Luigia 12 : Merci pour tes deux reviews, ça me fais très plaisir et c'est encourageant ! Ça motive à écrire la suite quand on peut voir que des gens lisent ce qu'on écrit :) En tout cas, j'espère que la suite va te plaire et encore merci !

CHAPITRE 3 : « Le Monde De La Musique »

Au petit déjeuner, il y avait toujours de la tension entre Anna et son père à cause des événements survenus la veille. Cependant, une question torturait l'esprit de la jeune fille et il fallait qu'elle la pose.

« Est-ce que les deux anciens directeurs ont toujours des droits de propriété sur l'Opéra Populaire ? » Questionna-t-elle.

« Non, j'ai acheté tous les droits. »

« Donc il n'y a personne possédant un grade plus haut que le votre ? »

« Absolument pas. »

Anna fit un signe de la tête suite à la réponse de Viktor et se remit à manger son repas en silence.

« Pourquoi cette question ? » Lui demanda Monsieur Hamilton.

« Simple curiosité. »

« La curiosité n'est pas une qualité Anna. Tu en subiras les conséquences un jour. »

La concernée ne vit pas l'intérêt de poursuivre cette conversation. Elle termina son assiette et informa son père qu'elle se retirait dans sa chambre pour lire un peu. C'est ainsi que les journées se déroulèrent jusqu'à ce que les travaux au théâtre soient achevés pour de bon six jours plus tard. La vie à l'Opéra était tranquille et sereine. Une visite de Philippe avait brisé la routine un après-midi, c'était tout.

Les répétitions débutèrent. Monsieur Hamilton avait engagé tous les gens nécessaires afin de réaliser la production qui allait inaugurer la réouverture de L'opéra Populaire et comme promis, Anna ne faisait nullement partie du spectacle. D'ailleurs, ce matin-là, elle décida de rester dans sa chambre et de ne sortir que pour aller manger. Bien que son père lui avait proposé de venir assister aux répétitions, Anna refusa. Y aller lui aurait fait plus de mal que de bien.

Assise dans son fauteuil, elle venait de terminer de lire son dernier roman. Puis, n'ayant plus rien à faire, Anna se redressa dans sa chaise et laissa son regard vaguer à travers la pièce. Il s'arrêta sur le miroir. Sans trop savoir pourquoi, Anna se leva de son siège et alla s'asseoir devant la grande vitre de glace. Elle repensa un instant à Madame Giry et tenta en vain de comprendre le pourquoi de sa demande. Pour quelles raisons voulait-elle lui interdire de jouer du violon ou simplement de faire partie de l'équipe ? Anna avait beau chercher, elle ne trouvait pas de réponse à sa question.

Sa réflexion se dirigea ensuite sur la lettre plus ou moins anonyme qu'elle avait reçu, il y avait quelques jours de cela. La personne qui le lui avait écrite ne l'avait pas contactée à nouveau depuis. Anna supposa qu'il devait probablement s'agir d'une mauvaise blague, quoi que le détail du miroir l'intriguait toujours. Tout ça n'était pas clair. Elle déposa sa main gauche sur la glace, ne sachant pas que de l'autre côté du miroir, une autre main y était collée également. S'il n'y avait pas eu la vitre, les deux mains se seraient touchées, mais ce n'était pas le cas.

Seule dans cette pièce silencieuse, Anna se sentait coupée du reste du monde. De son monde. Du monde de la musique. Et il ne semblait n'y avoir aucun moyen de remédier à la situation.

Soudain, Anna eut une idée. Ce n'était pas l'idée du siècle, mais ça pourrait lui remonter un peu le moral et ça lui changerait les idées. Sur ce, elle revêtit sa cape verte, descendit les escaliers jusque dans le hall de l'Opéra et marcha environ une dizaine de pâtés de maison, son violon entre ses mains.

Anna arriva devant un manoir somptueux en pierres. Elle traversa la grille en fer forgé et s'avança jusqu'à la porte d'entrée. Anna frappa à deux reprises. Un jeune homme dans la vingtaine vint lui répondre, un sourire se dessinant sur son visage.

« Anna ! Quelle bonne surprise ! Que fais-tu ici ? » Lui dit Philippe, s'écartant de l'entrée pour la laisser passer.

