Once again, on commence par Isolfe et on termine par Remus...
Va falloir que je change l'ordre, au risque de le voir devenir immuable.
Et mes excuses aux puristes – la date du bal a été avancée en octobre, donc j'ai du renoncer à l'appeler Yule Ball.
Et pour les formalités juridiques, est-il vraiment nécessaire de s'y soumettre à chaque nouveau chapitre ? ou la première fois est-elle la bonne ?
Journal d'Isolfe, 25 octobre
Beaucoup d'agitation à Hogwarts depuis quelques jours, une fête en préparation, enfin un bal, et dans un louable souci d'organisation et d'équité, j'imagine, tous les étudiants sont censés s'apparier avant le jour J, ainsi personne ne sera laissé pour compte, soupirant esseulé sur une chaise pendant que les autres virevolteront et valseront... ou se trémousseront sur un rythme de mambo.
Pourquoi viens-je de penser à du mambo, il est plus probable que ce soit de la techno ?
Heureusement, le corps professoral échappe à cette planification.
Pour certains, l'affaire est bouclée depuis longtemps, mais pour d'autres les tractations sont encore en cours, y compris pendant les cours, du moins les miens.
Ils ont failli m'échauffer les oreilles ce matin, impossible d'en tirer quoi que ce soit, j'ai failli leur proposer d'écrire au tableau les noms des encore solitaires et de constituer les couples moi-même.
J'ai renoncé, moi qui n'ai pas été fichu d'en construire un, de couple....
Et cette après-midi, alors que je m'étais accordée une pause, marchant le long du lac, gris et inerte, comme le temps, je rencontrais Hagrid, qui bien sûr se mit à me parler de ce fichu bal.
J'écoutais d'une oreille mécontente et distraite, soudain il tape du poing sur sa cuisse, je comprends "pas juste pour Ron, Malfoy et sa clique vont encore s'moquer d'lui".
Je deviens soudain attentive, ce petit con me sort par les yeux, donc si je sais par avance ce qu'il mijote, peut-être y aura-t-il un moyen de l'en empêcher.
Non que je cherche à m'immiscer dans leurs affaires de gamins, après tout donner et recevoir des coups fait partie du jeu quasi-obligatoire et un rien sadique qu'Hogwarts organise pour ses élèves, mais si Ron en a parlé à Hagrid, c'est sans doute qu'il cherchait le conseil d'un adulte.
Encore que je sois légèrement sceptique sur le type de suggestions que Rubeus ait pu lui livrer. J'invite donc Hagrid à être plus explicite, il m'apprend que Ron est désespéré par la robe de cérémonie que sa mère lui a acheté, à bas prix, une vieille fripe démodée et moisie.
Les frères et la sœur Wesley ont des tenues à peu près correcte, mais il semble que Madame Weasley n'avait plus d'argent pour une robe de plus, et c'est donc sur la tête du benjamin que sont tombées les restrictions budgétaires....
Bien, mais cela pourrait s'arranger, il y a longtemps que j'ai cousu quoi que ce soit et les aiguilles commençaient même à me démanger les mains.
Pourquoi ne pas leur donner satisfaction en les remettant à l'ouvrage, mobilisant mes savoir-faire afin de transformer un vieux machin en tenue correcte, tout en faisant une bonne action ?
Je demande à Hagrid de prévenir Ron que je souhaiterai le voir dans mon bureau, après son cours de soin des créatures magiques. Il me regarde d'un air mi-interloqué, mi-reconnaissant, je lui précise que je vais aider Ron à esquiver les moqueries de Draco, et là il me sourit largement, immensément devrais-je dire avec Hagrid, pas de demi-mesure ... Il est parfois si facile de faire plaisir, pourquoi s'en priver ?
Quand Ron frappe à ma porte en fin d'après-midi, il arbore un air légèrement anxieux. J'essaie de le mettre un peu plus à l'aise, en lui demandant comment s'est déroulé le cours de soins des créatures magiques, ce n'était peut-être pas une bonne idée, car son visage se tend encore davantage.
Je finis par comprendre qu'Hagrid les a fait travailler sur une sorte de bestiole mi-araignée, mi-corbeau, je me sens blêmir sous un assaut de chair de poule – des araignées qui volent et peuvent venir s'accrocher à vos cheveux -. Ah, j'ai vraiment réussi mon coup, nous sommes tous les deux blancs et tremblant. Peut-être devrions nous créer un AAA de plus – les Affolés Anonymes devant les Araignées et nous lancer dans la psychothérapie de groupe ? Je finis par expliquer à Ron que j'ai une peur bleue des arachnides, magiques ou pas, d'ailleurs
Je le vois se décrisper un peu.
