Alixe
Isolfe, une fille facile ? Hm hm je me suis creusée la tête toute la semaine sur le sujet ! et ce matin, réfléchissant toujours à ce que j'allais répondre, j'ai failli vider la poubelle de la salle de bains dans le lave-linge…
J'ai l'impression qu'Isolfe t'a choquée, non ?
Et bien oui, elle a été tentée, un bref instant… son cerveau reptilien ? Facile, si le désir état aussi malléable que l'intellect … j'ordonne et il obéit …. Mais je ne suis pas certaine qu'elle serait allée jusqu'au bout de ce désir là, même si l'autre s'y était bien pris.
"une telle perversité m'éloigne de moi… je suis terrorisée "
Et qui appelle-t-elle à la fin ?
Clin d'œil pour finir – qui dirait que Severus et Remus sont des " gars faciles " ? d'ailleurs l'expression déclinée au masculin ne veut pas du tout dire la même chose …
Meutre mystérieux, alors là, je suis impardonnable, puisque c'est un des mes préférés, notamment la scène de la bande magnétique que Woody dévide en foutant en l'air !
Léna
Le souffle de Snape – je ne sais vraiment pas ce qui lui a pris ! Et à mon avis, lui non plus…ou alors j'avais envie de lui faire faire un geste qui, pour une fois, le dépasse…Il doit bien y avoir quelque part en lui un endroit non dénaturé, intact.
(très mauvaise idée la fenêtre pour se soigner … :-) )
Fée
Avec toi, une autre lecture de la scène, le désir et l'envie version " for Remus' s eyes only ! "
Je te connais pas la rue Kétanou, mais je suis allée voir leur site et les paroles de certaines chansons, et j'ai beaucoup aimé Elle s'est jetée au ciel…
Fenice
L'est où ton test ? j'en ai trouvé un, mais les questions sont tellement transparentes (style vous préférez les lions ou les serpents ? ) que j'ai trouvé impossible de le faire en toute honnêteté !
Thématiques diverses aujourd'hui, encore que Neville et Sprout d'un côté et le " Règne végétal " de l'autre …
Bonne lecture !
Journal d'Isolfe, 20 février
Je rentrais des serres de Marigold, elle souhaitait me montrer une variété hybride de lapageria qu'elle a réussi à mettre au point, avec l'aide de ses cinquièmes années. Elle était également revenue sur son idée de créer un club d 'herbologie, qui permettrait aux étudiants qui le souhaitent de travailler la matière plus à fond ; et c'est évidemment surtout à Neville Longbottom qu'elle pensait… Elle compatit profondément à la douloureuse situation du garçon, comme je le fais moi-même, et c'est d'ailleurs cette compassion commune qui a marqué les débuts de notre amitié.
Lorsque j'ai eu le garçon en cours, en début d'année, j'ai vu, à trois reprises, son regard disparaître tout d'un coup, comme si l'horreur venait de le rattraper une fois de plus. La première fois, je n'ai su que faire, sauf à ralentir le tempo du cours, une parade bien dérisoire. Les deux autres fois, je me suis approchée de lui, et suis restée devant sa table … pour quoi ? faire écran, le ramener à la réalité ? Je me sentais terriblement démunie… Il y a des gestes que je ne sais pas faire ou que je n'ose pas ? mais qui saurait ici ? Même Marigold….
Je sais également qu'elle considère l'affectation de Neville à Gryffondor, comme une aberration, et qu'elle préférerait mille fois l'avoir dans sa propre maison.
Mais elle redoute un peu d'empiéter sur le territoire ou les prérogatives de Minerva en prenant trop ouvertement le garçon sous sa protection.
Tout en me guidant à travers la petite serre d'expérimentation, jusqu'à l'endroit, convenablement exposé au sud, où elle conserve les plus fragiles de ses productions végétales, comme dans une sorte de couveuse, elle me demanda ce que je pense de Longottom. Je commençai volontiers à lui livrer le résultat de mes " réflexions " sur le sujet.
