Vous avez plutôt aimé, si j'en crois vos revues ! (j'avais oublié de vous signaler que c'était un autre de mes passages favoris, alors je suis ravie)
Léna et le héros romantique ! j'ai tout de suite pensé à Byron " beau ténébreux hautain, mélancolique et solitaire, promenant avec ostentation son ennui et son cœur en écharpe " (© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés) on laissera le hautain, l'ostentatoire et l'ennui de côté, (il faut avoir les moyens financiers de s'ennuyer….) on retiendra le reste.
Et le héros conradien (Lord Jim par exemple) ça marche aussi pas mal avec Lupin, j'y pense souvent à celui-ci, Tuan Jim (un amour littéraire de jeunesse… ) quand j'écris sur Remus - may Conrad forgive me …
Fée pour qui tout va vite, pour moi la première partie, jusqu'à la fuite d'Isolfe, se déroule pourtant sur un rythme lent, celui de la progression entravée, laborieuse, contre le vent.
Et j'ai bien peur que l'entrée du jour donne aussi l'impression d'être un peu brouillonne - pas seulement l'impression d'ailleurs, mais Remus est du genre à travailler énormément du ciboulot !
… Et puis aujourd'hui, pour compliquer encore, le temps se dédouble : il se replonge dans son passé.
Astorius et oui, son silence l'a fait fuir. Et s'il avait osé lui parler ? ils auraient gagné trois mois, parce que je pense que la réaction d'Isolfe est déjà en « gestation », mais comme Fénice ne veut pas que JXC s'arrête trop vite, finalement ça tombe bien que Remus soit un grand silencieux, le roi des portes fermées. Quant à Snape, il commet une erreur d'interprétation.Fénice que dire devant une telle comparaison … ? que je ne connais l'œuvre que de nom, que c'est mon petit (sic) frère qui adore ce répertoire, et que je me demande ce qu'il en penserait… lui qui pourtant participa un jour à une marche en pleine tempête, sur des falaises, dans un champ creusé de sillons… c'est étrange comme ta revue a touché juste et fort – merci.
Ensuite, Isolfe pas bien maligne, moins qu'Hermione … ou volontairement aveugle, bien sûr, bien sûr, je suis prise à mon propre piège – et maintenant, bien obligée d'aller jusqu'au bout.
Le bout de JXC ?
Alixe (que j'ai encore mise mal à l'aise,heureusement qu'il avait le léger souffle allusif argilo-biblico-mythologique… ) le sait déjà, elle surviendra le 27 juin (temps fictionnel) – j'espère que ce n'est pas trop tôt. Et ensuite … (petit clin d'œil internautique à Léna)
Dernier point : j'avais toujours considéré que le professeur Vector était un homme pour lequel j'avais retenu le prénom de Sebastian (sans doute trop de souvenirs terrifiants d'UNE professeur de maths), et lisant Fénice, je m'aperçois qu'il s 'agit d'une femme, … quoiqu'il en soit, trop tard pour changer, mes excuses à JKR et aux lecteurs scrupuleux, et puis de toute façon, je pense que Minerva s'en trouve fort bien.
Revoilà Arthur Brenner, dont il avait été déjà question. Comme Sacha, Arthur est une figure « fraternelle », mais en plus poussée, les relations entre lui et son professeur préféré sont appelées à gagner en densité.
Bonne lecture !
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Journal de Remus, 25 mars
Je traîne dans ma chambre le plus possible, j'ai terminé de corriger mon paquet de copies j'envisage de me faire servir par les elfes un petit déjeuner privé , mais à quoi bon me terrer encore et toujours. Je descends, je rencontre Minerva, Sebastian et Dumbledore; apparemment les deux premiers sortent se promener, ils sont équipés de chaussures de marche et de sacs à dos, il a effectivement l'air de faire beau, ciel lessivé et rincé , bleu et pâle, nous nous saluons, Minerva me scrute attentivement, je me demande ce qu'il reste encore à lire sur mon visage, Dumbledore m'informe d'une voix neutre que le professeur Dazurs lui ayant hier soir demandé la permission de s'absenter d'Hogwarts jusqu'à lundi matin, il se voit obligé de me transférer son tour de garde pour le reste du dimanche.
