Chapitre huit : Les joues roses.
Kyo se tournait et se retournait dans son lit, sans parvenir à s'endormir.
Les paroles de Kiyoi trottaient dans sa tête.
Impossible de chasser tout ça de ses pensées.
Kiyoi avait réussi. Il avait battu le rat.
Donc il était bel et bien possible, pour le chat, de vaincre le rat…
Pourtant…
Kiyoi avait paru tellement triste, en racontant cette histoire…
Kyo fixa très fort un point du plafond.
Akito aussi était capable de s'énerver si ça arrivait un jour…
Mais… est-ce que lui serait triste comme ça si Akito s'énervait contre Yuki ?
Non. Bien sûr que non.
Mais Tohru, elle…
Excédé, Kyo se leva, s'habilla et sortit.
La nuit était fraîche, mais pas froide.
Ce n'était pas désagréable.
Il marcha un moment.
Si ça devait se passer aussi mal que pour Kiyoi et Kurai…
Est-ce que Tohru lui en voudrait ?
Ou est-ce qu'elle comprendrait ?
Tohru soupira et ferma les yeux.
Elle venait d'entendre la porte de Kyo s'ouvrir et se refermer.
Le jeune homme était descendu.
Tohru hésita un moment, mais préféra ne pas le rejoindre.
Pas encore…
Elle rouvrit les yeux et fixa un moment le plafond.
Elle avait mal à la tête.
Kyo et Yuki avaient eu l'air troublés par l'histoire des jumeaux…
A vrai dire, elle aussi l'était un peu…
Kyo était très agité depuis.
Tohru frissonna et s'enfouit un peu plus sous ses couvertures.
Est-ce que Kyo… avait fait un pari du même ordre avec Akito ?
Lors d'une première rencontre, il avait bien dit qu'un jour, il battrait Yuki pour enfin faire partie du cercle des douze…
Tohru se tourna sur le côté.
Est-ce que Kyo réussirait à battre Yuki un jour ?
Et si ça arrivait ?
Qu'est-ce qui se passerait…
Yuki se leva, soupira et s'appuya sur la fenêtre.
Il n'arrivait pas à dormir.
Les évènements de la journée lui revenaient sans cesse en tête, entêtant, obsédant…
Kyo…
Yuki soupira derechef.
Qu'est-ce qui lui prenait ? Il était trois heures du matin, et il pensait à ce chat stupide ?
Pourtant…
Kyo voulait le battre pour entrer dans le cercle des douze, il ne l'avait jamais caché…
Yuki avait toujours réagi, presque par réflexe, en combattant Kyo…
Mais il n'avait vraiment jamais songé à ce qui se passerait si le chat le battait.
Si ça devait arriver…
Comment Akito réagirait-il ?
Yuki frémit.
Il préférait ne pas penser à ça pour l'instant…
Shigure était assis à son bureau.
Kurai n'était toujours pas rentré.
D'après Kiyoi, c'était normal, pas de quoi s'inquiéter. Ça le prenait souvent, il ferait un tour ou deux et reviendrait sans rien dire à personne.
Shigure soupira et griffonna quelques mots sur une feuille.
C'était étrange, cette histoire.
Tout d'abord, les Yoseatsume, l'autre famille de maudits, qui débarquaient ici… par hasard ?
Comment savoir ?
En tout cas, ça n'avait pas plu à Akito.
Akito avait clairement dit à Shigure que si Kurai restait, ça se passerait très mal pour lui.
Mais Shigure n'avait pas écouté.
Kurai marchait.
Peu importe où.
Peu importe pour combien de temps.
Il en avait besoin, de ça, de cette simple détente…
Il s'arrêta net.
Ses pas l'avait mené jusque chez lui…
Kurai sourit sombrement.
Chez lui ?
Il n'avait pas de chez lui…
Il était chez eux, simplement.
La chambre de Kiyoi, à l'étage, lumière éteinte, même si Kiyoi ne dormait pas, Kurai en était sûr.
Juste à côté, la chambre des jumelles, Kyôi et Nin, lumière allumée parce qu'elle avaient un peu peur du noir.
Kurai soupira et fit demi-tour.
Il marcha encore un moment ainsi.
Puis il faillit se heurter à quelqu'un.
Il releva la tête.
Et croisa les yeux bleu sombre de Hasaki.
« - Salut, dit-elle.
- 'lut.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Et toi ?
- Je marche.
- Moi aussi. »
Il soupira et recommença à avancer.
Hasaki haussa les épaules et partit dans l'autre sens.
Juste avant de tourner au coin, elle jeta un œil par dessus son épaule.
Kurai avait l'air triste…
Elle soupira.
Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ?
Elle repartit sans un regard en arrière.
Le jour se leva, la Saint-Valentin aussi.
Tout le monde avait mal dormi, au fond.
Tohru s'étira et tira le sac de sous son lit.
Puis elle descendit prendre son petit déjeuner.
Elle attendit que Kyo, Yuki et Shigure soient là pour sortir les paquets du sac.
« - Ano… Kyo-kun, Yuki-kun… »
Elle leur tendit les chocolats.
« - Bonne Saint-Valentin ! »
Elle avait un sourire éblouissant.
Yuki rougit et prit le paquet qu'elle lui tendait.
Kyo fit de même en grommelant quelque chose qui pouvait, de loin, passer pour un remerciement ou pour un 'tu t'es encore ruinée ?', au choix.
Tohru sourit d'avantage.
Cette journée devrait être formidable.
Kurai se laissa tomber sur sa chaise avec un soupir.
Il était passé chez Shigure et avait récupéré ses affaires sans que personne ne le voit.
Il préférait repartir.
Il aurait dû prendre cette décision longtemps avant.
En fait, il aurait dû prendre cette décision à la seconde où il avait croisé les yeux bleus de Tako, deux jours plus tôt…
Après les cours, il partirait, loin.
Il verrait bien où.
Hasaki s'installa derrière lui, prit une chaise supplémentaire et posa ses pieds dessus.
« - Salut. T'as marché longtemps ? »
Kurai hocha la tête sans répondre.
Peu importe.
Ça ne la regardait pas.
De toute façon, aucun d'entre eux ne lui manquerait.
Sauf Seifuu, peut-être…
Il s'adossa au mur.
« - Ohayô, Kurai… »
Le jeune homme releva la tête. Yoake se tenait devant son bureau, légèrement rouge, légèrement trouble.
Elle inspira un grand coup et lui tendit un paquet.
« - Tiens… »
Elle sourit. Elle avait les joues roses.
« - Pour la Saint-Valentin. »
Kurai en resta sans voix.
Et il hésita.
S'il prenait ce paquet, il le savait, c'était fini. Il ne parviendrait plus à partir.
C'était si simple.
Il suffisait de lui dire, d'un ton sec, non. Lui dire, merci, mais je travaille déjà dans une chocolaterie.
C'était si simple…
Il sourit et prit le paquet.
« - Arigatô… »
A suivre...
