Léna non, je n'ai pas retrouvé le Satyre, en fait à chaque fois que je vais au Forum du livre, je me précipite vers le rayon poésie et là je ne me souviens plus si c'est la Légende des Siècles ou les Contemplations… ! je vais commencer des incantations à Mnémosyne !
Contente que tu aies apprécié Remus dans son tabard bleu – un mot piqué à Schama qui est décidément une mine de vocabulaire rare : hier, je suis tombée sur épastrouillant !
Saskia effectivement quel joli prénom ! J'espère que ton coup d'œil t'a fait découvrir,page 573, Saskia coiffée d'un chapeau rouge…
Et mille mercis pour ta revue. Quant à la fin, j'y travaille en ce moment … entre autres.
J'ai fait un tour par ma page stats - merci à celles et ceux qui ont référencé Journaux croisés et son auteur dans leurs favoris et aux autres qui ont souhaité recevoir un mail à chacune de mes mises en ligne !
Avertissement : passage plus R que PG-13 ! mais cela reste onirique…
Après promis, Remus et Isolfe ne rêveront plus avant longtemps de quoi que ce soit qui vaille la peine d'être noté dans leurs journaux.
Journal d'Isolfe, 25 décembre, en France
Ah les sentiments trop forts
Ça fait des dégâts
Ça me met l'âme et le corps
Au bord du coma
Juste une amertume - Isabelle Mayereau
J'ai rêvé de Remus Lupin, aux petites heures du matin sans doute, puisque je ne me suis couchée qu'à 3 heures, après un réveillon familial où j'ai réussi à ne pas penser une seule fois à Benedikt – j'avais passé le Noël dernier avec sa famille, et lui bien sûr, dans leur chalet en Autriche. A cette époque, nous n'avions pas encore le droit de partager officiellement le même lit, sa mère m'avait donc attribué une chambre d'ami (rideaux trop fleuris à mon goût), mais fort commodément située tout près de celle de son fils, et qui me permettait d'aller le rejoindre, lors que le silence ouaté des nuits de neige avait enfin gagné le chalet. Benedikt alors n'envisageait pas de passer une quelconque de ses nuits sans moi…
Mais, je ne me suis pas mise à ce journal pour écrire sur lui…mais pour fixer ce rêve qui est venu me déranger dans ma nuit de Noël.
Remus et moi dormions dans le même lit, et ce lit était immense, l'un près de l'autre, nous n'en occupions que la moitié. Nous dormions tournés l'un vers l'autre, et malgré mon sommeil je notais qu'il s'était rapproché de moi et avait remonté vers moi ses genoux, ils se trouvaient tout proches de mes seins. Je sentais cette proximité, la solidité des os contre la tendresse de la chair. Je sentais comme la tension de ses genoux si proches se transmettaient à mes seins. A un moment, il a agité sa main devant moi, les cinq doigts écartés, afin de me réveiller.
Et soudainement, je ne dormais plus, je ne rêvais plus, j'étais seule dans mon lit, frustrée de la suite de mon rêve. Pourquoi fallait-il qu'il me réveillât ?
Je me demande ce que fait Remus, ce jour de Noël, je sais qu'il est resté à Hogwarts, est-ce faite d'un autre endroit où aller, faute de famille et d'amis avec qui partager ces fêtes ?
Je suis en France jusqu'au 2 janvier, je dois donc attendre encore afin de retrouver la proximité énigmatique de ses jambes.
Alors, un soir qu'il sera assis dans le salon des professeurs, les épaules fermement plaqués sur le dossier du fauteuil (comme Ulysse attaché à son mât ?) je m'approcherai de lui, je m'agenouillerai devant lui et j'approcherai mes seins de ses genoux.
Je m'égare en d'extravagantes rêveries.
Benedikt serait-il en train de me quitter, tel du sang désormais inutile ?
Journal de Remus, 28 décembre
(…)
Parce qu'encore un jour s'en va dans l'ombre
Et mes amours sont loin
(…)
Mon hôtel - Epures – William Sheller
J'ai rêvé d'Isolfe, pas la nuit passée, mais il y a quelques jours, je voulais conserver ce songe dans mon intimité pendant encore un certain temps avant de le coucher sur le papier, coucher sur le papier comme la formule sonne étrangement, le papier, à défaut d'un lit commun !
Et puis il m'a bien fallu ces jours pour m'accommoder de l'intense et suppliciante frustration avec laquelle je me suis réveillé, et qui m'a travaillé au corps si violemment les premières heures que j'en suis sorti épuisé.
