Chapitre huitième : Tourbillons

Dans la classe de potions désormais déserte, penchée au dessus d'un chaudron d'une taille impressionnante, vraiment différent de ceux que l'on pouvait habituellement voir dans les mains d'un étudiant de Hogwarts, Hermione Granger, préfète en chef, semblait plus concentrée que jamais. La Gryffondor avait le visage rouge aussi bien à cause de la chaleur dégagée par la décoction fumante que par l'effort. La jeune fille laissait tomber doucement, dans le liquide vert bouillonnant, plusieurs plumes de hibou noir, dix-neuf pour être exact. Elle eut à peine terminé qu'aussitôt la fumée bleuit, le liquide prenant une consistance plus épaisse.

Parfait. Hermione laissa échapper un soupir d'aise.

Elle se retourna, le regard fatigué, vers le tableau. La sorcière, désormais apprentie, venait de terminer la treizième et dernière étape de l'infusion de la Pimentine.

Hermione régla la flamme au minimum, encore dix minutes et la potion serait prête.

Madame Pomfrey serait bien aise. Un match de Quiddicth entre les Gryffondors et les Serpentards devait avoir lieu la semaine suivante, et Merlin seul sait combien il y aurait de blessés. La guerre n'avait pas suffit, les pertes de leurs camarades non plus, la rivalité entre les maisons restait vivace. Quel dommage, songea la jeune fille, en somme le professeur Dumbledore avait peut-être raison…

Finalement, Hermione se décida à ranger tous les instruments dont elle s'était servie dans les armoires de la classe et replaça, les yeux brillants, les ingrédients les plus fins dans la réserve personnelle du professeur Snape. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire intérieurement chaque fois qu'elle l'utilisait, repensant avec délices à ses folles aventures en deuxième année. Si seulement Snape savait…

Elle retira sa blouse de travail qu'elle suspendit dans le vestiaire que lui avait gentiment alloué le maître des potions. D'un geste las, elle ôta l'élastique retenant ses cheveux et secoua vigoureusement sa tête de plaisir, qu'elle aimait sentir ses cheveux libres… Au diable les critiques qu'elle recevait sur leur aspect touffu, on devait la prendre telle qu'elle était.

Hermione jeta un bref coup d'œil à la potion qui était maintenant d'un rouge foncé comme les piments, d'où elle tirait son nom de Pimentine. Elle serait bientôt prête. Le professeur Snape n'y trouverait rien à redire.

Le professeur Snape.

Hermione se mit à marcher doucement dans la salle de classe vide, repensant aux événements des dernières semaines. Jamais, depuis le début de son apprentissage, elle n'avait revu son professeur autrement qu'en dehors des heures de cours. Lors de chaque séance, l'attendait sur le tableau toute une série d'indications. Elle devait préparer des potions diverses et variées, corriger les copies des premières années, qu'elle trouvait, en toute honnêteté, d'une médiocrité déplorable. Comment pouvait-on confondre une potion de rétrécissement avec une potion de rajeunissement ? Au fond d'elle-même, elle commençait à comprendre le professeur Snape.

Snape.

Pour la première fois depuis bien longtemps, elle avait pu parler avec quelqu'un en toute liberté, ils avaient abordé tous les sujets possibles. Snape avait montré une vivacité qu'elle n'aurait jamais soupçonnée, lui qui était toujours si calme et si posé. Oh bien sûr, il fallait mettre un instant de côté ses remarques glacées qui vous frappaient plus vite que n'importe quel sort connu. A croire que la charmante soirée qu'elle avait passée avec lui le jour de Noël n'avait été qu'un rêve finalement.

Ses yeux se portèrent de nouveau vers le tableau. Le professeur Snape avait l'habitude de laisser des consignes sur ce tableau que ce soit pour une leçon ou une retenue il en laissait toujours… Dans les conditions actuelles, elle pouvait presque croire que rien n'avait vraiment changé. Et pourtant… Un emploi du temps rapidement griffonné sur un parchemin portant les armes de Hogwarts et des Serpentards reçu avant la fin de son séjour chez Nettie était une preuve tangible qu'elle n'avait pas rêvé, leur conversation le soir de Noël avait bien eu lieue.

