Léna
Mille mercis pour ton vibrant plaidoyer en faveur de mon texte !
Eiream
Pour ce qui est du nombre de reviews, ma fic ne fait pas la course à l'Audimat, heureusement pour elle, sans cela j'aurais déjà été virée ! Et puis, celles que je reçois sont constructives et savent venir me titiller.
D'ailleurs à propos de titillements, Lupin désespéré et un rien paresseux ? Désespéré, trois fois oui. Mais pour la paresse, j'ai du mal à voir ce qui dans le texte peut amener à un tel jugement.... J'imagine qu'il existe autant de déclinaisons du personnage que de fans, mais Canis Lupus x Guézannis (variété hybride de Canis Lupus Rowlingis) n'est pas du genre glandeur ; - )
Je suis ravie qu'Isolfe te fasse rire, Isolfe qui aime bien penser d'elle qu'elle a un sacré sens de l'humour.
Voilà, voilà, j'espère que vous allez apprécier la suite, un peu plus isolfique que rémusienne, avec une petite dose de Snape pour pimenter le tout.
Journal d'Isolfe, 23 septembre, soir, très tardPaul, tu es un véritable, un infect salaud ! Ton foutu dossier est bouclé, en plus c'est assez peaufiné (chiadé pour reprendre ton distingué vocabulaire). Je viens de te l'envoyer par chouette express, il y a trois heures, et déjà je me demande s'il n'est pas rempli de bourdes.
J'aurais préféré le faire parvenir par LIMACEON (LIaisons MAgiques Celées Ondulatoires NDLR), ç'aurait été plus rapide, mais bien sûr pas de ces nouvelles techniques à Hogwarts !
Ce serait d'ailleurs intéressant de voir les équipes du COLIMACEON ( Circuit d'Orientation des LIaisons MAgiques Celées Ondulatoires NDLR) débarquer ici pour procéder à leurs installations et voir la tête de l'ultra-conservateur pur-sang de Snape devant ce déploiement magico- technologique ; peut-être s' étranglerait-il enfin ?
En tout cas, tu n'as pas intérêt à me refaire le coup chaque mois, parce que je ne refiche plus les pieds à Paris, et tu te débrouilleras tout seul avec Berlacaron, ça te donnera l'occasion de te creuser la cervelle, pour une fois.
Bon enfin, c'est fini maintenant, et voyons voir, ça me fera un énoncé tout prêt pour les exams de fin de trimestre, il me suffira de changer quelques données, même pas besoin de simplifier quoi que ce soit, c'est l'enfance de l'art, leur truc, bon sang incapable de faire ça tous seuls, de véritables chefs...
Journal d'Isolfe, 26 septembre.
J'ai reçu ce matin la réponse de Paul.
Il n'a évidemment pas voulu se servir d'un oiseau du ministère, donc c'est une chouette lambda qui est parvenue jusqu'à ma table et qui avait l'air d'avoir zoné au-dessus la Manche pendant des heures. Snape nous a lancé à elle et à moi, un regard débordant de supériorité, carrément infect. Pour la peine, j'ai prodigué de constantes attentions à mon volatile tout au long du petit déjeuner, il s'est réconforté sur mon épaule. Je crois même que je vais l'accompagner à l'oisellerie, il serait capable de ne jamais la trouver et de mourir d'épuisement aux abords d'Hogwarts ou de se faire dévorer par Mrs Norris, le chat du concierge, encore un sacre hurluberlu, il va falloir que je lui consacre un bout de ce journal un de ces quatre. Il a toute sa place dans ma galeries de caractères... Parce qu'il faut être sacrément givré pour donner à son chat un nom de femme, ou d'épouse ? Mrs Norris !!!
J'avais glissé l'enveloppe dans ma poche, près de ma baguette et je n'ai pas eu le temps de la ressortir avant ce soir. Maintenant, ça y est, j'en sais un peu plus sur l'ami Severus, et je ressens un sentiment mélangé, contrarié, entre admiration et réserve, voire déception. Je souhaiterais ne voir en lui qu'un héros, mais comment oublier le Snape quotidien qui nous sert toujours la même soupe : injustice, mépris, sous-entendus et brutalité, favoritisme éhonté pour sa maison, malhonnêteté intellectuelle etc etc etc.