J'étais tel un rocher creux, à l'intérieur infiltré, à l'extérieur battu sans relâche par les vagues inévitables d'un désir irréconcilié, je me suis senti vaciller, trembler, j'ai cru que j'allais me disloquer et m'effondrer sur moi-même, aspiré par la béance que le départ d'Isolfe a créé.
J'ai cessé de résister, ce n'était que de l'entêtement stupide, après tout, j'avais déjà joui dans mon sommeil, alors que mes doigts passaient sur ses seins rêvés. Pourquoi ne pas laisser le plaisir revenir vers moi et l'apprivoiser de mes mains ? Ces délices que nous ne partagerons pas, pourquoi me les interdire, même en solitaire (ahah), pourquoi additionner les souffrances ? A quoi rime ce comportement vertueux qui manque me rendre fou ? Qu'est-ce que je cherche à faire ? Garder ma vigueur pour une femme qui ne sera jamais la mienne ? Garder ma semence pour un ventre que je ne pourrais jamais féconder ? C'est de l'idéalisme imbécile, vertueux par stupidité! qui me dit que pendant ce temps Isolfe n'est pas en train … je n'ose continuer.
Donc ce fameux rêve. Ce rêve qui m'a laissé obscur et lumineux, concupiscent et vertueux, vide et avide,… tout et son contraire, le lecteur aura compris… ou la lectrice …. Isolfe te remettrai-je un jour ce journal ? ce geste, je pourrai l'oser, comme on pose une pierre angulaire, ou je m'y résoudrai, comme on tire une dernière cartouche. Ce n'est pas la première fois que je songe à cette solution ambiguë.
Je recule le moment de cette narration, je crains que les mots, noirs sur blancs, ne commettent un sacrilège, qu'ils soient trop physiques, trop durs et trop parfaits, pour ne pas endommager cette matière tenue qui ne se révèle que dans la nuit et l'inconscient.
Je marchais dans un couloir, dont le sol était en verre ; mais je ne pouvais rien apercevoir sous mes pieds, car tout était obscur en deçà du verre. Je me disais que ce choix était parfaitement stupide, et que j'allais en parler au constructeur – il semble donc que je le connaissais ?
Justement, je voyais quelqu'un devant moi, à une cinquantaine de mètre ; cette distance, je l'évaluais ainsi dans mon sommeil, tout en me demandant comment je pouvais en être si sûr et en remarquant que le couloir était interminable.
Marchant plus vite que mon prédécesseur, je le rattrapais ; en quelques secondes, j'étais à toucher son grand vêtement noir à haut col. Il s'arrêta alors si brusquement que je n'eus d'autre solution que de rentrer en collision avec lui. Le choc fut violent, mon torse vint frapper son dos, chair contre chair, deux surfaces aspirées l'une par l'autre, une destination enfin atteinte. Mon inconnu leva alors ses bras et plaça ses mains sur mon visage, de ses doigts il me caressa : front, paupières – comment ne pas fermer les yeux sous une si douce caresse, bouche – comment ne pas entrouvrir les lèvres sous une si voluptueuse pression, menton, cou. La promenade de ses mains se termina sur mes épaules. J'entendis alors la voix d'Isolfe, avec une surprise insensée, comment – et là c'est le Remus éveillé qui écrit- comment avais-je pu ne pas pressentir que ce serait elle, moi qui sait quand elle approche de moi avant même de l'avoir vue, que signifiait cet absurde aveuglement ?
J'en suis encore tellement furieux contre ce moi rêvant que je serais prêt à lui flanquer des gifles, lui qui eut la chance de tenir ma splendide dans ses bras ! Elle, par contre, n'avait aucun doute sur qui j'étais, ses doigts lui avaient confirmé ce qu'elle savait déjà. Elle me dit
" Remus, vous voilà enfin, il y a si longtemps que je vous attendais. Cela fait des mois que je marche dans ce couloir, vous savez, depuis que nous nous sommes vus devant la fenêtre. Vous avez cru que nous nous étions croisés, mais en fait non, depuis ce jour, je marche devant vous, Dieu que ce couloir est long. Savez-vous où il mène ? "
Je lui répondis que non. Elle me dit " Peu importe, puisque vous m'avez enfin retrouvée. " Ses mains étaient restées sur moi, les doigts fermement serrés, les extrémités enfoncées avec force dans mes muscles, le majeur entre mes clavicules et la tête des humérus. Puis, comme pour m'expliquer
" Je ne vous laisserai pas vous enfuir, je me suis arrêtée pour vous attendre, nous marcherons du même pas, au même rythme maintenant. " Puis " Je vais lâcher vos épaules, et au moment où je ferai cela, vous mettrez vos mains sur mes seins. "
Elle retira ses mains, d'un joli geste souple du haut du corps, elle se débarrassa de sa cape ; elle était nue jusqu'à la taille. Je fis comme elle me l'avait indiqué, je passai mes bras sous les siens, elle les referma sur les miens, les bloquant contre ses cotes, je sentais son cœur, j'ai retardé un peu le moment où mes mains se poseraient sur ses seins, elles y arrivèrent enfin, ce fut irremplaçable comme une terre promise.