" Arrêtez-moi si vous pensez que je fais fausse route, après tout vous le connaissez bien mieux que moi, je ne l'ai eu en cours que pendant quelques heures, j'ai vu qu'il n'était pas mauvais du tout en histoire…
- C'est justement que je souhaiterais un avis plus extérieur, plus à froid en quelque sorte, Minerva et Albus me reprochent de monter immédiatement sur mes grandes licornes quand j'essaie de leur parler de lui, mais ils refusent absolument d'admettre que quelque chose ne tourne pas rond avec le garçon, vous savez qu'une fois Minerva a eu le culot de me répondre que j'avais une tendance certaine à m'étendre au delà du périmètre de mes compétences aussi vite que du dragondent !
Je vous demande un peu – heureusement que je suis là pour le réconforter, parce que s'il fallait compter sur elle pour consoler les malheureux … autant essayer de jouer au quidditch avec des balais O' Cedar ! "
J'essayai d'interrompre ces débordements en lui faisant remarquer que Minerva ne manquait ni d'humanité, ni de cœur.
" Bien sûr, bien sûr " me répondit-elle, un peu à contrecoeur, en brossant de jeunes plants de pyrola à étincelles avec plus d'énergie que l'opération n'en demandait. Si ceux-ci avaient étaient un peu plus avancés dans leur floraison, elle aurait déclenché un feu d'artifice visible depuis le château !
Je me risquai alors à lui faire part de mes propres préoccupations concernant Neville.
" Je pense que quelqu'un doit lui dire et lui faire comprendre qu'il ne doit pas se sentir coupable de ce qui est arrivé à ses parents, parce que je suis persuadée qu'il doit s'imaginer qu'il y est pour quelque chose, il faut qu'il comprenne qu'il doit les laisser dans leur folie, pour le moment, ils ne peuvent plus l'aider, et lui, personne ne peut le charger de ce fardeau-là…
… au contraire même, leur présence, qui est d'ailleurs plutôt une absence, l' empêche de vivre pleinement, il faut qu'il les laisse derrière lui, et pas simplement symboliquement, mais aussi réellement. On doit pouvoir l'aider, notamment en ne le forçant plus à passer toutes ses vacances avec sa grand-mère, qui n'a de cesse que de le traîner à Sainte Mangouste. "
Je m'arrêtai brusquement, me rendant compte que je m'étais un peu laissée emporter sur le sujet, consciente d'avoir peut-être simplifié les données du problème de Neville, et attendant sa réaction.
" Isolfe, vous savez que je vous rejoins sur tout ce que vous venez de dire, il faut que sa grand mère le lâche deux minutes, j'ai l'impression qu'elle cherche à l'entraîner dans sa propre mauvaise conscience ; bien sûr elle doit se reprocher de ne pas su empêcher sa fille de courir de tels risques, mais elle, elle … aussi cruel à dire que ce soit, elle n'a plus sa vie entière à construire, comme son petit-fils.
Il doit s'obliger à se détacher d'eux, s'en affranchir, et personne ne peut le faire à sa place. Mais il faut que quelqu'un l'aide ! "
Elle replaça un peu trop brutalement une poterie vide à l'extrémité d'une étagère, faisant basculer le tout. Dieu merci, j'eus le temps de lancer un pierésta ! pour éviter la catastrophe, un sort que m'a appris la mère de Sacha, je me souviens qu'elle m'avait dit, en me souriant, comme si j'étais sa propre fille et qu'elle me transmettait une recette de famille
" Vous verrez un jour, Zolfa Loudivkovna, comme ce sort est utile dans une maison remplie d'enfants maladroits. "
Macha Féofanovna, savez-vous combien les enfants ayant grandi restent maladroits..? …
" En tout, je constate que ne suis pas la seule à penser comme cela, dès demain, je vais voir le Dumbie, il sera de retour de son fichu Wizenmagot et on s'expliquera entre quatre yeux. Et s'il s'avise de se défiler et de me faire le coup du " Neville Longbottom, ne serait-ce pas du ressort de Minerva ? " mille milliards de mille racines, il va voir de quel sort j'allume mon feu ! "
Sacrémerlin, comme ces histoires de rivalité entre maison sont stupides, et comme je regrette, parfois, l'égalitarisme républicain qui prévalait à Hauteville.
