Dans les cachots, Severus Snape, assis à son bureau, terminait de corriger un paquet de copies.
Tous des nigauds pensa-t-il…
Ses plumes s'usaient bien vites… peut-être devrait-il arrêter de faire autant d'annotations… ces idiots ne les lisaient pas apparemment. Aucun espoir… même Granger, qui promettait pourtant beaucoup, semblait avoir atteint ses limites, il venait de corriger son dernier essai sur les différentes méthodes de préparation de la potion de rétrécissement… on ne pouvait pas dire qu'elle l'ait ébloui. Contrairement à une rumeur faussement établie par ses soins, il n'en appréciait pas moins son travail… elle avait beau être une insupportable petite miss-je-sais-tout, elle n'en avait pas moins, parfois, des idées pertinentes…parfois seulement car ces derniers temps, il n'en distinguait plus beaucoup…malheureusement pour lui…
Snape ouvrit son tiroir gauche pour prendre une plume neuve lorsqu'il tomba sur la réplique du fameux livre vert qu'il avait donné à Granger. Il ne l'avait pas rouvert depuis la première lettre qu'elle y avait écrite. Il savait que Granger ne devait correspondre avec son bienfaiteur qu'une fois par mois. Il savait aussi qu'elle était toujours consciencieuse et puisque l'on était officiellement en novembre (un bref coup d'œil à son calendrier magique le lui confirma), le 2 novembre pour être plus précis, le livret devait certainement contenir la lettre d'octobre.
Snape fit apparaître un verre de whisky, non pas qu'il appréciait particulièrement cet alcool, mais pour une raison mystérieuse, la cave d'Hogwarts ne semblait rien contenir d'autre… Il ouvrit le journal se demandant honnêtement ce que Granger avait bien pu lui raconter cette fois…
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit plusieurs pages noircies de l'écriture ronde et régulière de la jeune fille… Apparemment, elle avait fait plus que respecter sa parole… Tellement Gryffondor de sa part… Toujours vouloir en faire plus… en faire trop…
Snape décida qu'il serait mieux installé près de la cheminée. Contrairement à une autre rumeur bien établie, il n'appréciait guère la froideur des cachots, et le feu le réchauffait agréablement.
A peine fut-il installé dans son fauteuil favori, bien évidemment vert, que les flammes de la cheminée se mirent à grésiller, signe qu'une communication allait bientôt être établie. Snape jeta un coup d'œil furieux vers l'âtre, qui osait ainsi le déranger ?
Une tête apparut dans le foyer. Hootch !
"Ah, Snape, tu es là ! Tu vois, on vient juste de m'envoyer, par hibou, des places pour le match des Cannons ce soir et voilà… Je me demandais si par hasard ce soir tu pourrais prendre mon tour de garde ? "demanda timidement le professeur de Quidditch.
Au regard méprisant et froid que lui renvoya Snape, Hoocth compris qu'elle ne gagnerait pas si facilement la partie… Elle se hâta d'ajouter quelque chose dans la balance, après tout Snape n'était pas ce que l'on pouvait appeler un collègue compréhensif et encore moins conciliant.
"Je me propose de superviser autant de retenues que tu le souhaite pour le reste du semestre" Elle lança un regard plein d'espoir au professeur de potions. Elle savait que cet argument avait des chances de frapper juste.
"Toutes les retenues que je désire, selon mes critères ? Pas de gentil vol au dessus du terrain de Quidditch ni d'entraînement ? Et pour l'année !" Proposa sèchement Snape.
Les pupilles de Hootch se dilatèrent, il y allait fort quand même… mais elle n'avait pas le choix. "Vendu !" Et avec un pop, sa tête disparue des flammes, elle n'avait pas envie de se voir rajouter d'autres conditions.
