Fée Flea(u) Snape qui va rapporter ? non, sur ce point, je ne veux pas charger encore sa barque, sous peine de la voir couler à pic -)
Je crois qu'il est venu soulager sa conscience auprès de son employeur, l'homme qui lui fait confiance, même démarche que Lupin ! Donc, il se sentait coupable - là, il possède un souffle d'humanité, non ?
Remus un peu niais … je dirais que non, parce que le phénomème " redoublé " auquel il se trouve confronté (sang + sang menstruel) catalyse en quelque sorte ses deux obsessions majeures - suite de l'épisode le 13 février ! Mais c'est vrai qu'il est long à décoincer !
L'horloge biologique … elle est réglée (!) sur 28 jours (enfin, en théorie), comme les phases de la lune et les transformations des loups-garous… Je vous reparlerai de ces 28 jours là.
Pour la rubrique botanico- léonine : les gueules de loup, damned j'avais oublié, mais pour moi c'était les mufliers !
Et quant à Dumbledore et ses silences, là, c'est moi qui le manipule (enfin je pousse l'arbre du côté qu'il penche) - faudrait pas qu'il me fiche à l'eau mon semblant d'intrigue en ayant la langue trop bien pendue !
Fenice – promis, j'essaie !
Enjoy it !
Journal d'Isolfe, 6 février
Au dernier moment, j'ai été obligée de retarder mes " journées parisiennes " d'un jour, Paul avait dû décaler son propre planning, pour des raisons qu'il m'est facile de deviner : une visite inopinée de Lysander Laarelson, directeur de cabinet auprès du ministre de la magie de la Grande Zone Baltique.
Et comme, d'après ce que m'a gloussé Honor dans le creux de l'oreille lors de notre dernière rencontre, il se verrait bien partir là-bas en qualité de détaché plénipotentiaire, et pouvoir ainsi inscrire sur sa carte de visite le prestigieux " MdHZO " (1), j'imagine qu'il a vu dans cette visite une merveilleuse occasion d'avancer ses pions, avec ce culot éhonté qui m'a toujours estomaquée….
De mon côté, il a fallu que je procède à quelques arrangements, pour récupérer mes étudiants aujourd'hui et les laisser à disposition de mes collègues le 9. J'avais pensé que la partie serait rude avec Severus, et que j'aurais droit à force récriminations de sa part, et à un sermon en règle sur l'imprévisibilité économique, mais il a été fort charmant, après s'être, il est vrai, montré fort curieux sur les raisons de mon changement de planning.
Je lui en ai dit le moins possible, tout en lui laissant entendre que si cela devait se reproduire, j'annulerai purement et simplement mon déplacement. Il a eu l'air extrêmement intéressé par cette décision – pourtant, moi qui pensais qu'il se livrait à un travail de démolition de ma discipline en mon absence… Non, j'arrête, je suis en train de virer aussi parano qu'eux tous. Mais quel intérêt pouvait-il bien voir à l'éventualité que je sévisse trois jours de plus à Hogwarts ?
Quant à Remus Lupin, il n'était pas là, sorti pour une séance de travaux pratiques avec les cinquièmes années.
Néanmoins, je l'ai vu en fin d'après midi, juste avant mon départ. Et la perspective de devoir mettre des mots sur cette rencontre est tellement embarrassante que je suis à deux doigts de renoncer. Mais ce serait aller à l'encontre de la règle que je me suis fixée.
Donc –
Je sortais de chez moi, mon sac de voyage sur l'épaule, j'arrivai au niveau de sa porte au moment précis où il l'ouvrait. Je lui souhaitais le bonsoir, je m'attendais à ce qu'il ait l'air surpris de me voir, mais si surprise il y avait, elle était engloutie sous une expression de peur panique qui plaquait la peau de son visage sur ses os, et lui retroussait légèrement les lèvres, faisant voir le bas de ses dents.