Un bref coup d'œil à sa montre lui indiqua que les dix minutes s'étaient écoulées. D'un coup de baguette elle éteignit la flamme sous son chaudron, fit apparaître une trentaine de petites fioles, et les emplit du précieux liquide, louche après louche. Elle ne pouvait pas utiliser la magie, les potions étant trop instables, surtout les potions médicales. Précautionneusement, elle déposa les fioles dans une petite caisse, il ne lui restait plus qu'à les apporter à Mme Pomfrey.

Hermione mit sa cape, elle allait fourrer son écharpe dans son sac quand elle se ravisa. Elle aimait tellement cette écharpe, Hermione soupçonnait qu'elle était charmée. L'écharpe de son cher bienfaiteur lui procurait comme toujours une sensation de chaleur, de bien être où qu'elle soit. Elle sourit un instant en la caressant distraitement. Caius en avait tellement fait pour elle. Elle ne le remercierait jamais assez.

D'un geste sûr, elle la noua autour de son cou, elle sentait moins seule avec cette écharpe.

Alors qu'elle allait prendre la caissette, une voix s'éleva dans les airs.

« Laissez Miss Granger. Je m'en occuperai. Vous pouvez disposer. »

Hermione se retourna vivement. Le professeur Snape se tenait contre le chambranle de la porte de son bureau. Elle n'avait pas pensé le voir, il ne venait jamais… Il l'avait prise par surprise. Elle devrait pourtant maintenant en avoir l'habitude, lors de ses patrouilles, la nuit, dans les couloirs du château, elle ne l'entendait jamais s'approcher jusqu'à ce qu'il lui lâche un de ses fameux « Miss Granger, hors du lit après le couvre feu ? ».

Leurs yeux se rencontrèrent. Il la fixait étrangement, son regard était plus brillant que jamais. Un étrange frisson la parcourut, il lui rappelait tant ce sorcier aimable qui lui avait tenu compagnie ce soir de décembre à Harrington House. Alors même que le ton qu'il venait d'employer était cassant, ses paroles trahissaient autre chose. En cet instant, il lui paraissait tellement différent et pourtant si semblable.

« Merci Professeur, mais c'est sur mon chemin, je peux m'en occuper » répondit-elle dans un murmure.

Le regard de Snape se durcit, son ton se fit plus sec que jamais « Vingt points de moins à votre maison pour oser répondre à un professeur. Ne commencez pas à me faire regretter mon choix Miss Granger. Maintenant dehors ! » Il désigna la porte d'un geste rapide de la main.

Hermione se raidit. Elle laissa échapper un léger soupir de frustration, haussa les épaules, et sortit doucement de la classe. Après tout, qu'avait-elle bien pu espérer ? Il ne s'agissait que de Snape…

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Hermione était allongée sur son lit. Le petit livre vert posé sur son oreiller devant elle, une plume dans la main, une bougie posée sur sa table de nuit l'éclairait doucement. Elle ne savait par où commencer, elle avait tant de choses à conter à Caius. Elle repensa avec délice aux événement de l'après midi.

« Hermione, que penses-tu de celle-ci ? » s'exclama gaiement Parvati Patil. La jeune sorcière tenait devant elle une robe de bal, d'un rose pale des plus exquis.

« Oh non, je trouve que la vert pâle te va mieux, elle met en valeur ton teint » répondit rapidement Ginny dont les joues rosirent d'envie. Parvati était une jeune fille issue d'une famille aisée, presque aussi riche que les Malfoy. Ginny se prenait à rêver elle aussi.

Hermione regardait ses deux amies avec joie. Qu'il faisait bon d'être ici ! Qu'elle avait bien fait d'accepter leur invitation d'aller faire les boutiques à Hogsmeade au lieu de se retirer dans la bibliothèque, ou pis, dans sa chambre. Madame Guipure avait enfin ouvert une boutique dans l'unique village entièrement sorcier d'Angleterre et Parvati souhaitait s'acheter une robe pour le bal masqué organisé à Hogwarts. Le professeur Dumbledore avait en effet estimé que la période de deuil devait cesser et la vie reprendre ses droits. Et quoi de plus idéal que de s'amuser librement au cours d'un bal masqué ? Il leur avait expliqué qu'après chaque grande victoire, Hogwarts organisait un bal masqué pour que les différences entre les maisons s'estompent, que le futur du monde sorcier soit uni et fort. Le dernier bal remontait à Grindenwald, après tout, Voldemort n'avait jamais été vraiment vaincu ce soir là à Godric's Hollow .