– Alors, je ne suis pas le seul.
Il y a presque de la reconnaissance dans sa voix.
– Bien sûr, que vous n'êtes pas le seul.... Bon, mais laissons là ce pénible sujet, en fait je vous ai fait venir pour parler chiffons...
Ses sourcils roux grimpent d'un ou deux centimètres sur son front.
- N'y voyez là aucune indiscrétion de ma part, mais il se trouve qu'Hagrid m'a appris que vous aviez des problèmes de hm toilette. Mais asseyez-vous, je vous fais rester debout, excusez moi..
Donc je vous propose un marché : vous m'amenez votre ... robe, je vous l'arrange et vous me promettez qu'en janvier prochain, quand je remplacerai Binns, vos serez un élève modèle...
- Mais, vous allez me la transfigurer ? on peut faire çà ? si oui, je vais me mettre à bosser davantage les cours de Mac Gonagall !
– Désolée de vous décevoir, Ron, mais non ce n'est pas possible : il n'y a que les muggles pour penser que notre pouvoir est sans limite.... Donc, je vais me débrouiller autrement, je ne suis pas mauvaise couturière et je connais même quelques petits trucs ... magiques qui rendent l'ouvrage plus facile et plus rapide... Alors qu'en dites- vous ?
– Eh ben, j' serai fou si je refusais. Je peux vous l'apporter tout de suite ?
Il est déjà debout, sautillant d'impatience devant mon bureau.
Il ne lui faut que quelques minutes pour me rapporter la fameuse nippe, que j'examine rapidement.
Elle est en piteuse état, mais la dentelle qui orne le col et les bas des manches est d'une finesse d'exécution et d'une précision dans le rendu des motifs végétaux absolument remarquables. Finalement, je crois que je vais la garder pour moi.
– La robe est à votre taille, Ron ?
- Euh, oui, ma mère a dû un peu la rallonger, mais oui, c'est la bonne taille.
– Ok, je ne vous retiens pas plus. Ah, si une dernière chose, vous tenez à garder la dentelle ou la couleur ?
– Ah, la dentelle, surtout pas, bons sang, c'est un truc de filles, non ? et si vous pouvez évacuer le marron, je suis preneur aussi.
– Parfait, je vous rend le tout dans ... disons deux jours, ça vous va ?
– Super, bon je vous laisse.
Il ouvre la porte, la referme, l'ouvre à nouveau – Euh, j'peux vous poser une question ? Il va me demander pourquoi je fais ça j'imagine.
- Bien sûr, Ron.
– Euh, pourquoi vous faites ça ? J'agite vaguement la main devant mon visage, peut-être pour éventer mes joues dont je sens qu'elles auraient bien envie de rougir.
- Vous savez, Ron, j'ai moi aussi parfois dû porter des vieux trucs, parce que ... et bien disons que mes parents n'avaient pas les moyens de faire autrement, et je sais combien le regard des autres peut être cruel et ... déstabilisant. Donc voilà, si je peux, cette fois-ci, vous évitez ce genre de ... désagréments, vous m'en voyez enchantée.
Il referme la porte sur un clin d'œil.
Journal d'Isolfe, 27 octobre
Je suis assez satisfaite de mes travaux de couture, finalement je n'ai gardé que la dentelle, le tissu était vraiment trop défraîchi, et je n'avais pas les ingrédients sous la main pour le redonner un bain de jouvence. Et je ne me voyais pas aller les emprunter à Snape...
J'ai fait un saut à Hogsmead, coup de bol, j'y ai trouvé ce que je cherchais : du velours aubergine pour Ron et du crêpe brun clair pour assortir à la fameuse dentelle, sur laquelle j'ai découvert, en l'examinant encore, quelques fils d'or à qui j'ai redonné de l'éclat.
Je me suis décidée pour un modèle très simple pour Ron, après tout je n'ai vraiment pas beaucoup de temps.
Mais pour moi, j'ai procédé avec plus de sophistication – je suis assez contente du résultat – une robe empire dont les manches et l'empiècement utilisent la fameuse dentelle.
Autant dire que j'ai eu abondamment recours à la magie, vu le délai de livraison serré que m'imposais ce fichu bal. Donc, finalement, je n'ai pas beaucoup de mérite.
J'aurais bien l'occasion de porter la robe de satin noir et de velours gris pâle que j'avais emmenée avec moi.
Tout compte fait, Madame Weasley a, sans le savoir, fait une excellente affaire, j'aimerais bien savoir où elle se fournit...
Journal d'Isolfe, 28 octobre
J'ai invité Remus Lupin à m'inviter à danser.
Comme prévu, une demande aussi directe l'a déconcerté, je pense même qu'il a failli refuser.