Il m'a regardé avec des yeux à la fois affolés et féroces, à tel point que je me suis demandée si une des créatures qu'il aurait été amené à " manier " dans l'exercice de ses fonctions ne s'était pas emparée de lui.
Serait-ce donc cela la zone d'ombre ? Un homme dépassé par ses dangereux savoirs, pour l'obtention desquels il aurait passé un pacte insensé et se trouverait maintenant hanté par un monstre ? Et il continuait à me fixer sans ciller, comme si cette autre chose avait capturé sa volonté et était en train de se rapprocher de moi en me regardant et voulait m'aspirer.
Il semblait incapable d'articuler le moindre mot ; il tremblait par saccades qui lui parcouraient le corps, comme elles se seraient succédées sur l'échine d'un animal.
J'ai fait un pas en arrière, puis deux, prudemment, glissant plus que marchant, exactement comme si je m'était trouvée en présence d'un fou qu'il ne fallait surtout pas brusquer. Ce déplacement lui a, semble-t-il, fait retrouver toute sa raison, ses yeux se sont vidés de toute nocivité , puis il a passé ses mains sur son visage, comme s'il voulait effacer toute trace de ce qui venait de lui arriver, et il m'a dit :
" Pardonnez-moi, je … je suis malade, une sale grippe qui commence j'imagine, je crois que j'ai de la fièvre … je … bonsoir ". Il rentra dans sa chambre, alors qu'il s'apprêtait pourtant à en sortir, puisqu'il portait un manteau ; la porte claqua entre nous avec un bruit criard et désespéré.
Mon cœur m'assenait de grands coups douloureux et mes jambes tremblaient – ses paroles et la manière plausible dont il avait justifié son état n'arrivaient pas à me faire oublier la vision que j'avais eu de lui, quelques minutes auparavant, la façon dont ses lèvres découvraient ses dents et son air de possédé. Ou plutôt de dépossédé de son lui habituel.
Si j'avais pu dominer mon malaise, j'aurais couru jusqu'au grand hall où Hagrid m'attendait sans impatience. Il m'a dit que j'étais toute blanche, et il a bien dû constater que je marchais moins vite que d'habitude. Je me suis arrangée pour le faire parler le plus possible afin que rien de la scène qui venait de se dérouler ne puisse venir se glisser au milieu de ce flot de paroles.
(1) Mitglied des Hanseatischen ZauberkunstsOrdens– Membre de la Ligue Magique Hanséatique
Journal d'Isolfe, 7 février, Paris
Dès que je l'ai pu, j'ai fait un saut à la BLCM (2) où j'ai réussi à voir Ambroise Delaloy. Il ne m'a pas été difficile de le brancher sur son sujet favori : le knowledge management – le recensement de toutes les nouvelles études consacrées aux forces du mal et, comme il se plaît à le souligner officieusement, la lutte contre l'atonie scientifique qui semble paralyser le domaine et qui veut que le sujet ait été définitivement épuisé par le monumental ouvrage de Lagardson et Michardowsky de 1958.
Grâce au réseau de correspondants qu'il entretient dans tous les pays du monde, il a constitué une base de données extrêmement riche et il continue à l'alimenter en permanence. Il m'a montré les contributions qu'il avait reçues récemment, l'une notamment dont il était superbement fier – le compte-rendu d'expériences in vivo sur des siramandres des cheminées magiques.
Un moment, il a dû répondre à la question d' un collègue qui avait passé une tête dans la cheminée ; en attendant, j'ai continué à feuilleter ses dossiers et je suis tombée sur une entrée qui m'a glacé le cœur : elle était datée d'il y a à peu près trois ans et s'intitulait…. Crypto-envoûtements : panorama des techniques de protection. Et elle était signée Remus J. Lupin. Et le sujet, et l'auteur, me renvoyaient à la pénible scène d'hier, m'obligeant une fois de plus à me demander si Remus n'était pas gouverné par une créature maléfique.
