano… Kurai-kun ? Cette tente, c'est... commença Tohru.
- A moi, répondit Kurai. »
Marre de mentir. Qu'ils en pensent ce qu'ils voulaient…
Kurai haussa les épaules et dépassa Tohru.
« - Tu ne devrais pas rester là, fit remarquer Yuki. Il y a des glissements de terrain…
- C'est redoutable pour les tentes, souffla Kyo avec un regard appuyé à Tohru. »
La jeune fille rougit et sourit.
« - Je partais, dit Kurai.
- Où ça ? demanda Yuki »
Kurai haussa les épaules. Qu'est-ce qu'il en savait ? Et qu'est-ce que ça pouvait leur faire, de toute façon ?
Tohru regarda Kyo et Yuki.
Les deux jeunes gens savaient déjà ce qu'elle allait dire, et ils haussèrent les épaules.
« - Euh… Vous pourriez… venir chez Shigure-san quelques jours, proposa Tohru. Enfin… Si Shigure-san accepte, bien sûr… »
Elle se tourna vers Yuki et Kyo, qui haussèrent de nouveau les épaules.
Comment auraient-ils pu le savoir ?
Kurai fixait Tohru sans répondre.
Elle venait de l'inviter chez elle… juste parce qu'elle l'avait croisé dans une chocolaterie et qu'ils étaient dans le même lycée ?
Cette fille était inconsciente… ou pure…
Kurai soupira.
Ça aurait été bien.
« - Non merci, souffla-t-il »
Pas la peine de risquer plus que nécessaire.
Pas la peine de mêler quelqu'un d'autre à son histoire.
Il voulut s'éloigner et, pour ça, passa entre Kyo et Yuki.
« - Attends ! s'écria Tohru »
Elle s'élança vers lui pour le retenir.
Par réflexe, Kurai s'écarta de la trajectoire de la jeune fille.
Emportée par son élan, Tohru ne parvint pas à s'arrêter à temps.
Elle tomba sur Kyo…
Yuki soupira.
Kurai sursauta.
Tohru se releva en s'excusant.
Et Kyo se transforma en chat.
Kurai ouvrit des yeux ronds.
Alors c'était pour ça qu'il lui rappelait Kiyoi…
Le silence s'abattit de tout son poids sur la scène.
Un oiseau sifflota, haut dans le ciel.
Un vent léger souffla.
Tohru et Yuki gardaient les yeux rivés sur Kurai qui ne paraissait pas surpris outre mesure.
« - L'invitation… tient toujours ? souffla-t-il.
- Plus que jamais, répondit Yuki »
A vrai dire, ça devenait presque une obligation, maintenant…
Shigure soupira.
« - Je vois… »
Comment allait-il pouvoir expliquer ça.
« - Et bien, comment dire… commença-t-il »
Kurai haussa les épaules.
« - Pas la peine, souffla-t-il.
- Euh… Comment ça ? »
Kurai soupira. Il était assis dans le salon de Shigure, entouré par tous les habitants de la maison, y compris Kyo qui avait repris sa forme humaine.
Kurai avait remarqué à ce moment le bracelet noir et blanc du jeune homme.
A chacun son truc, après tout…
« - Vous êtes maudits par les douze signes du zodiaque chinois, plus le chat, expliqua Kurai. »
Tout le monde le fixa avec des yeux ronds, Shigure parce qu'il ne s'attendait pas à ça, Tohru, Kyo et Yuki parce qu'ils n'avaient jamais entendu Kurai faire une phrase aussi longue.
« - Je vois, répéta Shigure. Tu t'appelles ?
- Kurai Yoseatsume. »
Shigure hocha la tête.
« - Bon. Kyo, tu lui cède une partie de ta chambre, affirma Shigure.
- Quoi ? Hey, pas question ! Pourquoi ma chambre ? Et…
- Au moins, pour cette nuit, Kyo, dit Shigure. »
D'un ton tellement sérieux que Kyo se tut aussitôt.