A première vue, la missive de Paul était anodine, le compte-rendu d'un pince-fesse au ministère et tous les potins qu'on peut récupérer dans ce genre d'endroit.
Infiniment distrayant, je dois dire que j'ai appris plein de choses marrantes, notamment que Berlacaron intriguait pour faire nommer - et rémunérer - son épouse, Clara, à un poste prestigieux et totalement inutile à la section des Affaires Judiciaires et Magiques, dans le style "Chargé de missions exceptionnelles auprès du premier secrétaire du directeur du cabinet du secrétaire général ...." Elle que tous les collaborateurs de son mari surnomment Clara Rovescia, car elle n'est même pas fichue de tenir sa baguette à l'endroit.
Quand j'ai eu terminé ce premier niveau de lecture, sans doute pas de la plume de Paul d'ailleurs, ça n'aurait pas été aussi drôle sans cela, je pense que c'est à Henri Berraire que je dois ce compte-rendu, je suis passé au second.
Lors de mon passage à Paris, Paul m'avait filé (en plus de son fichu rapport) la formule à employer, en association avec mon propre mot de passe – le ministère m'a conservé mon niveau d'accréditation – j'ai récité le tout et j'ai vu les mots que je venais de lire se modifier et se réarranger entre eux, cet étrange ballet codé qui me fascine toujours autant. Et donc j'avais maintenant sous les yeux le véritable objet de cet envoi, avec toutes ses mentions d'usage :
Confidentiel, diffusion ultra restreinte, à recoder immédiatement après lecture, tout contrevenant considéré comme coupable de haute trahison et soumis aux peines en vigueur
... j'en aurais presque froid dans le dos, alors que ce n'est pas la première fois que je manipule des documents de ce type.
Et puis, je sais que Dumbledore est au courant, Minerva idem, donc vraiment pas de quoi fouetter un chat – je n'ai donc pas trop de scrupules à consigner les grandes lignes de ce rapport dans mon journal, mais je vais tout de même appliquer un niveau de protection supplémentaire à mes travaux d'écriture de ce soir.
Severus Snape a donc mis ses talents au service de Voldemort pendant un certain nombre d'années. A vrai dire, dès qu'il eut quitté Hogwarts en qualité de brillantissime diplômé en potions, fidèle en cela à la tradition familiale – et l'eut réintégré au bout de deux mois, en qualité de brillantissisme, et détesté, professeur de potions. Suit le résumé des actions auxquelles il participa durant sa période sombre, encore qu'il se soit apparemment tenu à l'écart des véritables campagnes de prédation – jouant plutôt le rôle de conseiller et d'organisateur. Puis au bout de quelques années, il abandonne le rôle de mange-mort, en fait 18 mois avant la disparition (défaite ? ) de Voldemort consécutive au double assassinat des parents de Potter – et la survie inexplicable de ce bébé qui a grandi et que je croise tous les jours dans les couloirs... et que Snape déteste si fort...
Le rapport précise que les motifs de sa défection n'ont jamais été éclaircis – s'agissait-il d'une véritable repentance et de la volonté de rejoindre "le camp du bien" ou d'une vengeance envers Voldemort qui ne l'aurait pas assez bien traité ? Le bonhomme a l'air d'être si fragile affectivement, sans cela il ne serait pas aussi infect - j'imagine aisément que le moindre relâchement dans l'attention que le Seigneur Noir lui portait ait pu le faire basculer radicalement.
Et maintenant, il joue les agents doubles.
Après l'affaire Potter, le ministère de la magie britannique l'a en effet convaincu de retrouver ce qui restait des partisans de Voldemort (au nombre desquels Lucius Malfoy, le père de l'insupportable Draco) et de leur proposer de se mettre à leur service – en les aidant à reconstituer leur réseau et leur base.