Horriblement contracté, donc un danseur difficile à conduire, mais au demeurant loin, très loin d'être mauvais. Nous avons commencé à tester notre couple sur une pavane (je n'aurais jamais pensé qu'on pratiquât encore des danses Renaissance où que ce soit dans le monde, en dehors des cercles d'amateurs – encore un bon point pour Albus – oser imposer cette danse à des étudiants !).
Deux pas simples, un pas double, les partenaires se déplacent l'un à côté de l'autre, seules leurs mains sont en contact - cette danse est décidément faite pour s'apprivoiser.
Pour en revenir à Lupin - il y a dans sa façon de se bouger quelque chose qui l'éloigne de l'humain, une furtivité concentrée et redoutablement efficace, comme un animal à la recherche de sa pitance et cette caractéristique est si marquée que j'ai pu le ressentir au delà de la tension crispée qui semble ne jamais le laisser en paix.
Oui, vraiment un étrange danseur, avec lequel on ne sait en sécurité ou en danger...tremblant de joie ou de peur ?
Un moment donné, nous étions maintenant en train de valser, j'ai volontairement relâché mon attitude, me déséquilibrant légèrement en arrière. La réponse a été quasi immédiate et parfaite : rattrapée tout en souplesse et en autorité , remise dans l'axe du couple que nous formions, le contact de son bras un peu plus appuyé autour de ma taille.
Je pense que lui même a été surpris de se voir réagir de cette façon, et même, comme c'est étrange, paniqué.
Il y a vraiment en lui quelque chose qui reste rebelle à ma compréhension ou qui se rebelle devant moi ?
Il portait une vieille, non plutôt antique, robe de cérémonie, ayant atteint le dernier degré de fatigue défraîchie, et il avait l'air de s'en moquer éperdument.
Bravo Lupin, la misère n'est pas une tare, surtout quand elle est assumée avec une telle orgueilleuse sérénité.
Mais peu importe tout cela ! Je n'avais pas redansé avec un homme depuis ma dernière soirée officielle avec Benedikt, à cette date mon annulaire gauche étincelait enocre.
Je dansais alors avec mon futur époux, je me laissais admirer à son bras, robe fastueuse, la belle à son bras, son unique, un beau couple, mon bonheur à perte de vue.
Comment avais-je pu penser cela, à nouveau, que le bonheur était une donnée inaliénable ? Je savais pourtant déjà que les êtres chers peuvent mourir sans crier gare, comment ne pas avoir deviné qu'il en allait de même des amours ?
Ce soir, je danse à nouveau mais je ne suis plus en représentation, je danse pour le seul plaisir du mouvement, peu importe le cavalier à mon bras, peu importe les mains sur mes épaules ou autour de ma taille, peu importe les yeux sur moi, les jambes qui se meuvent avec les miennes...
Je ne danse même pas avec le souvenir de Benedikt, je n'ai même pas sollicité mon chagrin, mon douloureux compagnon, il est resté assoupi, quelque part en moi, je ne saurais même plus dire où.
Peut-être qu'à force de l'oublier dans des recoins sombres, il finira par se lasser de moi.
Ce soir je danse comme une dépossédée.
Journal de Remus, 28 octobre
Je danse avec Isolfe et tout en dansant avec Isolfe, je regarde les seins d'Isolfe, j'essaie de deviner au delà de la robe d'Isolfe les seins d'Isolfe...
Lorsque nous étions en sixième et septième année, il s'agissait d'un des divertissements les plus prisés des étudiants : regarder les seins de toutes les filles au delà de la quatrième année (comme l'avait fait remarquer, comment s'appelait ce mec , le créateur du concours, bon enfin peu importe " Avant, il n'y avait pas toujours de quoi juger " et d'attribuer le prix des seins les plus sexys).
C'était amusant et excitant pour eux, l'occasion d'être à plusieurs pour se frotter - au figuré, parfois aussi au propre - à une réalité un peu inquiétante : le début de leurs rapports avec l'autre sexe.
Moi, je n'ai jamais dépassé cette première étape, j'ai certes avec une gêne furtive regardé, évalué, ... mais je n'ai jamais touché, caressé, cajolé les seins d'une femme, je n'en ai jamais vus qui ne me soient dissimilés par une étoffe, je n'en ai jamais vus dont la nudité ne me soit offerte, mon désir a toujours été frustré de leur présence.
Mais ce soir je danse avec Isolfe et tout en dansant avec Isolfe, je regarde les seins d'Isolfe, j'essaie de deviner au delà de la robe d'Isolfe les seins d'Isolfe. C'est, pour le moment, un plaisir au delà du désir, une contemplation presque sage, presque solennelle ; mais je sais qu'après j'y penserai comme un avide désespéré.