Je poussai un cri de frayeur quand Ambroise se pencha par dessus mon épaule pour voir ce que j'étais en train de lire.
" Eh bien, eh bien, Isolfe, c'est moi qui vous fait peur ou ce que vous êtes en train de lire ? "
Je décidai de saisir la perche qu'il me tendait, il vouait une passion tellement candide à son sujet, qu'il ne s'imaginerait pas que je puisse avoir une autre idée derrière la tête ; pour lui, mes questions ne pouvaient qu'être déclenchée par une curiosité strictement scientifique.
" Je dois dire que ces crypto-envoûtements font vraiment froid dans le dos… Croyez-vous qu'un spécialiste es-FDM pourrait lui même se faire hm contaminer à l'occasion d'une étude hm poussée qu'il aurait menée sur le sujet ?
– Vous voulez dire une expérience qui aurait mal tourné ? Non, non, à moins que le bonhomme soit vraiment d'une nullité absolue, mais si les spécialistes ne savaient pas eux-mêmes comment résister aha il y a longtemps qu'ils auraient tous disparus ! et ma base serait bien vide. De toute façon, dans ce cas précis, l'auteur connaît trop bien son sujet pour se faire avoir… qui nous a écrit cela d'ailleurs ?
Voyons voir, ah Lupin, Remus. Oh, mais dites-moi, n'est-ce pas un de vos collègues d'Hogwarts ? "
Je me dépêchai d'acquiescer, tout en me sentant rougir.
" Quelle coïncidence ! c'est une remarquable contribution, qui dénote une connaissance très profonde du sujet. Il n'y a aucun risque qu'un esprit aussi brillant et aussi intègre ne se fasse subvertir. Tenez, j'avais récupéré autre chose de lui, par des voies un peu détournées, il faut bien dire, mais ma base manquait cruellement de ressources alors, c'était il y a deux ou trois ans, un compte-rendu d'études, très précis, très intelligent, très novateur. Voyons, qu'est-ce que c'était donc ? Agaçant, la mémoire qui fiche le camp. Je vais devoir recourir à cette bonne vieille magie " .
Il sortit d'un tiroir le queryteur qui allait lui permettre de retrouver son document, en s'exclamant " Ask Find : il cherche, vous trouvez ! " Je réprimais une forte envie de rire devant son imitation des intonations publicitaires et je le vis écrire dans la zone auteur le nom de Lupin, Remus et indiquer deux années dans la zone date. Quelques secondes s'écoulèrent et je pus lire
" Etude comportementale des loups-garous : l'exemple roumain. A46Z8. Complétée par Etude sur la dissémination des loups-garous en Europe de l'est. A47Z8. Transmis par le professeur Lilian Czerny, sans doute sans le consentement de l'auteur – DIFFUSION ANONYME UNIQUEMENT "
Et que signifie le point rouge qui étincelle tout en bas ?
– Haha, c'est un petit truc dont je suis assez fier, je l'ai mis au point et le réserve à mes contributeurs les plus doués ! C'est comme un pense-bête, voyez-vous, certains me tiennent eux-mêmes au courant de leurs travaux, ou de leurs découvertes, ou expériences, tandis que d'autres n'y songent pas spontanément. Donc, je me rappelle régulièrement à leur bon souvenir, et le petit clignotant me signifie qu'il est temps que j'envoie un mot au professeur Lupin …. Mais peut-être que vous pourriez me servir d'ambassadrice et lui en toucher un mot en direct, quand vous le verrez …vous ne mentionnerez que les crypto-envoûtements, par contre ! J'imagine que vous vous entendez bien avec lui ? "
A nouveau, je dus rougir un peu, mais Ambroise était affairé à ranger le queryteur dans son tiroir, il ne remarqua rien de mon trouble et je me dispensai de répondre à sa question.
" Mais bien volontiers, si cela peut vous rendre service. "
Et j'enchaînai prudemment sur un autre sujet.