« Je n'ai pas eu l'occasion de te jouer le morceau de musique au violon l'autre jour. J'ai pensé que ça te ferait plaisir de l'entendre. » Proposa timidement Anna.

« Quelle charmante idée ! Allons nous installer au salon. »

« Merci. » Répondit-elle, déposant sa cape sur le dossier d'une chaise.

La galanterie était l'un des bons côtés de la personnalité égocentrique de Philippe. C'était un charmeur aux manières irréprochables. Malgré son amour-propre démesuré, il était très respecté parmi les gens de l'aristocratie. Par contre, depuis qu'il avait hérité de beaucoup d'argent, il ne travaillait plus. Toute sa vie se résumait à aller prendre le thé dans les salons de haute gamme et à assister à des réceptions mondaines.

Pour Anna, ce mode de vie n'avait rien de passionnant. Elle se souvenait avoir été à une grande réception donnée par une comtesse lorsqu'elle avait dix-sept ans et elle se remémorait cette soirée comme la plus ennuyeuse de toute sa jeune existence. Les gens avaient des conversations insipides et superficielles lors de ces grands banquets, la majorité se prenant pour les dieux du monde.

Par contre, Anna se sentait horriblement seule et incomprise en ce moment et elle ne voyait aucun échappatoire, sinon Philippe. Comme il lui était interdit de faire de la musique à L'opéra Populaire, elle irait en faire ailleurs.

« Tu es prêt ? » Demanda-t-elle au jeune homme, tenant son instrument dans ses mains.

« Je suis toute ouïe. » Répondit-il en s'adossant dans son fauteuil de velours.

Prenant son archet entre ses doigts, Anna commença à jouer de la musique. Les notes volaient légèrement dans l'air tandis que son cœur se remplissait d'une agréable sensation de bien-être. Petit à petit, Anna se sentit en sécurité. Puis, le morceau de musique classique tira à sa fin. Philippe se leva et applaudit la jeune femme, la faisant ainsi sourire.

« Tu joue à merveille, c'était magnifique. » Complimenta-t-il tandis que Anna rangeait son violon dans son étui.

« Je vais devoir rentrer maintenant. »

« Je te raccompagne. » Lui dit Philippe, allant chercher la cape de Anna.

Il passa le manteau sur les épaules de la jeune fille et ils se mirent en route vers L'opéra Populaire. Une fois devant les portes, Anna se retourna, croisant les yeux noisette du jeune homme.

« Merci Philippe. Merci beaucoup. » Remercia Anna en l'enlaçant dans ses bras.

Philippe passa ses bras autour d'elle à son tour puis Anna se sépara de lui pour retourner à l'intérieur du théâtre où elle croisa son père dans le hall.

« Était-ce Philippe Sheridan avec toi dehors ? » Questionna Viktor.

« Oui. Il a eut la gentillesse de me reconduire jusqu'à l'Opéra. »

« C'était très aimable de sa part. Bon, excuse-moi, mais j'ai des choses à régler avec l'équipe des costumes. »

Anna acquiesça. Son père était très occupé depuis qu'il avait acheté le théâtre et il n'avait plus beaucoup de temps à consacrer à sa fille. Monsieur Hamilton avait la responsabilité de diriger l'Opéra et l'orchestre à lui seul et il fallait avouer que cela ne lui laissait que très peu de temps libre. Anna se retira donc dans sa chambre, heureuse que son père ait été si débordé par ses responsabilités pour ne pas remarquer qu'elle tenait son violon entre ses mains.

Anna déposa son instrument sur son bureau et dormit un peu en attendant l'heure du dîner. Ce ne fut toutefois pas l'horloge murale qui avertie Anna que l'heure du repas était arrivée. Son sommeil léger fut troublé par un écho à l'intérieur de l'Opéra. Anna se leva, tendant l'oreille afin de vérifier si elle n'avait pas rêvé. Quelques secondes plus tard, l'écho se fit entendre une nouvelle fois. L'espace d'un instant, Anna aurait juré qu'il s'agissait d'une voix et non uniquement d'un bruit sourd retentissant dans les vieux murs du théâtre.