Subitement calmée, ou rassénérée par son plan d'action, elle me demanda si je connaissais certaines espèces exotiques, " hors programme " et qui pourraient faire l'objet d'études par ce futur club. Je lui promis de lui dénicher un "scoop exotico-herbologique". Enfin nous convînmes de nous retrouver à la piscine ce soir, à 19 heures. Elle passera la consigne à Minerva, en lui rappelant que cette fois-ci c'est à moi de choisir le décor dans lequel nous nagerons, et la température de l'eau ! La dernière séance avait été effectuée dans un décor de fjord norvégien, avec une eau à 13 ° C maxi (le cryo-amaigrissement cher à Minerva…). J'en étais ressortie bleue de froid, Marigold, comme d'habitude, m'avait frictionnée vigoureusement, mais moi, j'avais pensé à d'autres mains que les siennes.
Quand je la quittai, elle me prit par les deux épaules, pour une étreinte énergique, en me disant de prendre garde à la tempête qui soufflait depuis ce matin sans avoir encore épuisé sa force.
En effet les nuages circulaient à toute allure dans le ciel, comme s'ils se donnaient la chasse les uns les autres, je pouvais voir au loin le lac qui s'agitait dans toute cette grisaille, comme une potion plombifère prête à déborder de son chaudron.
Je fis les derniers mètres en courant, décoiffée par le vent, pressée d'aller me mettre au chaud (pour la séance de piscine de ce soir, ce sera les eaux tièdes de l'Adriatique…). Emportée par mon élan, je laissai la porte se refermer bruyamment.
Mon Dieu, si Filch a entendu, pensai-je, et soudain Remus était devant moi.
" Je vous ai vue arriver, j'ai eu peur que vous ne vous envoliez. "
Je m'apprêtai à répondre que, sans balai, cela eût constitué un rare phénomène à Hogwarts et que je me serais vue intégrer d'office à une des équipes de quidditch – à mon grand désespoir - , quand il me demanda :
" Si j'étais à votre place, que verrai-je à travers les cheveux fous qui jouent souvent devant vos yeux? aujourd'hui tout particulièrement ? "
Je ne m'attendais pas à une question si empathique , qui disait son envie de ressentir à ma place.
Je pensai : ma réponse doit être aussi spontanée et intègre que la question est belle, précieuse ( et je me risque à écrire, et ceci seulement dans l'intimité de ce journal, je ne ferai pas de commentaire une fois le mot posé sur le papier :" et amoureuse ").
" Vous verriez vos yeux doux. "
J'ai senti le sourire venir, sur mon visage et sur le sien, j'ai vu combien ce que je venais de dire était juste, et combien ses yeux étaient doux, insondablement doux. C'est un regard qui vient de l'autre côté de sa zone d'ombre, un regard primal.
Et puis, le moment était passé et je me retrouvais à analyser froidement la situation, constater combien il venait de s'exposer, et en même temps, et là, plus question de contrôle sur moi, je me sentais vaciller, au bord de cette eau noire, et je savais aussi qu'il était en train de s'en rendre compte, parce que ses yeux avaient pris une teinte d'interrogation douloureuse, et aussi - prédictiblement - d'avertissement.
Je ne me trompe donc pas en pensant qu'il abrite un secret menaçant dont il veut me protéger. Ce qui explique l'ambivalence de son attitude envers moi.
Comment ne pas voir la façon attentive dont il me cherche des yeux le matin, dont il me quitte des yeux le soir, comment ne pas pouvoir qu'il s'illumine subtilement en ma présence ?
Que dois-je faire ce de pouvoir qu'il m' a donné sur lui ?
Et en même temps il semble toujours être sur le bord d'une sorte de panique douloureuse …comme s'il ne se sentait pas libre de progresser normalement dans notre relation ?
Alors, Remus Janus ? Tant qu'il ne m'aura pas dévoilé son secret, je choisis l'expectative. (Ce qui veut dire Isolfe que tu l'attendrais ? retenue par la douceur de ses yeux insondablement doux ?)
Il s'en alla, en emportant ma réponse comme un cadeau…
Je restai quelques secondes à m'interroger encore ; au moment où je me disais que j'avais rarement vu le grand hall aussi désert à cette heure de l'après-midi, Draco Malfoy et ses deux chiens de garde arrivèrent, en ricanant comme à leur habitude.
