Chapitre neuvième : Après la pluie, le beau temps

Dans une clairière où l'herbe était plus verte que jamais, où les premières fleurs du printemps étaient encore timides, là où l'on pouvait sentir la renaissance de la terre, le retour des beaux jours, qui aurait pu se douter que dans ce lieu d'apparence si paisible, dans cet endroit si bucolique, un an auparavant, jour pour jour, avait eu lieu la bataille la plus meurtrière dans l'histoire du monde sorcier depuis Grindenwald ? Le Point-de-Non-Retour, comme certains l'appelaient, avait désormais été franchi. Le point de non retour parce que Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom avait été vaincu par un jeune sorcier en sixième année à Poudlard, le célèbre Harry Potter. Selon les croyances des sorciers, Lord Voldemort avait été renvoyé dans un endroit pire que les enfers moldus. En ce lieu, Voldemort avait atteint le point de non retour, il ne s'en retournerait jamais pour instaurer un nouveau règne de terreur, traumatiser chaque famille de sorciers. La prophétie s'était réalisée. La Lumière avait vaincu. Le Garçon-qui-avait-survécu était devenu le Garçon-qui-avait-vaincu.

Dans cet endroit si mystérieux, en ce petit matin de mars, au cœur d'une forêt perdue au nord de l'Ecosse, les premiers rayons du soleil dévoilaient une scène particulière, empreinte de solennité et de gravité. Plusieurs centaines de sorciers s'avançaient tenant à la main des flambeaux qui projetaient des ombres inquiétantes. Le cortège avançait d'un pas mesuré, en tête, l'on pouvait reconnaître plusieurs Aurors à leur robe pourpre mais aussi, grâce à leur écusson des jeunes gens encore étudiants à Poudlard. Ils s'arrêtèrent à mis parcours pour encercler trois hommes. Au centre, se tenait un petit sorcier qui avait revêtu une robe neuve un peu trop clinquante, il s'agissait de Cornelius Fudge, Ministre de la Magie. Le regard de Percy Weasley brillait de fierté, il se pavanait, il avait été choisi par le Ministre pour être son Porte-Parchemin, rôle insignifiant mais qui lui donnait une place bien en vue. A leur côté la fine silhouette d'Albus Dumbledore imposait un contraste saisissant. Ce dernier se tenait droit, l'air fatigué mais néanmoins majestueux inspirant tout à la fois, le respect et la crainte, son regard était grave et fatigué… Ses yeux ne pétillaient plus.

Aujourd'hui, la communauté des sorciers célébrait ses héros. Le Ministère de la Magie avait vu les choses en grand. Cornelius Fudge commença un long discours en l'honneur de ceux qui étaient tombés vaillamment pour défendre leur cause. Jeunes et vieux. Sang-Pur et Nés-de-Moldus. La majorité des maisons de Poudlard avaient combattu main dans la main pour que leur monde soit meilleur.

Dans l'assistance se trouvait une jeune fille, préfète en chef à Poudlard, la sorcière la plus talentueuse de sa génération disait-on. Elle était habillée simplement, une longe cape, couleur lie-de-vin, l'enveloppait des pieds à la tête, une écharpe assortie était jetée nonchalamment sur ses épaules. Elle aurait pu ressembler à l'une de ces prêtresses comme le monde moldu en imaginait tant dans ses légendes. Ses cheveux étaient noués en une longue tresse, quelques mèches rebelles soulevées par le vent lui caressaient doucement le visage. Pour n'importe quel œil non exercé, elle écoutait avec attention et respect discours de Fudge. En réalité, elle était ailleurs. Hermione avait été si excitée par cette cérémonie dont la Gazette avait retracé chaque jour ou presque la préparation. Excitée aussi, parce qu'enfin la part réelle de chacun dans cette bataille serait reconnue à sa juste valeur et surtout parce qu'on honorerait, avec la dignité qui leur était due, les disparus. Hermione pensait tout particulièrement, en cet instant, à Minerva MacGonagall, une sorcière à l'air revêche mais au cœur d'or, qui avait été la directrice de la maison des Gryffondors pendant de nombreuses années. Pour Hermione, elle était devenue une véritable amie, et même plus, un mentor. La jeune fille se rappelait avec émotion, combien la vieille sorcière, au bord de l'épuisement, s'était jetée en direction d'un sort qui aurait du la toucher, il ne s'agissait que d'un simple crucio, mais il s'agissait du sort de trop. Le corps de la vieille sorcière, presque aussi âgée que Dumbledore n'avait pas résisté. Et le temps avait ralenti, Hermione, comme paralysée, avait regardé avec effroi, le corps sans vie de son mentor s'effondrer à ses pieds.