Qu'est-ce que c'était que cette histoire, encore ? Shigure sérieux ? Pourquoi…
Qu'est-ce qu'il avait de si important… ?
« - Demain, à la même heure, répondit Shigure aux interrogations muettes des trois jeunes. Avant, j'ai quelqu'un à voir… »
Hasaki s'adossa au mur.
Leur professeur d'histoire était en retard, pour changer.
Enfin, il entra dans la classe.
Lentement, il fit l'appel.
« - Kurai Yoseatsume ? appela le professeur
- Sorti. Vous n'arriviez pas, expliqua Manabe.
- Je suis en retard, mais il n'a pas à sortir sans ma permission, observa le professeur.
- Vous n'étiez pas là pour la lui donner, lâcha Hasaki.
- Dehors, Yakugaku, allez voir le proviseur de ma part. »
Hasaki haussa les épaules et quitta la classe.
Elle croisa Kurai dans le couloir.
Ce dernier soupira.
Il était dans cette classe depuis deux jours et il savait déjà que Hasaki et le professeur d'histoire ne pouvaient pas passer plus de deux minutes dans la même salle.
Il ouvrit la porte.
« - Ah, Yoseatsume, fit le professeur. Merci de daigner nous honorer de votre présence.
- De rien. »
Le professeur rougit.
« - Où étiez vous ?
- Et vous ? répliqua Kurai.
- Yoseatsume, accompagnez Yakugaku, elle doit s'ennuyer toute seule… »
Kurai haussa les épaules et quitta la salle.
Hasaki l'attendait au coin du couloir.
« - Je pensais que tu tiendrais plus longtemps que ça, fit-elle remarquer. »
Elle se détacha du mur et se dirigea vers le bureau du proviseur.
Kurai la suivit sans un mot.
De toute façon, il avait autre chose en tête que les cours.
Par exemple, la curieuse réaction de Shigure, la veille…
Comme s'il connaissait déjà sa famille…
Hasaki entra dans le bureau du proviseur comme si elle était chez elle.
« - Salut ! Ça baigne ? »
Le proviseur soupira.
Pourquoi encore elle ?
Il avait pourtant supplié les professeurs de ne plus la virer de classe.
Pourquoi tant de haine ?
Le jeune Yoseatsume suivait Yakugaku, ce qui surpris légèrement le proviseur.
« - Asseyez-vous, souffla-t-il d'un ton las. Qui vous envoie ?
- Le prof d'histoire.
- Bien sûr, bien sûr…
- Elle m'a virée, expliqua Yakugaku.
- Je vois ça.
- Je l'ai encore cassée devant toute la classe. »
Le proviseur soupira.
« - Yakugaku-san, rendez-moi un service, quittez le lycée !
- Nan ! Je reste jusqu'à mon bac ! »
Le proviseur retint une larme et se dit qu'il devrait se débrouiller pour qu'elle ne redouble pas.
« - Alors au moins, quand vous vous faites virer, ne venez pas me voir !
- Ben c'est les profs qui m'envoient !
- Pour une fois que vous faites ce qu'ils vous demandent…
- J'y peux rien, ça m'amuse !
- Trouvez un autre jeu ! s'énerva le proviseur
- Pourquoi faire ?
- J'abandonne. Sortez, par pitié !
- D'accord. Suffit de demander ! »
Elle se leva, fit un clin d'œil à Kurai et se dirigea vers la porte…
… qui s'ouvrit à ce moment là.
Quelqu'un entra dans la pièce.
« - Konnichiha ! Je viens retirer mon dossier d'inscription ! s'écria gaiement une voix. »
Le proviseur songea sérieusement à démissionner, prit le dossier en question, en tira la feuille d'inscription et la lança à la figure du nouvel arrivant.
Kurai s'était figé, incapable de se retourner.
Incapable de vérifier.
Cette voix…
« - Arigatô ! lança la voix »
Kiyoi ?
A suivre...
Kiyoi : clair