A l'ordinaire stupidité des garçons de leur âge, que je suis prête à leur pardonner – une question d'hormones semble –t-il - ces trois là ajoutent une méchanceté bête qui leur est propre et la fatuité insolente qui constitue le fonds de commerce de Slytherin.
J'étais à peu près sûre qu'ils avaient vu, enfin épié, la scène entre Remus et moi. Je ne me faisais pas non plus trop d'illusion sur les conclusions qu'ils allaient en tirer, le jeu du "qui couche avec qui" est répandu ici comme dans les autres internats, où élèves et professeurs passent leurs nuits sous le même toit.
J'ai appris à ne pas y prêter d'attention, l'indifférence amusée étant le meilleur moyen de dégonfler les rumeurs.
Arrivé à ma hauteur, Malfoy ralentit l'allure et me dévisagea des pieds à la tête ; mais comme quelques années nous séparent, il est plus petit que moi, par conséquent, il avait plutôt l'air d'un petit coq ridicule dressé sur des ergots de pacotille, et je le dominai de toute ma dignité professorale.
Il fixa ses yeux sur les miens (oh, oubliée la douceur de toute à l'heure, là il n'y avait que de la suffisance)
" Vous voulez me faire baisser le regard, Malfoy, mais en attendant, c'est vous qui avez les yeux levés vers moi… "
La réplique le désarçonna, je me félicitai de ma formule, d'habitude je les trouve toujours trop tard ; ses deux collègues ne savaient pas trop quoi penser, d'ailleurs je me demande s'ils savent tout bonnement penser, et commençaient à se dandiner d'un pied sur l'autre.
Heureusement, leur héros retrouva ses esprits et laissa tomber d'une voix cruelle.
" L'Honorable Lucius Malfoy, mon père, m'a appris que le votre n'est qu'un petit marchand d'ingrédients pour potions. Serait-il trop bête pour les fabriquer lui-même ? "
L'intonation était terriblement méprisante sur les derniers mots. Les deux autres ricanèrent.
" Petit Malfoy " - j'insistai aussi lourdement que lui avait été méprisant - " Ne soyez pas inutilement blessant, je n'ai plus l'âge de vos collègues pour m'émouvoir de telles remarques. Un conseil cependant : essayez un jour de laisser parler la bonté qui doit bien se tapir quelque part en vous, il est impossible qu'à votre jeune âge vous ayez déjà tout perdu toute bienveillance. Mais j'ai l'impression que vos deux amis fatiguent à essayer de suivre notre conversation, allez leur faire prendre l'air. "
Pas très pédagogique tout çà, mais je m'étais bien amusée, et sincèrement je pense que c'est en traitant ce petit abruti d'égal à égal et en allant le défier sur son propre terrain, en lui offrant le rapport de force qu'il cherche toujours à imposer qu'on pourrait – peut-être – lui faire prendre conscience qu'il se trompe d'enjeu et de combat.
Je regagnai ma chambre, mon unique cours de cet après midi de jeudi commençant dans une heure, je n'étais pas sûre que ce soit pour y travailler, j'avais envie de repenser à la scène de toute à l'heure, pour faire un parallèle avec l'époque où je souhaitais me noyer et disparaître dans les yeux bleus aquifères de Benedikt (ses yeux de mer azurée, dont il disait qu'ils étaient faits pour moi; finalement c'est vers une autre qu'il les a tournés).
Si tout à l'heure … je m'étais laissée vaciller plus longtemps au bord, il n'eût pas été question de noyade, l'image me semble maintenant ridiculement romantique, mais de nage pour la vie contre ces eaux sombres et pulsatiles que je pressens dangereuses. Mais qui m'attirent de plus en plus … comme un défi prédestiné.
Journal de Remus, 20 février
En début d'après-midi, je traversai le hall pour rejoindre ma salle de cours, j'avais prévu d'y être un peu en avance, afin de revoir une dernière fois mes notes. Attiré par le bruit que menait le vent à l'extérieur, de grandes bourrades qui faisaient chuinter les arbres, je me suis approché d'une des fenêtres.
