Le disclaimer n'a pas changé de place, en tête du prologue.

Entre Isolfe qui est à foutre des claques et Lupin un poil trop mou, … je les désavoue ?… ou j'écris une scène où effectivement ils se foutront des baffes… ?

Allez, je monte au créneau pour les défendre.

Fenice

Je ne crois pas qu'Isolfe a peur de lui, non, elle est plutôt comme le chat échaudé et pour le moment elle a pris l'option jachère sentimentale.

je lui ai pardonné le fait d'être un homme… bien vu, là j'aurais dû élaguer encore (tes deux autres notés les 25 jours et l'acier bruni, je ne sais pas si tu les inclus aussi dans le trop mouarf, en tout cas ceux-là je les revendique, l'acier bruni est un terme technique et ses jours d'humanité c'est ce que Lupin, version Guézanne, a de plus précieux). Mais je pourrais aussi dire que je laisse Isolfe écrire dans son journal toutes les conneries/ niaiseries qui lui passent par la tête ? Là, je te l'accorde, la réponse est un peu facile. Donc, je me fais des séances de relecture au sécateur, avec ce résultat qu'au bout d'un moment, je ne sais plus séparer le bon grain de l'ivraie ! (en plus avec un sécateur … )

Et, enfin, ton "ma grande" me touche bcp, c'est comme cela que m'appelait mon grand-père…

Léna

Pour ce qui est de Lupin, il s'enferme dans un deadlock parfait - il porte sa lycanthropie comme un destin qui l'accable en lui interdisant de jamais avoir de descendance – c'est mon angle d'attaque sur le personnage, c'est véritablement ce qui le hante et le fait souffrir. Et comme il est du genre à ne pas s'accommoder de demi-mesures (après tout, on peut partager ses nuits sans y mettre plus que cela ), et que la mesure pleine et entière lui est impossible, il n'y a effectivement rien à faire. Hormis aimer et souffrir en silence, et sans se plaindre, s'il vous plait ! (sauf à son journal, heureusement)

Dans la livraison du jour, Isolfe rêve. Oui, je sais c'est Lupin qui en réclamait, néanmoins, j'ai décidé d'être contrariante… enfin, coup de bol, elle rêve de …. lui.

Ensuite, je me suis un peu amusée avec Hagrid, j'ai décidé de lui faire écorcher le français, comme il le fait avec l'anglais, l'exercice est finalement pas évident. Dites-moi ce que vous en pensez, de çà et du reste !

… Et bonne lecture !!

x-x-x-x

Journal d'Isolfe, le 22 novembre

Je me suis réveillée terrifiée au sortir d'un rêve étrange et monstrueux.

J'étais dans un paysage de campagne, coupé d'une rivière sombre. Il y avait deux Remus Lupin, un la berge amont, l'autre sur le côté aval.

L'un était assis, la tête dans les mains, indifférent, l'autre était debout, il donnait l'impression d'être en grand danger, sans que je puisse savoir ce qui le menaçait, mais il était évident qu'il souffrait intensément, il me criait - Vous avez voulu que nous soyons amis, il faut que vous alliez au bout, prouvez moi que vous le vouliez vraiment.

Il fallait donc que j'aille le sauver, je me dirigeai vers la rivière pour la traverser, mais je devais passer devant l'autre, dont le visage n'était plus maintenant dissimulé par ses mains et qui arborait un drôle de sourire, satisfait et cruel ; sans un mot, il m'empoignait par le bras et m'entraînait brutalement au bord de la rivière, pendant que l'autre Remus nous regardait, pétrifié.

Je voyais alors que c'était du sang qui coulait entre nos deux groupes, des flots de sang…

J'ai gardé le goût de ce sang rêvé dans ma bouche, manger me permettrait sans doute de m'en débarrasser, mais j'en suis incapable.

J'ai traîné dans ma chambre, et attendant qu'il soit l'heure de mon premier cours . Le sale arrière-goût ne m'a pas quitté une fois le cours commencé, contrairement à ce que j'espérais.

Je me sentais glisser vers un état de total hébétude intellectuelle et corporelle, et puis les symptômes annonciateurs du malaise sont arrivés : une chaleur malsaine qui part du bas, remonte vers le cœur, le fait accélérer, vers le cerveau, qui ne peut plus assurer l'équilibre, bourdonnement dans les oreilles…je me suis précipitée à temps sur ma chaise, tête en arrière, surbaissée.