Hermione ferma les yeux soudainement, elle devait chasser ces vilaines pensées, elle serra ses mains, elle ne devait pas replonger dans la bataille finale, elle se devait d'être forte, de se montrer digne des couleurs de sa maison et de celles de Caius. Elle lui avait attribué les couleurs lie-de-vin, à l'image de l'écharpe qu'il lui avait envoyée.

Caius.

Elle ouvrit les yeux. Il se pouvait qu'il soit là, elle le lui avait demandé. Il s'agirait d'un moyen pour lui de la voir et elle saurait au moins qu'il serait là, pour elle. Bien sûr, il n'avait pas répondu à ses demandes, à ses suppliques mêmes diraient les mauvaises langues. Discrètement, elle regarda autour d'elle, le cherchant du regard. Ce pouvait-il que ce soit ce vieux sorcier au regard doux et à la barbe argentée ? Ou encore cet autre qui semblait assez riche et qui la regardait en souriant ? Ou encore ce sorcier chauve qui avait l'air assez timide et se tenait sur la droite de Molly Weasley ? Ou encore cet autre qui la regardait avec dédain ? Hermione continua encore quelques instants son inspection lorsque l'on lui tapota doucement le bras, étonnée, elle tourna la tête. Harry. Il la regardait en souriant désignant discrètement Fudge. A sa grande stupéfaction, Hermione remarqua que le petit ministre avait terminé son discours et distribuait des médailles. Pour être plus précis, il s'agissait de l'Ordre de Merlin, 3ème classe. Parmi les décorés, Hermione reconnut beaucoup d'Aurors mais aussi tous les membres de l'Ordre qui avaient survécu… A ses côtés se trouvaient encore Harry et Ron. Comme dans un rêve, Fudge appela Ron qui s'avança avec fierté. Le regard d'Hermione se reporta de nouveau sur les sorciers distingués avant de s'attarder sur Dumbledore. Celui-ci avait le regard plus triste que jamais, sans doute revivait-il certains moments de la bataille finale ? Hermione, du fond du cœur, espérait qu'il s'agissait de la dernière guerre qu'ils n'aient jamais à connaître. Comme elle, cette bataille avait privé Dumbledore d'êtres chers comme Minerva MacGonagall, sa plus vieille amie. Hermione remarqua, du coin de l'œil, que le sourire de Ginny rivalisait avec celui de Ron qui avait l'air plus benêt que jamais. Neville était indéchiffrable, sa grand-mère l'avait entouré d'un bras protecteur, Hermione aurait parié qu'il pensait à ses parents vengés, Neville s'étant battu avec une dextérité et une ingéniosité dignes des grands sorciers. L'Armée de Dumbledore avait porté ses fruits… Il n'avait plus rien du garçon qui craignait le professeur Snape.

Le professeur Snape.

Hermione le chercha des yeux, elle ne l'avait pas vu quitter Poudlard. Elle avait cru qu'il préférerait venir par ses propres moyens. Après tout, rien ne l'obligeait à monter à bord du Poudlard-Express et d'y subir la compagnie de tous ces abrutis comme il surnommait les élèves de l'Ecole de sorcellerie de Grande Bretagne.

« Hermione Granger» l'interpella la voix nasillarde de Fudge « Au nom des pouvoirs qui me sont transmis par le Grand Merlin lui-même, je vous décore de l'Odre de Merlin, troisième classe, pour avoir, avec bravoure, combattu pour le salut du monde Sorcier »

Les applaudissements de l'assemblée l'encourageaient à s'approcher de Fudge pour recevoir sa distinction.

Alors avec une dignité grave qui lui conférait une certaine majesté, Hermione s'avança, cherchant du regard son Maître des Potions, celui qu'elle commençait à considérer comme un sorcier et non plus comme un professeur, comme un ami ? Elle n'en savait trop rien. En tout cas, il n'était pas là. Il n'avait pas été décoré. Il ne restait plus que Harry derrière elle. Elle regarda Fudge droit dans les yeux, comment osait-il ?

Mais peut-être s'était-elle trompée ?

Contre toute attente, elle s'arrêta à mi-chemin et se retourna. Elle cherchait des yeux une longue silhouette vêtue de noir, il ne lui fallut que quelques demi secondes pour constater définitivement l'absence de Severus Snape. Jamais le sorcier n'aurait refusé de recevoir une distinction aussi honorifique dans le monde sorcier, cette petite insigne aurait mis un point final à son passé, lui ouvrant de nouvelles voies. Elle en était sûre, l'homme avait qui elle travaillait dans les cachots soir après soir n'aurait pas refusé une distinction le réhabilitant, effaçant les pages les plus sombres de son passé.