Sous ma caresse, sa tête basculait en arrière, sa nuque s'appuyait au creux de mon épaule, elle respirait plus vite. Je murmurai "Ma splendide " dans le secret de son oreille. Elle me demanda " M'appelez-vous comme cela dans vos rêves aussi ?". Puis elle se retourna dans mes bras, souleva ma chemise, glissa ses mains sur mon torse, où j'avais les miennes, les siennes, je jouis, elle disparut.
Je me réveillai dans le vide sidéral de mon lit, mon sperme répandu comme de la poix refroidie.
Je me suis enfin risqué à quitter mon appartement, il est 7 heures du matin, vu le peu de personnes qui résident à Hogwarts en cette période de vacances, je devrais être tranquille. Peut-être Peeves qui me chantera des obscénités à tue-tête, et il n'est pas impossible que j'y trouve une sorte de délectation blasphématoire…
J'avais été trop optimiste, j'arrivai en bas du grand escalier, quand j'aperçus Albus arrivant en sens opposé. Trop tard pour fuir, nous nous rencontrâmes à mi-chemin, je lui souhaitais un rapide bonjour, et tentais de le contourner. Il fit un pas de côté et vint se placer devant moi.
" Remus, vous n'êtes pas bien " . Je me suis rétracté, indocile, susceptible, j'étais prêt à le bousculer pour m'enfuir. Je l'ai contourné pourtant et me suis éloigné à grands pas. Il m'a rattrapé, lui aussi sait marcher vite.
" Ne pensez-vous pas que je ne puis comprendre ce qui vous agite si intensément. Ne suis-je pas un homme moi aussi, oh certes un vieil homme maintenant, mais croyez-vous donc que vos épreuves sont si exceptionnelles que personne, à part vous, ne les auraient connues ? les mâchoires du désir refermées interminablement sur la chair, je ne vous connaissais pas suffisant, Remus "
Je me suis arrêté abruptement, me suis retourné, vers, non, contre lui,
" Sacrémerlin, Albus, ne peut-on donc jamais être tranquille, ici ! Il n'y a pourtant quasiment plus personne, et il faut quand même qu'il en reste pour s'occuper de vous.
– Et si c'est une qui restait, qu'en diriez-vous ? "
Le ton pourrait être persifleur, mais non, il est exactement attentionné. Ma colère imbécile retombe tout d'un coup, je sens que s'il continue, je vais m'effondrer. Je murmure
" Je vous en prie, n'en rajoutez pas , je … tout ceci est déjà tellement dur, je ne pensais pas que cela serait si dur, sans … elle. Et c'est également impossible avec elle "
Je m'arrêtai, me mordis les lèvres, durement, afin de me faire mal. Quand la douleur devint trop forte, juste avant le sang, je repris
" Vous savez ce qui m'arrive, Albus, n'est-ce pas ? Ce n'est pas seulement un problème de désir qui se meurtrit lui-même dans le vide, c'est plus inextinguible que cela. Finalement c'est que je redoutais depuis longtemps, un redoublement de ma malédiction. Vous comprenez Albus, tout ce que les hommes espèrent : rencontrer la personne qui leur deviendra la plus chère au monde, en tomber amoureux, ne plus pouvoir vivre sans elle, pour moi cela a toujours été une perspective terrifiante, ne débouchant que sur souffrance et désespoir. Je suis interminablement éprouvé, Albus, je me transformerai toujours en monstre une fois par mois, cette imbécile et impassible régularité de la pleine lune, et sur cet arrière-fond terrifiant, voilà que je suis maudit une deuxième fois, … Oh Albus, non, laissez-moi partir, rien ne pourra jamais faire de moi un homme normal. "
Ma douleur était si radicale, elle m'irriguait si totalement, j'ai eu l'impression que je venais d'être mordu à nouveau, et de redécouvrir une fois encore l'horreur de cet acte qui m'enferme sur moi aussi sûrement que dans une prison. J'ai cru que j'allais devoir le frapper, ou aller fracasser le premier objet qui me tomberait sous la main afin que quelque chose de concret se passe, me détournant de moi. Je gardai pourtant, hélas, suffisamment de raison et de maîtrise de moi pour ne pas mettre ce projet à exécution.