Mes étudiants me regardent inquiets, ne sachant trop quoi faire, enfin l'un ouvre la fenêtre, d'autres m'entourent, je parviens à leur demander de regagner leur place, le flou rouge se retire lentement de ma tête et de mes yeux.

Plus tard, j'arriverai à les dissuader de m'accompagner chez Madame Pomfrey, je n'ai aucune envie que toute l'école, et particulièrement ses méchantes langues, apprenne que j'ai des vapeurs en cours.

A la fin du cours, que nous avons eux et moi à peu près réussi à mener à son terme, je leur demande de considérer que rien ne s'est passé qui mérite la peine d'en parler en dehors des murs de cette classe ; je pense pouvoir compter sur leur discrétion, ils m'ont, pudiquement, manifesté leur sollicitude – il faut dire également que mon état a considérablement ralenti le rythme du cours et donc la quantité de notions à assimiler et de notes à prendre !

Je redoute le sommeil à venir, cette nuit, et l'éventuel retour de ce cauchemar.

Pourtant, étrange de me rendre compte que le professeur Lupin peut constituer le sujet d'un rêve aussi… intime et brutal. Finalement il y a peut-être plus à réfléchir sur la présence dédoublée de Remus au milieu de mes nuits – Lupin côté pile, Lupin côté face ? Lupin tel une double obsession -, que sur la signification de ces flots de sang. Alors, les mauvais rêves, sérums naturels de vérité ?

Journal de Remus, le 22 novembre

Isolfe n'est pas parue au petit déjeuner ce matin, je me sens démuni, et je m'aperçois que c'est elle qui donne le coup d'envoi de mes journées : "Hello Remus" ou "Bonjour professeur Lupin " ou "Cher collègue, comment allez-vous " … - sourire, un léger frôlement de sa main sur mon bras - elle m'a avoué avoir été obligé de renoncer à la poignée de main à la française qui ici aurait fait trop exotique – je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui dire de persévérer et je me suis privé du contact quotidien d'une partie de sa peau – quel sinistre abruti je suis …

Avant de la voir, je suis dans un état d'angoisse larvée, redoutant ce qui m'arrive aujourd'hui : son absence.

Il est vrai que depuis dimanche dernier, elle m'évite soigneusement et que je fais de même, comme si j'avais besoin d'une pause émotionnelle après ce long moment où j'ai été seul avec elle et dont le souvenir ne me quitte plus.

Mais au moins je l'ai quand même vue tous les jours, ne serait-ce que de loin. Tandis que ce matin, j'ai beau faire traîner mon petit déjeuner en longueur, mes yeux restent vides d'elle.

Comble de malchance, Snape est arrivé, a longuement contemplé la place vide à côté de moi, je l'ai senti se délecter par avance de ce qu'il allait sortir. Sa remarque fut aussi peu élégante que possible

- Votre chère amie ne se montre pas ce matin ? elle a peut-être du mal à choisir la tenue du jour ? ou peut-être a-t-elle besoin de récupérer d'une nuit agitée…

J'ai vu son regard errer aux alentours, faire le compte des présents et des absents. Il s'est penché vers moi pour me demander

- A votre avis, le professeur Dazurs préfère-t-elle les hommes tendres ou brutaux ? avec une voix basse et douceureuse.

- Ou peut-être les deux à la fois, ne croyez-vous pas que c'est ce que toutes les femmes désirent ?

Mais vous, en tout cas, vous ne pourriez qu'être brutal et dangereux, infiniment dangereux dans ce rôle, vous comprenez, ne jouez pas à ce sale jeu !

J'ai décidé de ne répondre qu'à la première partie de l'attaque, je sais trop bien qu'il a raison sur le second point

- Comment osez-vous émettre de tels sous-entendus sur un de vos collègues ?

Ma voix tremblait de colère et de la frustration de ne pouvoir lui envoyer mon poing dans la figure (ce qui eût un spectacle plein de dignité et d'exemplarité professorale) ; en même temps j'étais pitoyablement malheureux qu'il se soit emparé de mon bien le plus précieux. Et qu'il me renvoie en plein visage mon incapacité à aller au delà de rapports amicaux avec Isolfe, au risque de la mettre en danger.