J'imagine que Snape a été testé dans tous les sens avant d'être réexpédié là-bas, et donc qu'il a été jugé que son "revirement" se basait sur des motivations claires et honnêtes, et par sur un simple question d'ego blessé. Donc mea culpa pour mes insinuations préalables.
Mais les ministres et leurs conseillers ne sont pas à l'abri de grosses conneries...
Quant à la mesure dans laquelle le réseau de Voldemort est opérationnel aujourd'hui et à son degré de dangerosité, le rapport ne dit rien, soit que Paul n'ait pas eu accès aux informations disponibles, soit que côté français on n'en sache rien. Ce qui me paraît tout de même peu probable, car il existe un Département International de la Coopération Magique qui sert à cela, ou alors, c'est à désespérer de tout !
Puisque ces foutus criminels ont des contacts et des affidés dans tous les pays.
Et notamment en France, où les agents du ministère continuent à surveiller de très près le fameux Alexandre Lan Bruye, je suis bien placée pour le savoir puisque Paul avait été chargé il y a trois ans de tracer les flux financiers transitant par les divers coffres, muggles ou non, de ce monsieur et qu'il m'avait choisie pour travailler avec lui sur ce dossier technique et brûlant. Nous avions ainsi contribué à désorganiser, à la marge, ces circuits de financement, - bien sûr sans réussir à les mettre à plat. Nous nous étions même rapprochés du tout jeune service TracFric mis au point par les muggles. Si ces derniers ont des paradis fiscaux pour faire évaporer leur argent sale, les magiques eux disposent de certains coffres à sorts tout aussi efficaces qui font disparaître les pièces d'or et d'argent à un endroit pour les faire réapparaître à un autre. Néanmoins, il reste toujours quelques traces pour qui sait bien regarder. Paul et moi avions failli y laisser nos yeux et nous avions été surnommés les C.O. (les Cherchent l'Oseille – quel bonheur d'avoir des collègues spirituels...).
Voilà, je repense à Benedikt, n'est-ce pas à l'occasion de cette mission que je l'avais rencontré ?
Zut, j'arrête avant d'avoir trop mal et je reviens à Snape. Je ne peux que l'admirer, car il a fait montre d'un sacré courage : culotté quand même de tourner le dos à Voldemort et ensuite revenir faire amende honorable - c'est vraiment empiler les risques et concrètement cela revient à jouer sa vie en permanence. Ou alors rejoindre une seconde fois les rangs du lord Noir était peut-être pour lui la seule façon d'assurer sa survie, car j'imagine que la troupe ne peut accepter une seule défection – surtout que celle de Snape s'est produite quand ils étaient quasiment au maximum de leur puissance - et que, ne serait-ce que pour l'exemple, tout traître doit être liquidé.
Mais s'il était deux fois double et que, trahissant apparemment Voldemort, il soit en fait en train de jouer contre le ministère, et que sa prétendue défection et que son retour aient été prévus dès le départ...
Cette double hypocrisie et cette trahison sophistiquée cadreraient bien avec le Snape qu'Hogwarts connaît et subit. Car il me fait horreur, et me dégoûte presque quand j'entends mes étudiants (non Slytherin bien sûr) se plaindre de lui, et de la terreur qu'il se plaît à faire régner pendant ses cours, les démotivant et empêchant les talents de se révéler... Quel professeur est-ce que cela ?
J'apprends également qu'il obtenu son diplôme en 1972, le rapport citant nommément certains de ses condisciples : Lily Evans, James Potter, Sirius Black, Remus Lupin... Tiens donc, je n'aurais jamais songé que ces deux-là pussent avoir le même âge, je pensais que Snape avait au moins quarante ans... Est-ce pour cela qu'il le déteste aussi profondément ?
Et quand je pense qu'il a eu le culot de me dire que Lupin n'était pas net ! Mon collègue de DCFM joue-t-il également les agents doubles ? dissimule-t-il aussi de noirs secrets ? Porterait- il lui aussi au creux du bras la marque de Voldemort ?