Malgré sa lourdeur, le châssis vibre sous les rafales qui donnent l'assaut. Des nuages mi-blancs mi-gris passent à toute allure sur leur ligne de fuite favorite, d'ouest en est, entre leurs rangs serrés, je peux quand même distinguer du bleu céruléen. Je sais que dehors l'air est chargé de l'odeur de l'Atlantique.
Au loin, un petit personnage noir se faufile hors des serres de Marigold Sprout. Je pense d'abord à un étudiant, car la démarche est rapide, juvénile. A fur et à mesure que la silhouette sombre s'avance vers le château, elle me devient graduellement plus familière – l'habituel coup au cœur, je viens de reconnaître Isolfe. Je suis reconnaissant à la tempête de m'avoir attiré à la fenêtre d'où je peux regarder, sans qu'elle me voit, ma si précieuse.
Sa robe voltige obstinément de chaque côté d'elle, comme deux grandes mains noires qui la tireraient en arrière… En dessous elle est habillée en muggle, comme souvent. Une jupe sombre et oui, voyons, courte. Snape a beau émettre des remarques pincées sur la façon déplorable dont elle maltraite les habitudes vestimentaires d'Hogwarts, il est le premier à apprécier – comment l'en empêcher ?
Et je me suis mis à regarder ses jambes, elles aussi en noir, la faire avancer contre le vent. Et la faire avancer vers l'endroit où je l'attends. Le vent a pris possession de ses cheveux et les rudoie dans tous les sens.
La porte se referme bruyamment, si Filch est dans les parages, il va débouler en hurlant, ravi de choper un étudiant. Mais tout reste silencieux, je fais quelques pas à la rencontre d'Isolfe, qui ne me voit qu'aucun dernier moment – elle se tenait tête baissée, arrangeant les pans de sa robe.
J'espère qu'elle ne va pas masquer ses jambes.
Elle relève la tête, me voit et me dit d'un air ravi :
" Dehors, on sent respirer la mer ".
Ses yeux sont masqués par ses cheveux décoiffés, je lui dit que je l'ai vue arriver, que j'ai eu peur qu'elle ne s'envole. Puis j'ajoute, vite, de peur de ne plus oser le dire si j'attends :
" Si j'étais à votre place, que verrai-je à travers les cheveux fous qui bataillent souvent devant vos yeux ? aujourd'hui tout particulièrement ? "
Va-t-elle me répondre par une pirouette pleine d'humour, comme souvent ? Apparaît sur son visage un air sérieux, et réfléchi, comme si ma question méritait une attention toute particulière.
" Vous verriez vos yeux doux. " Elle me sourit, comment aurai-je pu me retenir de faire de même, comment ne pas sourire à celle qui me sourit et me parle de la douceur de mes yeux, ce mot de douceur qui était jusqu'à l'arrivée d'Isolfe une lacune dans ma vie.
Je voudrais rester en face d'elle, mais j'ai peur de trop solliciter ce moment, je sors de sa proximité, j'emporte sa réponse comme un cadeau.
Journal de Remus, 22 février
Où en suis-je avec elle ? Est-ce que l'habituel recours aux mots peut encore m'aider dans cette recherche ? … petits soldats zélés, manipulés, forcés de donner chair à mes fantasmes, vers quelle bataille je vous entraîne ?
Posons les termes de l'équation : un homme + une femme, aimée en silence et en secret.
Rien que de très classique jusqu'à présent.
Or, l'homme a la mauvaise idée de se transformer en loup à chaque pleine lune, ça suffirait déjà en soi pour dégoûter toutes les femmes du monde, et en plus, la transformation est parfaite, le loup a le goût du sang jolie perspective, gros titre dans la presse, explosion des tirages, " dévorée vivante par son amant… " ou version plus catastrophiste " il dévore ses enfants sous les yeux de leur mère " .
Je continue à faire le malin, ce serait trop insupportable sans cela.
Voyons voir la fiche d'identité du prévenu.