Pourquoi ma malédiction ne m'est-elle pas plus utile : je me serais transformé en loup et lui aurais planté mes crocs dans la gorge. Je suis parti planquer mon impuissance hors de sa vue.

En sortant de la grande salle, j'ai bousculé Minerva arrivant en sens inverse, je ne me souviens plus si je me suis excusé, je n'en garde que l'image de son air interrogateur, mais moins réprobateur que ce à quoi je m'attendais.

Je suis sorti par une de portes de derrière, j'ai couru jusqu'au lac, j'ai donné des coups de pieds de dépit, de colère, dans les buissons, dans les berges, j'éprouvais une méchante satisfaction à voir des mottes de terre se détacher et se pulvériser sous mes assauts. J'avais envie de hurler, et si je l'avais fait, j'aurais crié, puérilement et inutilement - N'y touchez pas ! elle est pour moi ! (et pourtant elle est si peu à moi) …

J'ai gardé ces infantiles imprécations en moi, et le vent froid a fini par calmer ma colère et éparpiller mon malheur.

Je me disposai à regagner le château quand Hagrid a surgi à mes côtés, tout essoufflé, ventre de dragon, est-il vraiment impossible de rester seul avec soi plus que quelques minutes ici ?

Je lui jetai un regard peu amène, marmonnait un vague bonjour, en doutant qu' il ait compris le message.

Effectivement, il était d'humeur à parler.

- B'jour Professeur Lupin, j'voulais vous prévenir que vous étiez en train de saccager (son ton est lourdement désapprobateur – merde, il ne me manquait plus que les leçons de morale) le coin favori du Professeur Dazurs, alors quand j'vous ai vu en train de piétiner ses ptites fleurs sauvages favorites, j'me suis dit

- Hagrid, mon gars, tu vas pas laisser faire çà …

- Comment ça, le coin favori du Professeur Dazurs ? Elle … elle vient souvent ici ?

- Dame oui, la première fois que j'lai vue, al' donnait des coups d'pieds, quasiment juste comme vous, ah ça a bien duré un bon moment, furieuse elle était, a même pris un bâton qui traînait, pour cingler plus fort ; j'me suis dit

- Hagrid, mon gars, a' va finir par réveiller le calamar –

et pis tout d'un coup a s'a calmé, juste comme vous.

J'ai le droit à un long clin d'œil appuyé. A ce stade Hagrid, tu as gagné la partie et ne serait-ce notre différence de taille, je te serrerais volontiers dans mes bras : enfin quelqu'un qui me parle spontanément d'Isolfe et qui m'a tout l'air d'être prêt à en parler d'abondance, Hagrid, vive ta prolixité et ta curiosité.

Il reprend

– Et pis, a s'met à se pencher, et à regarder dans les herbes. J 'me suis amené, pt' êt' qu'y avait quéque chose de pas normal ou de dangereux, peut-être qu'un de mes bébés scroutts à pétard s'est échappé, et a' voulait s'en débarasser, mais fallait pas qu'a' m'le zigouille … dame c'est à moi d'veiller à tout çà, et pis mes scroutts j'sais c'qu'elle en pense, a m'a dit qu'a trouvait ça ignoble et inutile… donc, j'me méfiais un peu !

- B'jour professeur, z'aviez l'air plutôt énervée, z'êtes fatiguée d'avoir tapé tant et tant ?

A' ma r'gardé, j'croyais bien qu'al' allait s'remettre à s'énerver, - Hagrid, pourrais-je vous demander de faire comme si je n'étais pas là ?

Bon alors, moi j'commence à partir, pas, pisqu'a l'avait demandé, puis a' s'ravise, et a m'crie après

- Non, restez Hagrid, vous êtes là chez vous, pas moi. Bon, vous avez raison, je suis crevée, et moi j'avais tort, j'aurais dû aller me planquer ailleurs, dans la forêt interdite par exemple.

Alors là, j'lui dis

– Eh, savez ben qu'c'est interdit ?

A' m'répond – Voyons, Rubeus, - eh oui, clin d'œil , a' m'a dit Rubeus, - pas pour les professeurs. Ou vous croyez vraiment que je pourrais y faire de mauvaises rencontres ? Vous savez les ennuis, j'ai plutôt l'impression que c'est dans la vie réelle que ça vous tombe dessus.