Elle porte une robe d'un marron clair et chaleureux ; les manches et le haut du corsage sont en dentelle de même ton, certains motifs sont soulignés de fil d'or. La dentelle est étroitement ajustée, et malgré la densité de son motif, je vois derrière la peau d'Isolfe. Le décolleté descend suffisamment bas pour révéler l'endroit où son torse gagne en chair et se féminise - une bande de dentelle et au-delà le tissu opaque, froncé sur la poitrine menue, resserré en dessous, avant de s'élargir jusqu'au sol.
Au rythme des pas de danse, ses jambes viennent se coller contre l'ampleur sa robe, on devine alors la toute la longueur de ses cuisses, jusqu'à la pointe du genou.
Dernier détail que je dois scrupuleusement noter : lorsqu'elle est entrée toute à l'heure dans la grande salle, je l'ai vu faire un clin d'œil et un sourire de connivence à Ron, dont les yeux se sont arrondis de surprise ... ce n'est pourtant pas un de ses étudiants ?
J'ai eu l'impression qu'elle venait de lui jouer un bon tour.
Quant à lui, il était d'une élégance rare - comme tout le monde ici, je sais que ses parents ne sont pas riches, et qu'il doit souvent se satisfaire des restes de ses nombreux frères : un vêtement de velours violet, (mon Dieu, c'est la première fois de ma vie que je m'intéresse de si près à la coupe et à la couleur de vêtements), neuf de toute évidence et qui mettait parfaitement en valeur la couleur de sa peau et de ses cheveux.
Mais je ne peux m'empêcher de revenir sur cette soirée, pour essayer d'analyser sereinement ce qui s'est - ou ne s'est pas - passé entre elle et moi, ces danses partagées, pendant lesquelles elle a accepté ...mes mains sur sa taille, sur ses épaules. (Quelle drôle d'occupation que la danse, cette sorte de drague permise et organisée entre un homme et une femme, entre deux corps si proches...).
Voyons, avec elle, j'en étais presque à me sentir enfin humain. Sociabilisé, intégré à une assemblée, fût-elle mondaine, et donc forcément artificielle, dansant au milieu d'autres couples au bras d'une belle jeune femme, elle et moi en apparence rassemblés. Pourtant, il y avait quelque chose de cruellement injuste, déséquilibré, je dansais avec elle et j'étais saturé de sa présence et elle, elle dansait, tout simplement. Avec moi, ou un autre, peu importe, d'ailleurs elle a dansé avec ... non, pas d'autres noms dans ce texte – comme il est facile d'ecarter les fâcheux d'une feuille de papier.
Moi, j'étais irrépressiblement ému de la tenir dans mes bras, elle non, d'ailleurs elle avait les yeux dans le vague, soigneusement lointains. Alors que, bon sang, j'imagine qu'une femme remarque quand un homme lui regarde les seins, avec autant de convoitise et de désespoir que j'étais en train de le faire.
Mais elle l'ignorait, royalement, superbement.
Donc,en fait, nous étions irréversiblement séparés, et peut-être était-ce par ce que je suis et par ce qu'elle ne connaît pas de moi.
Mensonge omissionnel et originel entre elle et moi (mais je ne peux du mensonge passer à la vérité sans la perdre). Donc, oui, c'est certainement à cause de cela que j' avais l'impression de ne tenir qu'une absence entre mes bras ; ou alors son esprit s'était-il tout bonnement mis en disponibilité pour mieux s'accorder au mouvement et à la musique ? sans que je n'ai rien à voir dans tout cela ? Trop transparent pour qu'elle me voit en face d'elle. ..
Tant pis, alors, moi je la regardais. Et soir , j'ai eu l'impression d'entrevoir un autre aspect de sa personnalité, tellement différent de la camaraderie un peu brusque, quasi-masculine, et toujours pleine d'humour, qu'elle a instauré dans vos relations. Un aperçu sur ses jardins secrets... oh, mais ceux-là me semblent tellement inaccessibles qu'il me faudrait dire planètes secrètes.
Merde, merde, merde en me relisant, je viens de voir que j'ai mis VOS relations, au lieu de NOS relations – pour qui donc étais-je en train d'écrire ? même lorsque je ne parle que d'amitié, il faut que je la laisse m'échapper, que je mette un autre à la place de la mienne !
Journal de Remus, 29 octobre
Je me suis réveillé ce matin en me rappelant que le type en question, celui du fameux concours, s'appelait Palafox, Juan Palafox. Je suis excédé contre mon foutu cerveau qui a passé sa nuit à se fouiller de fond en comble afin de retrouver une information dont je n'ai rien à battre et qui n'est jamais capable de me faire rêver d'Isolfe.