Hermione cligna de l'œil « Je crois que la verte ferait un peu trop Serpentard… ».

Parvati gloussa un instant en se regardant dans la glace, elle tenait les deux robes devant elle, les jaugeant d'un œil expert. Elle se retourna brusquement et s'approcha d'Hermione en lui tendant la verte. « Je crois que c'est sur toi, qu'elle irait pour le mieux. Ce vert te sied parfaitement. » D'un geste autoritaire, elle tendit le cintre à Hermione, puis la jeune sorcière décrocha une robe d'un bleu dur « Ginny passe celle-ci, veux-tu ! »

Ginny et Hermione se regardèrent en souriant puis éclatèrent de rire. Après tout, elles ne risquaient rien à les essayer…

Pour une fois, elle avait aimé ne pas avoir à réfléchir et être tout simplement heureuse. Depuis la publication de son article, elle avait reçu plusieurs hiboux enthousiastes de la plupart de la communauté scientifique et mêmes de certains autodidactes passionnés. Elle avait désormais le plaisir de correspondre avec les plus fins esprits du monde sorcier, ce qui la changeait profondément des sempiternels débats, organisés par Ron ou Harry, sur la meilleure manière ou non d'user de la feinte de Wronski. Pourtant, elle devait le reconnaître, il y avait du bon, parfois, à être une jeune fille frivole, ne serait-ce que pour un temps.

D'un air décidé, Hermione se saisit de sa plume et commença à écrire.

Cher Caius,

Je suis certaine que vous ne reconnaîtriez pas notre petit village de sorcier. Merlin, que Hogsmeade a changé !

La fin de la guerre y est sans doute pour beaucoup. Le nombre de nouvelles boutiques y est impressionnant, je crois bien qu'il y en a plus qu'à Londres. Je n'avais pas idée. Il faut dire que je suis restée cloîtrée au château plus que de raison...

Avec le grand bal masqué de Hogwarts qui approche, il n'y a plus qu'un seul sujet de conversation, même le Daily Prophet en a fait sa couverture.

Je dois avouer que moi-même, j'ai été emportée par ce vent de folie qui souffle sur le château. Le professeur Dumbledore a eu raison comme toujours. Tenez par exemple, cet après midi, je suis allée à Hogsmeade avec Ginny Weasley et Parvati Patil. En temps normal j'aurai refusé mais là, j'avais vraiment besoin d'une coupure.

Et vous savez pourquoi ?

Cet apprentissage en potions me rend folle ! Je sais, je vous entends déjà me dire qu'il faut que je me calme un peu, qu'il ne s'agit que d'un apprentissage provisoire, qu'il faut attendre mes résultats de NEWTS et l'appréciation générale du professeur Snape sur mon travail pour qu'il soit définitivement validé… Mais c'est bien là le problème ! Il n'est jamais là ! Jamais… Je suis toujours seule pendant des heures. Aujourd'hui, j'ai du renouveler les stocks de Pimentine, tout aurait pu mal tourner, or Merlin seul sait combien la Pimentine est une potion instable… A croire que le professeur Snape souhaite que je détruise sa chère classe par accident. Cher Caius, j'ai tellement l'impression d'être l'apprentie d'un fantôme ou plutôt d'être une apprentie fantôme.