Snape prit une gorgée de whisky tout en souriant intérieurement, cela lui ferait une petite distraction, après tout il avait besoin de passer ses nerfs sur un ou deux étudiants…il le méritait bien, il venait de passer plusieurs heures à corriger leurs minables essais. Son regard tomba à nouveau sur le livret de Granger. Il allait lire la dernière entrée tout de suite, il n'aimait pas les nouvelles périmées…
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Snape n'en croyait pas yeux…
Comment osait-elle ? Comment avait-elle eu l'imprudence d'aménager un laboratoire dans des toilettes hantées par Myrtle ! Qui sait ce qui aurait pu arriver ! Quelle idiote ! Mais en même temps, elle forçait à l'admiration, elle avait enfin compris que la recherche était fondamentale, Severus commençait à se demander si Hogwarts pouvait encore lui apprendre quelque chose. Il écarta bien vite cette idée de sa tête… la pauvre fille avait du s'amuser dans les toilettes à mélanger deux ou trois potions… Et cette histoire de baguette ridicule… Elle n'avait décidément rien compris…
Tout d'un coup, il eut envie de voir sur place l'étendue des dégâts, après tout, il pourrait discerner si elle avait autant d'intelligence qu'elle semblait en posséder. Et plus, il était temps pour lui de commencer sa ronde… Il repensa un instant à Hootch… Quelle folie avait saisi Dumbledore de la nommer directrice des Gryffondors ? Elle était tout le contraire de Minerva. Au moins, malgré leurs fréquentes disputes, il estimait la vieille sorcière, elle connaissait parfaitement son travail, elle savait tenir les étudiants, elle !
" Merlin ait son âme" pensa-t-il avec tristesse.
Snape posa le livret sur le rebord de la cheminée, se leva, attrapa énergiquement sa cape et sortit de son bureau.
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Snape trouvait que Hogwarts était étrangement calme. Son instinct de professeur flairait le mauvais coup. Ses pas le guidèrent jusqu'à la tour d'astronomie. Toujours le lieu favori des étudiants oppressés par leurs hormones, d'ailleurs cela devait être l'endroit record du nombre de points retirés la nuit.
Il poussa doucement la porte pour ménager son effet de surprise, il était sûr d'attraper un couple de jeunes idiots, la lune était pleine, si romantique pour cette bande de cornichons. Son rictus s'évanouit, personne.
Etrange…
Sans réfléchir, Snape se dirigea vers les toilettes de Myrtle, elles se trouvaient dans la même aile du bâtiment. Il était curieux de voir où Granger travaillait. Au moment de pousser la porte du labo, il retira sa main de la poignée, il ne fallait pas que Granger sache que quelqu'un était venu ici. Elle pouvait très bien avoir sécurisé la porte, il ne serait pas difficile pour lui de replacer les sécurités mais Myrtle se ferait un plaisir de tout raconter à Granger. Et il ne pouvait se permettre aucune suspicion à son égard… Et pire, elle pouvait y être à l'instant même… or il ne devait en aucun cas se trahir.
Snape se dirigea alors vers les cuisines… Il y avait toujours des étudiants à coincer là-bas, surtout depuis que les frères Weasley avaient ouvert la voie. C'était devenu un passage obligé, il y avait souvent croisé Fitz pendant ses rondes… Heureusement, il n'était jamais de garde en même temps que la préfète en chef.
Curieusement les tronçons de l'escalier central du château ne bougeaient pas comme s'ils l'attendaient. Il était rare de ne pas avoir à l'attendre, Snape apprécia le fait de pouvoir descendre les trois étages sans être gêné par l'attente due à ces maudits escaliers.
A mi parcours, il se raidit instantanément. Quelque chose n'allait pas… Tout était décidément trop silencieux. Il n'entendait même pas le babillage des portraits… Snape décida d'aller voir le portrait à l'entresol d'une vieille sorcière qu'il connaissait bien pour avoir été l'une des premières directrices de l'honorable maison des Serpentards.
Il pouvait maintenant apercevoir une partie du rez-de-chaussée. Cunégonde était absente mais pas sa voisine. Une belle jeune fille vêtue comme au temps des troubadours, articulait en silence… Snape fronça les sourcils. Cela n'augurait rien de bon. Un portrait n'était jamais muet à moins que l'on ait lancé le sort silencio dans sa périphérie. Snape leva sa baguette et murmura rapidement finite incantatem.
La jeune fille blonde s'écria "Elle est blessée ! Vite professeur, elle est en bas"
A ces mots, la jeune fille sortit de son portrait sans doute pour se glisser dans la vaste frasque murale au pied des escaliers… Snape descendit en courant les escaliers.
Une forme inerte gisait sur le sol aux pieds des escaliers.
Des murmures s'élevèrent de toutes parts alors qu'il finissait de descendre les marches .
"Une terrible chute"
"Elle aurait pu se tuer ! "
"Non, non elle a été poussée."