La vie réelle, j'te d'mande un peu, pasque ma forêt, c'est pas la vie réelle ? Bon, moi j'laisse chacun libre de penser c'qu'on veut .

Alors j'lui dis – Ben, peut-être bien ? si c'est interdit, c'est qu'ça pourrait être dangereux.

Enfin vous, professeur Lupin, z'avez été étudiant ici, j'ai pas besoin d'vous en dire plus.

Flûte, moi qui pensais qu'il allait se trahir et me parler de tous les trucs louches qu'il héberge et bichonne là-dedans – ça m'aurait changé les idées….

Bon alors, après – a l'a fait un geste de la main, comme pour chasser des mauvais souvenirs – z'avez remarqué qu'a' bouge ses bras et qu'a' marche toout comme une sylphide, Professeur Lupin ?

Là, il se tait et attend ma réponse. Hagrid, tu a beau être à moitié géant, tu es après Dumbledore l'observateur le plus délicat et attentionné qui existe à Hogwarts. - Oui, vous avez raison.

C'est quelque chose que j'ai tout de suite remarqué, la première fois que je l'ai vue peut-être, donc avant même de tomber amoureux d'elle – incroyable que j'ai passé quinze jours avec elle sans l'aimer déjà ! comment ai-je fait ? mais j'ai mis un certain temps à me rendre compte de ce qui caractérise sa démarche - une rapidité légère, qui s'impose à l'espace autour d'elle – voilà c'est cela, elle organise l'espace autour d'elle quand elle se déplace. J'avais tout d'abord pensé ressentir cela parce que je suis son spectateur privilégié, mais non, le phénomène existe bel et bien, Hagrid est là qui en témoigne.

- Après, comme si a' voulait changer de sujet, pasque, ben, a' m'avait pas dit pourquoi elle était si en colère, mais bon m'est avis qu'a' sait bien garder ses secrets, pas du genre à en parler à tout l'monde, a' me montre ces toutes petites fleurs, jaune brillant .

Sous ces gigantesques doigts, qui écartent des herbes plus hautes, j'aperçois effectivement toute une floraison, qui n'est minuscule qu'à l'aune des mains d'Hagrid et prospère sur les berges du lac.

Je dirais qu'il s'agit de Caltha des marais, Caltha Palustris, je crois me souvenir qu'elles sont utilisées dans certaines potions.

- Et pis depuis, a l' vient souvent ici, quand y fait un peu beau, pour lire ou corriger des copies, ou p'têt' penser à son amoureux…peut-êt' ben qu'il est resté en France… - J'ai envie de lui lancer à la figure que c'est moi qui suis amoureux d'elle, et que j'espère être le seul, que je revendique l'exclusité d'Isolfe, de ses sourires et de sa démarche de reine des Sylphides.

Au lieu de cela, je suggère, très terre à terre, à Hagrid de lui construire un banc. Il est ravi, ses bras semblent déjà étreindre planches, outils, et clous.

En tout cas, je pense comprendre l'intérêt d'Isofe pour cet endroit, la perspective sur le lac est nette et puissante, et comme d'ici on se situe exactement dans l'axe de ce dernier, on en découvre toute la longueur, toute cette matière liquide disposée là pour refléter le ciel.

- Z'avez l'air (bon voilà que je me moi aussi à massacrer mon idiome natal) – je me reprends - Vous avez l'air de bien vous entendre tous les deux !

- Oui, euh (a-t-il rougi vraiment ? ) el' m'a dit un jour que j'étais quelqu'un de - je sens qu'il se concentre pour citer les termes - " infiniment plus subtil que bien des esprits cultivés " et a' m'a dit qu'y fallait que j'l'appelle Isolfe.

Il resplendit d'une fierté sans malice, et moi j'ai une nouvelle preuve qu'Isolfe sait chercher les talents au delà des apparences. Est-ce à ce titre qu'elle s'intéresse à moi ?

Mais ce qui est à débusquer en moi n'a rien à voir avec un talent !

Hagrid a repris - Mais c'est qu'nous avons le temps de faire la conversation, quand j'l'accompagne chaque mois à Hogsmead. L'aller, et pis quéques jours après le retour. Dame, c'est que Albus m'avait d'mandé d'être son guide quand elle est arrivée chez nous, bon alors c'est vrai qu'maintenant a' se perd plus trop dans le chateau, mais quand même j'continue à m'occuper d'elle comme ça…

Merde, quand je pense que c'est moi qui était prévu pour le ai-je pu refuser ?