Hermione, qui se mordillait la lèvre, leva un instant sa plume. Pour une raison encore inconnue, elle n'avait pas dévoilé à Caius les circonstances dans lesquelles elle avait reçu son offre d'apprentie. Elle avait décidé de garder pour elle le délicieux souvenir de cette soirée de Noël avec Severus Snape. Elle choisit donc de taire les vraies raisons de sa colère. Oui, elle était en colère. Elle croyait avoir développé avec son professeur une relation nouvelle, de l'amitié peut-être ? Mais une fois revenue à Hogwarts, plus rien. Elle était devenue l'apprentie d'un fantôme grincheux ! Elle avait commencé son apprentissage en potions, pleine d'enthousiasme, elle en avait rêvé secrètement. Jamais elle n'aurait pu en faire la demande à son professeur, le monde sorcier contient parfois d'étranges coutumes aux allures moyenâgeuses, l'entrée en apprentissage en faisait partie. Seul un maître doit décider de prendre un apprenti ou non. Si une demande lui est faite, il la refusera automatiquement quand bien même le candidat serait le meilleur qu'il ait pu trouver. Et Hermione se sentait honorée, elle était la première apprentie que Snape n'ait jamais choisie. Et puis un apprentissage était le seul moyen de se faire reconnaître, peu importe toutes les découvertes fabuleuses qu'elle pourrait faire si elle n'avait pas le titre de Maître en potions. Oui, son plan fonctionnait à merveille… à cela près qu'elle n'avait pas prévue que son apprentissage soit si morne.

Hermione secoua la tête de dépit. Elle devait se dépêcher de terminer sa lettre à son cher bienfaiteur.

Toujours est-il, qu'en sortant des cachots, je suis tombée sur Ginny et Parvati qui m'ont emmenée chez Madame Guipure. Saviez-vous qu'elle avait ouvert une échoppe près de l'école ? Ce qui est assez pratique ! Tout au moins pour Parvati. Elle a essayé une douzaine de robes de bal, toutes plus jolies les unes que les autres, et a acheté les trois plus belles sur nos conseils avisés. Et vous savez quoi, comme Padma n'est plus, nous lui avons servi de mannequins. Je n'ai pu imaginer, l'espace d'un instant, de plus grande joie dans la vie que de rentrer dans une telle boutique et d'acheter toutes les robes qui vous plaisent sans avoir à en considérer le prix ! Parvati a déjà son masque, un que sa grand-mère a porté lors du dernier bal en tant qu'invité d'honneur de Hogwarts. Il parait qu'il est de toute beauté.

Ah Caius, il ne fait aucun doute que les chiffons et autres pacotilles auraient vite fait de ruiner le caractère pondéré et stoïque que la noble maison des Gryffondor a su forgé, pour que je devienne en un rien de temps une véritable Poufsouffle.

Oh Caius, ne le prenez pas mal ! Je ne dis pas cela en mal. D'ailleurs si vous sortez de la maison de la digne d'Helga, j'en serais ravie. D'ailleurs je le soupçonne voyez-vous. Ces chers Poufsouffles sont la générosité et la gentillesse même. Comme vous Caius ! Et oui, un tel geste de générosité ne peut se retrouver chez les Serpentards, surtout envers une sorcière d'origine moldue. Serdaigle ? Non, je ne crois pas. Ils font la loi au ministère… Pourquoi s'embêter avec une pauvre orpheline comme moi ? Gryffondor ? Non ! Je ne crois pas parce qu'alors vous auriez révélé votre identité. Un trait Serpentard somme toute… mais dont un Poufsouffle serait capable, un geste désintéressé au possible. Alors Caius de Poufsouffle, je commence à cerner votre personnalité ! Vous pourriez me répondre non ? Me dire au moins si j'ai raison !

Hélas, Caius, je dois vous abandonner… Je suis épuisée mais je dois aller faire mes rondes dans le château, je le jure si j'attrape un seul étudiant hors du lit, je serai pire que le professeur Snape. Quand bien même serait-ce un Gryffondor !

Toujours vôtre,

Hermione.

La sorcière referma doucement son livret vert, elle se leva en baillant, et alla ranger précautionneusement dans le tiroir de son bureau son petit livre. Hermione passa sa cape, prit sa baguette et sortit avec lassitude de sa chambre, après avoir jeté un dernier regard d'envie vers son lit, si accueillant, si tentant.

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Hermione se sentait lasse. Elle avait autant envie d'aller à ce bal que de se noyer dans le lac. Elle repensait avec dépit ses affaires posées soigneusement sur son lit. Sa vieille robe de soirée datant de sa quatrième année… Et son masque… quel catastrophe… Un loup acheté sur ses maigres économies à Hogsmeade. Elle avait essayé de l'arranger mais non, rien n'y faisait, il n'avait pas meilleure mine que la vieille robe de soirée de Ginny.