N'étant pas sûre d'elle, Anna resta immobile au milieu de la pièce dans sa robe bourgogne. Ce fut lorsqu'elle bougea que l'écho revint, accompagnée de douces paroles mélodiques.

Très chère enfant

Ne crains rien de moi

Ange de musique chantant

Douce créature

Vivant de lumière

Suis-moi dans la noirceur

Anna écouta attentivement la voix qui parvint à ses oreilles. Jamais elle n'avait entendu une voix si envoûtante. Elle prit une profonde inspiration et lui répondit.

Qui es-tu donc ange mystérieux Pourquoi te caches-tu

Ombre dans l'ombre

Montre-toi à moi

Dévoile-toi cher ange

Dissimulé dans le fond de la pièce près du miroir, un mouvement attira l'attention de Anna. Elle avança vers l'ombre lorsque, l'air de sortir de nul part, un homme apparu dans la pièce. Il se tenait debout devant Anna, portant un masque blanc qui couvrait la moitié de son visage. De ses yeux verts il regardait la jeune femme qui se trouvait en face de lui.

« Es-tu prête pour la musique de la nuit ? » Murmura-t-il à son oreille avant de lui tendre une main gantelée de noir.

Anna mit sa main dans la sienne et il l'entraînant de l'autre côté du miroir, là où elle s'était aventurée il n'y avait pas si longtemps. La vitre était en fait une porte. À cet instant, elle sut que c'était lui qui lui avait envoyé la lettre mystérieuse. L'homme la conduisit jusque devant l'étendue d'eau qui lui avait bloqué la route précédemment. Par contre, alors qu'elle arrivait près de la rive du lac, elle vit que quelque chose s'y trouvait. Quelque chose qui n'y était pas la première fois qu'elle était venue en solitaire. Une barque.

L'étranger l'attira dans le bateau. Il la conduisit dans une immense caverne voûtée alors qu'une épaisse brume les entourait. Anna se croyait égarée dans un rêve, bien que ce qui lui arrivait était bien réel. Elle descendit de la barque lorsqu'ils atteignirent l'autre rivage et l'homme lui fit signe de le suivre. Anna marcha à ses côtés jusque devant un vieil orgue.

« Je peux t'enseigner l'art de la musique si tu es prête à faire ce que je te dirai. »

« Je sais jouer du violon, mais je ne sais pas très bien chanter. » Avoua la jeune femme.

« Je t'apprendrai, si, bien sûr, tu respectes mes conditions. »

« Je les accepte. » Promis solennellement Anna.

« Je décide du quand de chaque leçon, aucune question à moins que cela ne concerne la musique et aucun mot de cet arrangement à qui que ce soit. »

Les termes de cet inconnu ne posaient absolument aucun problème à Anna. Elle était amplement prête à suivre ces conditions si elle pouvait apprendre à chanter et à retrouver le monde de la musique. La musique, c'était tout ce qui lui importait.

De son côté, le Phantom croyait retrouver goût à la musique grâce à elle. Depuis le départ de Christine, il s'était caché dans un passage secret, s'enfermant ainsi dans la solitude la plus complète. Il était resté ainsi longtemps. Trop longtemps. Errant dans les ténèbres le désespoir au cœur, il avait perdu le goût de composer et de jouer de la musique. Il agonisait seul dans sa cachette lorsqu'un jour, après de nombreuses semaines de silence, un son parvint à ses oreilles. Quelqu'un chantait. Une voix qui n'était pas être très loin de son repère.

Il se passait quelque chose de nouveau dans l'Opéra. Au départ, Erik n'y trouva pas d'intérêt, préférant se morfondre dans son purgatoire et se cacher derrière son masque. Toutefois, il réentendit la même voix une nouvelle fois. Ce fut alors l'élément déclencheur de son retour. Il sortit de son tunnel secret, traversa le lac et se rendit derrière le fameux miroir. Cela faisait si longtemps qu'il n'y était pas venu. Cependant, la jeune femme qu'il vit dans la pièce lui était inconnue. Elle avait des cheveux bruns bouclés jusqu'aux épaules, de grands yeux bleus et une peau pâle. Il prit un moment avant de se décider à lui envoyer une lettre, mais le Phantom était bien décidé à reprendre du service.