Nom : Lupin
Prénom : Remus (Romulus m'aurait peut-être moins porté la poisse…John, Susan, quelle folie d'avoir choisi ce nom ! qu'avez-vous appelé sur ma tête ? )
Age : 32 ans
Taille : 6 pieds un pouce
Poids : 160 livres au dernier relevé, il y a quelques années, a dû maigrir …
Profession : professeur vagabond, pour le moment fixé à Hogwarts, spécialisé en lutte contre les forces du mal (à l'exclusion de celles qui l'habitent)
Caractéristique : chaste, il n'a jamais fait l'amour à une femme de toute sa vie. Peut-être faudrait-il dire niais ? … imbécile jamais déniaisé ! Romantique : il est amoureux fou d'une de ses collègues, sans évidemment avoir jamais osé le lui dire. Maso : il a accepté d'être son ami, et de souffrir en silence.
Résolution : préserver le lien avec elle, quel qu'en soit le prix à payer, même si cela doit être de loin, même si je dois la voir heureuse avec un autre, même si je dois la voir mettre au monde et aimer les enfants d'un autre…
Même si je ne dois être que le mémorialiste, l'historiographe des banalités les plus futiles de sa vie.
Même si tu dois me mépriser, me haïr, je ferais de toi Isolfe, avec toi ou malgré toi le point fixe autour duquel j'organiserai le chaos de ma vie, mon étoile d'azur…
Journal d'Isolfe, 27 février
Remus m'a proposé un rapide tour après le dîner, il faisait grande nuit et grand froid, mais il n'y avait pas un souffle d'air. Je l'ai informé que j'avais terminé le Code da Vinci, nous en avons donc parlé, dans des termes mitigés, mais finalement pas très honnêtes de mon côté puisque je l'ai englouti en trois soirées.
Nous en sommes néanmoins parvenus à la conclusion que ce roman ne sait pas s'arrêter et engloutit son lecteur sous trop de révélations et trop d'énigmes, et que son abondance lui fait perdre la force qu'il promet dans les premiers chapitres.
Certes, la théorie de Marie-Madeleine a.k.a le Saint Graal est assez rigolote, et encore plus cette histoire de la descendance du Christ. J'en suis arrivée à dire à Remus, et j'ai fait en sorte que ses yeux ne m'échappent pas, parce que je voulais tester sa réaction :
" Imaginez-vous qu'un jour j'ai une fille et que je l'appelle Sarah, et que j'explique à ma mère – Mais Maman tu sais bien, comme la fille du messie. Je vois déjà sa tête, la désapprobation se mêlant à la joie de voir sa fille devenir mère à son tour. "
Il est resté impavide sous le coup, je me suis trouvée assez mesquine d'avoir agi comme cela et donc, bien fait pour moi, bien attrapée, j'ai éclaté de rire, parce que, en dehors de toute considération, ce serait amusant de confronter Maman à cette Sarah, et aussi pour effacer le trouble dans lequel je m'étais moi même plongée, car au moment où j'évoquais cette fille putative, j'avais presque failli dire à l'homme à côté de moi " Et je serais prête à la faire avec toi, si tu ne me taisais plus ton secret. "
Journal de Remus, 5 mars
Aucune envie de me lever ce matin, Isolfe partie depuis hier, pleine lune pour ce soir.
Enfin, du moins sommes-nous vendredi, mon absence demain passera inaperçue.
Je n'ai pas déjeuné ce matin, je ne voulais pas offrir à Snape le spectacle dont il se délecte chaque mois : mon altération physique et l'apparition de la souffrance morale, la séparation irrémédiable qui se fait jour entre le monde normal où il reste triomphant, et Isolfe avec lui, et le monde monstrueux qui me fait entrer dans son cercle.
Je commence par les cinquièmes années, RAS, à cette heure de la matinée, je parviens à ne pas penser à la nuit à venir.
A la fin du cours, toutefois, voulant rassembler mes notes, je les fais tomber de mon bureau, parce que j'ai apparemment mal calculé mon geste, mais ce qui, vu de l'extérieur, en l'occurrence le point de vue de mes étudiants, semble une maladresse, est en fait la première manifestation hâbleuse de mon moi-loup.
J'avais pourtant été plus calme juste avant mes transformations, en fait depuis mon arrivée à Hogwarts, mais cette fois-ci, il a l'air de vouloir donner de la voix plus tôt que d'habitude. Est-ce la proximité du printemps qui l'agite, la recherche d'une femelle ? Ahah, je me dégoûte.