Il était temps de quitter la bibliothèque, Madame Pince tenait à fermer plutôt que d'habitude. Bal masqué oblige. Hermione rassembla ses affaires avec lassitude, pourquoi le temps défilait-il si vite ? Elle avait complété ses recherches sur la fleur des neiges. Elle ne comprenait mieux maintenant pourquoi Snape en avait besoin pour la potion de lycanthropie. Elle n'y croyait pas, elle allait l'assister ! A croire qu'il avait entendu ses prières silencieuses. Oh bien sûr, il le lui avait annoncé rapidement avant de l'envoyer ici, elle y avait passé l'après midi avec délice. La bibliothèque resterait toujours son sanctuaire.

Les bras chargés de livres, elle arriva devant la porte de sa chambre. Une Ginny surexcitée l'attendait. Hermione remarqua que son amie avait plutôt bien transformé sa vielle robe de bal. D'un bleu ciel éclatant ressemblant à s'y méprendre à celle essayée la veille chez Mme Guipure.

« Hermione ! Enfin ! Mais tu as pas vu l'heure ? Tu dois t'habiller ! La préfète en chef de Gryffondor se doit de faire honneur à notre maison. » s'exclama la jeune rouquine qui ne remarqua pas l'agacement poindre chez son amie. « Je suis que je peux faire quelque chose de ta robe, tu ne vas quand même pas porter cette vieille guenille, il faut te ressaisir ! »

Enervée Hermione souffla au portrait, la fameuse sorcière à la licorne, son mot de passe. La porte de sa chambre s'ouvrit doucement. Hermione s'avança et se retourna au dernier moment pour lancer, un peu agacée « Mais Ginny, personne ne me reconnaîtra, c'est le charme du bal masqué ! » avant de s'engouffrer dans sa chambre. La lourde porte se referma derrière elle, dans un bruit sec, laissant une Ginny toute ébaubie dans le couloir.

Hermione murmura un rapide lumos et se raidit immédiatement.

Il y avait un paquet sur son lit.

Hermione posa ses livres sur une petite table à l'entrée de sa chambre et s'approcha de son lit. Un parchemin était posé sur la boite. Les mains tremblantes Hermione le déroula

Que ce bal masqué, puisse-t-il être le dernier, soit pour vous inoubliable !

Caius.

Hermione reposa doucement le parchemin sur son oreiller, elle avait les yeux plus brillants que jamais. Jamais on ne l'avait traitée comme cela. Et après tout ce qu'elle avait vécu ces derniers temps, être l'objet de tant d'attention …

Elle ouvrit les larmes aux yeux le paquet.

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Severus Snape se trouvait, comme à son habitude, tapi dans un coin sombre de la Grande Salle. Albus lui avait intimé l'ordre d'être là. Pour un bal masqué de cette importance, il ne pouvait en être autrement, toute l'équipe enseignante se devait d'être là. En revanche comme à son habitude, il ne resterait pas toute la soirée s'étant porté volontaire pour les rondes nocturnes Personne ne les prenait et lui ne désirait qu'une chose, s'échapper au plus vite de toutes ces mondanités assommantes.

Il scannait la pièce du regard. Elle n'était pas encore là. Depuis ce jour de Noël à Harrington House, il avait découvert une autre facette d'Hermione. Il avait cru que, dans ses lettres à Caius, elle n'était pas des plus sincères. Il n'était habitué qu'aux ruses et faux semblants des Serpentards, après tout, il avait grandi en leur sein et en dirigeait maintenant la Maison.

Et puis, il y avait eu ce fameux soir. L'espace de quelques heures, il avait connu l'amitié. Oui, l'amitié sans rien demander en retour. A Hogwarts, on le méprisait. Du temps de Voldemort, on ne l'approchait que pour le pouvoir qu'il représentait. Et Hermione, elle, avait été naturelle avec lui, dans ses yeux, il avait lu le respect et même, oui, une pointe d'admiration.