"La pauvre petite"
Snape regretta un instant d'avoir annuler le sort du silence… De sa voix la plus intimidante, il hurla un "taisez-vous !" rudement efficace puisque le brouhaha cessa immédiatement. Il s'agenouilla près du corps. Il s'agissait d'une jeune fille. D'un coup de baguette, Snape contrôla les signes vitaux, elle était faiblement en vie. Il repoussa les mèches de cheveux couvrant le visage d'une main…
Snape se raidit un instant. Oh Merlin. Ce soir, il n'avait pas vu Granger, elle était pourtant de garde.
Malgré le visage tuméfié, il n'avait aucun mal à reconnaître la jeune fille.
Pansy Parkinson.
Il relâcha le souffle qu'il avait retenu inconsciemment.
Il n'eut aucune émotion à la voir là… Elle ne le méritait peut-être pas, mais il ne ressentait rien… Malgré les apparences, il l'avait en aversion, tout le contraire d'Hermione Granger: froide, calculatrice, manipulatrice… Et depuis quand comparaît-il une Serpentard et une Gryffondor, surtout celle-là ? Il fallait qu'il arrête cette pensée immédiatement.
A l'aide d'un mobilocorpus, Snape l'emmena aussi vite qu'il le put à l'infirmerie. A peine en eut-il franchi les portes que Poppy apparut.
"Severus, que se passe-t-il ?"
"J'ai trouvé Miss Parkinson au pied du grand escalier" Il indiqua d'une main le lit où il venait de poser Parkinson "Elle semble avoir fait une chute."
Poppy Pomfrey commença son examen clinique, sa baguette tournoyant avec dextérité au dessus du corps de Pansy.
Poppy relava la tête et jeta un regard consterné à Snape "Elle a quelques côtes cassées, un début d'hémorragie mais rien que je ne puisse soigner. "
Sans un mot, ses robes noires tourbillonnant autour de lui, Snape se dirigea vers la sortie.
"Severus, ne pars pas tout de suite !." La voix agacée de Poppy l'arrêta aussitôt.
Snape lui lança un regard furieux, comment osait-elle lui parler sur ce ton ?
La médicomage ne se formalisa pas de ce comportement par trop coutumier et poursuivit "Aurais-tu de la potion régénératrice dans tes réserves ? Je n'en ai plus… pourrais-tu m'en apporter immédiatement."
Le regard de Poppy confirma les doutes de Snape, Miss Parkinson n'avait pas fait une chute… Snape écarta aussi vite Crabbe ou Goyle des suspects potentiels. Ceux-là n'avaient pas l'intelligence de maquiller une attaque en accident. Il devait certainement s'agir de Malfoy tel père tel fils… Severus serra les poings de rage… quel idiot, cela ne lui avait pas suffit de voir Lucius perdu par ses idées étroites… Le jeune Malfoy en suivait les traces… quel dommage, quelle perte…
Il jeta un dernier regard à la forme allongée sur le lit, il n'y aurait rien à faire, jamais elle n'accepterait de dénoncer un des siens… Le code d'honneur des sangs purs, quelle ineptie… Les sorciers de haute extraction n'avaient jamais compris, que leur satané honneur les mènerait droit à leur perte !
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Snape fut de retour assez vite et donna à Poppy la caissette de potions. Il était tout de même assez surpris. "Poppy, pourquoi la pimentine ? " il indiquait Parkinson du regard.
Madame Pomfrey posa la caissette sur son bureau.
"Oh, Severus, tu ne trompe pas, ce n'est pas pour Miss Parkinson. Il s'agit de Miss Granger." Répondit gentiment la médicomage qui sortit une fiole de potion régénératrice
"Elle est venue me voir pendant sa ronde, la pauvre petite était exténuée… Je l'ai immédiatement mise au lit, seulement elle a développé une forte fièvre. " Sur ces mots, Poppy, qui avait maintenant versé une bonne dose de potion dans un verre, se dirigeait vers le fond de la salle.
Snape entendit aussitôt un murmure d'indignation de la part de la médicomage
" Je lui avais pourtant ordonné de se reposer mais non, elle était en train d'écrire dans son lit… toujours à faire son travail…" Snape se rapprocha silencieusement. Il vit Poppy poser la réplique exacte du livre qu'il avait tenu quelques heures auparavant sur la table de chevet. La curiosité de Snape fut piquée au vif que pouvait-elle bien lui avoir écrit de si important de son lit d'hôpital ? Son regard tomba sur la jeune fille, ses traits étaient tirés, elle était d'une pâleur effroyable. Elle semblait si fragile. Snape chassa aussitôt cette pensée… Depuis quand se préoccupait-il de l'état de santé de Miss Granger alors qu'une de ses Serpentards était mal en point ?