Journal d'Isolfe, 27 septembre
Je me suis assise volontairement à côté de Snape au petit-déjeuner, Hagrid, qui pour une fois était là, en a renversé sa tasse de surprise et Mac Go a dû neutraliser l'inondation d'un coup de baguette car tous les regards des élèves s'étaient brusquement tourné vers nous.
Snape, imperturbable devant tout ce remue-ménage, a affiché un sourire plein de fatuité. Il a dû lire sur mon visage une sorte d'admiration mitigée, difficile de faire autrement après ma lecture d'hier. Mais il n'a retenu que le côté admiratif.
Je n'ai pas voulu soutenir trop longtemps son regard tant il me semblait que ses yeux sombres étaient capables d'extraire de mon cerveau les mots du rapport le concernant et de les afficher sur mon visage, les offrant à la lecture de tous et faisant la preuve de ma duplicité.
Et pourtant je ressentais le besoin d'être proche de lui, besoin de côtoyer un sombre héros ? J'abandonne l'analyse.
Lupin est arrivé peu après, son regard tout de suite sur moi, tout de suite repris, comme un irritant secret. Il est allé se mettre le plus loin possible de la paire que je formais ce matin avec Snape. J'abandonne l'analyse.
Journal d'Isolfe, 3 octobre.
En sortant de mon dernier cours de la matinée, je me suis trouvée nez à nez avec Dumbledore, qui avait l'air de flâner dans les couloirs, sans but précis.
Enfin, peut-être prend-il la température des lieux.
Evidemment le brouhaha estudiantin qui accompagne chaque sortie de classe, enfin les miennes (je les ai vu s'échapper du donjon de Snape, leurs mines sont toujours abattues, bon sang le père Severus ne peut donc pas leur apprendre la recette d'une potion hilarante, pour changer...) s'est immédiatement dissipé, à croire que Dumbledore venait de lancer un général SS (Silentis Scholasticus).
Mais ce serait lui faire injure que d'insinuer qu'il pourrait avoir besoin de ce genre de trucs obtenir le silence. Son autorité naturelle y suffit amplement, d'autant plus efficace qu'elle est bienveillante. Nous nous sommes donc salués, je pensais que nous ne ferions que nous croiser, mais en fait il a commencé à me parler.
Je me suis tout de suite enfoncée dans l'anxiété, il avait sûrement des remarques à me faire concernant mes cours, dans le style et-si-on-faisait-le-point-après-un-mois...
Fausse alerte, il a commencé à me parler de Paul Lebrant, et du fait que celui-ci était proposé pour l'ordre de Merlin, deuxième classe.
– Effectivement, ai-je répondu, Monsieur Lebrant a été décoré de la troisième classe il y a un peu plus d'un an.
Après avoir fait des pieds et des mains, et avoir passé des journées entières à peaufiner son dossier et à actionner tous ses contacts. Et ça ne m'étonne pas qu'après l'avoir obtenu, il se soit immédiatement lancé à la conquête de l'étape suivante. Je suis sûre que si je n'avais pas quitté son service, j'aurais été trempée, de gré ou de force, dans ses combines.
- Et pensez-vous qu'il ait de bonnes chances d'obtenir ce nouveau grade ?
Dumbledore m'a répondu qu'il n'en doutait pas, et que Fudge avait donné un avis extrêmement favorable, sur la base d'un rapport de travail excellent, lui ayant été remis, à lui et à Berlacaron, il y a quelques jours.
– Je pensais que cela vous ferait plaisir de l'apprendre. Après tout, n'avez pas été sa collaboratrice la plus proche ?
Dumbledore me sourit amicalement.
- Et maintenant, vous m'excusez professeur Dazurs, je dois aller dire un mot à votre collègue Lupin. Il me tape gentiment sur l'épaule, et me laisse reprendre ma progression vers mon bureau.