" Vous savez quoi, Ambroise, vous devriez les faire se rencontrer tous ces gens, je suis certaine qu'ils auraient beaucoup à partager !
Mais vous savez que j'y ai songé, et je me demande même si le meilleur moyen ne serait pas de vendre l'idée à Paul Lebrant …
et de lui en laisser la paternité !
– Oh ça, je le ferais bien volontiers, les relations publiques, qui sont aussi nécessaires à notre ami Paul que l'oxygène qu'il respire, sont pour moi une véritable corvée chronophage ! "
Je réussis à quitter Ambroise, prétextant un quelconque rendez-vous. Je décidai de lui faire confiance et décrétai que j'étais pleinement rassurée par ce qu'il m'avait dit concernant l'impossibilité qu'une créature noire ne possédât jamais un homme dont elle était l'objet d'étude.
J'avais réagi de façon indûment exacerbée hier soir - comme souvent les obscures angoisses de la fin de journée recédaient docilement devant la clarté du jour. Il faisait un soleil magnifique sur Paris.
Je rédigeai un rapide billet destiné à Remus et allai le porter à Pascal, le secrétaire de service, afin qu'il le fasse partir par la liaison rapide transmanche.
(2) Brigade de Lutte contre les Créatures du Mal
Journal de Remus, 7 février
Une chouette rapide est arrivée pendant le dîner ; elle portait une lettre à mon attention. Evidemment, son irruption dans la grande salle n'est pas passée inaperçue – tous, et moi le tout premier, ont d'abord pensé qu'elle apportait un message urgent pour Albus, et pourtant c'est près de moi qu'elle est venue se poser.
Et bien sûr tous les professeurs ont constaté, sans doute avant moi, que mon oiseau portait la marque du ministère français de la magie. Comme ont dû constater ceux qui n'avaient pas eu la politesse de détourner les yeux – Sybille, Severus, Hagrid – que mes mains tremblaient légèrement et que je dus m'y reprendre en deux fois afin de dégager le billet.
Je tremblais parce que j'avais peur qu'Isolfe ait compris ce qui m'habitait il y avait deux jours et qu'elle me le signifie par lettre et m'apprenne en exclusivité qu'elle envoyait sa démission à Hogwarts. Mais la réalité était plus anodine … et plus douce.
J'espère que votre grippe va mal … et vous bien !
J'ai rencontré Ambroise Delaloy qui attend avec impatience la suite de vos travaux sur les crypto-envoûtements…
Kindly yours
Isolfe
Il me fallut quelques secondes pour associer le nom d'Ambroise Delaloy à quoi que ce soit, puis je me rappelai que c'était un fonctionnaire franco-magique à l'origine d'un projet international de base de connaissances sur les forces du mal. Il devait donc avoir été recruté par le ministre parisien ?
C'est Lilian Czerny qui m'avait parlé de lui et qui m'avait incité à lui faire parvenir mon travail sur les crypto-envoûtements. Malgré l'insistance de Czerny, j'avais par contre absolument refusé de transmettre mon étude sur les loups-garous de Roumanie, que j'avais rédigée pour lui et sans doute pour moi aussi, dans une dérisoire tentative d'objectiver ce dont je souffrais, et je ne voulais pas que mon nom soit plus ou moins publiquement associé à un objet d'étude si brûlant et si révélateur. Et pourtant c'est sans doute à l'heure actuelle ce que j'ai écrit de meilleur dans ma vie. Excepté certaines pages consacrées à Isolfe ( et à moi donc… ) dans ce journal ….
Quoi qu'il en soit, j'étais soulagé de ne pas avoir divulgué cette étude, en fait non, il y en avait même deux, je n'aurais pas aimé que Delaloy en parlât à Isolfe. Il y a déjà, terrible, un loup entre elle et moi, point n'est besoin d'en rajouter d'autres qui pourraient la mettre sur la piste du premier.