Albus me regardait, soucieux, inquiet, compatissant, et pourtant il ne disait rien. Il se contentait de laisser flotter son regard sur moi, en attendant que je m'apaise tout seul. Je sentis qu'il était attentif au tempo de ma respiration. Quand il en fut enfin satisfait, il me fit signe de le suivre, et se dirigea vers la porte massive du grand hall. Il l'ouvrit, nous sortîmes, il me désigna le parc d'un grand geste de la main. Le ciel était d'une couleur unique, d'un gris mat aussi pesant que du plomb, à vrai dire, il faisait à peine jour. Il n'y avait pas de vent, l'air et le lac étaient lisses et figés comme un métal refroidi.
" Croyez-vous qu'il va neiger ? " Je le regardai d'un air à nouveau furieux, qu'avais-je à faire de ses considérations météorologiques ?
" Je pense que oui, et qu'avant ce soir, tout sera devenu blanc, dans le plus grand calme. Remus, je suis sûr que marcher à l'air libre vous fera le plus grand bien, il y a trop longtemps que vous êtes enfermé ici, vous allez sortir, et consacrer votre énergie à faire votre trace dans la neige, plus vous vous y enfoncerez, plus vous vous apaiserez "
Je ne résistai pas à la tentation de me montrer à nouveau sarcastique " Je vois, des méthodes de saint homme, le froid de la neige contre les chaleurs et les pensées troublantes, ou malsaines même, l'épuisant effort physique contre la nature, en place et lieu de mouvements … plus sensuels. M'ordonnerez-vous bientôt la cilice ? Ou dois-je progresser à genoux dans la neige ? "
Je lançai vers le ciel un grand rire amer .
" Remus, cessez de vous faire mal, cilice, dites-vous, je constate d'une part que vous avez une bonne connaissance des méthodes de mortification inventées par les Muggles, et d'autre part que vous vous n'avez aucunement besoin de tous ces accessoires, vos ressassements y suffisent largement. Et vous ne m'avez pas compris, ou du moins vous avez violenté ma pensée, je vous proposais un simple dérivatif, je m'en voudrais d'empiéter sur votre intimité et mon aide ne consiste pas à résoudre vos dilemmes à votre place, et là encore, ne vous froissez pas, je ne persifle pas, je ne vous rend pas vos piques, je comprends votre détresse, mais comprendre est facile, vous aider est plus difficile, même en restant dans le périmètre du possible "
Il observait attentivement ce qui venait de se poser sur sa main.
" Vous voyez, un flocon, il neige " . Nous levâmes tous deux les yeux vers le ciel, sur cette surface qui avait viré au blanc, les flocons arrivaient comme d'innombrables petites saletés. Dumbledore reprit "
je pense que d'ici une heure tout sera blanc, les étudiants vont être ravis. Qui sait, vous pourriez- même vous joindre à eux pour une bataille de boules de neige ! "
Il se mit à rire, enchanté de cette suggestion. Je ne répondis pas, je restai les yeux fixés sur le ciel, vers le sud. Je me demandai s'il neige aussi de l'autre côté de la Manche. Je sentis Dumbledore me toucher rapidement l'épaule et rentrer. Je m'appliquais à respirer lentement ; l'air était devenu soudain aigre et mordant. J'avais froid, je rentrai prendre un gros pull, mon vieux manteau, ma paire de gants.
Quand je ressortis, par une porte latérale, le sol avait blanchi, je redécouvris le plaisir subtil du crissement de la neige sous les pas. Quand je m'arrêtai, le silence était déjà total, la couche était suffisamment épaisse pour confisquer tous les sons… et tous les rêves.
Ma déambulation hasardeuse dura des heures, autour du lac, une ingression dans la forêt interdite, j'entr'aperçus Firenze, et je fis en sorte que nos chemins ne se croisent pas, puis j'en ressortis, car je voulais retrouver l'épaisseur intégrale de la couche de neige hors de l'abri des arbres, et la blancheur jusqu'à l'horizon.
Je marchais dans la campagne, au delà de Hogsmead.
Je m'enfonçais maintenant jusqu'aux genoux, et comme Dumbledore l'avait prédit, progresser requérait toute mon énergie physique, si bien que mon esprit était enfin aussi blanc que les champs autour de moi. A quinze heures , je fis demi-tour, j'atteignis Hogsmead au bout d'une bonne heure et demie, affamé et frigorifié. Je fis une halte à la taverne locale, où les conversations portaient essentiellement sur l'arrivée de la neige, et l'incroyable quantité tombée depuis le matin. Apparemment, le monde Muggle en était tout désorganisé.