Ce n'est que durant l'après-midi, à un moment où je parle de rapport d'audit à mes étudiants, que je percute enfin (heureux les simples d'esprit, ils mettront trois bonnes heures à comprendre les insinuations les plus évidentes). Ce fameux rapport, qui vaut à Paul les bonnes grâces de Fudge, c'est le mien, celui qui m'a valu une nuit blanche il y a quelques jours ! Merde, merde, merde, Isolfe, tu t'es encore faite avoir. Zélé petit soldat qui travaille aux décorations de son général.
Je manque d'étrangler de dépit, je dois dissimuler la colère que j'éprouve contre ma propre stupidité derrière une fausse quinte de toux, je m'excuse auprès de mes étudiants et m'accorde une pause de trois minutes dans le couloir.
Et là, je vois surgir brusquement Lupin et sa bruyante troupe de troisièmes années, qui sortent de leur classe. Ah, c'est vraiment réussi. Ils passent en me dévisageant, j'ai soudain peur qu'ils me confondent avec je ne sais quel monstre qu'ils partent traquer à l'extérieur, heureusement Lupin leur ordonne d'avancer, ouf, il hésite un quart de seconde, et se rapproche de moi – j'ai eu l'impression qu'il ne pouvait pas s'en empêcher, serai-je un aimant ?
Il possède habituellement une démarche très spéciale, fluide et efficace, extrêmement concentrée, mais là, il avait opté pour une approche plus louvoyante.
Il m'a demandé si tout était OK, je lui ai répondu que oui, une quinte de toux qu'il m'avait semblé préférable de faire passer en dehors de la présence des mes étudiants. J'ai vu ses yeux s'abaisser sur mes mains, cherchait-il un mouchoir tâché de sang ? Flûte, quel besoin avais-je eu d'en rajouter ?
Après son départ (Bien alors je vous laisse, je les emmène examiner de près des kreignos des bois), je me suis autorisée deux questions.
- Pourquoi cet homme a-t-il en permanence l'air d'être planqué derrière lui-même ?
- Et pourquoi est-ce le seul à me faire comprendre qu'il respire le même air que moi ?
Bon, j'ai avalé la pilule du rapport, quand il sera officiellement nommé, j'enverrai un mot de félicitations à Paul, à double tranchant.
Journal de Remus, 3 octobre.
Dumbledore m'attendait à la sortie de mon dernier cours du matin. Je me suis aperçu indirectement de sa présence parce que mes élèves se sont brusquement tus lorsqu'ils ont ouvert la porte de la salle. J'ai levé les yeux de mon tas de papiers et j'ai aperçu Albus qui pointant son index vers moi, puis vers lui, semblait de demander la permission de venir me rejoindre. Je me suis bien sûr porté à sa rencontre. Nous nous sommes salués, il m'a précisé qu'il venait de rencontrer le professeur Dazurs, marquant ensuite une très légère pause, pour me donner la possibilité d'émettre un commentaire. Ce que j'ai fait, avec mon brio habituel.
- Ah, ai-je donc dit .
Curieusement, Albus a répondu
– Bien, fort bien.
comme si je venais de réussir un test difficile. Bref du Dumbledore, tout craché. Je ne saurais jamais ce qu'il avait derrière la tête.
Mais il avait déjà repris.
– Remus, allons faire un tour, vous voulez bien, il fait un temps splendide. N'ayez crainte, je ne vous prends que dix minutes.
Il vérifie que j'ai rassemblé toutes mes affaires, fait un premier pas, attend que je me mette à mon niveau - j'admire la précision et la sollicitude de la manœuvre – et nous commençons à marcher. Il nous fait passer par une des portes latérales, en deux minutes, nous sommes dehors, au soleil.
- Que pensez-vous de Jason Mac Neil, Remus ?
Sa question ne me surprend qu'à moitié, mais je décide tout de même de tâter le terrain
– Eh bien, oui, on peut penser certaines choses de cet étudiant.
- Ttt, Remus, je vous en prie, au but. Je suis persuadé que vous avez des choses précises à me dire.
– Oui, mais je crains de vous livrer un jugement bien prématuré, je ne l'ai en cours que depuis un mois...