Je souriais en rangeant le billet dans ma poche et en libérant la chouette, après lui avoir doucement caressé la tête.
Journal de Remus, 10 février
Isolfe et moi … et les autres, avons parlé de musique au petit déjeuner.
J'étais magnifiquement heureux de constater que je ne m'étais pas mépris sur le sens de son billet et qu'elle semblait avoir oublié cette sinistre rencontre du 6 février, où il ne s'en était fallu d'une heure qu'elle ne se trouve face à face avec mon loup. L'idée du terrible danger que nous avions couru tous les deux, elle et moi, m'avait dévoré la tête jusqu'à ce que celle-ci se transforme en crâne de loup, m'entraînant dans une terrifiante chute vers une angoisse sans fin.
Et mon loup enrageait-il de l'avoir manqué de si peu ? Toujours est-il qu'il s'est vengé sur lui – sur moi. Je suis revenu à l'état humain avec une seule morsure mais profonde, sale, affreuse. Elle saignait encore spasmodiquement ; je me suis résolu, pour une fois, à aller voir Poppy qui m'a prodigué des soins attentifs et désolés.
Et pendant qu'elle me soignait, je fermais les yeux et imaginais les mains d'Isolfe sur moi, sur la morsure et bien au-delà. C'est ainsi que la pensée d'Isolfe m'a redonné à moi-même.
Je reviens à notre intermède musical…
Je ne sais plus comment nous en étions arrivé là, si, en fait, je crois me souvenir qu'Albus avait parlé avec enthousiasme d'un concert au Barbican Center, Andreas Scholl dans un programme " English folksongs lute songs " (j'entendis Isolfe émettre un sifflement admirateur) ; il s'était habillé en " muggle tweedé pour l'occasion " (je cite), Severus lui avait enchaîné sur ses préférences musicales, c'est la première fois que je l'entendais s'exprimer à ce sujet, il a l'air d'en tenir pour Verdi et Wagner…
Je n'avais pas résisté au plaisir de constater à voix haute, m'orientant juste un peu dans sa direction, que le monde muggle possédait décidément des charmes auxquels il était bien difficile de résister ; Isolfe m'avait alors tiré par la manche, riant sous coupe, elle m'avait dit, en se penchant vers moi, et je l'aurais serrée dans mes bras pour me faire cadeau d'une telle légèreté après ce qui s'était passé :
" Décidément, tout pour plaire, ce cher Severus. Vous croyez qu'il s'imagine en Siegfried, les serments, le sang de dragon et tout le bataclan !" J'étais rempli de reconnaissance pour ce ton gouailleur qu'elle m'offrait, en signe d'oubli, je lui avais demandé si elle en avait jamais écouté.
" Quelle idée, bien sûr que non, mais c'est l'avantage de Wagner, pas besoin de connaître pour ne pas aimer !
– Et bien, je croyais que vous cultiviez l'honnêteté intellectuelle ! lui avais-je rétorqué.
Elle m'avait regardé d'un air faussement coupable :
" Vous avez raison, merci de me remettre dans le droit chemin, mais moi je donnerais bien tout Wagner pour un seul morceau de … – je lui avais coupé la parole, sûr de moi … de Bach !
– Excellent, vous connaissez bien mes marottes !
- Mais pas encore au point de pouvoir vous dire celui que vous choisiriez ?
Elle avait plissé les sourcils, se concentrant sur ce délicat problème. Puis :
" Tenez, j'ai trouvé : une partita, la numéro 1, pour violon solo, celle qui crée un couple magique, entre l'instrument soliste et celui qui l'écoute, un cercle de perfection, une étreinte céleste. "
Sa voix avait abandonné la drôlerie pour le registre un registre plus troublé – celui des réservés qui se lancent à l'eau et se décident enfin à parler d'eux. Et ces mots secrets, je les recevais comme un coup à cœur ouvert.