La voix irritée de Fudge la fit se retourner de nouveau. « Miss Granger ». Hermione croisa le regard inquiet de ses amis, l'assemblée semblait surprise, les yeux étincelants de colère de Ron lui intimaient l'ordre de ne pas interrompre la cérémonie. Hermione fut déçue, Ron ressemblait de plus en plus à Percy, il en prenait les traces, tout lui était du, même elle. Elle devrait, si elle l'écoutait bien, céder à ses avances, devenir la future Madame Ronald Weasley… Pathétique, elle aimait de tout son cœur Ron avec ses poussées de colère, ses sautes d'humeur, sa gentillesse exceptionnelle… comme une sœur aimait un frère. Le matin même, il avait tenu à s'asseoir à ses cotés dans le train, elle avait prétendu lire un livre nécessaire pour ses Aspics. Elle s'en voulait d'agir ainsi avec lui mais il le fallait, un jour, il trouverait la sorcière de ses rêves, la seule, l'unique mais pas elle.

Derrière l'épaule de Ron, Hermione rencontra un bref instant le regard pétillant de Dumbledore, elle aurait juré qu'il venait de hocher de la tête. Elle se sentit soudainement pleine d'assurance, elle avait fait le bon choix, elle allait faire le bon choix.

La jeune fille, à la stupéfaction générale, arrêta, en levant la main, Fudge qui s'avançait vers elle, une médaille argentée dans les mains.

Le silence se fit général.

Hermione se tourna alors vers l'Assemblée ébahie, quelqu'un avait osé interrompre le cérémonial sacré, celui de l'entrée dans l'Ordre de Merlin. La voix douce de la jeune fille s'éleva dans les airs, elle ne s'en rendait pas compte mais une aura de pouvoir se dégageait d'elle, un léger vent faisait tourbillonner ses robes « Vous comprendrez, mes amis, mes frères, que je ne puis accepter de recevoir une telle décoration alors que vous, Monsieur le Ministre, n'avez même pas honoré les morts. Oh, vous avez prononcé un magnifique discours, cher Ministre, mais vous auriez pu attribuer l'Ordre de Merlin à titre posthume à tous ceux qui ont péri, ici-même, il y a un an, se sacrifiant pour que nos jours soient meilleurs. Et vous ne l'avez pas fait. Les coutumes du monde sorcier exigent que ces décorations soient remises en début de cérémonie… Mais je n'ai rien vu de tel ! Et pis encore, parmi les vivants, vous passez sous silence ceux qui des jours durant ont risqué leur vie pour nous, pour vous, pour eux ! » Hermione indiquait d'un geste de la main le reste de l'assemblée de sorciers qui la regardaient avec un-je-ne-sais-quoi d'effroi mêlé d'une certaine admiration. « Ceux, qui durant des années, ont risqué plus que leur vie, leur famille » Hermione regardait maintenant Neville dans les yeux, il lui souriait, « ceux qui ont subi l'opprobre de la communauté magique pour avoir été Mangemorts, ceux sans qui aujourd'hui, nous n'aurions pas pu être victorieux. »

Hermione secoua tristement la tête de dépit. Elle s'avança un peu plus vers Fudge, ce dernier ne bougeait pas. Il irradiait de colère, toute sa belle cérémonie, réglée comme sur du papier à musique, gâchée par cette impertinente, cette parvenue.

Elle était arrivée à sa hauteur, elle le regardait dans les yeux puis, prenant une grande inspiration, leva doucement sa baguette vers le ciel avant de toucher celle de Fudge. Sa voix se fit claire, chargée d'émotions « Je renonce à entrer dans l'Ordre du Grand Merlin. »

Un éclair multicolore s'éleva de leurs baguettes jointes et la médaille de Merlin qui lui était destinée, s'éleva dans les airs avant de disparaître dans un scintillement éblouissant.

Hermione n'avait pas pris le temps de lire un étonnement encore plus grand, un respect immense s'afficher sur le visage des sorciers, qu'elle avait déjà disparu en un léger pop transplanant vers Poudlard.

Hermione, qui venait d'apparaître tout près de Pré-Au-Lard, les sécurités de la vieille école empêchant que l'on puisse transplaner sur le domaine, regardait le château de Poudlard l'air hésitant. Les lieux devaient sans doute être désert si l'on faisait exception des elfes de maison et de Snape qui, elle en était certaine, devait être en train de travailler sur sa fameuse potion. Elle ne le dérangerait pas, d'ailleurs, il la croyait avec les autres, elle n'était pas prête à subir son flot de questions et les remarques acides qui s'en suivraient. Hermione prit donc la direction du petit village sorcier, elle avançait le pas léger, respirant profondément, appréciant les parfums des quelques violettes qui bordaient le chemin. Curieusement, elle ne rentra pas dans le village, elle s'arrêta devant un petit portail de pierre semblable à celui que l'on pouvait trouver dans la cour du Chaudron Baveur à Londres. Elle tapota de sa baguette la petite gargouille qui s'effaça pour la laisser entrer.