– Et moi, professeur Lupin je le connais depuis plus de six ans. Donc, n'ayez crainte, je saurais faire la part des choses. Et puis, vous avez dû prendre connaissance de son dossier, non ?
Evidemment, j'ai lu son dossier, le sien et tous les autres. La remarque de Dumbledore, dans laquelle j'ai cru déceler une trace d'impatience, d'énervement me fait bêtement mal. Lupin, Lupin, arrête, réponds lui plutôt, ou il va vraiment finir par désespérer de toi.
– C'est un très bon élément, il est très doué pour les Forces du Mal...
Dumbledore sourit, il a bien sûr remarqué que je n'ai pas employé l'expression complète Défense contre les Forces du Mal, nous sommes donc bien sur la même longueur d'ondes.
- Je le soupçonne d'ailleurs, vu le niveau qu'il possède déjà, d'avoir pratiqué la matière, hm à l'extérieur, en dehors de la stricte surveillance qu'un professeur de DCFM doit exercer sur ses étudiants, donc sans filet si je puis dire.
– Pratique non autorisée de la magie en dehors de l'école, diriez-vous ?
– Peut-être, mais Jason a maintenant 17 ans, donc le problème ne se pose plus...
Ce qui continue à m'intriguer, par contre, c'est son choix de matière Aspic : pourquoi diable a-t-il choisi Potions, en revenant sur son choix initial il y a à peine 15 jours, alors que de toute évidence, c'est bien la magie noire qui est son unique centre d'intérêt. J'ai d'abord pensé – Je m'arrête, ai-je bien besoin de raconter cela à Dumbledore ?
– Et bien, Remus, quelque chose ne va pas ? Je reprends, hésitant, puis finalement soulagé de pouvoir lui en parler.
– Hm, j'ai tout d'abord pensé que Jason avait choisi Potions pour éviter de m'avoir comme professeur plus de dix heures par semaine, enfin, vous comprenez, à cause de ma lycanthropie. J'ai cru qu'il m'avait percé à jour, après tout il a suffisamment de talents pour que cela soit possible...
- Et maintenant, vous le pensez toujours ? – la voix de Dumbledore est nette, rapide, à la limite de la brusquerie. Volontairement, je lui réponds sur le même registre.
– Non. Aujourd'hui je pense, non, je suis convaincu qu'il préfère apprendre ce qu'il lui reste à maîtriser sous un autre patronage que le mien, de façon plus clandestine, plus... dévoyée.
– Bien, bien Remus, votre analyse rejoint la mienne. Alors voici ce que je vous propose : surveillez le discrètement, sachez où il va et qui il rencontre. Ne m'en veuillez pas si je vous donne l'impression de prendre la main sur vous, d'être hm brutalement directif, mais faites-vous aider d'Arthur Brenner, j'imagine qu'un mois vous a suffit à prendre la mesure de ce garçon ... plutôt exceptionnel.
– Oui, je peux d'ores et déjà dire qu'il est le meilleur élève que j'ai jamais eu. Il est droit dans ses bottes, il sera un auror remarquable. Et qui plus, un caractère d'accès facile, humain, chaleureux.
Dumbledore perçoit-il une trace d'envie dans mon intonation ? Sans doute, et il doit comprendre pourquoi. Oui, Arthur est humain, véritablement lui. Notre conversation doit être achevée, car Dumbledore me souhaite un bon appétit et s'éloigne rapidement.
Demain, je convoquerai Arthur dans mon bureau, je lui demanderai dans un premier temps son impression sur le fameux Jason et je sais déjà que son opinion rejoindra celle de Dumbledore et la mienne, et ensuite, eh bien, nous verrons ensemble comment procéder et nous partager cette mission de surveillance.
Je rejoins la grande salle, je viens de me rendre compte que je crevais de faim, bizarre, c'est la première fois que cela m'arrive à Hogwarts, auparavant bien sûr, la faim était une sensation commune, du moins en dehors de mes erratiques périodes d'emploi.
