Je suis très touchée par les revues qui laissent un message sur la réalité des personnages … il est vrai que je me sens plus à l'aise (enfin, c'est vite dit ! ) pour traiter des rapports entres personnes que pour exploiter toutes les possibilités offertes par le contexte magico-magique de HP …
Et je n'ai pas de maîtrise de psycho … Donc, la maturité, j'imagine que cela a à voir avec le nombre des années, je n'ai pas grand mérite.
Enfin, j'ai envie de vous dire que la situation est grave, mais pas désespérée – finalement, JXC a une structure de conte de fées…quelque peu dévoyée et inversée.
Donc merci à M'ame Rowling qui me laisse faire mes expériences sur ses personnages…
… et clin d'œil à Vincent Delerm quelques lignes plus bas…
C'est un long passage - enjoy it ! et laissez du feed-back ….
Journal d'Isolfe, 20 décembre
Je reviens sur ce que je lui ai dit de lui, " le vrai vous ", pour préciser ce que je n'ai pas osé lui dire, cette troisième personne, elle me semble en gestation, mais pourquoi est-ce en moi que je la sens affleurer ? En tout cas, je pense que mon analyse n'est pas si mauvaise, et que Remus est un homme déchiré, ravagé par un secret, qu'il ne veut – ou ne peut - partager avec personne.
Journal de Remus, 21 décembre
Aujourd'hui, suite des conseils de classe de fin de trimestre, ceux des sixièmes et septièmes années, qui clôturent la série. A Hogwarts il s'agit d'un exercice assez formel, voire mondain, puisqu' y assistent, en plus de l'équipe pédagogique, les membres du conseil d'école et un représentant du ministère, qui vient surveiller le niveau des futures promotions de deux années à venir, et que les délibérations clôturant le conseil des septièmes années sont suivies d'un dîner d'apparat, rendu d'autant plus fastueux par la proximité de Noël, servi dans une salle réservée, en dehors du regard des élèves.
Ce soir, lorsque nous aurons passé en revue toute la promotion des sixièmes années, nous aurons le droit à un " rafraîchissement dînatoire" - c'est Hagrid qui me l'a annoncé, plus rapide, mais tout aussi formel.
J'imagine que c'est pour cela que les professeurs soignent particulièrement leur apparence lors de ces réunions.
Isolfe, donc, porte une tenue sobre et somptueuse à la fois, une veste ajustée, sans col, dont les coutures, qui partent des épaules et descendent jusqu'à la taille, mettent en valeur la minceur et la souplesse de son torse, une jupe ample, longue, à panneaux, qui théâtralise sa démarche. Le tissu est d'un marron très foncé, brillant , sans être éclatant, à la texture moelleuse et épaisse. Aucun bijou, cheveux rassemblés en chignon, aucune mèche indisciplinée, seul le rouge assourdi de ses lèvres et de ses lunettes détournent l'attention vers son visage.
Albus a revêtu une de ses robes officielles, d'un orange profond, rehaussé de broderies qui, pour autant que je puisse juger de ma place, représentent ce soir la constellation du Taureau – je sais que le motif se modifie seul, mais j'ignore les paramètres qui déclenchent le passage d'une constellation à une autre - , Minerva est en tartan jaune et vert, fidèles à ses racines écossaises, Marigold en vert… gazon, un peu trop surchargé de broderies fleuries, Sybille est emballée comme à son habitude, d'un châle mêlant le mauve et l'argent, des étoiles brillantes sont fixées dans ses cheveux, Hagrid arbore son costume à chevrons, sur laquelle flamboie sa cravate orange.
Et puis je constate avec surprise que Severus est lui d'une extrême élégance, il porte une cape de satin noir rejetée nonchalamment sur ses épaules, par dessus un ensemble d'un noir profond boutonné de jais. Un grand col blanc montant achève sa tenue et lui confère quelque chose d'indéniablement imposant.
Quant à Remus Lupin il est habillé, comme d'habitude, d'une robe passablement élimée, décolorée, rapiécée. Je fais tâche, mais je m'en fiche car … je suis assis à côté d'Isolfe.
Le protocole veut que les places soient affectées par ordre d'ancienneté, Isolfe et moi étant les petits nouveaux, nous nous retrouvons tous les deux en bout de table.
Le début du conseil est légèrement retardé, car les participants extérieurs sont restés à parler avec Dumbledore à l'entrée de la salle, il semblerait d'ailleurs qu'un des membres du conseil ne soit pas encore arrivé.
Je regarde sur le côté pour essayer de comprendre comment les cheveux d'Isolfe sont noués. Elle se penche vers moi, me déclare qu'elle est ravie de nos places reculées qui vont nous permettre d'échanger quelques mots, si " tout cela dure trop longtemps et devient barbant ".
Elle me demande également, soudain tendue, de l'aider à défendre le cas de Sacha, je l'assure de mon soutien et la rassure sur ce point, Sacha est un étudiant dont les résultats sont très honorables et n'appelleront pas de remarques particulières du conseil. Elle poursuit néanmoins sur son idée.
" Snape le déteste, et Sacha lui donne tous les prétextes dont il a besoin et même celui d'être excellent quand il le veut. Snape ne lui pardonnera jamais d'avoir été intégré en sixième année, pour lui il s'agit de pur favoritisme, et c'est vrai que sur le fond c'est un peu de ça dont il s'agit.
Et ici certains sont persuadés à tort, que j'ai fait pression sur Dumbledore pour qu'il donne son accord à l'arrivée de Sacha. Normal, n'est-ce pas d'obtenir, une fois mon recrutement décidé, une place pour mon amant putatif !! Hm, vous en avez encore entendu parler ? "
Je lui réponds que non, je pense que toute cette affaire idiote est retombée, à moins que les rumeurs ne parviennent plus jusqu'à moi… ou que maintenant elles tournent autour d'une autre question - Lupin couche-t-il avec Dazurs ? Ou à l'inverse, Dazurs couche-t-elle avec Lupin ?
" C'est complètement loufoque, ces racontars me créditent d'un pouvoir que je n'ai jamais eu ! Personne ne fait pression sur Dumbledore, s'il a accepté Sacha, c'est parce qu'il a estimé que le garçon avait le niveau nécessaire, et même au-dessus, j'imagine en DCFM, vous connaissez de réputation Albrecht Septsceaux, le professeur de Beauxbatons, il est en passe de se faire recruter par l'Académie des Aurors des Taurides, et parce que Dumbledore espère ainsi lancer une expérience d'échanges d'étudiants, vous voyez, avec au moins une année à aller passer dans une autre école. Autant vous dire que tout cela ne plaît pas aux vieux barbons qui se mêlent de faire de la pédagogie ici ! "
Elle s'arrête brusquement et me demande
" Ça va, je ne parle pas trop fort ? – Non, vous chuchotez furieusement, c'est tout et Snape nous regarde … - Ah ?"
Elle se détourne de moi et jette un coup d'œil dans la direction indiquée. Et elle adresse à Severus un petit signe amical de la main. Lui lève les yeux au plafond, et c'est Sebastian qui renvoie le salut. Et là, c'est Minerva qui fronce les sourcils, gentiment.
" Quel con, on est poli avec lui et voilà ce qu'on récolte. Et en plus il fait du lobbying auprès des membres du conseil afin que ce qu'il considère comme une iniquité et surtout comme un manquement gravissime aux règles d'Hogwarts soit un des points soulevés à l'occasion de ces conseils de fin de trimestre. Comme une pierre dans le jardin d'Albus bien sûr."
La colère glisse dans sa voix un nouveau registre qui la rend sensuelle sans qu'elle s'en aperçoive, alors même qu'elle continue à chuchoter, les mains tranquillement posées sur ses dossiers. Par contre, ses pieds s'agitent sous la table, à coups de tressaillements nerveux, ils frappent le sol, sans bruit, et transmettent leur mouvement à ses jambes. Est-ce pour cela que soudain son genou gauche vient frapper le mien ? Isolfe s'excuse.
" Je ne vous ai pas fait mal, j'espère ? " Ses pieds s'immobilisent, elle jette un coup d'œil vers la porte, où Albus et Hugues Moody-Stuart, l'envoyé ministériel, continuent à deviser. Moi, je rêve que sa jambe est restée contre la mienne, apaisée et familière, telle une jumelle. Bref, elle me parle de sujets graves et légitimes, et je suis prêt à ne pas lui ménager mon soutien, mais pour le moment, ce si bref contact entre nos genoux a réveillé mon désir et je ne pense qu'à … baiser.
Allez, vas-y, Lupin, emploie ce mot, si ça te fait plaisir, une satisfaction dérisoire que tu m'accordes, utiliser les mêmes mots que les autres, un mot dont la crudité pourtant te défend sans doute de trop t'interroger sur l'avenir de ce désir. Baiser, tirer un coup, cela ne porte pas à conséquence, ne parle pas d'engagement.
N'est-ce pas ce que je voulais faire avec Nadiejda ? Et après tout, pourquoi pas ? Si jamais elle me laissait entendre que c'est ce qu'elle attend de moi, je serais bien obligé de regarder en face cette réalité-là ? Pourquoi assumer la folie de penser que je pourrais lui dire non ? Et là, elle n'aurait pas besoin de savoir qui je suis ?
" Enfin, j'espère que Sacha va se tenir à carreau et ne pas se lancer dans la provoc' gratuite. Vous savez, c'est un slave, qui se veut flamboyant, alors la réserve britannique de bon ton, c'est pas trop son truc. Je sais que son père lui a demandé de ne pas faire d'esclandre mais je doute que Sergueï Nicolaevitch ait jamais disposé d'une quelconque autorité sur lui… en fait, ses parents comptent beaucoup sur moi pour le responsabiliser en tant que prof et amie de la famille. Donc si Sacha déraille, je serai responsable sur les deux plans… j'aurai failli à ma double mission. Vous comprenez pourquoi je suis légèrement anxieuse ? - Légèrement seulement, vous êtes sûre ? Mais rassurez-vous, j'aurais plein de choses positives à dire sur lui. "
Elle ne répond pas. Je regarde mes autres collègues, lassés d'attendre, tous se sont mis à parler deux à deux.
Soudain, j'entends Isolfe me demander " Parlez-moi du déroulement de ces conseils, quand vous les viviez en qualité d'étudiant . Est-ce que vous les appréhendiez ?
- Et bien, oui , j'étais mort de peur, surtout pour le premier bien sûr.
- Ah, vos résultats étaient si terriblement mauvais ? J'en serais fort étonnée…
- Non, mes notes étaient correctes, parfois même bonnes, mais … et bien vous savez j'étais un jeune garçon assez impressionnable et… "
J'ai failli lui dire que j'étais terrifié à l'idée que le conseil de classe pût avoir découvert ma nature de loup-garou et me signifiât séance tenante mon expulsion. Je ne sais pas si Dumbledore aurait eu assez de poids pour s'y opposer.
J'ai fermé la bouche à temps, mais j'ai l'impression que ma confession se débat et tambourine contre mes dents pour me contraindre à la laisser s'échapper. (Oh, peut-on faire que deux bouches se cognent l'une à l'autre par inadvertance, comme tout à l'heure nos genoux ?). Ce secret que j'ai toute ma vie mis tant de soin à préserver, voilà que maintenant je ne sais plus quoi en faire. Et si c'était la seule chose que j'ai le droit de partager avec elle ?
" et ?
- et voilà, mais de conseils en conseils j'ai appris à maîtriser cette appréhension. Mais j'ai continué à trouver particulièrement pervers le fait que les professeurs se mettent sur leur trente et un pour juger leurs élèves.
- Et maintenant, vous êtes de l'autre côté, et vous vous apprêtez à juger.
- Mais vous remarquerez que j'ai laissé de côté la tenue d'apparat " . Elle regarde mon vêtement, me sourit – un sourire à me faire accepter de n'être plus vêtu de haillons jusqu'à la fin de ma vie.