Hermione se trouvait à présent dans l'allée centrale du plus grand cimetière sorcier de toute la Grande Bretagne. Un vent glacial pour la saison la fit frissonner, elle resserra les plis de sa cape autour d'elle, rajusta son échappe et immédiatement, comme à l'accoutumée, un sentiment de bien être l'envahit, la réconfortant. Elle s'avança doucement à travers les allées, elle n'était jamais venue, elle n'avait pas pu pourtant il le fallait, quoi de mieux que ce jour anniversaire pour venir saluer ses amis ?

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Le silence.

Quelque chose de rares dans cette école remplie de cornichons finis. Aujourd'hui, il n'y aurait pas de chaudrons explosés, pas de cris ni de pleurs d'étudiants. Tranquillement, il pourrait avancer dans ses recherches, son œuvre, l'objet de tant d'années de travail.

Severus Snape appréciait la tranquillité des lieux, le doux clapotis émanant des chaudrons berçait ses pensées. Tous étaient partis en Ecosse assister à cette mascarade que donnait le Ministère. Albus n'avait pas exprimé son chagrin lorsqu'il avait compris que son Maître des Potions n'obtiendrait pas la reconnaissance que, plus qu'un autre, il méritait. Snape l'avait lu dans les yeux de son ami, de celui qu'il considérait aujourd'hui un peu comme le père qu'il n'avait jamais eu. Mais après tout, peu lui importait qu'il obtienne ou non l'Ordre de Merlin, bien sûr, il était au courant, un secret de polichinelle que ces décorations de dernière minute… Tout le monde savait que Fudge voulait engranger le maximum de voix pour les élections à venir, il devait faire oublier à tous qu'il avait eu un rôle neutre et par trop passif pendant la Guerre, allant même jusqu'à traiter Dumbledore de vieux fou en public.

Snape secoua la tête, une occasion comme celle-ci ne se représenterait pas de sitôt.

Le Maître des potions, avec une aisance exceptionnelle, ajouta, dans le grand chaudron en vermeil, sept gouttes de larmes de sirène. Cette fois, il le sentait il se rapprochait du but. La potion prit une belle couleur vermillon. Parfait. Il lui restait à attendre. Snape s'assit à son bureau et regarda avec dégoût les parchemins qui attendaient d'être corrigés. Il n'allait quand même pas gâcher une si belle journée en lisant les atrocités que pouvaient inventer les pauvres idiots. Son regard tomba ensuite sur le chaudron de Miss Granger.

Hermione.

Il avait pris l'habitude de la voir travailler ici, une fois qu'elle avait accompli toutes les tâches que l'on pouvait attendre d'une apprentie, il lui laissait, en récompense, le droit d'utiliser son labo, sous surveillance bien sûr. Au fond de lui, il savait que c'était parce qu'il ne voulait qu'elle fasse quoi que ce soit d'imprudent dans les toilettes abandonnées de ce fantôme qui pleurnichait sans cesse. Il devait le reconnaître, pour une Née-de-Moldue, Hermione ne se rendait pas compte de son talent. Elle était exceptionnelle, son art des potions était très poussé, elle possédait un instinct qu'il avait rarement vu dans toute sa carrière. Oh bien sûr, il ne lui dirait jamais, il était Severus Snape, la chauve souris des cachots, le sorcier froid et dur, le terrible directeur des Serpentards.

Il ouvrit le tiroir de droite et en sortit un carnet bien particulier. On aurait dit un livre vert. Il le regarda un instant perdu dans ses pensées. Il n'espérait rien, mais qui sait ? Peut-être Hermione l'avait elle emportée avec elle, là-bas dans le nord de l'Ecosse, et n'aurait pas résisté un instant à l'idée de décrire par le menu la cérémonie de Fudge qui promettait d'être grandiose. Un comportement tellement Gryffondor de sa part… Quelques mois auparavant, il s'en serait moqué, mais aujourd'hui, il espérait… Alors Snape, de ses longs doigts, feuilleta le précieux livret et, s'il n'avait pas été maître dans l'art de camoufler ses émotions, aurait lâché un hoquet de surprise. Sous ses yeux, des mots, des phrases se formaient. Pour la première fois depuis qu'il avait accepté de jouer les correspondants anonymes, il découvrait en temps réel les écrits d'Hermione non pas comme la dernière fois lorsqu'il l'avait surprise dans la bibliothèque, cette fois, tout était inattendu. Et il en était heureux. Jamais il n'aurait cru que la jeune fille ne se confierait à ce point à ce correspondant imaginaire. Non, il existait c'est vrai. Mais quand même ! Ou alors, il s'agissait encore d'un autre trait typiquement gryffondorien.