Je préfère ne pas trop m'appesentir sur le sujet.

- Oui, j'ai cru comprendre qu'elle rentre en France, pour donner d'autres cours ?

- Pour la France, j'peux vous dire oui, vu qu'elle m'a ramené un petit souvenir (je me demande ce que ça peut être, mais poser la question serait inconvenant : la moitié non dévoilée de ce petit secret lui appartient), mais pour le reste, el' m'a bien expliqué, mais j'suis pas sûr d'avoir compris, ça a quéque chose à voir avec des " dossiers de financement " Il a repris sa voix de répétiteur chic.

- Ouais, tous les mois, mais les dates, a' sont jamais les mêmes, ses absences étaient prévues dans son contrat, mais c'est Dumbledore qua fixé les dates, ça s'décale toujours…

… il s'interrompt brusquement, il vient de se rendre compte d'une bizarrerie dont j'ai pris conscience une fraction de seconde avant lui.

- A croire que Dumbledore voulait pas qu'a' soit là à la pleine lune !

Qu'est-ce que cela veut dire ?

Dumbledore est bien sûr au courant de mes transformations, de même que Minerva, mais tous les autres l'ignorent, et le directeur d'Hogwarts ne les éloigne pas pour autant ?

Il fait suffisamment confiance à la cabane hurlante pour me contenir lorsque je me suis transformé en loup, pourquoi aurait-il prévu une protection supplémentaire – et totalement radicale – pour Isolfe, si … ce n'est que je représente une monstrueuse danger pour elle ; peut-être ma malédiction emporte-t-elle aussi un dévoiement, une perversion de sentiments et qu'un loup-garou devient dangereux à hauteur de ce qu'il est amoureux ?

Mais c'est absurdement idiot, comme Albus pouvait-il savoir ce qui allait se passer avec moi ? et d'ailleurs il ne sait rien des sentiments que je lui porte ! Alors que veut dire tout cela ?

A moins qu'elle aussi soit un loup-garou ?

Et que ces absences n'aient rien de professionnel, mais soient dictées par une nécessité aussi absolue que pour moi les séjours dans la cabane hurlante ?

Pourrions-nous nous aimer dans ces conditions ? Malédiction sur malédiction, serait-ce vivable ?

Cette idée pourrait m'ouvrir une perspective, même corrompue. Pourtant, je crois que je ne pourrais que finir par haïr une femme avec laquelle je vivrais et dont la lycanthropie m'enfermerait dans la mienne. Pas d'issue possible du côté d'une monstruosité redoublée.

Je continue à réfléchir à toute vitesse, sous le regard attentif d'Hagrid.

Non, si c'était le cas, je m'en serais aperçu, j'ai l'habitude de mes semblables mi-hommes, mi-loup, j'ai déjà fait l'expérience de la secrète connexion qui existe entre nous, nous qui savons nous flairer.

Isolfe est totalement humaine, trop humaine pour moi ! De toute façon si je m'autorise à entretenir des doutes, je connais le moyen de les lever…. Mais que cherche donc à faire Albus, serais-je vraiment plus menaçant pour elle que pour les autres ?

- Professeur, j'crois qu'vous allez manquer l'début d'vot' cours…

Je vérifie l'heure, il ne reste que quelques minutes pour rejoindre ma salle de classe, je décide tout de même de faire un détour par l'aile où Isolfe professe, c'est un terme qu'elle aime employer, l'économie muggle.

La porte de sa classe est normalement fermée, j'entends le brouhaha habituel des débuts de cours, sa voix qui interroge sa classe - Bien, au cours dernier nous avons découvert ce qu'était … donc elle est là, finalement.

Je fonce vers mes élèves. Pendant toute cette première heure, je n'aurais de cesse que d'imaginer un moyen d' éclaircir cette histoire de dates fixées par Dumbledore - et de me demander si je vais me donner le droit de la tester.