« Commençons. » Ordonna-t-il de sa voix grave.

Anna s'exécuta et chanta la chanson que son ancien professeur lui avait enseignée. L'homme l'écouta avec beaucoup d'attention, la corrigeant à plusieurs occasions. Les conseils qu'il lui donnait fonctionnaient à merveille et Anna sentait qu'elle avait plus de facilité à maîtriser sa voix. Toutefois, aussi doué que pouvait être cet inconnu mystérieux, il était très froid. Disons que Anna s'attendait bien naturellement à ce qu'il agisse professionnellement, mais son attitude n'avait rien de celle d'un professeur et de son élève.

Quelque chose n'allait pas, c'était évident. Comme s'il avait vécu une chose atroce et que cette dite chose continuait de le ronger de l'intérieur. Il avait l'air stricte, sévère et rude. Anna essaya de ne pas trop y prêter attention. De toute manière, elle avait promis de ne rien dire à moins que cela n'aille un rapport avec la musique, ce qui n'était présentement pas le cas. Elle s'abstint donc de tout commentaire.

« Cela fait deux heures, il est temps de rentrer. » Lui dit-il vers la fin de la soirée.

Anna lui répondit d'un petit signe de tête, le suivant une nouvelle fois dans sa barque de bois. Il rama jusqu'à l'autre rive à l'aide de son bâton et aida Anna à descendre. La jeune fille le remercia timidement et suivit le sombre tunnel menant à son miroir tandis que le Phantom la regardait s'éloigner.

Il n'était pas sûr de ce qu'il était en train de faire. Du pourquoi est-ce qu'il donnait des leçons à cette jeune femme, Erik ne le savait pas exactement. Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait reprit le goût de vivre ou du moins, de reprendre l'existence cachée qu'il menait autrefois. Peut-être que cette volonté allait être éphémère, il n'en avait aucune idée. Il jugea préférable de laisser le temps lui apporter les réponses à ses questions.

Cependant, le temps n'y changea pratiquement rien. Avec les semaines, tout restait pareil, sans aucun changement. Il allait chercher Anna dans sa chambre environ trois fois par semaine pour lui donner des cours et faire pratiquer sa voix. Il fut d'ailleurs étonné de voir à quel point elle progressait rapidement. Elle avait beaucoup de facilité à apprendre, mais elle ne parlait toutefois par beaucoup.

À quoi s'attendait-il de toute manière ? C'était lui qui lui avait formellement interdit de discuter de quoi que ce soit hormis de musique. Seulement, il ne s'attendait pas à ce qu'elle l'écoute. Tôt ou tard, il avait la certitude qu'elle allait céder à la curiosité et aborder un autre sujet avec lui. Son masque finirait par la gêner d'ici peu de temps et elle allait probablement tenter de le lui enlever ou de savoir ce qu'il lui était arrivé.

Pour Erik, c'était une étape inévitable qui n'allait plus tarder à venir.

« En ce qui concerne notre prochaine rencontre, il va falloir que tu fasses beaucoup d'efforts pour atteindre des notes plus hautes. » Informa le Phantom à Anna à la suite du traditionnel deux heures de leçons.

« D'accord, mais avant de partir, il y a quelque chose que je voudrais demander. » Dit Anna alors que Erik s'apprêtait à retourner dans ses donjons et la laisser traverser le miroir.

Cette fois-ci, il en était sûr. Elle allait lui demander au sujet du masque. C'était bien trop évident. Et dire qu'il avait commencé à douter qu'elle ne lui en parle jamais. Qu'il avait été bête d'y croire. Pourquoi cette jeune femme serait différente des autres ? En fait, elle n'avait rien de différent. Il fallait qu'elle sache. Il fallait qu'elle le demande. Les gens veulent toujours savoir.

« Qu'y a-t-il ? » Demanda le Phantom sur un drôle de ton.

« Je me demandais…Enfin…Si c'était possible pour une semaine de laisser le chant de côté. » Répondit-elle franchement.

Le Phantom lui jeta un air déconcerté, l'air visiblement troublé par ses paroles.

« J'aimerais bien apprendre à jouer de l'orgue. » Suggéra Anna en fixant un point imaginaire sur le mur.