Caius. Caius.

Merlin, par toutes les divinités du monde sorcier, qu'ai-je fait ?

Je suis morte ! Non, mais je ne vaux pas mieux. Je peux dire adieux à tous mes rêves… J'aurai du apprendre un peu plus de cette technique des Serpentards qui consiste à réfléchir avant d'agir. Oh non, je ne regrette pas un instant ce que j'ai fait. Caius, j'espère que vous me pardonnerez un jour. Vous étiez-là, n'est-ce pas ? Il n'est donc point besoin que je vous décrive par le menu ce que votre pupille a fait. Et si vous n'étiez pas là, je vous conseille de vous procurer l'édition spéciale de la Gazette des sorciers, vous y lirez par le menu les faits et gestes de votre pupille qui a osé… refuser l'Ordre de Merlin…

Cher Caius, j'en suis certaine, vous me comprendrez ! En tout cas, je suis certaine que vous étiez là, je l'ai senti.

Et pour finir sur une note positive, Colin Creevey a pris plusieurs photographies dans le train nous amenant au Point-de-Non-Retour. Soyez sûr que je vous en enverrai un tirage que vous sachiez au moins à quoi je ressemble. Je suis certaine que M.Rochester se fera un plaisir de vous le transmettre.

Bien affectueusement,

Hermione.

Snape releva la tête un instant, les yeux brillants, brillants d'admiration. Hermione ne cesserait de l'étonner, peu importe les causes de son refus, il l'admirait. Bien sûr, il aimerait en savoir la raison mais peu de gens avaient osé braver Fudge et ses sbires. Et encore moins nombreux étaient ceux qui avaient le cran de refuser la célèbre décoration de l'Ordre de Merlin. De la pacotille aux yeux de Snape, pour qui comptait plus l'honneur que ces décorations que Lucius Mafoy s'était acheté autrefois. Quel honneur, en effet ! Il aurait refusé lui aussi mais à la différence d'Hermione il ne serait pas déplacé. Il commençait à cerner l'esprit de la jeune Gryffondor, elle avait du se décider au dernier moment, il se demandait bien pourquoi ?

L'horloge posée sur son bureau sonna douze coups. Severus ferma les yeux, ainsi, cela faisait donc officiellement un an que Voldemort avait été vaincu. Il était temps pour lui d'aller célébrer à sa façon cet événement. Sa potion devant encore mijoter plusieurs heures, sa présence n'était pas indispensable, alors après un dernier coup d'œil en direction du chaudron, Snape se leva, attrapa sa cape posée sur une chaise et sortit des cachots.

Snape avança d'un pas vif, il connaissait le chemin par cœur, il s'agissait du même qu'il empruntait si souvent lorsqu'il devait sortir du château du temps des convocations de Voldemort. Il longea la Forêt interdite, le lac et s'avança vers Pré-Au-Lard cependant, au lieu de continuer vers la droite en direction du village, Snape alla tout droit. Ce qu'il vit le fit froncer les sourcils, le portail était ouvert. Merlin. Il avait pensé être un peul seul, il n'avait pas besoin de public et puis peu importe, comme les autres, il avait le droit de se recueillir, surtout en ce jour anniversaire. Et puis cela ne pouvait pas être quelqu'un de Poudlard, ils étaient tous au nord du pays à la petite sauterie de Fudge.

D'un pas sûr, il avança vers le fond du cimetière.