" Quelle importance ? " Et puis, soudain malicieuse " Vous me servez de faire-valoir…"
Soudain la porte de la salle est ouverte, Filch, échine obséquieusement arrondie, introduit Lucius Malfoy. Isolfe me murmure " Mon Dieu, il semble que nous ayons tiré le bon numéro. Je vous parie que cette espèce de fichu snob ne va même pas daigner s'excuser ! "
Je lui réponds sur le même mode chuchoté, qui m'impose la tendre obligation de me pencher vers elle, lèvres contre joue, lèvres joue, pas même l'espace d'un mot entre nous, lèvrejoue, même plus une molécule d'air entre nous. Cela nous arrivera-t-il un jour ?
" Moi, le lui pardonne d'avance ce retard qui m'a permis de parler avec vous. " Elle rit un peu, mais je sens que la présence de Sir Malfoy la met mal à l'aise … et qu'elle n'a pas vraiment prêté attention à ce que je viens de lui dire.
Encore une fois je m'émerveille de la césure entre le temps de l'action et celui de la narration, le temps public, ce mouvement à peine esquissé vers elle et déjà terminé, et l'écriture de ce mouvement, que je peux prolonger à loisir, le temps intime et prismatique, éclaté, recomposé et fantasmé.
Dumbledore présente ses deux hôtes, c'est le terme qu'il a employé, au reste du conseil, dont tous les membres se sont levés ; Lucius Malfoy et Hugues Moody-Stuart prennent place l'un à côté de l'autre, sur une des petits côtés de la grande table rectangulaire, alors que nous, les professeurs, sommes installés sur un des grands côtés. Les élèves viendront à tour de rôle, se placer en face de nous.
Je vois le regard de Lucius passer en revue tous les participants, presque comme s'il inspectait les gens de sa maison. Ses yeux se fixent sur Isolfe, l'a-t-il déjà vue ? et la détaillent en toute indiscrétion, son visage, son cou, ses seins. Je suis également persuadé qu'il évalue son vêtement.
Quant à moi, le dernier de la rangée, la portion congrue, je ne vaux pas plus d'un quart de battement de ses précieuses paupières.
Pour ce qui est de Moody-Stuart, , un petit homme au crâne dégarni et au regard indécis, il me fait l'effet d'être un vieux schnock complètement à la masse.
Dumbledore prononce quelques mots d'introduction, il parle essentiellement des nouveautés du premier trimestre, activités extrascolaires et cours d'économie muggle, assuré " par notre charmante économiste, le professeur Isolfe Dazurs ".
Hugues Moody-Stuart semble émerger d'une profonde rêverie, ou d'une profonde stupeur, il regarde dans la même direction que Dumbledore et tous les autres, mais son regard, mal calibré, arrive sur moi. Il a l'air surpris et décide que le prénom Isolfe, pour original qu'il soit, ne doit pas être masculin. Ses yeux passent à ma droite, trouvent enfin ce qu'il cherchaient, il incline la tête très cérémonieusement. Je devine, à côté de moi, Isolfe réprimer son envie de rire. Les yeux de Lucius reviennent sur Isolfe, cette fois-ci, elle le regarde, ils s'échangent, lui sa morgue, elle sa dureté.
Et Hagrid va chercher le premier élève, John Abastown, un Hufflepuff, ni mauvais ni bon dans ma matière, je jette un coup d'œil sur la fiche qu'Isolfe vient de prendre dans un dossier intitulé " Sixièmes années ", à côté d'une série de notes, je lis " non spécialisé, résultats corrects, un peu mou ". Ma fiche dit à peu près la même chose.
Dumbledore a lui aussi sorti un dossier, il se met à le lire, comme s'il s'agissait du roman le plus passionnant de l'année. Puis, comme John a choisi de se spécialiser en herbologie, ce qui veut dire qu'il a maintenant 20 heures de cours par semaine dans cette matière, c'est Marigold qui prend le relais de Dumbledore.
Elle s'en déclare satisfaite, et lui demande simplement de ne pas tarder à choisir le thème de son mémoire de fin d'année. Ce fameux mémoire de sixième année est en fait un travail de recherche, assez mal calibré à mon avis, et qui demande environ trois mois de travail.
De ce fait, la plupart des étudiants s'y mettent au mois d'avril, après les vacances de Pâque, et il n'est pas rare que les dits mémoires soient terminés en catastrophe, et remis au tout dernier moment (encore que je soupçonne Miss Granger d'avoir déjà commencé à se documenter, car bien évidemment elle a déjà choisi son sujet).
Minerva prend la parole à son tour, pour insister sur ce point, annonçant que le conseil pédagogique réfléchit à une sanction adéquate pour tout jour de retard. Hugues Moody-Stuart émet un " Très bonne, excellente idée " sur un ton un peu trop tonitruant, comme s'il voulait dissiper tout soupçon d'éventuel endormissement.
Isolfe écrit sur un papier blanc, qu'elle fait légèrement glisser de mon côté, " Incroyable, il suivait ! ", je décide de répondre de même, et inscrit sur une de mes feuilles " Et oui, j'ai connu des gens qui savent écouter tout en dormant - quel gain de temps ". Elle reprend son stylo bleu " ah ah ".
Je sais que si nous devions nous regarder, nous éclaterions de rire. Et que je retrouve le grande de joie de partager un rire complice avec quelqu'un, comme avec elle déjà il y a quelques jours, lorsqu'elle imitait Snape. Dumbledore demande si l'un de nous souhaite ajouter quelque chose, personne ne réagit, il adresse maintenant la même invitation à John qui n'a rien non plus à dire. Le directeur le prie alors de sortir, et de faire rentrer l'élève suivant.
Je regarde ma montre, nous aurons consacré quatre minutes au premier, à raison de 40 étudiants par année, nous sommes partis pour environ trois heures de conseil. Nous avons commencé à 16 h 20, bon, nous devrions avoir fini vers 20 heures. Demain les septièmes années, ce qui prend toujours plus de temps, car le conseil interroge chacun sur ses souhaits professionnels, et nombre de ceux qui ont choisi l'administration se lancent dans une tentative de séduction de l'envoyé ministériel. Je réprime une nouvelle envie de rire, me demandant quelle stratégie il faudra retenir pour faire en sorte d'introduire son nom et ses mérites dans le cerveau de Hugues Moody-Stuart. Je n'ai pas dû dissimuler mon hilarité si bien que cela, car je vois Isolfe écrire " C'est drôle ? vous me raconterez … ".
Le deuxième élève sur la liste me concerne plus directement. Il s'agit de Mynia Aureston, une Slytherin qui a choisi de se spécialiser en DCFM, alors que tout au cours de ce premier trimestre, elle a aligné de médiocres résultats avec une belle constance. C'est Gilderoy qui lui a mis cette fausse bonne idée dans la tête l'année dernière, encore un des errements de mon prédécesseur que je dois gérer cette année.
Mais évidemment, c'est une Slytherin et donc elle revendique comme son droit le plus intangible le fait d'avoir choisi cette matière, tellement magique. La matière Janus, ai-je un jour dit à Isolfe, où la défense peut se dévoyer si rapidement en agression. C'est pour cela que j'ai introduit une partie intitulée " Ethique de l'utilisation des forces du mal ", avec la totale approbation de Dumbledore. Mais je m'attends à être titillé, si ce n'est attaqué, sur ce point par Lucius Malfoy.
Dumbledore nous donne lecture du dossier de Mynia et m'invite à faire mes commentaires. J'essaie d'être le plus juste, le plus impartial possible, mais je ne peux que conclure en soulignant que Mynia devrait s'orienter vers une autre spécialisation. Ma matière est très particulière, il ne suffit pas de maîtriser des techniques, il faut également être doté de la force d'âme suffisante pour se confronter, s'exposer aux forces du mal sans y succomber, bref il faut disposer d'une solide " structure " mentale et morale. Et je n'ai jamais senti cette claire frontière en elle.
Je suggère la divination " Vos résultats dans cette matière sont tout à fait bons (en fait ils ne sont que moyennement corrects, mais j'ai envie de l'aider à trouver la meilleure orientation possible). Sybille reste muette, bon sang, a-t-elle l'esprit aussi fumeux que toutes ses foutues prévisions ? Apparemment, elle n'a jamais saisi le côté technique, pédagogique de son métier ! Ou aurait-elle vu dans sa boule de cristal que l'avenir professionnel de Miss Aureston n'est pas, justement, dans une boule de cristal. Ah ah, alors qu'elle nous dise ce qu'elle a vu, ce sera bien la première fois que ces fumisteries serviront à quelque chose !
Minerva se tourne, interrogative, vers Sybille, Snape me lance un regard furieux, il doit penser que je viens d'apporter la preuve de mon incapacité à assurer le cours de DCFM, et donc d'évaluer correctement les aptitudes des étudiants de cette matière. Mynia est toute pâle, elle lance des regards appuyés à Lucius Malfoy.
Isolfe a écrit " Désolée, je ne peux rien faire, elle ne s'intéresse absolument pas à mon cours ". Devant le silence qui se prolonge péniblement, Dumbledore se tourne vers Mynia.
" Bien, bien Miss Aureston, que pensez-vous de tout cela ? Le professeur Lupin semble suggérer que vous devriez revoir votre choix. Souhaitez-vous aller dans ce sens ? Ou alors, si vous maintenez votre résolution, êtes-vous prête à fournir tous les efforts nécessaires pour arriver au niveau requis ?
Evidemment j'aurais dû être plus positif tout à l'heure et lui proposer cette alternative, mais je maintiens qu'elle manquera toujours de la force de caractère nécessaire pour ne pas se laisser dépasser par la matière.
" Je ne comprends pas ce que me reproche le professeur Lupin, l'année dernière le professeur Lockhardt m'avait pourtant dit que je possédais toutes les qualités requises pour réussir une spécialisation… " Elle a parlé d'un ton arrogant, en regardant alternativement Snape et Lucius et en m'évitant soigneusement.
Malfoy se décide à parler, il a attendu le temps qu'il fallait pour intervenir en tant qu'arbitre dans le débat, je doute néanmoins de son impartialité, je suis même sûr qu'il va s'employer à me descendre, d'une manière ou d'une autre.
" Et je suis sûr que si le professeur Lockhardt était encore parmi nous cette année, lui ou un autre professeur de grand mérite – regard et sourire en direction de Snape, dont les yeux exultent, je vois les mains d'Isolfe se crisper et … je sens son pied me donner un petit coup d'encouragement – son opinion sur vous, cher Miss Aureston, serait exactement la même que l'année dernière. Je ne vois dans vos résultats rien qui ne s'oppose à votre … - il laisse sa voix en suspens et prononce le mot avec gourmandise, en me regardant brutalement - … vocation. "
Je reçois le mot comme un coup sur la tête. Quelle impudence, une vocation ! A-t-il la moindre idée de ce que cela peut être réellement, lui, l'aristocrate dilettante, conçoit-il ce qu'une " vocation " peut avoir de contraignant et même de besogneux ! Je suis révolté,
" C'est moi, essentiellement moi, qui puis donner un avis autorisé sur un étudiant, et non pas un membre extérieur au conseil, qui ne connaît pas dans le détail le parcours des élèves à qui il discerne des satisfecit" . Je viens de m'entendre prononcer ces derniers mots (je lui ai fait grâce du " révolté ", mais le reste y est). Il est surpris, mais se contrôle suffisamment pour ne rien en laisser paraître. Snape est hors de ses gonds, Minerva et Dumbledore me sourient imperceptiblement, pendant une petite seconde, la main d'Isolfe est posée en bas de mon dos, cinq pressions de cinq doigts amicaux (ou ? ) et une insolence cachée destinée à l'Honorable Lucius.
Dumbledore me remercie de la franchise de mon propos, et de sa justesse – il insiste très nettement sur le mot, en faisant aller son regard de moi à Lucius, Hugues Moody-Stuart, que mon ton emporté a dû réveiller s'écrie " Excellent , excellent ", m'apportant ainsi un soutien officiel, si ce n'est véritablement conscient.