« Jouer de l'orgue ? » Répéta Erik.

« Je ne fais que demander, ce n'est pas grave si… »

« Non, ça va. » Coupa-t-il.

Sur ce, Anna passa de l'autre côté du miroir. Erik referma le passage derrière elle comme à son habitude. Seulement, il resta derrière la vitre, chose qu'il ne faisait pas habituellement. Il regarda Anna un court instant avant qu'elle ne quitte sa chambre.

« Personne ne résiste à la boîte de Pandore. » Chuchota le Phantom pour lui-même, disparaissant dans l'ombre d'un coup de cape.

Quant à Anna, elle alla s'asseoir dans l'une des sièges rouges de la salle de spectacle de l'Opéra. C'était un endroit très calme le soir et Anna aimait bien y venir pour réfléchir tranquillement le soir. Personne ne venait jamais la déranger là.

Ce soir-là, ses pensées concernaient son professeur de chant. En lui faisant sa proposition tout à l'heure, elle avait eut l'impression de le prendre au dépourvu. Là n'était pas son intention, quoi que si, un peu. Elle ne croyait pas que ça finirait par poser un problème, mais ça en était devenu un au fils du temps.

Ne jamais parler d'autre chose à l'exception de la musique était devenu difficile pour Anna. Elle se demandait ce qui avait bien pu se passer dans la vie de son professeur pour qu'elle puisse voir tant de désespoir dans ses yeux lors des rares fois où leur regard s'était croisé. Il y avait tellement de chagrin à l'intérieur de cet homme que Anna se demandait parfois comment il pouvait trouver la force d'affronter la vie jour après jour.

Puis il y avait ce masque blanc aussi. Jamais il ne s'en était séparé depuis qu'elle le connaissait. Que pouvait-il bien avoir à cacher ? Qu'y avait-il sous se masque d'ivoire ? Anna se le demandait quelques fois, mais comme promis, elle ne demandait jamais. Et puis c'était assez indiscret comme question, qu'elle soit permise ou non. Elle décida donc de respecter sa parole et de le laisser lui révéler ses secrets de lui-même si jamais il oserait le faire un jour. Anna était curieuse bien évidemment, qui ne le serait pas ? Mais ce détail ne lui importait que très peu. Elle était tellement heureuse de pouvoir avoir quelqu'un avec qui partager sa passion de la musique.

Aussi, son professeur se montrait moins dur envers elle avec le temps. Ses commentaires étaient différents. Ils n'avaient plus le même ton qu'auparavant. Seulement, seule sa voix s'adoucissait car ses yeux restaient froids et son sourire n'avait jamais existé depuis qu'elle le connaissait. Comme Anna l'avait pensé de centaines de fois, cet inconnu devait avoir un passé bien douloureux. Il n'y avait pas moyen de l'approcher ou de créer des liens. Il s'était créé un bouclier. Une protection contre le monde extérieur que personne ne pouvait briser sinon lui-même.

Anna trouvait cela bien triste. Il avait un tel talent et un tel génie pour la musique. Probablement qu'il devait posséder une agréable personnalité, mais il n'osait pas la montrer sans doute. Avait-il un cœur ? Anna en avait douté plus d'une fois. S'il en avait un, soit il était brisé en milles morceaux, soit il l'avait transformé en pierre.

Quoi qu'il en soit, en lui suggérant de lui apprendre à jouer de l'orgue, cela allait sans doute provoquer un changement entre eux. Anna espérait. Elle ignorait ce qu'elle espérait au juste, mais elle l'espérait très fort. Peut-être qu'elle voulait un ami. Son père était sans cesse en train de faire des allers et retours de son bureau à la salle de représentation. Il lui arrivait même de sauter des repas pour ton travail. Philippe, quant à lui, était parti voir de la famille à l'autre bout du pays pour tout le mois de décembre. Anna se sentait ainsi très seule et l'unique personne avec qui elle avait la chance et le temps de converser lui interdisait n'entretenir un sujet de conversation autre que celui de la musique.

Tout à coup, une main se déposa sur l'épaule de Anna, interrompant le fil de ses pensées. Anna tressaillit et se retourna pour voir de qui il s'agissait.