J'acquiesce, faussement indifférent.
« De toute façon je n'avais pas l'intention de faire autre chose que de traîner au soleil, donc c'est parfait.
– Et j'imagine que vous êtes ravi de rendre ce service à … Isolfe. »
Où veut-il en venir ? Minerva s'impatiente, tire Sebastian par le bras, elle me souhaite une bonne journée, lui m'envoie une drôle de grimace et ils se dirigent vers la grande porte. Dumbledore reste à mes côtés.
« Ne faites pas que traîner, j'ai du mal d'ailleurs à vous voir dans ce rôle, suivez mon conseil, installez vous au soleil, certes, mais écoutez du Mozart, hm concerto 23. Il est disponible chez Madame Pince, si vous ne l'avez, ou chez Isolfe bien sûr, mais comme elle est partie… Bien, bonne journée, bonne garde et bon Mozart. A ce soir. »
Il sort lui aussi, Mozart, concerto 23, quel est le message ? Change toi les idées ? Ou au contraire renferme toi sur ton problème, auquel me renvoie le prénom de Mozart Wolf-gang, la marche du loup, cette mesquinerie facile ne cadre pas avec Dumbledore … Et pourtant, c'est sans doute à cause de ce prénom que je me suis toujours tenu soigneusement éloigné de cette musique.
Je décide donc de suivre son avis, mais je n'ai pas envie de m'adresser à Madame Pince, les versions de la bibliothèques sont souvent bien datées, et je veux des instrumentistes muggles, je suis sûr qu'Arthur possède un bon enregistrement, c'est un amoureux de Mozart.
Et comment ce diable de Dumbledore sait-il qu'Isolfe le possède ? Ce n'est quand même pas elle qui lui aurait fait découvrir ? Bien improbable étant donné qu'Albus est un mélomane de la première heure et vu la différence d'âge. Bon, j'arrête de me creuser la cervelle ; il serait plus sage de me remplir l'estomac.
Et qu'a-t-il dit aussi " Mais comme elle est partie " et bien oui, elle est partie, et merci de me l'avoir appris sans ménagement ! Sans doute ma faute, j'imagine.
Par moment Dumbledore, tu mériterais des baffes, je crois qu'une fois Minerva et Sebastian avaient sous-entendu la même chose devant moi. Et je crois me souvenir que j'en avais été choqué !
Je décide de remonter chez moi chercher un bouquin afin de ne pas manger bêtement entouré de places vides.
Une fois dans la grande salle, je m'installe à un bout de la table des professeurs, j'ouvre le très austère et très volumineux (985 pages) " Magie noire : la philosophie au secours de la technique " dont j'ai déjà lu la moitié, le titre hélas plus prometteur que le contenu, mais j'ai horreur de laisser un ouvrage en plan ; je lis et prends le peu de notes qui s'imposent tout en mangeant. Il ne manque plus que le Mozart, et ce sera parfait, j'aurais l'esprit tellement occupé que je ne penserais plus à Isolfe.
Pourtant, je me surprends quand même à trébucher sur le mot "tempête" qui déboule dans le texte de façon tout à fait inopinée …Cette expédition contre les ardipithecus des volcans fut menée un jour de grande tempête…, ben voyons il est évident qu'une expédition contre les ardipithecus ne peut être menée qu'un jour de grand tempête et les débats philosophiques qui s'en suivent aussi j'imagine, je manque balancer ce maudit bouquin à travers la pièce, si j'avais été dans ma chambre, je l'aurais fait. J'aurais dû choisir la "Métaphysique des mœurs " , quitte à vouloir faire de la philosophie, autant aller puiser aux bonnes sources. Le texte ardu aurait tenu mon esprit dans des rênes plus serrées et plus dures.