En tout cas, je vois Mynia Aureston se mettre à me détester, je vois le ressentiment apparaître dans ses yeux, enfler et en déborder. Quant à Lucius Malfoy, il reste le regard dans le vague, comme s'il se désintéressait tout d'un coup de la question et que les conseils de classe étaient la chose la plus ennuyeuse au monde. Dumbledore signifie à Mynia que nous en restons pour ce soir, et lui propose que lui, elle et moi nous revoyons tous trois sur ce point en fin de semaine. Merci, Dumbledore, tu viens de faire sortir en douceur Malfoy du débat.
Isolfe écrit " Bravo, il voulait vous tester, et prendre votre mesure … et l'a trouvée. Excellent, comme dirait HMS. "
Snape, qui ronge son frein depuis tout à l'heure, voit dans notre manège un prétexte pour exploser, mais à la Snape, c'est à dire d'une voix froide et sarcastique, ce qui est beaucoup plus impressionnant.
- Professeur Dazurs, vous pourriez avoir la politesse, que dis-je, la décence, de faire au moins semblant de vous intéresser au déroulement de ce conseil ! Vous qui mettez l'engagement pédagogique au dessus de tout, pourriez-vous nous renseigner sur la nature de l'absolue nécessité qui vous pousse à prendre on ne sait trop quelles notes. Et, si j'en crois mes yeux, votre voisin à l'air de suivre de près le résultat de vos élucubrations. "
Les lèvres d'Isolfe forme un mot silencieux que je parviens pas à décrypter. " Il est vrai que votre matière, comment est-ce déjà, ah oui l'économie - il prononce le mot de façon hésitant et dégoûtée, comme s'il s'agissait d'une incongruité exotique, inconnue de toute notre assemblée - ne semble pas avoir été choisie comme spécialisation par beaucoup d'étudiants de cette respectable école. "
- Voyons professeur Snape - Minerva est à bout de patience et a pris la voix sibérienne qui lui est habituelle dans de telles occurrences.
" N'avez pas vu que nous sommes plusieurs autour de la table à prendre des notes, nous qui prenons notre travail de professeur à cœur… - j'ai l'impression qu'elle vient de jeter un bloc de glace juste devant lui. Quant à l'économie, il semble justement que ce soit la matière favorite de Julian Borland, nous allons donc écouter le professeur Dazurs. "
Hugues Moody-Stuart sursaute, et regarde attentivement Isolfe et ses yeux, je pense qu'il vient de faire la connexion avec son nom et se demande pourquoi ses iris ne sont pas bleus. Je suis subitement jaloux de lui, pour ce moment précis où il a vu ses yeux.
Julian Borland fait son entrée, Ravenclaw, bon élève, travailleur régulier, avec de temps en temps une touche indéniable de brio. Il s'assoit, un peu trop rapidement, s'en aperçoit, s'apprête à se relever, mais Dumbledore lui fait signe que non. Filius Flitwick lui sourit, Dumbledore donne lecture des résultats et passe la parole à Isolfe. J'imagine qu'elle en dit du bien, car il affiche l'air modeste et satisfait du bon élève dont les mérites sont pour une fois extraits du labeur quotidien et présentés à la reconnaissance officielle.
Moi, je me concentre sur la voix d'Isolfe, en essayant de ne perdre aucune de ses vibrations et d'en détourner la propagation à mon seul bénéfice et du coin de l'œil, j'épie le léger battement de sa respiration, la courbe mobile de son sein gauche, visible sous le bras posé sur la table, comme une tentation sur laquelle mes yeux reviennent sans cesse, sans pouvoir s'en départir. J'entends soudainement Julian déclarer au conseil qu'il aimerait bien travailler chez Follows and Moore – pour moi, c'est comme s'il envisageait de faire carrière sur Mars au quarantième millénaire !
Il semble que ce soit également le cas de Snape qui lui demande, toujours moitié méprisant, moitié dégoûté, de "préciser à l'usage des non – initiés" – il émet un petit rire ironique, comme si nous n'avions pas compris que pour lui, les "non-initiés" en économie sont des gens hautement recommandables, se gardant soigneusement des folies de la modernité, ce que peut bien être Follows and Moore.
Julian hésite, se tourne vers Isolfe, qui l'encourage à donner davantage d'explications sur son projet professionnel. Réconforté, il se lance, avec un zélé enthousiasme de disciple. J'arrive à comprendre que Follows and Moore s'occupe de transactions financières internationales. Je remarque que, hormis Severus et Sybille, nous tous écoutons attentivement, moi le premier, comme si nous découvrions une nouvelle dimension, à laquelle nous allions devoir nous habituer.
Dumbledore arrête néanmoins l'exposé de Julian, en lui déclarant tout ceci extrêmement intéressant – et connaissant Dumbledore, je sais qu'il le pense réellement et qu'il voit confirmer la justesse du choix l'ayant conduit à introduire à Hogwarts cette nouvelle matière. J'écris à l'attention d'Isolfe " Jury conquis !", elle me répond " oh, vous croyez ? " et aussi " combien d'élèves encore avant Sacha ?".
Je repense aux peurs dont elle m'a fait part tout à l'heure, même si elle n'est pas - officiellement - directement concernée par cet étudiant atypique. J'abandonne la communication écrite, profitant du flottement déclenché par la sortie de Julian et l'entrée du nouvel élève, je me penche vers elle " Encore 14, pas la peine de déjà vous en faire, et puis … je serai là. " Elle me répond, sans bouger la tête (qu'espérais-je ? qu'elle allait se pencher elle aussi, et que nous serions front contre front ?) " Oui, vous serez là. " Je n'arrive pas à dire si elle a mis dans ces mots plus que la constatation d'un simple état de fait.
La suite du conseil se déroule plus rapidement, serait-ce que les étudiants qui se présentent maintenant offrent moins du sujets de discussion ou que le conseil a senti qu'il fallait accélérer l'allure pour terminer dans un délai raisonnable ? Deux élèves ont choisi de se spécialiser en DCFM, mais cette fois-ci, je n'ai aucune objection à faire, je sais qu'ils en ont la capacité. A chaque fois que j'interviens maintenant, Lucius abandonne l'air ennuyé qu'il arbore depuis notre accrochage et me scrute attentivement. Mais impossible de savoir quelles conclusions il tire de son examen. Isolfe intervient aussi, trois élèves ont choisi sa spécialité, le classement alphabétique fait qu'ils passent à la suite l'un de l'autre, ce qui fait dire à Dumbledore que "les rangs des économistes, encore clairsemés dans notre monde, sont en train de s'étoffer rapidement". Isolfe sent-elle une légère pique dans ce constat – elle est pleinement consciente du fait que son enseignement n'a pas encore gagné sa pleine légitimité à Hogwarts – ? toujours est-il qu'elle précise combien elle met en garde constamment ses étudiants contre la tentation de renoncer aux valeurs " de notre monde" et sa voix insiste sur ces mots même que Dumbledore a choisi.
A la façon dont il sourit, en inclinant délicatement la tête dans sa direction, je sens qu'elle a marqué un point, mais elle ne s'en est pas aperçu. Marquer des points ne fait pas partie de ses motivations.
Une épisode amusant avec le passage de Constance Kleevy, qui a choisi les sciences de la divination. Je suis sûr que Mac Go attendait l'occasion, et elle s'est donné du bon temps à pousser Sybille dans ses retranchements – à coups de pattes de chat ! - et à lui demander, si oui ou non Miss Kleevy avait eu raison d'opérer un tel choix.
" Certainement, Miss Trelawney, les astres ou les lignes de la main de votre élève, ou les vapeurs de votre boule de cristal ont bien dû hm rendre leur oracle ? "
La façon dont elle a prononcé "vapeurs" ne laisse subsister aucun doute sur le fait qu'elle les situe plus dans le cerveau de sa collègue que dans une quelconque boule de cristal… Isolfe écrit
"Apparemment, Sybille ne sait pas prévoir les attaques de félin ! ". Pas d'autre solution que de me mettre à tousser pour étouffer mon rire dans une quinte. Non, en fait, j'aurais pu aussi me moucher… Sybille se décide enfin à ouvrir sa bouche de pythie, je dois dire que nous sommes tous rivés à ses lèvres. J'entends Vector et Filius qui se mettent également à tousser. Mais son augure se relève finalement bien terre à terre.
" Voyons, certes, les résultats de Miss Kleevy justifient tout à fait une telle orientation, et vraiment, je ne vois rien à dire de plus ". J'avoue que j'aurais pu en dire autant… et j'écris " pouvait pas marcher, manquaient les transes sacrées ". Isolfe lit et se met à tousser.
Marigold commente, le plus factuellement du monde " Et bien et bien, j'ai l'impression qu'un mauvais air traîne par ici " ….
Constance Kleevy quitte la salle, et c'est Sacha qui vient la remplacer.
Il entre de façon tout à fait normale, instinctivement Isolfe rectifie sa position et baisse ses épaules, puis se fige dans une rigoureuse immobilité, c'est à peine si je l'entends encore respirer. Sacha attend que Dumbledore l'ait invité à s'asseoir et fait passer ses yeux sur chacun d'entre nous, d'un air qu'on pourrait qualifier de gourmand, comme s'il s'attendait à des passes d'armes à son sujet.
" Bien, Sacha, vous avez donc choisi de vous spécialiser en histoire …" Il se tourne vers Binns qui entreprend une lévitation de faible ampleur au dessus de son siège afin d'adresser un signe de tête à son directeur. Il a l'air plus perturbé que ravi, en fait, Minerva m'a appris que le cas ne s'était pas produit depuis 10 ans.
" Pourriez-vous nous éclairer davantage sur vos motivations ? " Quelle entrée en matière, Albus, si j'étais Binns, je me vexerais !
" Et bien, l'histoire de la magie mène à tout, y compris à la carrière diplomatique. A condition, bien sûr, de ne pas se focaliser sur les gobelins et d'élargir ses horizons. "
Je doute que Binns ait saisi, mais certains autres oui, et ils (moi y compris), travaillent dur à réprimer leur envie de rire. Mais Isolfe s'est encore raidie. Albus le remarque, il lui adresse un signe réconfortant et commence la lecture des résultats de Sacha.
En fait son palmarès est plus qu'honorable, sauf en potions. Et c'est là le but de Sacha, tel qu'il m' en a fait la confidence un soir où nous nagions ensemble : atteindre un niveau correct dans toutes les disciplines, sans avoir à y mettre trop d'énergie quand même, afin d'avoir la paix. Apparemment il aurait raté son coup avec Snape, à moins qu'il n'ait délibérément choisi la stratégie d'affrontement avec ce professeur là, un exutoire pour la flamboyance dont Isolfe me parlait – auquel cas, c'est Severus qui se ferait manipuler ! J'ai presque hâte de l'entendre assener ces commentaires.
Albus vient de se tourner vers Binns, qui n'a pas l'air de trop savoir comment s'y prendre, il faut dire que cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps, ce que m' a confirmé Minerva, encore incrédule.
J'ai beau me concentrer attentivement, je ne capte pas grand-chose de ce que Binns raconte, de la véritable bouillie pour les chats. Je compatis au malheur des élève qui le subissent et me demande comment Sacha supporte toutes les heures qu'il passe avec lui. En tête à tête d'ailleurs, puisqu'il est le seul spécialiste, mais peut-être Binns est-il plus convaincant dans l'intimité ? je rattrape un rire d'extrême justesse. Isolfe ne réagit pas. Dieux du ciel, ma splendide, ne prends pas ça trop à cœur ….
Minerva intervient pour recommander à Sacha davantage de ponctualité, davantage de rigueur , de régularité et de motivation.