Je me remis en route, après m'être restauré, séché, et réchauffé. Je dus me secouer, car la chaleur régnant dans la taverne, ainsi que la fatigue de ma longue marche, m'avaient plongé dans une torpeur indolente. Il faisait nuit maintenant, et il neigeait toujours. Je marchais, minuscule, à la frontière du noir et du blanc, je m'enfonçais dans le blanc et mes jambes me repoussaient vers le noir.
J'atteignis Hogwarts aux environs de 19 heures, s'il y avait eu des batailles de boules de neige, toutes traces en étaient déjà effacées.
Je regagnai ma chambre sans rencontrer personne, je pris une douche, ma nudité enlacée par le ruissellement de l'eau chaude, me replongea dans la frustration douloureuse de mon rêve, sur son abrupte conclusion, qui faisait disparaître Isolfe au moment où mon plaisir s'épanouissait.
Devais-je ressortir dans la nuit et la neige, afin de purger à nouveau ma tête de cet inassouvissement ?
Je n'avais plus faim, et surtout pas envie de prendre le risque de voir qui que ce soit, je me mis à mon bureau et repris mon journal.
Journal d'Isolfe, 1 ier janvier, en France
J'ai à nouveau rêvé de Remus, très tôt ce matin, je m'étais couchée aux alentours de quatre heures, je me suis endormie instantanément, comme si il fallait que le plus vite possible je rejoigne le rêve qui m'attendait. Mon premier rêve de l'année.
Cela fut très bref, un songe allant tout de suite à l'essentiel ? On dit que le vrai message est dans les éléments qui apparaissent au second plan, or là, il n'y avait qu'un unique niveau.
Remus assis habillé sur une plage de sable (Hauteville peut-être ?), regardant ailleurs, moi allongée, sur le dos, habillée également. Mon dos est douloureux, j'ai l'impression que des choses pointues s'immiscent entre chacune de mes vertèbres, m'obligeant à changer de position afin de le soulager. Je replie mes jambes, pieds à plat sur le sol, mes genoux remontent. Remus, les yeux toujours perdus, fait glisser une main vers ma jambe gauche, paume posée sur le drap, j'entends ma voix, absurdement larmoyante, j'en ai honte, encore, lui demander s'il a vu les triangles formés par nos bras et nos jambes, mais lui reste silencieux, comme s'il n'avait rien entendu. Je répète ma question, cette fois-ci je hurle. Il me regarde enfin, d'un air sévère et maussade, il m'ordonne de me taire, sa voix a beau n'être qu'un murmure – ses lèvres se sont à peine ouvertes, je l'entend très distinctement, je me rends compte alors que mon hurlement a dû être assourdissant.
Je reviens encore à la charge, j'ai l'impression d'avoir découvert une des lois de l'univers. Je lui explique, en même temps que ma main suit le tracé des triangles. Le premier est formé par le sable, le torse et le bras allongé de Remus, le deuxième par la plage, ma cuisse et ma jambe gauche, les sommets sont situés l'un au creux de son aisselle, l'autre à la pointe de mon genou. Il reste silencieux un long moment, je pense qu'il n'a toujours pas vu, je me mets à trembler de frustration, mon triangle vacille, je suis éperdue, je me dis que la marée montante va me noyer avant qu'il n'ait compris, Remus alors attire ma jambe vers lui, ma jambe contre ses côtes, mon genou dans son aisselle, son bras reposant de toute sa longueur sur ma cuisse, la paume de sa main sur l'os de ma hanche. Il me dit "Vous avez vu, il n'y a plus qu'un seul triangle maintenant". Les premières vagues arrivent sur nous, le rêve prend fin.
A mon réveil, je m'interroge sur la symbolique du triangle, je vais d'ailleurs vérifier dans un vieux bouquin qui appartient à la bibliothèque familiale depuis des lustres, et dont, petite fille, je m'étais toujours tenue soigneusement écartée, à cause de sa couverture noire, dont mon frère m'avait dit un jour qu'elle pourrait bien être une porte de l'enfer. " Les formes et leur symbole, un essai d'anagogie". Donc triangle perfection, unité, harmonie. Deux triangles qui se fondent en un seul.
…
Mais aussi des pointes vives, acérées comme des dents menaçantes.
Pourquoi a-je subitement écrit cela, était-ce cela qui me rentrait dans le dos ? des dents ?