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Hermione se tenait droite devant la pierre tombale de Minverva MacGonagall. Elle avait le souffle coupé. Les sorciers avaient vraiment le don d'être morbide. Au moins, les petites pierres tombales traditionnelles des moldus lui paraissaient plus respectueuses des sentiments des vivants. Devant elle, droit et l'air sévère, se tenait Minerva. Une statue plus vraie que nature, ne lui manquait que la vie. La petite statue devait avoir la taille d'une grande poupée. Debout, elle était posée sur la pierre portant son nom. A voir le visage de son mentor, si réel, une larme roula le long de sa joue. Et puis ce fut trop, tout ce qu'elle avait contenu depuis des mois s'échappa, son cœur se déchira libérant des souvenirs plus que pénibles. Derrière les larmes qui l'aveuglaient, Hermione ne voyait plus les arbres bourgeonnant du cimetière ou le visage statufiée de Minerva. Elle avait l'impression d'avoir été projetée dans une pensine d'un genre particulier, contre son gré. Elle était sur le champ de bataille, il y avait du sang partout, des cris, des pleurs, partout des corps, encore et encore. Et puis des sorts fusant de toute part, elle n'entendait plus que cela des crucio, expelliarmus, avada kedavra et autres protego. Hermione porta les mains à ses oreilles, elle n'arrivait pas à chasser ces visions atroces. Elle savait que tout était terminé. Fini. Lorsqu'elle revit le visage de Luna, les yeux sans vie tournés vers le ciel, elle se laissa tomber. Elle entendit le rire fou de Bellatrix Lestrange « Sang de bourbe, ne t'inquiète pas, tu vas la retrouver bientôt ! Crucio ». Mais rien ne vient. Pas de peine. En toute gryffondor qu'elle était, écrasée par la fatigue, elle n'avait pas songé à se défendre. Elle rouvrit les yeux pour voir Minerva encaisser le sort. Elle lança un expelliarmus mais il était trop tard, Minerva… Neville arrivé à ses côtés en courant, lança un impardonnable sur Bellatrix qui fut expédiée en enfer. Hermione ne parvenait pas à détacher ses yeux du corps de Minerva. Et puis plus rien. Elle était de nouveau dans le cimetière, elle était par terre, allongée sur le sol, face contre terre, pleurant de tout son soûl pour Minerva, pour ses amis perdus, pour ses parents morts trop tôt.

Et puis de façon inattendue, une main secourable, gantée de noire, se tendit devant ses yeux. Elle l'a pris sans arrière pensée, sans doute un visiteur, pris de pitié pour elle. Qu'elle ne fut pas sa surprise, lorsqu'une fois debout, elle rencontra les yeux noirs de Severus Snape qui reflétaient quelque chose de particulier. De l'étonnement ? De la pitié ? Et puis peu importe, il était humain, un vivant dans ce cimetière maudit.

« Je… Je… » la peine qu'elle contenait fut plus forte et contre toute attente, elle se blottit contre Snape tout en laissant échapper son chagrin, elle l'enserra dans ses bras. Les battements de son cœur la calmant peu à peu mais les larmes continuaient à couler de plus belle.

Severus était désarmé. Il ne savait pas quoi faire. Avec les filles de sa maison, un regard dur, une parole acerbe et les pleurs étaient ravalés. Mais là, il tenait une femme dans ses bras, qui était là de son plein gré ! Par Merlin, elle s'était jetée dans ses bras. Miss Granger était dans ses bras. Il n'avait pas le cœur de la repousser, quelle petite idiote, ne savait-elle pas que les cimetières sorciers étaient différents de ceux des moldus ? Les sorciers vivaient tellement longtemps que ce que l'on éprouvait pour les disparus étaient amplifiés par un charme spécial. Et le choc avait dû être rude, sous ses airs durs, Hermione était encore fragile, comme tous les autres certes… mais un peu comme lui, elle avait caché ses émotions. Non, elle se confiait à Caius mais elle n'imaginait pas au fond d'elle-même qu'elle le connaissait.

Le corps tremblant d'Hermione le ramena à la situation présente, il devait agir et vite ! Il savait reconnaître une crise de panique quand il en voyait une mais que faire ? Une petite voix, au fond de sa tête, le railla un instant, il savait très bien ce qu'il fallait faire. Alors espérant agir au mieux, il lui rendit son étreinte, la serrant fort contre lui. Doucement, comme s'il avait peur de la blesser, sa main gauche sans réellement bouger, se mit à dessiner de petits cercles réconfortant dans son dos. Ses craintes furent vites estompées lorsqu'il remarqua qu'il ne provoquait aucun mouvement de panique chez la jeune fille, au contraire, il sentit bien vite qu'Hermione se calmait, qu'elle semblait même s'apaiser, se relaxer contre lui. Satisfait, et plein de hardiesse, il leva sa main droite pour lui caresser les cheveux. Alors, se surprenant lui-même, il se pencha pour lui murmurer à l'oreille des paroles réconfortantes « Hermione, chut. Ce n'est rien, il faut se calmer. Tout va bien Hermione, je suis là ».

Hermione se sentait bien, elle se sentait rassurée, les images de la bataille se dissipaient. Une douce odeur d'herbes, de bois de santal et de potions l'enivrait. Elle se laissa aller tout contre lui, plus rien n'importait, elle se sentait en sécurité, sa tête reposant doucement contre sa poitrine. Ses mains étaient chaudes et rassurantes. Elle ne bougeait plus resserrant son étreinte. Et puis, elle l'entendit lui murmurer des paroles rassurantes alors, un peu à contrecoeur, elle releva la tête délaissant les battements de son cœur pour ouvrir doucement les yeux et se noyer dans un regard d'ébène qui paraissait presque chaleureux. Elle sourit un instant et se raidit immédiatement… Par toutes les déesses du monde sorcier, elle était dans les bras de son professeur de potions… Balbutiant la première chose qui lui vint à l'esprit « Je ne vous ai pas encore remercié pour votre cape, je comptais vous la rendre vous savez ».