" J'ai l'impression, et je sais que ce sentiment est partagée par d'autres de vos professeurs, que vous ne donnez votre pleine mesure dans les autres matières que lorsqu'il s'agit de décrocher suffisamment de points pour "que ça passe", et lorsque vous vous êts assuré d'une certaine marge de manœuvre, vous avez une tendance certaine à relâcher votre effort. "
Marigold, Vector approuvent, Flitwick ajoute que Sacha excelle par intermittence, enfin Snape lâche que les résultats de Monsieur Liouboutkine sont détestables, et que cet étudiant obtient des résultats aussi ternes que son chaudron, auquel bien sûr il n'accorde aucun soin. Isolfe, lui coupant presque la parole, intervient et déclare d'une voix, désincarnée à force d'être contrôlée, que les notes obtenues par Sacha dans son cours sont très régulièrement satisfaisantes et révèlent une bonne implication dans la matière. Sacha écoute ces commentaires d'un air faussement repentant et subitement prend la parole pour expliquer qu'un bon diplomate se doit de comprendre les phénomènes économiques, qui ne sont pas sans conséquence sur les relations entre les diverses communautés. Je vois Isolfe sourire, soulagée et amusée, elle remercie Sacha de présenter, devant cette assemblée, l'économie sous un éclairage aussi flatteur et indispensable.
J'écris " Il faudra que vous m'expliquiez où est l'indispensable ? ". Je m'accorde une infime pause et je complète la phrase " A part vous, j'ai du mal à voir …"
Quel sens va-t-t-elle donner à ma phrase : trait d'humour ou confession ? Pas de réponse de sa part. Et c'est à mon tour de prendre la parole. Et comme promis, je vais en parler en bien, sans que j'ai besoin de trop enjoliver, d'ailleurs.
" Sacha est un élève appréciable, d'un bon niveau et qui donne beaucoup à la classe. Il nous apporte, je dis nous, c'est à dire à moi comme à ses condisciples, un éclairage différent sur certains points du programme, même si c'est parfois de façon peu académique (ça, ça veut dire que parfois il me fout un gros bordel en cours, mais Isolfe m' a demandé de l'aider, je ne vais donc pas être trop explicite…) C'est un véritable enrichissement… je veux dire avoir des élèves qui n'ont pas tous le même cursus (là je pense que tout le monde aura compris ma profonde satisfaction d'en avoir un qui n'ait pas été massacré par Lockhardt) - à tel point que je l'ai demandé à Sacha de participer à certains groupes de travail des spécialistes de septième année.
Snape m'interrompt
" Il est vrai que Beauxbatons, d'où Monsieur Liouboutkine nous a été bombardé, a su se doter d'un excellent professeur, le très célèbre Albrecht Septsceaux et le garder…"
Je ne sais pas trop à qui s'adresse cette remarque dont l'intention est clairement désobligeante – soit à la direction d'Hogwarts, incapable de trouver un prof qui tienne plus qu'une année, soit à moi qui suis très loin de l'idée que ce cher Severus se fait de l'excellence professorale.
Isolfe écrit " C'est ce qui s'appelle faire d'une pierre deux coups. " Elle repousse la feuille devant moi et se met à parler " Je voudrais rebondir sur ce que vient de dire mon collègue, à savoir que nos enseignements auraient tous à gagner à accueillir, sur une base euh formalisée, contractualisée, des élèves en provenance d'autres établissements, et bien sûr nous serions prêts à y envoyer les nôtres…"
Snape, de façon prédictible, lance sa riposte " Puis-je faire remarquer à mes collègues qu'un conseil de classe n'est pas le lieu pour faire du lobbying en faveur d'une orientation pédagogique dont, au demeurant, on peut se demander si elle n'est pas qu'une simple lubie importée.
Malfoy hoche nochalamment la tête, je guette une réaction favorable de la part de Moody-Stuart, mais RAS de ce côté là.
Dumbledore va donc arbitrer notre escarmouche - Dazurs Lupin vs Snape Malfoy.
" Je vous accorde que cela ne fait pas partie de nos missions de ce soir, néanmoins il est toujours intéressant de recueillir les avis du terrain, si je puis dire. Nous savons tous que les instances officielles sur lesquelles nous nous défaussons du soin de prendre les décisions qui nous concernent, sont souvent un peu éloignées de la pratique réelle. "
J'écris devant Isolfe " J'espère que les technocrates ici présents auront compris le message et vive le terrain ! "
Elle me reprend la feuille et complète " Facile de retenir Septsceaux, vous voulez savoir combien il est payé ? ", puis renvoie le papier vers moi d'une pichenette bien ajustée ! Cette fois-ci, j'emprunte son stylo bleu et or pour répondre " Non, ça me ferait trop mal…." Elle lit par dessus ma main et me chuchote " Comme vous voulez, mais sachez qu'il y a beaucoup de zéros… "
Entre-temps, Sacha quitte la pièce, et nous voici à nous occuper des cas suivants, dans une sorte de bourdonnement fatigant.
Enfin le conseil est achevé, mais pendant toute cette dernière partie, en fait depuis le passage de Sacha, j'ai eu l'impression qu'Isolfe était devenue totalement indifférente à ma présence, nous avons bien eu quelques échanges "techniques" à propos d'une étudiante, mais la complicité entre nous s'était évanouie. Je me maudis d'avoir écrit cette fichue phrase, je suis sûre que c'est à cause d'elle, qui est venue la frôler de trop près, qu'Isolfe s'est rétractée. Je suis infiniment furieux contre moi, je contemple l'espace vide en dessous de la dernière réplique écrite qu'elle a écrite
" Apparemment Sybille ne sait pas prévoir les attaques de félin ",
insupportable et blessant comme une rebuffade injustifiée.
Après une ultime revue de tous les sixièmes années, qui nous permet de nous mettre officiellement d'accord sur le contenu du commentaire à porter dans le dossier de chacun des étudiants, nous abandonnons la pièce rapidement, heureux de mettre fin à cette atmosphère de huis clos et de nous retrouver dans un contexte moins formel. Dumbledore nous donne rendez-vous dans une demi-heure , dans le salon privé qui jouxte la grande salle, où j'imagine que le dîner est déjà servi. Je ne suis pas mécontent d'échapper, pour une fois, à ce rituel.
Isolfe, qui sortait devant moi, j'échappe rapidement vers son bureau, je choisis donc de déposer mes affaires dans mon appartement, je ne veux pas lui donner l'impression de la suivre.J'ai décidé de ne plus l'importuner et de me tenir à l'écart.
Pourtant, nous nous retrouvons devant la porte du salon, je m'efface pour la laisser passer, ce qui me vaut une très cérémonieuse inclinaison de tête, et une ébauche de sourire, dont l'ironie, à peine esquissée, se transforme en repentir.
Severus est déjà là, dans l'embrasure d'une des deux grandes fenêtres, à demi dissimulé par les obscurs rideaux de velours ciselé. Au bruit de notre entrée, il se retourne lentement, méticuleusement. Son visage s'anime quand il nous voit tous deux, les yeux excités et mauvais de celui qui vient de découvrir la possibilité d'un mauvais coup que sa force maligne va transformer en affrontement victorieux. Il examine soigneusement le vêtement d'Isolfe et la complimente sur la distinction de sa tenue " Sobre et raffinée, comme vous ma chère. " Il fait un pas dans sa direction et s'incline galamment.
"Mon cher Severus, croyez que ma vanité est extrêmement flattée de recevoir ce compliment, provenant d'un homme dont le costume, c'est du grain de poudre, je crois, et de la laine la plus fine qui soit, cachemire ? alpaga ? nous renseigne sur l'excellence du goût. "
Elle lui décoche un sourire magnifique, tandis que ses yeux scrutent de façon appuyée les détails du costume de Snape.
Je suis resté en arrière, inutile figurant de cette scène de séduction mondaine. Au mieux puis-je servir de faire-valoir, comme Isolfe l'avait suggéré. J'ai l'impression qu'elle va s'avancer vers lui, et poser la main sur le tissu pour en apprécier la finesse, poser sa main sur le torse de Snape. Pourtant, elle reste immobile, comme si elle attendait tranquillement ce qui va se produire. Je m'aperçois alors qu'elle a compris avant moi où Snape voulait en venir, et maintenant cela m'apparaît tellement clairement, les gens qui choisissent de faire le mal plutôt que le bien sont tellement prédictibles…
Je fais un pas à mon tour, j'avance vers lui l'objet des critiques à venir, ma pauvre tenue décrépite. Snape répond immédiatement à ma sollicitation, mais avant qu'il n'ouvre la bouche, je sais qu'il a déjà perdu, que les mots durs et rudes qu'il va m'envoyer au visage vont déclencher le mépris et la colère d'Isolfe, froide et cachée. Elle ressemble tellement à Minerva sur ce point, toutes deux possèdent au même degré le même sens aigu de l'injustice.
" Professeur Lupin, comme vous êtes décevant, comme vous faites montre de peu de savoir-vivre, pour ne même pas parler de reconnaissance… je ne suis pas sûr que vous ayez la moindre idée de que cela peut vouloir dire. Ne voyez-vous pas que vous mettez Albus, et derrière lui, toute l'institution d'Hogwarts, dans une situation terriblement embarrassante vis-à-vis de nos hôtes, habillé comme vous l'êtes "
il agite mollement une main dégoûtée dans ma direction, comme si je ne méritais même pas l'énergie qu'il devrait mobiliser à pointer un doigt rigide vers moi, ou à brandir un poing fermé sous mon nez.
" J'avais bien prévenu Albus que vous n'aviez aucun sens des convenances, sans cela comment auriez-vous pu seulement penser à accepter un poste dans une si prestigieuse école ! Et ce soir, vous causez un dommage irréparable à notre établissement, n'avez-vous donc pas vu l'air choqué de Lucius Malfoy et de Moody-Stuart quand vous les avez obligés à jeter le regard sur vos…"
il joue à celui que l'indignation fait suffoquer, mais de la surface au fond de ses yeux, il n'y a que de la haine pour moi. Isolfe, comme fatiguée de l'entendre éructer, vient de se jeter dans un fauteuil, juste en face de lui. Ce mouvement le surprend, et maintenant Isolfe se met à parler, je sens, non je sais qu'elle est furieuse contre lui, furieuse contre tant de bêtise et de mauvaise foi, mais le timbre de sa voix n'en laisse rien paraître.
Au contraire, elle parle d'un ton mesuré, réfléchi, comme si elle essayait de raisonner un enfant surexcité " Severus, pensez-vous vraiment qu'il soit logique de juger et de condamner un homme sur son apparence physique, ou sur l'aspect de ses vêtements ? Evaluez plutôt les véritables talents de Lupin, posez-vous la question de savoir s'il est bon professeur, et vous savez, comme tous vos collègues ici, comme Dumbledore, comme le conseil pédagogique, est oui, cent fois oui. Là vous serez dans le juste et le vrai. Mais s'arrêter à l'apparence vestimentaire, sans essayer de trouver ce qu'il y a derrière "
- elle me regarde, et je me rappelle les mots avec lesquels elle a nommé ma "zone d'ombre", et maintenant son regard est déjà reparti vers Snape, vers le creux du coude de son bras droit, " c'est aussi stupide que de juger les hommes d'après les marques qu'ils portent encore sur la peau, même après leur repentance. "
Elle s'arrête, non pour savourer l'effet du coup qu'elle vient de lui porter, mais pour vérifier s'il va accepter de lui donner raison. Il ne laisse rien paraître de la façon dont il reçoit – ou pas – le message, mais il est visible qu'en ce moment il la déteste, de ne pas s'être rangé de son côté, le camp du plus beau et du plus fort, malgré les compliments qu'il lui a décernés , et qu'il l'admire également, pour lui résister et lui envoyer son passé en plein visage, mais délicatement et miséricordieusement, elle n'a pas fait mention de ses exactions, mais simplement de sa résipiscence.