Je me demande si Isolfe s'est remise de sa quinte de toux ? Comme je regardais ses mains tout à l'heure, la peau dévoilée, plus privée que le visage, quand on parle à quelqu'un, on regarde son visage, non ? pas ses mains. Et en regardant ses mains, on s'approche de son intimité. Et quand on est Remus Lupin, on s'imagine les mains d'Isolfe Dazurs sur ...
- Hé, Lupin, bon sang, vous ne regardez jamais devant vous quand vous marchez ?
Vector est devant moi, c'est à dire vraiment devant moi, à quelques centimètres, et encore c'est parce qu'il a fait un pas en arrière, car je viens de lui rentrer dedans, je ne l'avais pas vu, les mains d'Isolfe étaient posées, douces et tendres, sur mes yeux.
Je bafouille une excuse, je dois faire de l'humour sans m'en rendre compte, car Vector éclate de rire.
– Ok, ok , Lupin, y pas d'mal... Il me tapote le creux du code – je ne m'appelle pas Snape.... –
Avez-vous déjeuné ?
C'est la voix de Minerva, je m'aperçois alors qu'elle se tient aux côtés de Sebastian, et qu'elle a donc assisté à toute la scène. Je sens ma bouche s'affaisser, bêtement.
– Euh, non, pas encore... Mais j'y vais !
- De votre pas décidé... Là c'est à nouveau Vector, je me laisse aller à rire avec lui, puis je les quitte et je suis bien obligé de m'installer à côté d'Isolfe Dazurs, car c'est la seule assise à la table des profs.
Je perçois un léger tremblement, autour de moi, en moi, je suis incapable de le dire. Elle me sourit.
– Chic, un voisin de bonne compagnie, j'étais justement en train de me dire que je devais avoir l'air un peu bête, toute seule ici, alors qu'eux, là-bas, ils sont si nombreux...
Son menton désigne les tablées d'étudiants.
– Alors, comment vont les kreignos ? Tous exterminés ?
- Non, notre expédition était purement pacifique, en fait le but était que chaque étudiant en capture un hm spécimen vivant, nous les étudierons en détail demain. Ils ne sont pas particulièrement dangereux, donc ils constituent un bon ...hm matériel pédagogique.
– Et qui n'a pas attrapé le sien ?
– Trois ou quatre, je crois.
– Neville Longbottom, j'imagine. La répartie est venue brusquement, mais sans aucune trace de moquerie, ou de mépris, au contraire j' y ai perçu une sorte de concentration douloureuse.
– Oui, Neville notamment. J'ai eu l'impression que nous allions continuer à parler de lui, et puis non, elle change de sujet.
- Enfin, je connais mieux les kreignos de l'estran, vous savez à Hauteville, hm un des équivalents français d'Hogwarts, enfin équivalent je ne sais pas si c'est le terme exact, l'organisation est très différente, vous voyez là-bas, c'est l'égalitarisme républicain, il n'y a pas ce drôle de système de maisons, et cette compétition entre elles.
– J'ai entendu dire que là bas, c'était tous contre tous, férocement individualiste. Elle hoche vivement la tête.
– Oui, vous avez tout à fait raison, finalement ce n'est pas mieux, pire peut-être même. Bon, où en étais-je ? Elle pose ses coudes sur la table, et ses doigts sur ses joues. Je suis soudainement ému, ses mains sont sur son visage, je n'ai plus besoin de choisir entre l'un ou l'autre, je déglutis, je lui réponds.
– Les kreignos de l'estran, à Hauteville, j'imagine que là-bas il y a plus de plages que d'arbres.
– Et plus de rochers que d'arbres... et plus de vase que de rochers. Bref, l'idéal pour ces petites bêtes. Il fallait toujours se livrer à une sérieuse opération de décontamination avant d'aller se baigner. Et plus on décontaminait, plus il y en avait. Maintenant je soupçonne Teignouse, c'était le surnom de Marc-Antoine Tecticien, le directeur de Hauteville, enfin quand j'étais là-bas, d'en avoir introduit des quantités, afin d'avoir, comme disiez-vous, du matériel pédagogique, en abondance et bon marché. Après, quand on était en septième année, on transplanait directement dans l'eau, mais gare au choc, l'eau n'est jamais très chaude au large, et évidemment interdiction absolue de la réchauffer, Calidaqua est un sort pourtant très efficace.