Quelque part, il regrettait cette soirée, chez Nettie, au coin du feu mais il ne pouvait pas se permettre de continuer cette relation. Il se devait de rester son professeur. Peut-être qu'une fois diplômée de Hogwarts, il pourrait reprendre leur relation amicale ? Il pourrait même devenir son mentor ? Avoir quelqu'un d'autre que Albus dans sa vie lui ferait du bien. Il pourrait même lui révéler avoir été Caius, et peut-être, alors, qu'elle ne hurlerait pas de dédain à l'idée que Severus Snape, le bâtard des cachots, avait lu ses confidences et pourvu à son éducation. L'avenir ne lui paraissait plus si sombre tout à coup.

Et puis, il la vit. Son cœur manqua un battement. Oh Merlin, elle était radieuse. Elle portait ce domino de velours rouge sombre confectionné par ce fameux couturier de Paris. Rochester lui avait montrée par la cheminée les meilleures robes qu'il avait trouvées. En à peine une demi-journée. Il avait lu l'envie réprimée dans ce cahier vert. Il avait choisi le domino d'un rouge si sombre qu'il semblait noir. Ce rouge qui se mariait si bien avec les paillettes d'or perdues au fond de ses yeux bruns. Il avait eu tout le loisir de plonger son regard dans le sien à Harrington House, il avait été tenté de recourir à ses pouvoirs de legilimens mais bien vite, il avait compris que cela ne s'avérait pas nécessaire.

Hermione se tenait à l'entrée de la Grande Salle décorée avec faste pour l'occasion. Elle avait mis cette capuche, si particulière au domino, qui ne laissait apparaître que son masque. Ce masque que sa propre mère avait porté pour le bal masqué suivant la chute de Grindelwald voila plus de cinquante ans. Un loup vénitien blanc parsemé d'or et d'argent. Elle était radieuse, en un mot, éblouissante. Elle semblait avoir plus d'assurance que jamais.

Toutes les têtes se tournèrent à son entrée. Qui pouvait être cette inconnue ? Snape remarqua amusé que Parvati Patil semblait trembler de fureur, jusqu'à l'arrivée d'Hermione, elle avait la première place, elle était la plus belle. Il l'avait reconnue immédiatement tellement elle arborait un air pédant et sûr. Et maintenant sa robe rose bonbon faisait bien pale figure.

Il remarqua qu'Hermione cherchait quelque chose ou quelqu'un du regard. Il se recula encore plus dans l'ombre, derrière les lourds rideaux installés pour le bal, mais au lieu de regarder par la fenêtre comme à son habitude, il ne pouvait détacher son regard de ce domino rouge dont le carnet de bal semblait désormais plein. Les bals et autres quadrilles s'enchaînaient, particularité de ces bals masqués où seules les danses traditionnelles étaient autorisées.

Seulement Snape pouvait voir combien elle cherchait quelqu'un du regard. Elle semblait étudier chaque homme présent dans la pièce, cherchant à les reconnaître au-delà de leur masque. Il compatit, elle devait chercher Caius… Et bien, non, il ne lui donnerait pas ce plaisir. Il ne prêterait pas vie à ce personnage fantoche.

Snape allait discrètement se retirer quand la voix sucrée de Dumbledore l'arrêta. « Severus, tu ne peux pas nous quitter maintenant. Le bal ne fait que commencer. » Snape refusa poliment un des bonbons au citron que lui tendait le directeur. « Et puis cela va être l'heure des professeurs ». Snape se raidit un instant, les yeux de Dumbledore pétillaient trop pour être honnête. « Miss Granger est ravissante ce soir. Severus, tu prends vraiment à cœur ton travail de bienfaiteur ».
« L'œuvre de Rochester » grommela Snape « la pauvre fille a réclamé une robe pour le bal. Stupide Gryffondor ! ».

« Très certainement, Severus. Quel admirable homme, un Serdaigle, si je ne m'abuse. » renchérit le vieux sorcier « Hmm. Je ne me rappelais pas que le masque d'Helena était si beau. C'est un cadeau inestimable Severus. »

Et avant que Snape ait eu le temps de répondre, le vieux sorcier fut au centre de la piste arrêtant, d'un coup de baguette, la musique. « Mes chers étudiants. Comme vous le savez tous, Hogwarts a tenu à poursuivre la tradition des bals masqués pour fêter, ensemble, la chute de Voldemort. » Un murmure se répandit, même anéanti, celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom effrayait toujours un peu. « Tout le monde est ici masqué sauf vos chers professeurs, après tout, ils doivent pouvoir continuer à assurer un peu d'autorité ! Comme le but d'un bal masqué est d'apprécier chacun pour ce qu'il est et non pour ce qu'il représente, je vous demanderai, pour la prochaine valse, de bien vouloir inviter vos professeurs qui ne pourront refuser. Quelle meilleure occasion pour créer des liens entre générations ? »