Et il me jalouse aussi, et il pèse le pour et le contre, je vois par ses yeux sa raison jouer avec les plateaux d'une balance instable – lui dira-t-il, ne lui dira-t-il pas ? Oui ? Non ? Savez-vous Isolfe, ne savez-vous pas Isolfe, que l'homme dont vous semblez vous préoccupez si fort est, n'est pas ? un loup-garou…
Il me regarde, cruellement, férocement, un regard peut-il faire si mal ? pénétrer si loin, comme une sentence inéluctable, rien pour me protéger de ces yeux qui me connaissent dans ma part maudite.
Finalement, il abandonne, comme si les plateaux s'étaient immobilisés à l'exact point de leur équilibre. Mais il va utiliser ce qui est resté de la tentation et il va mettre Isolfe en garde, pour la détacher de moi (mais est-elle vraiment attachée à moi, une part de moi crie "oui", un autre moi hurle "impossible").
" C'est cela, allez au-delà des apparences, regardez le dans le fond des yeux, jusque dans le tréfonds de son âme, je pense que aurez une jolie petite surprise et la peur de votre vie quand vous finirez un jour par …Et sur ce sujet, je peux vous éclairer, il suffit que …"
Il s'arrête brusquement au bruit que font Minerva, Marigold, Sybille et Vector en entrant dans le salon. Je ne cesse de fixer Isolfe, regard sec et désespéré, je n'arrive pas à me mettre à sa place pour savoir comment je réagirai. Et puis rapidement elle s'est levée, elle a agrippé le bras de Snape, la saignée de son bras droit, dans l'urgence, elle lui jette
" Le jour où je j'aurais le désir de savoir qui est Lupin, je lui demanderai, pas besoin de mandataire entre lui et moi. " Elle lâche son bras, se dirige vers le groupe qui vient d'arriver, en passant à côté de moi, sans me regarder. C'est un fait que je note, mais sans m'en attrister, je me recueille sur ces deux fois deux mots qu'elle a associés, comme dans un thème musical complexe, qui ne se serait pas encore totalement dévoilé - ces deux fois deux mots presque accolés et qui me concernent "désir, Lupin" "lui, moi".
C'est Dumbledore qui m'extrait de ma rêverie, en me proposant de boire je ne sais trop quoi. J'accepte machinalement, au bout de deux gorgées, je sais qu'il s'agit de champagne, mais c'est plus la vision des bulles qui tressautent dans la flûte que le goût, passé, inaperçu, dans ma bouche qui m'a fait reconnaître ce que j'étais en train d'avaler.
" Allez-vous bien Remus, ou le conseil vous a –t-il pris la tête à ce point – il rit légèrement de s'entendre employer une expression tirée du vocabulaire de ses élèves – que vous ayez l'air tellement abasourdi ? "
Je le rassure, et commence à lui raconter, qu'effectivement ce fut une drôle d'expérience de se trouver de l'autre côté de la table.
" Et oui, ce fut votre baptême du feu, en quelque sorte. Mais vous l'avez brillamment passé, Minerva et moi avons fortement apprécié la pertinence de vos commentaires, la justesse de vos appréciations … y compris sur Mynia Aureston. " Il me sourit. " Ah j'oubliais, c'est le professeur Dazurs qui m' a envoyé vous déranger dans vos rêveries, il faut maintenant que je vous ramène à elle. "
Il prend mon coude et me guide vers la table du buffet que je découvre maintenant, dressée au fond de la pièce, en face des deux hautes fenêtres. Tous sont maintenant occupés à se parler les uns aux autres, plaisantant d'un ton amical, détendus, appréciant ce qu'ils mangent et ce qu'ils boivent. Fichtre, combien de temps suis-je donc resté seul dans mon coin, comme le grand méchant loup ? Assez longtemps, à en juger par le niveau de ce qui reste maintenant dans les bouteilles de champagne, et par les espaces vides sur les différents plats.
Isolfe (désir Lupin lui moi – je me rappelle la nuance étonnée de sa voix quand elle a prononcé le premier de ces mots) converse avec Sir Moody-Stuart, ou plutôt l'écoute attentivement, car il est parfaitement réveillé. Maintenant, elle porte un petit cube de quelque chose à sa bouche, je vois ses dents, et d'autres petits cubes qui attendent sagement leur tour de se faire dévorer par elle.Je suis maintenant suffisamment proches d'eux pour entendre ce qu'il lui dit
" Et oui, où était-ce déjà, oui voilà une ville située sur une falaise au dessus de la Dordogne, splendide, toute en pierre jaune, aiderez-vous un vieil homme à retrouver la mémoire ? " Ceci dit en inclinant la tête vers elle. Quel cabotin !
"J'imagine qu'il s'agit de Domme, la bastide royale de Philippe le Hardi - Oui, voilà, excellent Domme bien sûr, quelle superbe région. Le panorama sur la Dordogne est si reposant, tout empli d'une sorte comment dire de hm noblesse lumineuse et paisible, comme un tableau de Raphaël. "
Isolfe le regarde attentivement, je la sens en train d'analyser la comparaison, heureuse de découvrir une sensibilité artistique qui répond à la sienne. Au bout de quelques secondes, où elle, lui et moi – auditeur clandestin de leur conversation – chacun de notre côté rêve à ses paysages et ses tableaux favoris - Moody-Stuart reprend sur un registre plus trivial, comme s'il s'était trop découvert
" Peut-être un jour suivrai-je la mode si répandue dans ce pays et irai-je m'installer là-bas…quand j'en aurais terminé avec mes missions au ministère. " Son regard se perd dans le vague, j'imagine qu'il est en train d'essayer de se rappeler en quoi peuvent bien consister ces fameuses missions, mais peut-être aussi est-il à nouveau plongé dans la contemplation d'un tableau, dans le souvenir heureux d'un paysage.
Dumbledore se saisit de l'occasion pour attirer l'attention d'Isolfe, d'une légère pression sur son bras. Elle se détourne de Moody-Stuart, et ses yeux, qui auraient dû, en bonne logique, passer de la main sur son bras au visage de celui qui venait de la toucher ainsi, sont tout de suite sur moi. Regard brun, large et généreux, qui ne néglige rien de moi, alors que la plupart de ceux que vous devez subir sont sélectifs et vous réduisent à un de vos aspects : vêtements, corps, opinion, faiblesse ou force, vice ou vertu. Sourcils froncés, narines pincées, brièvement, elle me demande si j'ai digéré la scène de tout à l'heure, je réponds par un discret hochement de tête, ces signes doivent rester entre nous.
" Et bien, professeur Lupin, vous n'êtes pas mort de faim dans votre coin ! Venez voir par ici – elle désigne le buffet - il y a quantité de choses excellentes. Tenez, commencez par goûter ceci – elle me présente son assiette, je prends un des cubes qui y restent, j'ai faim tout d'un coup. Et vous aiderez à trouver l'ingrédient qui nous manque. " A ces mots, Sebastian Vector et Poppy s'approchent de moi, et me regardent déguster le mystérieux cube.
Vector explique " Nous avons donc trouvé œufs, lait, sel, sans doute un peu de farine, fromage, pour moi c'est du cheddar, pour Isolfe du cantel euh non cantal, pour Marigold du beaufort, et puis l'ingrédient inconnu, sans doute une épice."
Snape vient participer au test, ce qui lui donne un bon prétexte pour me bousculer. Je ne sais pas comment il a réussi à me causer une telle douleur dans les côtes sans que rien dans son attitude ne le trahisse. Et puis je comprends qu'il a dû utiliser sa baguette sans doute, quel infâme dégueulasse, je rejoins le camp des étudiants qui ne m'ont pas attendu pour lui faire justice de cette injure. Je me contrôle, de façon à ne pas lui accorder la mesquine satisfaction qu'il guette sur mes traits. La douleur est là, mais je la jugule, rien n'en transparaîtra.
Sebastian se tourne vers lui " Avouez, Severus, que vous avez fourré une de vos potions dans ces petits fours, nous savons tous ici que vous en inventez de particulièrement redoutables et que vous vous cherchez des cobayes, consentants ou non…" Il éclate de rire, imité par Minerva, Filius, Marigold. Snape a l'air furieux, mais se joint quand même à la gaîté générale. Pourtant il est dépité de mon absence de réaction à son sale coup, et il m'interpelle
" Alors Lupin, vous ne riez pas, serait-ce que vous mettez en doute mon inventivité en matière de potions, ou n'auriez-vous pas compris la plaisanterie ? "
Je prends un air étonné, quoique je pense déjà arborer un air de parfait ahuri depuis tout à l'heure, mais enfin j'en rajoute une couche
" Euh, non, j'ai peur de n'avoir pas bien suivi – Vous pensiez à autre chose, c'est cela, vous étiez dans la …lune. "
Il jubile, il vient enfin de marquer un point, car je n'ai pu m'empêcher de tressaillir. Minerva est soudain aux aguets, prête à faire diversion s'il continue dans cette veine. Elle est furibonde, j'ai presque l'impression qu'elle va se transformer séance tenante et lui planter ses griffes dans la tête. Isolfe profite de l'agitation pour me tendre une assiette, qu'elle a garnie de différentes choses, ce faisant elle m'attire un peu à l'extérieur et commence à me parler à voix basse.
" Laissez ce maudit connard " Ah, Isolfe, tu n'as que raison à moitié, c'est un connard, oui, trois fois oui, je suis heureux de d'entendre le dire, mais le maudit, c'est moi !
" En tout cas, il a été abject avec vous, et vous et moi – sa main souligne le vous en se posant rapidement sur mon bras, et le moi la fait revenir sur sa clavicule droite - allons le priver de la satisfaction de recommencer demain. Passez chez moi lorsque nous en aurons fini avec les mondanités, je vous prêterai un vêtement pour demain, qui clouera le bec à ce cher Severus, tout enveloppé de cachemire qu'il soit. "
Elle me regarde encore plus attentivement, et reprend " Si vous êtes d'accord bien sûr, mais … vraiment … croyez- moi, ne lui donnez pas l'occasion de revenir à la charge demain. Et ne pensez pas que je suis en service commandé pour le compte d'Albus… "
Sent-elle que je m'interroge sur ses motivations, toujours est-il qu'elle ajoute brusquement, presque à contrecœur " Je ne supporte pas sa façon profondément injuste de vous traiter, je ne supporte pas l'injustice…
- Donc, moi ou un autre, vous agiriez de la même manière – Oui."
La réponse est arrivée rapide, précipitée même, poussée devant moi par le soulagement qu'elle éprouve à m'avoir entendu énoncer la bonne hypothèse. Un autre ou moi, elle agirait de même …, amer et blessé, je m'entends ricaner en moi, pour elle je suis un autre comme les autres et je ne dois alors son attention qu'au mépris dans lequel me tient Snape – et je me sens réellement vil et méprisable, j'existe si peu de moi-même, il faut qu'un autre m'utilise comme souffre-douleur pour que la charitable Isolfe, débordante de piété, somptueusement drapée dans le manteau de la justice, fasse attention à moi.
" Alors, qu'en dites-vous ? " Je réponds, en essayant de mêler dignité et ironie, mais je m'aperçois que le mélange tourne au ridicule plus qu'au sublime.
" C'est d'accord, je me rends aux arguments d'Athéna la Justice. – Suis-je ridicule ? vous avez l'air de sous-entendre que j'endosse un rôle trop grand pour moi, ou … que je me mêle de choses qui ne me regardent pas…"
Le ton de sa voix est véritablement anxieux, je la pensais si sûre d'elle, stratège décidée, avançant mon pion face à Snape, je la découvre plus incertaine et cernée d'interrogations qui font vaciller sa résolution. La colère que j'éprouvais à l'instant contre elle et contre moi disparaît progressivement, telle des épaisseurs de brume que le soleil dissipe, nous laissant contradictoires, découverts l'un en face de l'autre.