Couple, étreinte.
Les emploie-t-elle dans un autre contexte, ou ne font- ils pour elle que s'appliquer à des sensations intellectuelles, est-ce aussi une femme de chair ?
En bref, la question qui me taraude : son cœur palpite-il autant que son esprit ? Y a-t-il quelqu'un qui a pris la succession de Hemans et dont je devrais être jaloux ? qui l'attend ailleurs lorsqu'elle quitte Hogwarts tous les mois, me laissant seul pour affronter la pleine lune ?
L'épisode d'il y a quelques jours a déclenché une gamberge chez moi, j'en viens à me demander si sa présence ici, proche de moi, modifierait mes sensations et mon comportement lors de mes transformations …
L'épreuve serait peut-être plus sereine, je retrouverai un peu du réseau d'amitié que nous formions à quatre, mais où la proximité physique, animale de mes compagnons d'alors serait remplacée par une présence tenue et vigilante…
Si elle était sur place, au moment de la pleine lune, alors elle pourrait peut-être découvrir la malédiction dont je souffre, et j'ai envie de penser qu'elle ne se détournerait pas de moi, que l'intégrité qui l'anime et transparaît dans ses rapports avec les étudiants et les professeurs (moi y compris) prendrait le pas sur la réaction instinctive à laquelle je me suis si souvent heurtée et que, m'appréciant comme ami, elle ne me rejetterait pas comme monstre.
Pourtant, non, non et non, il faut mieux qu'elle soit éloignée de moi à ces moments là, les épouvantards ont-ils pris la mesure de ma nouvelle peur : commettre une action irréparable sur la personne qui m'est devenue la plus chère au monde ?
Oui, si je me réfère à ce qui m'est arrivé il y a un mois, et qui m'a rendu tellement malade de moi que je n'en ai rien noté dans mon journal – un élève qui n'arrive plus à maîtriser son épouvantard, le professeur s'interpose et découvre que la lune ronde, si habituelle, si conventionnelle, si peu menaçante finalement, a laissé place à une autre scène, plus animée :une mâchoire de loup s'activant sur un cadavre miniature tandis qu'une femme hurle.
En bon professionnel, il réussit à se contrôler suffisamment pour que la scène ne soit pas trop nette, il suppose que ses élèves n'ont rien vu rien entendu de déchiffrable. Il ne sait pas trop comment l'épouvantard a disparu, car à ce jour, il n'a toujours pas trouvé comment transformer cette horreur en drôlerie – il travaille sans filet…
…
Mais cette amitié, celle que Dumbledore me demande de cultiver, n'est-elle pas dès le départ condamnée, elle ne sera jamais complète, puisqu'il lui manquera toujours la connaissance exhaustive de ce que je suis vraiment, et je suis le premier à souhaite qu'il en soit toujours ainsi ! Il m'a dit un jour, lorsque j'avais pris congé de lui, une fois mon diplôme en poche, que je devais arrêter d'être mon propre bourreau, et essayer de cultiver une relation plus apaisée avec moi même, et avec les autres. Evidemment il a raison, mais comme cette sérénité-là est difficile à atteindre ! La solution consiste-t-elle à accepter de vivre deux vies étroitement compartimentées, saurai-je me contrôler suffisamment afin d'interdire à ma partie humaine de penser à l'animal ? Mais en fermant ainsi le champ de ma pensée, ne deviendrai-je pas alors moins qu'humain ?
…
Je sens un halo autour d'elle, un champ d'attractivité subtile à laquelle j'ai cessé de vouloir résister ; je me languis de cette zone de protection, de cette atmosphère qui m'est réservée et à l'intérieur de laquelle je cesse - un peu - de souffrir de mon passé. Je suis devenu hypersensible à Isolfe, je pressens le moment précis où elle va arriver, et cette sensation est à la fois joyeuse et douloureuse – ne pourrais-je jamais lui ouvrir les bras ?