Snape se raidit et se tourna vers la fenêtre. Le tonnerre d'applaudissement qui suivit ne fut pas pour le rassurer. Il ne pouvait se défiler, l'ordre d'Albus était clair, mais après tout qu'importe ? Personne ne viendrait se proposer… Il savait que les Serpentards ne le portaient pas réellement dans le cœur depuis que son vrai rôle auprès de Voldemort avait été dévoilé. Et pour les jeunes filles des autres maisons, il restait l'infâme troll des cachots…

Lorsque brutalement les murmures cessèrent, il se retourna vivement. N'aurait-il pas appris à cacher ses émotions, que tous auraient pu voir la stupéfaction se dessiner sur son visage. Tous les étudiants l'observaient, ou plutôt les observaient. La reine du bal, la mystérieuse sorcière en rouge, se tenait devant lui. Elle lui tendait sa main gantée. Il croisa un instant le regard plus pétillant que jamais d'Albus qui lui fit un léger signe de la tête.

Alors, contre toute attente, il accepta son invitation. Des murmures étonnés passaient parmi les étudiants.

« Qui peut bien vouloir danser avec Snape ? »

« Comment cette mystérieuse beauté peut vouloir de ça ! »

« Il a du la payer, c'est sûr ! »

« Tu rigoles, il n'en a pas les moyens, c'est sûr, sinon, pourquoi resterait-il ici à Hogwarts ? »

« Parce que… »

Mais Snape ne les entendait plus. Son regard était plongé dans ces yeux si captivants. La musique les portait, ils tourbillonnaient à n'en plus finir sur la piste de danse. Ils semblaient, par quelque magie mystérieuse, seuls au monde.

Hermione avait été déçue de ne pas voir Caius. Elle avait espéré qu'il serait là, après tout, pourquoi lui avoir envoyé cette si jolie robe si ce n'est pour l'observer, voire la rencontrer ? Oh, bien sûr, elle ne s'était pas attendue à le voir de visu mais au moins avec un masque, il aurait pu faire une apparition. Et puis comment aurait-il pu laisser ce paquet s'il n'était pas déjà à Hogwarts ? Les elfes n'obéissaient qu'aux habitants du château et à leurs invités. Elle avait pensé qu'il était un des invités de Dumbledore. Mais non, ils semblaient tous trop jeunes. Elle s'était faite une raison. Elle avait alors dansé comme jamais, faisant ainsi honneur à son cher bienfaiteur et son esprit bienveillant. Elle en était certaine, elle avait dansé avec Malfoy. Qui d'autre que lui aurait pu porter cette ridicule robe de bal ? Il était d'un snob… Et puis surtout, elle pouvait reconnaître un Malfoy à dix lieues à la ronde. Elle avait accepté juste pour avoir sa revanche le moment venu.

Alors que la soirée battait son plein, Dumbledore avait indiqué que les étudiants devaient danser avec leur professeur. Sans réfléchir, elle s'était dirigée vers Snape. Il ne saurait jamais qui elle était, elle n'avait rien à craindre. Elle se le répétait sans cesse. Elle avait été surprise qu'il accepte.

Qui aurait cru que Severus Snape puisse être un merveilleux danseur ? Dans ses bras, elle se sentait parfaite. Ils dansaient en harmonie, comme si leurs corps étaient fait l'un pour l'autre. Il la dirigeait gentiment, elle pouvait sentir la chaleur de sa main dans le creux de son dos. Son regard était impénétrable, indéchiffrable mais elle se perdait dans ces yeux si noirs. Elle avait l'impression de retrouver le sorcier de Harrington House. Un autre Severus Snape aux antipodes du Maître des Potions.

Et puis brutalement tout cessa. La musique prit fin. Et les murmures se refirent entendre, encore plus fort. Un autre danseur vint se présenter, Snape s'effaça et disparut en un instant, ses robes tourbillonant autour de lui.