Je suis à nouveau libre de m'abandonner à son exaltante présence à mes côtés, et de goûter, dissimulée très profond en moi, l'intuition, parfois timide, parfois vigoureuse, tantôt s'affermissant, tantôt s'affaiblissant, mais jamais au point de disparaître complètement, que je ne serais toujours présent dans sa vie, comme elle sera toujours dans la mienne.
Je réponds enfin – elle attendait, blessée et sérieuse, que je me mette à parler, aurait-elle attendu jusqu'au matin ?
" Non, excusez-moi, je me demandais simplement si j'étais digne de votre aide ? " Elle secoue la tête doucement, elle a baissé son regard, et semble contempler ses mains, tenant sa paire de lunettes " Ce n'est pas une question de mérite et je … ne suis pas meilleure que vous."
Elle remet ses lunettes, se rapproche de Sebastian, qui circule à proximité avec un plateau, sur lequel sont disposés des modèles réduits de pâtisseries. Il aperçoit Isolfe, lui tend le plateau, annonçant à Lucius Malfoy, qui se trouve lui aussi tout proche
" Voilà comment on attrape les jolies mouches, avec un plateau de sucreries, ou devrais-je dire de calories ? " Lucius s'incline vers Isolfe
" Si le professeur Vector voulait vous donner des remords, il ne s'y serait pas pris autrement, mais quelle idée de vous parler de calories, à vous particulièrement … "
Il fait glisser ses yeux sur sa veste, une glissade saccadée, comme s'il marquait une pause pour chaque côté devinée sous l'étoffe " N'oubliez pas que je suis aussi professeur de physique, les calories ont pour moi un sens plus scientifique et inoffensif que celui que leur donne un article de Witch's Weekly à l'approche des vacances d'été ! "
Ils se mettent tous trois à rire, Lucius tend à Isolfe une assiette blanche et argentée, qu'il est allée prendre sur la table du buffet, il choisit délicatement cinq mini pâtisseries ( je compte, impuissant et jaloux, un, deux, trois, quatre, cinq au fur et à mesure que les gâteaux touchent l'assiette, c'est comme s'il déposait autant de baisers sur son bras, de l'intérieur du poignet à la saignée du coude ) - en la lui prenant des mains, Isolfe amorce une rapide, mais profonde révérence, elle y met tellement de délicate ironie qu'il est impossible qu'il ne s'en aperçoive pas, mais il a l'air de trouver ce jeu délicieux.
Soudain, il la lâche des yeux, il regarde sur le côté, et croise mon regard qui continuait à le scruter. Je suis effaré d'y découvrir, éclatant et sûr de lui, le même désir que je sens battre en moi, sur un mode plus sourd et plus profond. Majeur, mineur, au milieu Isolfe, amusée et placide. Et lui, lisant dans mes yeux ce que je viens de découvrir dans les siens.
Heureusement, Binns fait diversion, l'apercevant près de lui, Lucius l'interpelle à propos d'une recherche qu'il lui a commanditée – toujours cette déviance aristocratique qui transforme les autres en dévoués ancillaires – concernant le prestigieux passé de la prestigieuse famille Malfoy et que Binns a dû pister dans les coulisses de l'histoire. Et pourtant, il y a quelques instants, c'est lui qui servait Isolfe ….
Je passe le reste de la soirée dans un état second, finalement assez confortable une fois que j'ai réussi à oublier et Severus, et Lucius. Pendant que j'y suis, je pourrais tout aussi bien ajouter Remus à la liste. J'arrive même à participer à des séquences de conversation assez détendues, où il est principalement question des prochaines vacances de Noël et d'achats de cadeaux – il semble que deux catégories d'humains s'affrontent à ce délicat sujet : ceux qui ont déjà tout acheté, et ceux qui ont encore tout à acheter (les premiers tous prêts à refiler des idées et des pistes aux seconds). Quant à moi, le problème ne se pose plus depuis le décès de ma mère. Cette constatation m'affole, tout d'un coup. N'ai-je vraiment plus aucune famille autour de moi ? Et c'est moi qui aurait créé ce vide…
Par deux fois je me trouve dans le même cercle conversant qu'Isolfe, une fois même je suis tout prêt d'elle, au point de frôler, pendant une bonne demie minute, sa jupe de ma main, sans que personne (sauf elle ? ) ne le remarque. J'apprends qu'elle va consacrer quelques jours de ses vacances, qu'elle passera en France et en famille, à finir de préparer le cours d'histoire consacré aux relations franco-britanniques. Minerva jette un coup d'œil à la ronde, s'assure que Binns n'est pas dans les parages immédiats – encore qu'il ne soit pas toujours facile de localiser un fantôme . Sebastian affiche un sourire gourmand, se prépare à savourer ce qu'elle va dire, comme une bonne plaisanterie dont il ne se lasserait pas.
" Je compte sur vous Isolfe pour introduire du dynamisme dans ce cours, tous les jours je récupère des élèves amorphes et quasiment décérébrés, je suis obligée de les secouer pour leur faire récupérer leurs esprits ! et le pire est qu'on ne peut même pas utiliser le prétexte d'une retraite bien méritée pour se débarrasser du problème. Inutile de vous dire qu'aucun étudiant ici n'a jamais choisi de se spécialiser en histoire ! Certes, à part Sacha Liouboutkine, mais je le soupçonne d'avoir choisi cet ASPIC justement pour vaquer à d'autres occupations pendant que Binns déblatère son cours … "
Je saisis l'occasion pour ajouter, en me tournant vers Isolfe
" Mais d'autres vocations vont peut-être apparaître sous votre magistère … - Ouh là, n'allez pas si vite en besogne, je ne suis pas spécialiste de la matière, et je m'en voudrais d'empiéter sur les prérogatives du professeur Binns. "
Minerva émet un pff excédé, Sebastian, et moi étouffons un rire.
" En tout cas, j'ai réussi à le convaincre que je n'ai pas besoin de consacrer une partie de mon cours à la révolte des gobelins, même si elle s'est en partie propagée outre-Manche, j'ai l'impression qu'ils ont vraiment atteint le degré de saturation suprême sur le sujet."
Minerva reprend " Ah si c'était seulement le degré de connaissance suprême, mais j'ai plutôt l'impression que ce cours leur détruit des neurones. "
Filius enchaîne en se tournant vers Isolfe " En tout cas, j'ai constaté que l'échéance de la rentrée de janvier est considérablement adoucie par la perspective de voir enfin du neuf pendant ces fameux cours. En fait, il suffit de leur en parler pour voir courir un frisson d'excitation … Sebastian continue … sur ces jeunes échines habituellement courbées sous vos sorts … ou sur les potions de Severus, ou sur les boules de cristal de Sybille. "
Je continue, en changeant un peu d'approche " Et le professeur Binns va-t-il assister à cette partie de son cours ? "
Isolfe rétorque vivement " Oui, apparemment il tient à me seconder et peut-être à vérifier que je raconte pas trop d'incongruités et que les élèves continuent à prendre des notes. Mais d'ailleurs c'est peut-être lui qui va s'endormir… "
Minerva se met à rire " Sincèrement, Isolfe, je préfère que ce soit lui qui s'endorme, plutôt que vos étudiants. "
Nous parlons encore de choses et d'autres, Hagrid nous confie qu'il va essayer la recette d'un nouveau Christmas Pudding, et je comprends que ceux qui restent à Hogwarts pendant les vacances auront le privilège de venir chez lui y goûter. Je prends des nouvelles de Fang, qui semble trouver du plaisir à ma compagnie taciturne lorsque je vais me promener en solitaire. Sybille m'interroge sur une forme étrange qu'elle a aperçue à plusieurs reprises dans sa boule de cristal. La créature, d'un vert terne, possède un minuscule bec brillant , une corne de rhinocéros, une queue de serpent. Elle est persuadée qu'il s'agit d'une créature maléfique, je suggère un avatar transalpin de leprokkar, c'est relativement plausible, parallèlement je savoure l'ironie de cette situation où c'est moi qui suis obligé de dévoiler à une spécialiste chevronnée le contenu de ses visions - j'entends presque Minerva émettre un autre pfff dédaigneux !
Pendant que j'essayais de trouver une solution au problème de ma clairvoyante collègue, Isolfe s'est échappée et converse maintenant avec Hugues Moody-Stuart, ils se sont assis tous deux sur un canapé, face à la cheminée. Lui est vivement éclairé par les flammes, elle s'est calée au fond afin de rester dans l'ombre et l'écoute parler, il est ravi du soin attentif avec lequel elle suit ses paroles, et relance la conversation pour lui donner l'occasion de parler encore. A un certain moment, Snape et Lucius Malfoy passent tous deux devant la cheminée, faisant écran devant les flammes. Sir Hugues se trouve soudain lui aussi dans l'ombre, j'ai l'impression qu'une de ses mains se rapproche d'elle, de sa hanche. Mais comment pourrais-je en être sûr ? Pourtant, il me semble que Lucius a vu la même chose que moi, il se penche même vers Snape, et lui chuchote d'inaudibles mots, déclenchant de la part de ce dernier un regard vers les occupants du canapé, vite suivi d'un haussement d'épaules dédaigneux. Puis comme s'il se ravisait, il esquisse une parodie de sourire, plutôt un rictus froid et âpre, et se tourne dans ma direction. J'ai été plus rapide que lui, j'imagine que je pressentais son mouvement, j'ai détourné les yeux à temps, je suis heureux que Sybille continue à m'accaparer et me fournisse le prétexte d'une totale indifférence à ce qui se passe autour de moi. Que dois- je penser de tout cela ? Qu'Isolfe est la femme la plus attirante de cette réunion ? Et qu'il est somme toute normal que nous soyons plusieurs à lui tourner autour ?
Mais eux, ils ont l'avantage sur moi d'être simplement des hommes, et pas un monstrueux mélange, avec une bête tapie au fond de lui.
Mais moi, j'ai d'autres avantages sur eux, soigneusement consignés dans les lignes de ce journal, comme des choses rares et précieuses qu'il ne faut pas trop exposer au plein jour. Elle m' a laissé poser mes mains sur les douleurs de son dos, elle m'a offert son amitié, j'ai dansé avec elle, même si elle était absente au moment précis où je la serrais dans mes bras ; un autre jour, elle s'est relevée de toute sa hauteur, en me frôlant, et tout un côté de moi a vibré à ce frôlement, elle a pris partie pour moi, et tout en l'heure encore, ses mains comme un rituel amical dans mon dos…. Et ce soir, demain, elle va me transformer en homme élégant.
Seulement, tous ces avantages mis bout à bout ne font pas de moi le gagnant de ce vain concours, ils ne sont bons qu'à constituer la chaîne servant à contenir mes fureurs de loup.
Une demi-heure s'écoule encore, avant que Dumbledore ne clôture la soirée, en nous souhaitant une bonne nuit à tous, y compris à ses deux hôtes, que Filch – il vient de faire son entrée dans le salon - va accompagner aux appartements qui leur ont été réservés. En fait, il est clair que Malfoy et Snape n'en ont pas fini l'un avec l'autre et qu'ils vont prolonger leur soirée ensemble.
Nous prenons congé les uns des autres de façon assez informelle, sir Moody-Stuart jette un dernier regard à Isolfe, mais c'est en ma compagnie qu'elle se dirige vers son appartement. Ahah ! je triomphe mesquinement. Et en plus il n'est pas improbable que Lucius se demande si nous couchons ensemble … ma jubilation est de courte durée et une fois de plus se transforme en angoisse : Snape possède le moyen de le détromper, une fois de plus je suis réduit à son " sens de l'honneur " - à la promesse de silence que Dumbledore a dû lui extorquer.