Voilà, c'est fait, je repense à hier, à toutes les informations qui m'ont été données, par Harry, essentiellement, et qui vont toutes dans le même sens, dans la direction la plus raisonnable pour moi : Isolfe m'a proposé son amitié, et elle me la conserve. C'est un trésor précieux, le plus précieux que je puisse espérer d'elle, dois-je le dissimuler dans une secrète cachette connue de nous deux seuls, ou au contraire dois-je l'exposer afin que la gloire lié à sa propriété rejaillisse sur moi ?
Quelqu'un vient de s'arrêter près de ma table, attendant que je veuille bien remarquer sa présence. Je lève les yeux à regret. Soulagement, je vois Arthur Brenner. Mozart, concerto 23.
« Bonjour, professeur, j'espère que je vous dérange pas trop dans votre lecture, ça à l'air passionnant. C'est vous qui êtes de garde ? il y a eu un changement de programme ? »
Il se tord le cou afin de voir de quoi il s'agit, obligeamment je referme l'ouvrage, et le fait pivoter sur la table. Arthur se met à lire à haute voix " Magie noire : l'éthique au secours de la technique " John William Petersen. Il commente :
« Boulot, boulot, c'est curieux de loin je croyais que vous lisiez des poèmes…. Vous aviez l'air si rêveur »…
Me voit-il me crisper ? Il bat en retraite, les commissures de sa bouche sont retombées, confuses. Je cède à mon impulsion de toute à l'heure, et lui balance le livre. Bon réflexe, il l'attrape, tout surpris qu'il soit.
« Regardez, et dites-moi ce que vous en pensez. Asseyez-vous. »
Je tiens à le garder un peu à mes côtés, sa présence, la camaraderie en train de s'installer tranquillement entre nous me dispense de songer à la journée d'hier. Il obéit, parcourt la quatrième de couverture, j'observe ses yeux sauter d'un mot à l'autre.
« Bien, bien, si j'en crois l'éditeur, je tiens entre mes mains le chef d'œuvre du siècle ? Vous devriez le manipuler avec plus de respect. »
La malice jaillit de ses yeux, je la laisse venir à moi. Il ouvre une page au hasard, commence à lire
Sahara subtropical, fin du mois de janvier. Midi, soleil écrasant, nous avançons péniblement, seul notre guide semble savoir où le conduisent ses pas…
Arthur s'interrompt « Grands dieux, c'est son job, non ? – il me regarde – Ça promet, dites-moi, vont-ils déboucher sur les chutes du Niagara ? »
Il ricane encore un peu et reprend en soupirant bruyamment : Une autre heure s'écoule, nous avons déjà franchi des dizaines de dunes, et rien ne nous permet de conclure qu'il n'en reste pas des centaines – voire des milliers, complète-il le plus sérieusement du monde. Soudain, alors que nous sommes dans un creux, j'entend Mahahoui, notre guide, étouffer un cri. Sur le sommet de la prochaine dune, se découpent, menaçantes, de sombres et hautes silhouettes, que j'identifie bien vite - un groupe de Titanogs Sahariensis. Alors que nous étions à la recherche de Magogwheris enkpyrotiques!
C'est fois-ci, c'est moi qui perturbe la lecture :
« Avouez que ce n'est pas de chance, ils viennent pour se bastonner avec des Titanogs, et le syndicat d'initiatives saharien leur envoie des Magogwheris. De quoi demander à se faire rembourser, effectivement. »
J'arrête et je me tords soudain de rire, un rire qui emporte la tension accumulée depuis hier, et pourtant je ne peux m'empêcher de voir Isolfe à la place d'Arthur, s'esclaffer comme il le fait maintenant.
« Eh, professeur Lupin, assez de chahut dans les rangs, je reprends cette palpitante narration –
L'espace de quelques secondes, nous sommes pris au dépourvu, et hésitons sur la conduite à tenir. La troupe menaçante, qui jusqu'alors était éparpillée sur la crête, se rassemble, les Magogwheris commencent à se fondre les uns dans les autres…Quant à nous, nous saisissons nos baguettes et .