Et alors, la chose la plus curieuse du monde arriva, il se mit à rire, elle sentit sa poitrine vibrer contre son corps. Elle sourit plus franchement cette fois, le rire lui allait si bien, il paraissait plus jeune, moins fatigué, ses traits se faisaient plus doux. Elle le trouva presque beau. Cette soudaine pensée l'effraya. Brutalement, elle quitta son étreinte et partit en courant vers le château.

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Les éclats de rire retentissaient à travers la salle commune, quelques jeunes étudiants les regardèrent étrangement tout en passant leur chemin, après tout, il ne fallait rien attendre de commun du grand Harry Potter et de ses amis y compris un jour de recueillement.

« Colin, je t'interdis de faire cela tu m'entends » menaçait Ginny, elle avait levé sa baguette en direction du jeune Gryffondor.

« Allez, allez, allez » scandèrent à l'unisson Harry, Ron, Neville, Parvati et Hermione, tous les yeux brillant, le sourire aux lèvres.

Au même instant, Colin ragaillardi par tant d'ondes positives leva son appareil, et en un grand flash, Ginny Weasley fut immortalisée. De rage la jeune rouquine éructa « Tu as osé ! Comment as-tu pu me faire cela ? A moi ! Alors que ma belle robe est pleine de boue ! Tu aurais pu attendre que je me change mais- » Harry la fit taire en lui posant un doigt sur les lèvres, il lui murmura à l'oreille quelques paroles qui la fit rougir. Colin ne fut pas sauf pour autant, il reçut un coussin sur la tête, éclatant de rire, il se renversa dans son fauteuil son appareil sur les genoux.

Ron, qui arborait fièrement son Ordre de Merlin sur la poitrine, regarda le jeune garçon avec une étrange lueur dans le regard. « Colin, combien de temps ça prend pour développer les photos ? Je donnerai cher pour voir la tête de Ginny »

Colin se redressa un instant, Ginny le regardait étrangement mais il n'en avait que faire, pour une fois, qu'on le prenait au sérieux avec ses photos… Il sembla réfléchir quelques instants. Il prit son appareil et le posa sur la table basse à côté des pintes de Bière-au-Beurre. Il pointa sa baguette en direction de l'engin en murmurant daguerrio, une légère fumée bleue entoura l'appareil, elle se dissipa bien vite dévoilant toute une série de clichés.

Des « oh » et « ah » se firent entendre accompagnés d'applaudissements joyeux. Ron profita de l'ambiance détendue pour se procurer les clichés, il les regarda avec ravissement les passant à Harry qui les fit voir aux autres.

« Mais Colin, c'est magnifique » s'exclama Hermione « tu es vraiment doué ! Tu as l'œil, tu as su capter les émotions comme jamais» Elle regardait une photographie prise le matin même dans le train, on voyait le petit groupe d'amis sourire, ils paraissaient détendus, heureux. Sur cette autre, on voyait une Ginny Weasley énervée qui levait sa baguette d'un air menaçant, ses yeux lançaient des éclairs. Sur celle-ci, on voyait Neville et sa grand-mère unis dans un même sentiment indéchiffrable.

Colin rougit sous le compliment « Attends de voir celle que j'ai prise de toi, ma meilleur prise ».

« Flatteur » répondit-elle du tac au tac. Hermione contempla le reste des clichés, il n'y avait rien de spécial. Parvati et Ginny gloussèrent à la vue d'un Ron magnifique qui bombait le torse sous les applaudissements de la foule avant de faire un clin d'œil. Hermione haussa les épaules, Colin était vraiment doué s'il avait même capté ça. .

« Il a raison » murmura Ron.

Tous les regards se tournèrent vers lui. Il tenait précautionneusement une photographie dans les mains, Harry voulut la prendre mais le rouquin leva le bras « C'est à moi, je la garde ».

Hermione regarda Colin « C'est celle que tu as prise de moi, non ? » Ce dernier hocha de la tête.

La jeune fille se leva à son tour « Ron, donne la moi. » Le rouquin fit non de la tête avant d'ajouter sur un ton qui se voulait badin « Tu es superbe sur cette photo, je la garde après tout, tu es à moi, tu ne le sais pas encore mais quand tu ouvriras les yeux tu verras que j'ai raison. Je garde cette photo en gage ».