J'émerge soudain de mes sombres ruminations – nous sommes arrivés devant ma porte, Isolfe se tourne vers moi, interrogative et anxieuse à nouveau
" Etes-vous toujours d'accord pour…hm … ce dont je vous ai parlé tout à l'heure ? " Je réponds que oui, l'anxiété disparaît de son visage, elle prend un air conspirateur
" Sûr de vous ? (non, pas de moi, mais de toi, et je te suis), après trop tard pour reculer , notre " vengeance " est en marche ! " Elle rit, joyeuse. J'ai l'impression d'être revenu, sans tristesse, à l'époque des maraudeurs… j'ai une amie et une complice. Nous faisons encore quelques pas, jusqu'à sa porte, elle murmure son mot de passe, sa bouche est toute proche des douces veines du bois, j'imagine sa bouche sur mon cou, où palpite tout ce qui ne peut pas être dit, mon amour pour elle, et ma monstruosité.
Elle se retourne en mettant son index en travers de ses lèvres, le geste du silence demandé, elle me précède dans son salon. Pour la deuxième fois en quelques jours, je suis moi avec elle, dans un endroit où elle est habituellement seule avec elle-même (du moins je pense).
Je reconnais le fauteuil drapé de tissu bleu, cette fois-ci je découvre la grande table de chêne cérusé qui lui sert de bureau, règne d'un conséquent désordre : parchemins, journeaux, deux énormes ouvrages à l'aspect rébarbatif ; en m'approchant un peu, je parviens à en lire les titres " Follows & Moore – Annual report " ainsi que " European Union – the impossible fiscal reform ? ", et pour compenser j'imagine, une pile de Cds à moitié écroulée. Derrière la table, une bibliothèque, partagée entre livres et dossiers de cours, et sur d'autres rangées, les ouvrages de littérature, au format moins imposant, je reconnais la tranche de " Original Sin " que nous avions commencé à lire ensemble, il se dresse maintenant, lecture achevée, entre les autres, indifférent et banal, lui pourtant qui porte la trace de nos quatre mains.
La porte de la chambre, ce soir, est close. Isolfe fait surgir du feu dans la cheminée, elle ôte sa veste, la dépose sur le dossier de la chaise qui fait office de siège de bureau, d'un geste qui trahit le soulagement, comme si elle se débarrassait d'un vêtement de travail, une fois consciencieusement effectuées les tâches de la journée. Elle porte un pull du même marron que la veste et la jupe, mais dans une autre matière – laine ? soie ? ; les manches en sont très courtes, qui cachent à peine l'arrondi de ses épaules, le décolleté est sage, ne laissant apparaître qu'une petite zone de peau nue et claire. Par contre, la laine, ou la soie, est intimement ajustée sur le torse, je regarde les courbes douces que font surgir ses seins, et je me dis que je n'ai plus envie de rien d'autre.
" Vous assoiriez-vous dans mon fauteuil, cette fois-ci ? " Je ne réponds pas tout de suite, je reste à contempler ses seins, jusqu'à l'impolitesse – grossièreté je ne pense pas, satiété impossible - je veux qu'elle s'en aperçoive, c'est fait, elle a compris la direction de mon regard, elle rougit, sur la défensive, troublée.
Elle répète " cette fois-ci ? " et puis se tait, mettant à notre disposition un moment de silence où nous pouvons repenser à ces quelques heures qui avaient coulé sur nous deux. Une fois encore, je me demande si nos souvenirs sont égaux, ont-ils été transformés – dégradés ou sublimés – de la même façon par nos deux mémoires, par nos deux sensibilités ? En moi, le souvenir a subi un processus de sublimation, il s'est incorporé intimement, quant à ce qu'il est devenu pour elle ? Et bien, sa question me prouve au moins qu'il est toujours présent, sans doute dans un mode mineur.
Je continue à me taire, le silence entre nous est comme une mer trop agitée, pour que nous puissions y nager sans effort . J'obtempère et je m'assois. Elle se dirige alors vers sa chambre, en ouvre la porte et la referme derrière elle. Voici donc pourquoi elle voulait absolument que je m'asseye, afin de réduire le risque que je la suive dans sa chambre, comptant sur mes bonnes manières - on ne contredit pas une hôtesse qui vient de vous proposer un siège, ou sur ma paresse ?
Mais que redoute-elle de moi ? C'est vrai que nous sommes là tous deux, chez elle, femme et homme, à une heure tardive, le dénouement ne devrait-il pas être écrit d'avance ? Pourtant elle a ôté sa veste de façon si naturelle, aucune coquetterie, aucun sous-entendu, aucun regard appuyé dans ma direction, battement de paupière, ou que sais-je encore des artifices de la séduction. Je m'imagine Isolfe tellement peu dans ce rôle, mais que sais-je de la façon dont elle se dénudait devant cet homme qu'elle aimait – quel soulagement de raisonner à l'imparfait, mais peut-être me trompé-je ? Comment être sûr qu'elle ne l'aime définitivement plus ? Ou alors, sa chambre est en désordre, draps froissés, lit ouvert, nuits révélées ? Ces rêveries, et la présence si proche d'Isolfe, ont durci mon sexe.
Je sursaute au bruit de la porte qui s'ouvre, mes yeux plongent dans le creux d'une grande vague teintée par un ciel de tempête, au plus haut de la vague, Isolfe, nageant vers moi, portée par tout ce bleu. Je me rends alors compte qu'elle porte tout simplement dans ses bras le vêtement dont elle m'a parlé.
" Et bien, quelle tête vous faites ! Je ne vous apporte tout de même pas tout le trésor d'Ali Baba! Il ne s'agit que d'un manteau. Mais suffisant pour que Snape s'étouffe avec sa cravate de soie… et que vous soyez superbe. " Ironie dans sa voix et autre chose, une sorte de réparation qu'elle me proposerait.
Elle a glissé ses mains dans les manches et déploie lentement le manteau devant moi. Le tissu est d'un bleu très foncé, couleur d'encre, il luit discrètement, comme le pelage d'un animal au meilleur de sa forme et de sa force.
" Allez, je vous fais le commentaire technique, sans cela j'ai peur que vous ne passiez à côté de toutes les subtilités. " Elle prend une voix froide, légèrement méprisante, très bien élevée " Col droit et haut, en dessous, ampleur soigneusement retenue par tout un jeu de plis, piqués jusqu'à une vingtaine de centimètres de la taille, lâchés ensuite, laissant l'étoffe déployer son faste. "
Maintenant, elle dégage ses mains, retourne le manteau, le prend par les épaules, exposant le devant. Je vois à nouveau le col haut et droit, mais de ce côté-ci, pas de plis, Isolfe a repris son commentaire " Pour ouvrir, rangée de boutons noirs, ronds, décorés de motifs gravés dans une matière satinée."
Je me lève enfin, je m'approche d'Isolfe, le manteau reste entre nous, comme un écran, comme un serment silencieux. Je pose mes doigts sur l'étoffe, sur les boutons, je vois alors qu'il s'en trouve également au bas des manches, qui sont fendues sur le côté, jusqu'au coude, et boutonnées. Je demande " De quel tissu s'agit-il ? et - Parlez-moi de ce manteau ! (parle moi de toi à travers lui)
" Volontiers – elle a abandonnée sa voix snobinarde - mais passez le d'abord, il faut que nous voyions s'il vous va. Tournez vous. "
Je m'exécute, docile. J'entends le son mat du tissu dans mon dos, la voix nette d'Isolfe qui me demande de tendre les bras en avant, ses gestes rapides et précis pour ajuster le tombé du manteau, des gestes professionnels qui lui font toucher mes épaules, qui font glisser ses paumes sur le haut de mon dos, le haut de mon torse, alors que ses mains brossent le tissu en place et qu'elle se déplace autour de moi. Je sens son souffle autour de moi, je le sens qui se glisse et s'immisce entre le col du manteau et mon cou au creux duquel le sang circule plus durement, à grands jets tendus qui en sont presque douloureux. Pourtant, quand bien même je prendrais le risque de faire un geste vers elle, je ne sais pas si elle s'en apercevrait, tant elle est absorbée par sa tâche, le placement d'une étoffe sur un corps, le mien ou un autre, quelle importance ? Elle se recule, me demande d'étendre les bras devant moi, ce qui fait remonter les manches jusqu'au milieu de mes avant bras. Je ris franchement.
" J'ai l'air d'un singe de cirque, dans son costume trop petit ! " Le rire me décharge de mes frustrations, la connivence resurgit entre nous.
" Regardez en bas, vous avez aussi un petit problème. Mais qui ne devrait pas nous ennuyer trop longtemps ". Elle a pris sa baguette, mais je lui rappelle sa promesse de me raconter l'histoire de son manteau.
" Ah oui ", elle pose ses dents sur la lèvre inférieure et l'aspire à l'intérieur de sa bouche. " Alors, allons-y, mais ne vous attendez pas à quoi que ce soit d'exceptionnel. Et avec votre permission, tout en vous parlant, je vais commencer mes travaux d'ajustement, avez-vous vu l'heure ?
- Euh non, (Non, je ne veux surtout pas, mais je regarde quand même ma montre : 1 h 20 du matin), excusez-moi, je suis un affreux égoïste qui vous vole du sommeil. – Vous ne me volez rien du tout, Remus, et…"
Elle s'est arrêtée brusquement, maintenant elle hésite en faisant tourner sa baguette entre ses doigts. Je m'entends à peine prononcer deux mots " Dites-moi " je les répète " Dites-moi " comme un écho. Elle avale sa salive, replace une mèche de cheveux derrière son oreille, et me répond " Au contraire " , avec bravade, comme si elle venait de jeter une poignée de dés en se désintéressant d'avance de leur score, elle me les abandonne, à moi d'en faire ce que j'en veux.
Puis elle s'agenouille, à mes pieds, utilise sa baguette pour prendre des mesures, je contemple son dos et son chignon, d'où s'échappe toujours plus de cheveux, elle se relève, me redemande d'allonger mes bras, nouvelle prise de mesure, ses doigts vigoureux s'affairent autour de l'ourlet, si proches de mes poignets. " Ce manteau est une sorte de vêtement d'apparat, qui est censé avoir appartenu à un magicien célèbre, Galaad Riell, mais sans qu'on n'en ait la moindre preuve. C'est ce que laissait entendre le catalogue de la vente aux enchères où je l'ai acheté. Maintenant, je n'en suis plus si sûre, donc on peut considérer que je l'ai payé trop cher. Mais je crois que je voulais avant tout devenir la propriétaire de ce vêtement, de ce mélange du tissu et de travail. Peu importe pour qui il avait été réalisé, peu importe qui l'avait porté, lorsque j'ai été la dernière à enchérir, il est devenu mien.
C'est la première fois que je dépensais autant d'argent sur mon budget d'étudiante, avec bien évidemment un fort sentiment de culpabilité, je n'avais en effet aucunement besoin de ce manteau pour me vêtir. Disons que j'ai eu le coup de foudre en le voyant, exposé, luisant, sur le mannequin de la salle des ventes. Mais je n'ai jamais rien regretté, et je l'ai souvent porté. Son propriétaire était plus grand que moi, j'ai dû le raccourcir, le bas, les manches, mais je n'ai pas touché à la carrure, j'aimais bien la sensation de ce trop plein sur mes épaules, comme si …" Elle se relève et va chercher deux objets qu'elle avait déposés tout à l'heure sur son bureau, et termine la phrase laissée en suspens …. Comme si quelqu'un m'offrait sa protection et m'assurait que j'appartenais bien au monde magique... parce que c'était une période de ma vie où j'en doutais. Au point d'avoir choisi de continuer à étudier chez les muggles.
J'ai l'impression qu'elle avait besoin de se tenir hors de ma vue pour cet aveu. Elle revient, dans ses mains une bobine de fil sombre, un morceau de tissu sur lequel sont piquées des aiguilles et des épingles. Elle choisit une aiguille, la fixe au bout de la baguette, me regarde, un peu moqueuse devant mon air étonné, sûre de son effet.