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Snape reprit sa place auprès du feu après avoir de nouveau rempli son verre. Merlin savait qu'il en aurait besoin ce soir. Satané Malfoy. Au moins Miss Granger pourrait peut-être le distraire ? En homme méticuleux, Snape ne lut pas immédiatement le dernier message de sa pupille mais reprit depuis le début. Il voulait comprendre sa pensée.
Au bout d'un moment, Snape se surprit à sourire. Lui, le grand-père qu'elle n'avait jamais eu ? Cette idée lui plaisait bien, au moins, pour une fois dans sa vie, même indirectement, il donnait du réconfort à quelqu'un. Cette idée lui plaisait. Par contre, elle aurait pu mieux choisir que Caius… A moins que… Non personne ne savait que son père se prénommait Caius, seuls quelques sangs purs pouvaient le savoir, du moins ceux de sa génération… Mais comment pouvait-elle savoir qu'il s'agissait d'un prénom usuellement donné dans les familles nobles ? Sûrement une coïncidence, d'origine moldue, elle ne connaissait rien des us et coutumes des sangs purs.
Il appréciait sa franchise. En toute honnêteté, il se sentait quelque part rassuré que la petite Miss-Je-Sais-Tout de Hogwarts n'est pas atteint ses limites scolaires, son intérêt pour les potions semblait sincère… jamais il n'aurait cru qu'un de ses étudiants puisse aimer sa matière… Décidément, le monde changeait… il y avait peut-être de l'espoir pour lui.
Snape se replongea dans sa lecture.
Au bout d'un instant il se mit à éclater de rire… Ainsi, elle avait fait la découverte des petits boulots mal payés de Sprout… Au moins, elle apprendrait la valeur de l'argent… non, elle le connaissait déjà… L'espace d'un instant, il avait oublié ce qu'elle avait traversé.
Ses yeux noirs brillèrent intensément.
Il avait une idée.
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Hermione se réveilla courbaturée mais elle se sentait mieux. Elle pensait sincèrement qu'elle aurait du écouter Neville lorsqu'il lui avait essayé de la dissuader de travailler pour le professeur Sprout… Elle avait du travailler toute la nuit dans la forêt interdite dans le froid, sous la neige qui, décidément, avait son apparition au plus mauvais moment... elle n'avait eu droit à aucun répit, le professeur avait été intransigeante.
Et pour la modeste somme de vingt gallions, elle se retrouvait clouée au lit à l'infirmerie… Elle comprenait mieux maintenant pourquoi Sprout avait si peu de candidats… Finalement, il y avait peut-être pire que Snape. Au moins, elle ne s'y laisserait plus reprendre.
Un léger pop la fit sursauter.
Elle tourna la tête. Un elfe de maison était en train de poser son petit-déjeuner sur sa table de chevet. La créature se tourna vers elle, Dobby.
" C'est un grand honneur pour Dobby que de servir l'amie d'Harry Potter, Miss. Dobby est content que Miss aille mieux. Dobby la apporté à Miss son petit-déjeuner." Fièrement, il lui tendit un paquet "Dobby apporte aussi son courrier à Miss. "
Hermione s'assit dans son lit, elle prit avec curiosité le paquet et regarda attentivement Dobby. Celui-ci portait toujours des chaussettes dépareillées… Ainsi qu'un vieux tricot Weasley que Ron lui avait donné voilà bien des années.
"Merci Dobby" répondit Hermione en souriant.
Le petit elfe rougit et disparut en un pop. Hermione sourit de plus bel, bien que libéré depuis plusieurs années, Dobby était toujours aussi timide…Finalement, peu de choses changeaient…
Hermione examina attentivement le paquet, il n'y avait aucune adresse d'expéditeur…
Hermione l'ouvrit avec attention et laissa échapper un petit cri.
Elle tenait dans les mains une merveilleuse écharpe en mohair couleur lie de vin…
Ron ? Non…il la lui aurait donné en main propre. C'est alors qu'elle vit le parchemin accroché à la laine. Elle fut gagnée par l'excitation, les mains tremblantes, elle déroula le parchemin. L'écriture était celle d'une plume automatique.
"Il m'est apparu que vous ne vous couvriez pas assez. N'attrapez plus froid !
Caius"
Hermione fut submergée par une vague de joie… Il la lisait !