- Professeur Lupin, on pourrait peut-être leur suggérer de balancer ce nanar sur les Magogwheris, je pense que l'effet serait hm dévastateur. »
Il fait semblant de me viser à la tête et me rebalance le livre; je le rattrape aussi précisément que lui tout à l'heure. Nous éclatons à nouveau de rire, lui franchement, moi plus nerveusement, je pense qu'il est aussi heureux que moi de cette complicité, après tout n'est-il pas mon meilleur élève et moi son enseignant préféré ? Nous finissons par nous calmer.
« Ah, une dernière chose, Arthur, avez-vous ici un enregistrement du concerto 23 de Mozart ? »
Je me sens obligé de préciser, en affichant un sourire que je sens déjà penaud
« J'ai été pris d'une soudaine envie de l'écouter »
Je ne suis pas sûr d'être terriblement convaincant. Mais je ne vais quand même pas lui avouer que j'obéis aux injonctions fantaisistes de mon employeur ? Il est intrigué :
« Oh, vous faites des infidélités à vos Russes bien aimés ? Enfin, ce n'est pas moi qui vais vous reprocher de les tromper avec Wolfgang. Bon, j'en ai même deux, piano forte ou piano ? Lequel préférez-vous ? »
Je me demande si la passion d'Arthur le contraint à posséder plusieurs versions de chacune des œuvres du répertoire mozartien.
« Je me rendrai à votre avis de spécialiste et je ne suis pas si exclusif que vous le pensez, j'écoute aussi du Chopin et du Mendelssohn
Ironique, il prend un ton admiratif et émerveillé
– Ah Chopin, Chopin, bon je vous conseille la version piano, je pense qu'elle vous plaira mieux, ça fera plus …Chopin ! Restez là, je vous l'apporte. Et si je suis pas revenu dans 10 minutes, venez me chercher, c'est que je n'aurais pas résisté à l'appel de mon lit et que je me serais recouché. La nuit a été courte. »
Il hésite à m'expliquer les raisons qui ont rogné sur son temps de sommeil, se ravise et tourne les talons. Je repose le livre sur lequel mes mains s'impatientaient, je ne sais qu'en faire, je lève les yeux et contemple le ciel au travers du plafond. Je distingue à peine des zones inachevées gonflées de bleu et de gris, la pensée d'Isolfe passe sur moi comme un souffle surgi de partout à la fois. Où s'est-elle enfuie ?
Arthur est revenu, j'avais toujours les yeux au plafond, dans le vague, les traits de son visage sont attentifs et pénétrants, ses pupilles pèsent sur les miennes, comme s'il s'était attelé à l'analyse d'une nouvelle créature, sombre et opaque, comme la magie dont elle serait issue. Combien de temps lui faudra-t-il encore, lui le disciple le mieux doué, pour découvrir mon secret ? Même de mes étudiants, j'ai tout à redouter. Ils ont beau m'apprécier maintenant, ils se détourneraient de moi avec horreur et dégoût s'ils connaissaient la vérité. Je reprends mes yeux, je me suis trop exposé.
Il me tend un CD mule , la couverture du boîtier est à moitié transparente, et laisse voir un disque rose pâle, sur l'autre moitié la photographie d'un massif de buis taillé, une arabesque qui s'enroule autour d'elle-même. Il y a deux concertos en fait, le 23 et le 26, par Gulda et Harnoncourt. Arthur me présente un autre disque :
« J'ai pensé que vous pourriez aimer, rien à voir, bien sûr, avec Mozart, mais c'est pour lutter contre ma réputation de fana, soigneusement entretenue par l'ami Sacha. Vous verrez c'est très cool – c'est lui qui me l'a fait découvrir ».
Le titre du CD qu'il me tend est " Can't hold back". Je ne peux pas ne pas , mais ne pas quoi? Les possibilités ont beau être multiples, elles tournent toutes autour d'Isolfe ; ne pas ne pas penser à elle, ne pas avoir envie d'elle, ne pas l'aimer, ne pas soupçonner Snape….