Chaque mois, comme si ma vie se paralysait en perdant toute perspective humaine. Chaque mois, une nuit qui anéantit Isolfe.
Puis pause, là encore, je ne me rends pas en salle des professeurs, je vais respirer une goulée d'air frais (et humide).
Reprise avec les troisièmes années, je dois à la fois me concentrer sur le cours, difficile qui plus est, puisque j'introduis le sujet des crypto-envoûtements et me contrôler étroitement, afin de ne pas me laisser déborder par de brusques poussées d'énergie sauvage comme tout à l'heure.
Subitement, je dois en plus faire face à un chahut en train de s'organiser. Un papier se met à circuler dans les rangs, Hermione, assise juste en face de moi, a cessé de prendre des notes, elle s'est retournée et semble suivre le trajet de la feuille. J'arrête de parler, la disparition de ma voix agit comme une alerte, les mouvements se figent, je vois le papier sur le bureau de Malfoy, évidemment, et par derrière les mains de Ron, stoppées net dans leur effort pour récupérer le document. Hermione, lentement, reprend sa position, les lèvres tremblantes, mais les yeux féroces.
Je me résigne à agir, quoique je ne souhaite qu'une chose : retrouver le rythme régulier, réconfortant du cours.
" Eh bien, à quoi dois-je toute cette agitation ? A quoi jouez-vous, au jeu des petits mots ? Miss Granger, vous ne m'avez pas habitué à endosser le rôle de la perturbatrice ? Allez, expliquez-vous "
Finalement, mes mots sont plus durs que je ne le souhaitais. Et surtout injustes. Je vois d'ailleurs Malfoy et la plupart des Slytherin afficher un sourire satisfait, méchant, bête, tandis que Ron rougit de colère indignée.
Je me lève, m'approche du premier rang.
" Alors, Miss Granger, votre réponse ? " mais le dépasse et me dirige vers le fond, la rangée de Draco et de ses acolytes. Il n'a pas le temps de dissimuler le papier.
" Donnez, immédiatement ! "
J'ai peut-être hurlé, tant il a l'air déstabilisé. En tout cas, il s'exécute rapidement, mais j'ai la curieuse impression que ses mains ont obéi sans son consentement, parce qu'il les regarde d'un air furieux. Je ne sais pas s'il a eu le temps de lire le feuillet que j'ai maintenant récupéré.
J'y jette un coup d'œil, c'est un texte imprimé, en français, précédé d'une note manuscrite à l'encre bleue turquoise - l'écriture d'Isolfe et en bas, la référence du texte "Hélène ou le règne végétal".
Je manque trébucher en regagnant le haut de la classe, je m'arrête devant Hermione " Vous viendrez me voir à la fin du cours ".
J'ai rejoint mon bureau, je reste debout afin de leur faire bien comprendre que je vais surveiller très attentivement tout signe de nouveau chahut. Le reste du cours se déroule dans un silence inhabituel, hostile, je parle mécaniquement, ils notent mécaniquement, je suis harassé, ils ont l'air effrayé, comme si j'avais enfreint une règle. J'ai dû véritablement hurler sur Malfoy tout à l'heure…
Sur mon bureau, la feuille confisquée que j'ai retournée parce que je ne veux pas la lire avant de recueillir les explications d'Hermione.
Je nous fais grâce des cinq dernières minutes, la classe se vide rapidement, sans bruit. Hermione et moi restons face à face.
Je me saisis - enfin ! - du feuillet et m'installe à côté de mon élève, afin de ne pas laisser l'aspect hiérarchique peser sur ce que je souhaite être une simple conversation. Pourtant, elle a un léger mouvement de recul. Je pose la feuille entre nous, face imprimée visible, mais je ne la regarde pas encore.
" Alors, Hermione, expliquez-moi. Ceci vous appartient, n'est-ce pas ?
– Oui, mais Sandra Scott-Davis me l'a pris, l'a passé derrière et vous avez vu qui l'a récupéré !
- Peu importe le chahut autour de cette feuille, je l'ai reprise, je vous la rend. Vous voyez, je ne cherche même pas à savoir si vous étiez en train de la lire pendant mon cours. "
Gagné, elle rougit, c'est bien la première fois que je prends en faute mon élève modèle.