Si Parvati, Neville et Colin éclatèrent de rire, Ginny et Harry se levèrent aussitôt voulant éviter la tempête. « Allez, Ron, fais moi voir cette photo et je te montre celle de Ginny, tu pourras en faire ce que tu veux » proposa Harry qui ignora les éclairs de colère dans les yeux de la jeune Weasley.

Ron semblait hésiter, la perspective était alléchante, il aimait faire tourner sa jeune sœur en bourrique et leur mère n'aimerait pas savoir qu'elle avait menacé un de ses camarades. Un éclair d'approbation passa dans ses yeux, avec réluctance, il tendit la photo à Harry. Ce dernier fut soulagé, Ron pouvait être stupide parfois. Alors qu'il allait tendre la main pour l'attraper, Hermione murmura Accio photo, la photo s'éleva dans les airs « Elle est à moi, je la garde et je m'en voudrais de compromettre Ginny » ajouta-t-elle avec un clin d'œil. Attrapant la photographie, Hermione tourna les talons vers la sortie en lançant un joyeux « Merci Colin. Bonne nuit les amis ! ».

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Severus Snape lisait, installé confortablement dans son fauteuil près d'un bon feu, un vieux grimoire sur les vertus des potions jaunes à travers les âges. Il cherchait à comprendre ce qui avait pu faire tourner sa potion. Soudainement, les flammes de sa cheminée verdirent. Le maître des potions leva les yeux, s'il rencontrait les yeux jaunes de Bibine, il ne répondrait plus de rien, la vieille chouette le dérangeait pour un oui ou pour un non, l'implorant de revenir sur sa parole, elle n'en pouvait plus de toutes les retenues qu'il distribuait. Bien fait pour elle, il ne fallait jamais faire confiance à un Serpentard.

Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir la tête grisonnante de Rochester dans la cheminée.

« Rochester » grommela Snape.

« Monsieur. Bonsoir. Pardonnez-moi de vous déranger mais j'ai pensé que cela ne pouvait attendre. J'ai reçu voilà quelques minutes un courrier de notre jeune pupille me demandant de vous remettre ceci de toute urgence. J'ai pensé qu'il était plus simple de vous le remettre en main propre, les hiboux ne sont pas toujours sûrs. » expliqua lentement le secrétaire.

Snape se leva rapidement, il posa son grimoire sur le rebord de la cheminée et d'une main agile attrapa le petit paquet que lui tendait Theodorus qui disparut aussitôt. Severus resta un instant songeur. Que lui voulait Hermione ? Que voulait-elle à Caius de si urgent ?

Sans plus attendre, il déroula le parchemin et resta bouche bée. Il n'y avait qu'une photo au dos de laquelle, une main appliquée avait ajoutée A celui par qui ma vie a changé. Quelle photo !

Hermione, les cheveux voletant, les robes tourbillonnant, se tenait debout face à une foule immense, elle irradiait de pouvoir, on pouvait sentir sa force, elle était magnifique… Ses yeux exprimaient une passion qu'il ne lui avait jamais vue ou presque, ce regard-là lui rappelait trop bien les yeux couleur noisette dans lesquels il s'était senti perdu quelques heures auparavant. Snape observa la photo et ferma les yeux. Il revit la scène du cimetière. Il ouvrit brutalement les yeux, observa la photo attentivement et sourit. Il ne s'était pas trompé. La petite chipie. Il avait cru que l'épisode de la Tour d'Astronomie le soir du bal n'avait été qu'un mauvais souvenir pour elle. Honnêtement, il avait cru bien faire, la pauvre petite tremblait de froid ! A sa grande surprise, elle avait passé sous silence toute l'affaire, Caius ne fut jamais mis au courant. On ne pouvait pas dire que Snape en fut blessé, il en fut surtout déçu. Déçu parce qu'elle ne s'était pas ouverte plus que cela à son bienfaiteur anonyme d'un début d'amitié entre eux. Il n'en avait jamais reparlé à Hermione, et Merlin seul savait combien il lui en avait coûté, il y avait sans cesse repensé depuis, se maudissant pour avoir gâché une amitié naissante… Comment la perle des Gryffondors pourrait-elle frayer avec lui même au sein de l'amitié ? Mais aujourd'hui, de nouveaux horizons s'ouvraient à lui. Qui l'eut cru ? La petite chipie avait gardé sa cape, elle l'avait charmée pour la porter en ce jour de cérémonie. Sa cape. La texture de la cape d'Hermione, dans le cimetière lui avait mis la puce à l'oreille, maintenant, il en était sûr. Sur cette photo, il la reconnaissait, lui seul faisait monter les boutons retenant la capuche sur une double rangée. Severus, la photo dans la main, se dirigea vers sa chambre et d'un geste presque impulsif, plaça la photographie sur sa table de chevet. L'avenir n'était peut être pas si sombre.