Et une fois ces interrogations mises de côté, pendant que le professeur Lupin parle d'un ton docte, qui sait parfois être drôle, et procède aux quelques réglages disciplinaires toujours nécessaires quand un auditoire compte dans ses rangs George et Fred Weasley, Remus essaie d'échafauder mille moyens pour refaire parler Hagrid au sujet d'Isolfe. Cette perspective est douce, intense, pénétrante ; un fluide autour du cœur, qui coule ensuite dans le bas-ventre.

Journal de Remus, 25 novembre

J'ai finalement décidé de procéder sur Isolfe au test du lycanthrope. Il a été mis au point au XVIième siècle, dans les Dolomites, à Sterzing, si je m'en souviens bien.

Il est d'un emploi à la fois facile et délicat, concrètement il nécessite la préparation d'une poudre transparente, la poudre versipèle – c'est l'étape un peu scabreuse, mais en l'occurrence pas de problème, j'en ai avec moi, cela fait partie de la panoplie du parfait prof de DCFM.

Il suffit ensuite de saupoudrer sur le sol où le suspecté va marcher. S'il s'agit bien d'un loup-garou, l'empreinte laissé par le marcheur n'est pas celle d'un humain, mais d'un loup.

Et la dernière caractéristique est que seuls les loups-garous peuvent l'administrer. Mis en œuvre par un humain, il se révélerait totalement inopérant, la poudre se vaporiserait en touchant le sol. Je dois dire que le loup-garou qui l'a mis au point a ouvert des perspectives de carrière intéressantes à lui même et à ses confrères. Mais hélas, les débouchés sont peu nombreux, ils sont deux actuellement au ministère de la magie, je les connais, et je sais aussi qu'il faut bénéficier de soutiens sérieux pour obtenir le poste, encore un truc qui marche au super piston.

J'ai eu à l'utiliser une fois dans un contexte non officiel, à Zlatna Podnaïa. Il n'avait pas été facile de localiser le suspect, qui devait se méfier et ne passait jamais par où je l'attendais. Le résultat s'était révélé positif, mais je savais qu'il en serait ainsi – j'avais flairé le collègue.

Peut-être un jour me ferais-je démasquer moi aussi ?

Pour Isolfe, ce sera simple, je répandrai la fameuse poudre dans le couloir qui mène à sa chambre, demain matin de bonne heure, avant qu'elle ne sorte. Le verdict sera immédiat.

Journal de Remus, 26 novembre

La poudre versipèle s'est merveilleusement étalée sur le sol, une fine couche de givre qui n'a été visible que quelques secondes, ce matin, à six heures trente.

Le piège est prêt, vais-je y récupérer une louve ou une femme ?

Je me fais l'effet d'être un vrai salaud.

Le procédé est tellement malhonnête.

Mais il faut que je sache.

Je suis allé me cacher dans une embrasure de fenêtre, à une quinzaine de mètres de sa porte. Habituellement, elle va prendre son petit déjeuner vers sept heures un quart.

A sept heures vingt, sa porte s'est ouverte, elle est sortie, enveloppée de sa robe noire et s'est mise à marcher, mettant en mouvement tout ce noir autour d'elle.

Voilà, c'était déjà terminé, elle avait traversé le piège.

J'ai attendu quelques secondes et puis n'y tenant plus, le cœur battant une douloureuse chamade, trempé d'effroi, j'ai couru vers l'endroit où j'allais apprendre si ….

Je n'ai tout d'abord rien vu, puis de vagues traces que ma vision altérée ne pouvait pas reconnaître. Je me suis mis à genoux, les yeux presque au ras du sol, je les ai fermés de soulagement, puis les ai à nouveau ouverts afin de contempler ces quatre empreintes de pied, étroites, superbement nettes, qui me disait quatre fois combien j'avais été fou de la soupçonner.

Je me suis relevé, je suis allé jusqu'à sa porte, et j'ai fait comme elle, j'ai traversé la zone piégée.

Pour la première fois, j'ai vu mes empreintes de loup, fidèlement disposées à côté de la trace de ses pieds.

J'ai fait disparaître le tout, presque à regret.

Je me suis arrangé pour ne pas avoir à lui parler pendant tout le reste de la journée, j'avais peur qu'elle voie la duplicité sur mon visage. Ou alors, j'aurais regardé ses pieds.

Bien, mais de toute façon, j'en suis toujours au même point – je suis un loup-garou, elle est une femme, je l'aime. Et je suis une menace pour elle.