Elle rit, pour elle, les yeux abandonnés à ses souvenirs, je l'observe, enfuie dans son rire, si loin de moi. Mais elle se reglisse tout aussi vite dans son rôle de voisine de table.
Dites-moi, Remus, (tiens, elle a renoncé à l'appellation officielle de Professeur Lupin, cela veut-il dire que j'ai le droit de l'appeler Isolfe ? ), quel crédit accordez-vous à toutes ces rumeurs, vous savez des hm magiciens noirs qui se livreraient à des manipulations génétiques sur les créatures maléfiques afin d'en mettre au point de plus sophistiquées et de plus nocives ? On dit que certains auraient capturé des généticiens muggles, évidemment l'imperius, afin de les obliger à travailler pour eux. Et effectivement certains ont disparu, un peu partout dans le monde, un en France notamment.
– Un en Grande Bretagne, trois aux Etats-Unis, un autre au Japon...
- Donc, vous êtes au courant ?
– Oui, c'est un minimum, pour un prof de DCFM, vous ne croyez pas ? (Dieux du ciel, Lupin, as-tu toujours besoin d'être si susceptible ? Elle t'offre un sujet de conversation en or massif, et je suis presque certain qu'elle l'a choisi exprès – elle aurait pu te parler économie, pour mettre en évidence tes lacunes, comme l'aurait fait Snape à sa place... et au lieu de cela, elle te fait parler de ce que tu connais le mieux).
– C'est terrifiant, cette appropriation de talents à des fins dévoyées, cette perversion, c'est du mal absolu. Comment peut-on poursuivre de tels buts.... Je ne comprendrais jamais.
Un très léger tremblement vient de passer sur le coin droite de sa bouche, il fallait l'observer très attentivement pour le voir surgir, puis disparaître.
– Les Amagiques les ont recherché, mais sans les trouver et pour une fois, en évitant tout battage médiatique. Je pense qu'ils ont du prendre contact avec les magiques, mais tout cela est top secret, de leur côté j'entends....
– Vous savez, ici, côté hm magique, cela ne se sait pas beaucoup non plus, heureusement.
– Et techniquement, comment vous voyez la chose ? vous devez bien avoir une idée du mélange qui serait le plus redoutable ???
Je sens mes sourcils se froncer, est-ce simplement de la curiosité de sa part, ou cherche-t-elle à se renseigner à je ne sais quelle fin ? Je deviens parano, Isolfe, une partisane de la magie noire ? Impossible, comment pourrais-je la sentir si bienveillante, si c'était le cas ?
- Vous ne voulez pas me répondre ? Elle se mord les lèvres, durement. - Excusez-moi, je vous importune, vous n'avez peut-être pas envie de parler boulot.
Je réponds – Non. Et je n'arrive pas à dire la suite, que non, je n'ai pas envie, pas maintenant, de parler de la noirceur du monde, magique ou pas, avec elle. Elle se tait, nous achevons notre repas en silence. Elle s'est mise à penser à autre chose, qu'elle ne me fera pas partager.
Journal d'Isolfe, 3 octobre, le soir
J'ai parlé d'Hauteville avec le professeur Lupin. Au bout d'un moment je me suis tue, je me suis évadée là-bas. J'ai revu tous les paysages, la teinte opalescente de l'eau qui monte jusque dans le ciel et le transforme en espace aquatique.
Toutes ces années insulaires vécues avec la magnifique et persévérante protection de la mer tout autour de moi.
Il y a des jours où le lac d'Hogwarts ne me suffit plus, ce pauvre substitut d'eau douce.
Aurais-je un jour une maison au bord de la mer ?