" Ahah, serais-je en train d'apprendre un tour inconnu au distingué professeur Lupin ? – Oui, j'avoue mes lacunes en couture, enfin, cette méthode en tout cas. "
Je pense que j'ai pourtant souvent été dans la nécessité de ravauder mes vêtements " Je ne savais pas que l'on pouvait associer les deux méthodes, magie et conventionnelle. – C'est pourtant ce que l'on fait de plus efficace, n'en déplaise aux tenants de la magie pure et dure, ce sont souvent les techniques croisées qui sont les plus efficaces, vous ne croyez pas ? les unions les plus fécondes…"
Ces deux mots pénètrent en moi, sûrement, majestueusement, un trajet direct jusqu'au plus intime et au plus secret, jusqu'à cet endroit défendu à mon moi loup, jusqu'au corpus de mes rêveries les plus protégés, qu'ils font résonner comme une proclamation.
Isolfe est à nouveau à mes pieds, elle a enfilé l'aiguille à la bobine de fil qu'elle tient serrée contre sa baguette. " Alors, voyons ce manteau, grâce à vous, il va revenir à ses proportions d'origine, vous avez la même stature que l'homme à qui il appartenait, j'avais laissé des repères, à l'intérieur, sur la doublure, ça va être facile de retrouver les bonnes longueurs. "
Elle s'agenouille à nouveau, je baisse les yeux sur elle, je la vois écarter les pans du vêtement, inspecter l'intérieur, je l'entends murmurer une formule, déplacer la baguette au fur et à mesure que le fil se dévide. Suivant le mouvement d'inclinaison de son torse, et l'extension de ses bras, l'encolure de son pull a glissé vers l'avant, exposant un peu plus de peau nue. Je rêve d'y poser ma bouche, d'y passer ma langue, je ne fais que regarder.
Alors, je me mets à parler pour disperser la tentation. " Comment s'appelle ce tissu, il est si doux, léger et épais en même temps ? " En me répondant, Isolfe se relève. " C'est du velours de laine, du velours de vigogne. Les boutons sont en onyx bleu, sculptés en intaille, je vous conseille de les regarder tous, vous verrez qu'ils sont tous différents. Cela suffirait déjà à faire de ce vêtement une pièce hm assez exceptionnelle, mais il y a également le travail de confection proprement dit, les plis dans le dos, et tenez retirez le, je ne peux pas ajuster l'ourlet des manches si vos bras sont toujours dedans ! "
Elle s'écarte de moi
" Attendez, non, gardez le encore un peu, tournez lentement sur vous même, afin que je vérifie l'ourlet du bas. " J'obéis, sous son regard précis de couturière.
" Parfait, enlevez le maintenant. " Elle me regarde ôter son manteau, lui fais-je penser à d'autres hommes qu'elle a observés, se déshabillant devant elle, pour elle ?
Je lui tends, le tissu s'est échauffé à mon contact, elle va le sentir. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle le prend, l'ouvre, et le place sur son bureau, elle expose ainsi son intérieur chatoyant. Elle me fait signe d'approcher.
" Regardez, le travail sur la doublure, le temps qui y a été consacré, pour l'usage hm que faut-il dire réservé, intime ? de celui qui le porte. Puisque lui seul sait ce qu'il y a à l'intérieur.
" Je vois alors que la doublure de soie a été taillée et assemblée de façon à faire apparaître une grande étoile, bleue sur fond de ciel bleu, dont les branches se déploient sur le dos, sur le devant, et jusque dans les manches.
Je continue son raisonnement, délibérément afin que certains mots tombent entre nous avec un bruit mat et s'immobilisent parce qu'ils ne peuvent pas aller plus loin, comme il y a quelques minutes les unions fécondes dont elle parlait.
" Lui … ou celle pour laquelle il s'est dépouillé de son manteau, épouse ou maîtresse, une ou plusieurs, celles dont il a réchauffé les épaules, le corps à la chaleur de cette étoile bleue, ou de ce soleil ? C'est peut-être cela l'explication de ce motif caché. "
Je fais glisser mon doigt le long du tracé de l'astre, je cherche les yeux d'Isolfe, mes doigts ont envie de continuer leur glissement, sur ses joues, sur la ligne de ses sourcils, sur l'arrête de son nez, jusqu'à sa bouche. " Alors étoile ou soleil ? " Ses paupières ont battu sur chaque mot, mais maintenant elle me regarde sans ciller, comme si elle réfléchissait, non pas à la réponse à donner, mais à quelque chose qui me concernerait. Et je vois un peu de crainte dans ses yeux.
" A vous de trouver la réponse, à vous de lui inventer une histoire. "
Puis, elle ajoute, sans réussir à dissimuler l'agitation qui la gagne, l'exaltation que fait naître le saut dans l'inconnu
" C'est pour cela aussi que je vous le confie. Pas simplement pour faire un pied de nez à Severus. "
Je suis déchiré par cette proposition, qui reprend exactement ce à quoi je suis condamné, m'inventer des histoires (un avenir avec elle), à défaut d'être capable de le vivre et de lui faire partager. Je reste silencieux.
Elle a l'air un peu déçu de mon absence de réponse, elle regarde sa montre, presque 2 heures, elle s'assoie au bureau, reprend sa baguette, s'affaire autour des poignets, seuls le glissement du tissu sur la table, quelques craquements dans la cheminée sont maintenant audibles, je ne nous entends pas même respirer. Je m'assois dans le fauteuil afin d'être au même niveau qu'elle. Au bout d'un moment, elle en a terminé, elle s'étire, l'ombre gigantesque de ses bras passe amplement sur les murs. Elle me fait effectuer un dernier essayage, les manches dissimulent juste mes poignets. Je retire le manteau, la remercie de tout ce temps et cette peine, elle agite la main doucement, comme si elle repoussait délicatement ces mots vers moi, je me dirige vers la porte, je m'apprête à sortir, me retourne.
" Isolfe, une dernière question et après je vous le jure, je vous laisse tranquille : vous, quelle histoire lui avez-vous inventée ? "
Je suis content de ma voix, maîtrisée, factuelle, qui absorbe docilement tout mon moi agité, frénétique dans l'attente de sa réponse. Elle est soulagée, je suis sûre de ne pas me tromper, puisque ma réponse vient conforter sa proposition de tout à l'heure. A-t-elle eu peur de m'avoir blessé tout à l'heure, comme je ne lui répondais pas ? Si Snape savait cela, lui qui me désigne comme son bourreau potentiel, pas comme sa victime ! Mais serait-il assez subtil pour appréhender le genre de blessures qu'elle redoute de m'infliger – amour propre froissé, amitié bousculée ?
Je me rends combien elle travaille notre amitié, avec sérieux et précision, comme elle était en train de coudre tout à l'heure, un travail dont rien ne la ferait dévier ? pas même mon atroce vérité ? je ne suis pas loin de le croire ce soir, savoir qui je suis ne l'empêcherait pas de continuer à poser, tranquillement, l'un après l'autre, comme on construit un mur solide, des actes d'amitié. Snape est persuadé que je joue un sale jeu avec elle, oui, je joue à m'imaginer un avenir impossible, mais elle ne joue pas. Et je suis effrayé par ce sérieux en face duquel je ne peux dresser que ma duplicité. Donc, oui, je suis un sale joueur. Pourtant je n'ai pas le cœur d'arrêter, la condition étant que je sois le seul à en assumer les conséquences, à souffrir. J'épuise le papier et l'encre dans toutes ces digressions, il est quatre heures du matin, j'écris toujours, je rêve de me coucher le cœur vidé dans une bulle de néant.
Il faudrait pourtant que je note sa réponse, son "Je vous le raconterai un jour", légèrement troublé dans sa franchise. Je l'ai remercié, je l'ai laissée, je serrais le manteau dans mes bras.
Journal d'Isolfe, 21 décembre
Des notes confuses et désordonnées, il est tard, la fatigue est un prétexte pour renoncer à imposer rigueur et cohérence à mon récit de ce soir. D'abord ce qui me taraude l'esprit depuis tout à l'heure.
Ces deux combinaisons de deux mots qui m'ont presque échappé, quelle pulsion m' a poussée à les associer si proches l'un de l'autre dans la même phrase, ne serait-ce pas aussi dangereux que le mélange de l'hydrogène et de l'oxygène ?
Je me mets à marcher nerveusement, une allure fébrile et saccadée, sur le rythme de ces deux fois deux mots :
pied droit désir pied gauche Lupin pied droit lui pied gauche moi
pied droit désir pied gauche Lupin pied droit lui pied gauche moi
un désir deux Lupin trois lui quatre moi
cinq désir six Lupin sept lui huit moi
– quelle étrange chorégraphie. Ces deux mots prononcés devant lui et devant Severus, un peu par bravade, avec la délicieuse sensation d'aller trop loin dans une direction inconnue et illicite. J'avais envie d'entendre ce mot de désir résonner entre nous, j'entends entre Lupin et moi, afin qu'il en accepte la matérialité, qu'il endosse la responsabilité d'introduire ce … phénomène dans notre relation d'amitié qui devrait en être exempte.
Si nous n'avions été que nous deux, je ne m'y serais pas risquée, il fallait que la portée, que la force de ce mot soit amoindrie par la présence d'un témoin, que son poids soit réparti entre trois, plutôt que deux et s'allège ainsi.
Mais la manière de procéder est tellement tordue, perverse ? , j'ai parlé de désir venant de moi, de désir de connaissance, qui aura compris le non dit, ie l'exposition de son désir physique pour moi.
Ce désir qui lui faisait regarder mon sein, par dessous mon bras, et ensuite lorsque nous étions tous deux chez moi, laisser volontairement son regard sur mon buste, il voulait que je m'en aperçoive, mais, Remus, la cause était gagnée d'avance, une femme sent immédiatement ces regards là, et comme j'ai senti me seins s'alourdir soudain et s'abandonner, impudiques, à cette contemplation sur laquelle je n'ai pas de contrôle.
Je fais une pause dans mon écriture, je pose mes mains sur eux, je me les réapproprie - je dois m'obliger à ne pas penser à Remus. J' y pense quand même, il est si proche, alors que Benedikt s'est dissolu dans le lointain comme un fantôme blafard et momentanément vaincu (je sais qu'il reviendra, nous avons encore besoin l'un de l'autre). Mais pour le moment, je me laisse aller à penser à nouveau – la lourdeur de ses yeux immobiles sur mes seins.
…
Et puis, Severus est vraiment un abruti, qui n'y connaît rien aux femmes, (au point qu'il ne peut pas être gay, alors que j'ai été tentée de le penser à un moment) il semble avoir si peur que je m'intéresse à Lupin, alors pourquoi s'obstine-t-il à me le présenter sous un jour mystérieux et dangereux (la peur de votre vie pfff), pour bien me donner envie d'aller voir plus loin, justement au delà de l'apparence…. Mais à y bien réfléchir, ces sous-entendus contiennent quelque chose d'effrayant , veut-il me faire conclure que je côtoie chaque jour un psychopathe, peut-être devrais-je interroger Albus à ce sujet ? Snape à l'air de connaître lui aussi la zone d'ombre de Lupin.
Et aussi, les derniers mots qu'il a tracés sur sa feuille, je ne sais pas si je dois – ou si je veux – leur accorder plus d'importance qu'ils n'en recèlent apparemment.
Quant à ce fameux manteau, que faut-il que j'écrive, tout ou rien ? Que j'ai imaginé que c'était un vêtement qui saurait me persuader que je devais pas rejeter mon héritage magique, que c'est pour cela que je l'ai acheté – après toutes ces années, je ne connais toujours pas la réponse, et aussi que Benedikt ne l'a jamais aimé : ton déguisement, bon pour le placard maintenant, avec moi tu as choisi ton camp, je t'aime dans ta vérité, en toute transparence. Et je l'ai cru, et j'ai remisé le manteau. Je l'ai emmené avec moi à Hogwarts comme un défi d'absurde d'inutilité, puisque Benedikt n'est plus là pour le constater. Et je l'ai confié à Remus, parce que justement Benedikt l'a toujours dédaigné.