" Maintenant, dites-moi ce dont il s'agit. "
Elle rougit encore, mais plus légèrement, j'en déduis qu'il s'agit d'une affaire mixte, mi-privé, mi-scolaire.
" Eh bien, voilà, j'ai demandé au professeur Dazurs – elle plonge ses yeux dans les miens comme pour me dire " à ton tour d'être troublé ", mais je ne bronche pas, du moins rien de l'émoi qui me saisit quand il est question d'Isolfe ne transparaît – de bien vouloir me faire travailler un peu mon français, j'ai du mal avec la grammaire et la prononciation (bien sûr, qui n'aurait pas de mal sur ces deux points…moi le tout premier !).
" Ah, bien, depuis quand ?
– Nous avons commencé lundi, en fait je lui avais demandé dès le début de l'année, mais elle n'avait pas le temps, vous savez le cours d'histoire et en plus ses déplacements mais maintenant, bon, eh bien elle doit être plus disponible. Nous avons commencé avec un article de journal, muggle, et puis elle m'a donné ce .. ce poème pour notre prochaine séance, je dois préparer un commentaire. Mais c'est difficile, le texte est assez, enfin, ce n'est pas très classique. Elle s'arrête, moi je commence à lire.
…
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu'au temps de toi même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang (1)
Je me répète les quatre derniers vers, le dernier surtout, cet étrange et formidable symbole du sang qui revient me parler du lien entre Isolfe et moi, de façon si forte, si achevée et si mystérieusement limpide.
Je me sens mal à force d'être bouleversé, c'est une exaltation qui me tend et me consume. Je m'excuse auprès d'Hermione pour la retenir à l'heure du déjeuner ; avant de lui rendre le poème, j'en fais une copie, ma main passe sur le texte tandis que je murmure Duplicatio.
Hermione me regarde, interrogative, je lui explique que je trouve ce poème fabuleusement beau, elle tressaille et réplique
" Beau, oui, mais étrange surtout, qu'est-ce que ça veut dire Tu ne remuais encor que par quelques paupières et Tu venais de si loin derrière ton visage , j'ai peur ne de pas comprendre ce qu'il faut.
– Juste Merlin, Hermione, la compréhension ou l'appréhension qu'on a de la poésie ne se posent pas en terme d'obligation, vous n'avez pas à avoir peur, ce n'est pas la recette d'une potion ou la formule d'un sort, toutes les interprétations sont bonnes, c'est ce qu'il y a de merveilleux avec la poésie, ces mots fluides qui vous heurtent ou se dérobent, qui vous bousculent, vous pénètrent et vous échappent ! "
Elle m'interrompt, légèrement interloquée, légèrement choquée de m'entendre quitter le territoire technique pour un registre plus personnel.
" J'y vais maintenant " ; elle rassemble ses affaires, se lève pour partir mais finalement reste devant moi, ne s'autorisant pas à me faire part spontanément de ce qui la tracasse encore. Je l'encourage :
" Oui, Hermione, vous voulez ajouter quelque chose ?
– Vous croyez que je suis trop scolaire pour arriver à faire ce que le professeur Dazurs attend de moi ? "
Je souris : " Hermione, je suis sûr que le professeur Dazurs n'attend rien de vous, si ce n'est que vous lui parliez en français. Si ce poème ne vous inspire pas, et bien ce n'est pas grave. Vous le relirez plus tard. "
Elle se décrispe, en me renvoyant mon sourire. " En fait, c'est vous qui auriez plein de commentaires à faire ; vous allez en parler avec elle ?
- Peut-être Hermione, peut-être. Allez maintenant."
Elle quitte la pièce, j'entends alors Harry et Ron se mettrent à l'interroger - ils l'attendaient….
Je reste encore, je lis et relis les vers, jusqu'à les connaître par cœur. Par cœur, je me suis souvent demandé pourquoi le langage avait choisi un organe qui n'avait rien à voir dans le processus de mémorisation … Aujourd'hui pourtant cela me semble simplement judicieusement sage.
Oooooooooo
(1) Hélène ou le règne végétal, René-Guy Cadou.