Mais plus rien n'était comme avant. Elle ne prenait plus de plaisir à danser avec ce jeune sorcier dont la robe rivalisait avec cette de Malfoy… Qui pouvait l'idée de porter un jabot de dentelles ?

Lasse, elle cessa de danser, elle lut l'étonnement dans le regard de son cavalier, mais elle n'en avait que faire.

Elle murmura qu'il faisait trop chaud, qu'elle avait besoin d'air. Elle sorrtit presque en courant de la Grande Salle,

Les couloirs semblaient plus déserts que jamais. Même les peintures ne chuchotaient pas. Il n'y avait personne. D'ailleurs quel étudiant serait assez fou pour se balader dans les couloirs glacés de Hogwarts alors que la fête battait son plein? Même Peeves ne se montrait pas. Tout était étrangement calme. Hermione ne se rappelait pas avoir vu le château si calme même à la veille de la bataille finale même après que tous les étudiants furent évacués.

Ses paupières se faisaient lourdes. Il lui fallait un peu d'air frais, quelque chose qui puisse la réveiller et quoi de mieux que le vent glacé de la nuit. Tranquillement, elle se dirigea vers la Tour d'Astronomie.

Tout était si calme. Tout était si blanc sous la lumière des étoiles. Comme elle avait besoin d'air ! Un vent froid lui mordit le visage, ce qui la fit sourire ! Elle s'avança doucement et s'accouda sur la rambarde. Son regard se perdit au loin, elle laissa dériver ses pensées, elle ne souciait plus de rien, elle était captivée par le spectacle que lui offrait la nature.

« Miss Granger. »

Hermione battit plusieurs fois des paupières. Il s'était mis à neiger, elle ne s'en était même pas rendue compte. Depuis combien de temps était-elle là ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Une heure ?

Cette voix.

Hermione se retourna doucement.

Le professeur Snape se tenait derrière elle, ses robes tourbillonnant dans le vent.

« Comment ? » sa voix était chargée d'interrogation. Après tout, elle portait un masque, personne ne l'avait vu dans cette tenue auparavant. Personne ne pouvait la reconnaître, Snape pas plus qu'un autre.

« Qui d'autre que vous aurait pu inviter à danser l'horrible professeur Snape ? Vous savez, Miss Granger, que vous allez être au centre de toutes les rumeurs.» Un léger sourire jouait sur ses lèvres, elle commençait à le connaître. Pour n'importe qui d'autre, il pourrait s'agir d'une moue habituelle mais non, il souriait réellement. Il venait même de faire une blague.

« Je n'aurais pas cru que vous posséderiez un tel sens de l'humour, professeur. » murmura Hermione. Elle se retourna de nouveau, qu'elle aimait contempler ce paysage magnifique, les flocons de neige semblaient danser pour d'elle dans les lumières du château. Elle n'entendait plus rien, le professeur Snape devait sûrement être reparti terminer sa ronde. Après tout, ce soir, le couvre feu avait été annulé. Elle avait parfaitement le droit d'être là.

Elle ferma les yeux savourant cette soirée magnifique. Le vent forcit un peu, elle frissonna, resserrant sa capuche autour d'elle. Qu'elle aurait aimé avoir l'écharpe de Caius en cet instant !

Et puis, une vague de chaleur l'enveloppa. Une chaleur dans laquelle elle se sentait si bien. Elle sentit un souffle chaud près de son oreille « Miss Granger, voudriez-vous perdre votre apprentissage ? Petite idiote, si vous tombez malade, je ne vous garde pas. » Elle se retourna plus vivement cette fois, prête à lui répondre, mais il était parti. Elle eu juste le temps de voir son professeur disparaître derrière la porte, ses robes noires tourbillonnant derrière lui.

Elle lui emboîta le pas, il était temps de retourner dans sa chambre. En chemin, vers la Tour Gryffondor, elle croisa des étudiants mais pas un ne la regardait, pas un ne semblait la reconnaître, même ceux avec qui elle avait partagé une danse.

Ce n'est qu'une fois arrivée dans sa chambre, devant son miroir, qu'elle comprit. Un étrange sourire apparut sur son visage, elle était emmitouflée dans une immense cape noire.