« Bien, je vous les laisse, bonne audition, prenez votre temps, pas la peine de me les rendre tout de suite. Ah , j'oubliais le "Can't hold back" c'est du funky groove.
– Du funky groove, dieux du ciel, les muggles ont de ces noms ? et la folie de la catégorisation. Enfin, merci de la précision, effectivement, je pense que l'information m'aurait manqué, mais rassurez-moi, le Mozart c'est bien toujours du … Mozart ?
– Oui, bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ? Et puis la catégorisation, j'ai cru comprendre que c'est ce que vous faisiez avec vos créatures, non ? »
Il se dirige vers la table de Gryffondor en sifflotant, je me rends alors compte que j'ai considérablement retardé l'heure de son petit déjeuner, sans qu'il ait même l'idée de me le faire remarquer.
La pensée d'Isolfe est un fardeau dont je ne veux pas être soulagé, sans ce poids sur mes épaules, sur ma poitrine, je me dématérialise, je m'anéantis.
Je repasse dans ma chambre, je me munis d'une couverture, des deux disques, mon kheirophone, un nouveau modèle, relativement coûteux, que je me suis acheté dès que mon poste à Hogwarts a été confirmé, et qui permet le lire les partitions magiques et les enregistrements muggles – c'est cette fonctionnalité là que je recherchais, la musique jouée à la magique manque cruellement d'humanité et de chair.
Je pars m'installer au bord du lac.
Le banc construit par Hagrid a subi sans fléchir les intempéries hivernales, le bois a pris une teinte douce et lumineuse. Je ne m'y installe pas, je le laisse à une invisible Isolfe, je m'allonge à ses pieds, je ferme les yeux et j'écoute. L'adagio me saisit, la musique, tendre et inquiète , tourne autour de moi, en me laissant immobile, attentif. Je laisse passer du temps, nouvelle écoute, adagio plusieurs fois de suite, et toujours cette sensation d' immobilité oppressée au centre d'émotions compatissantes. Un moment de douleur angoissée encadrée par deux mouvements si allègres et si lumineux.
Par comparaison, l'autre concerto me semble plus banal. Mais c'est finalement mieux ainsi. La force du premier reste intacte.
Je vois passer au loin un groupe d'élèves, garçons et filles, qui marchent à grand pas en direction d'Hogsmead, je distingue Arthur, qui agite un bras dans ma direction, je réponds à son salut, j'ai envie de lui crier « Merci pour le concerto » car je suis encore tout imprégné de son action sur moi, mais il ne m'entendrait sans doute pas.
Je laisse mes yeux partir dans le vague, vers le bleu brillant du lac, la tête posée sur mes genoux, lourde de soleil. La musique remémorée s'échappe malicieusement de moi, elle m'entoure un moment, me caressant comme Isolfe l'avait dit, en me défendant de penser à autre chose. Pourtant, elle est trop inédite et trop parfaite pour accepter de lutter contre mes sales souvenirs, et s'abaisser à leur triste niveau.
C'est sans doute la vision de la bande d'étudiants de tout à l'heure qui les a attirés au grand jour. C'est ce que j'avais vu ce jour là, un groupe d'élèves de sixième année qui passait au loin et le bras levé de Sirius en guise de signal, pour m'indiquer que Severus s'amenait et que c'était à moi d'agir.
J'étais censé l'envoyer en lisière de la forêt magique, en surveillant de loin qu'un petit jeunot de deuxième année lui remette bien un faux billet, prétendument écrit de la main de Lisa Beaulieu, la jeune fille pour laquelle il nourrissait de tendres sentiments et qui de son côté, semblait, prudemment, quoique résolument, s'attacher à lui. Sirius était fou de rage, un Severus amoureux passe encore, mais aimé, voilà qui allait à l'encontre de l'image d'affreux naze qu'il tenait absolument à lui coller à la peau et peu importe que l'autre étouffât en dessous.
Il s'était donc mis en tête de mettre fin à ce qu'il appelait une dégueulasse et ridicule bluette, il voulait attirer Severus dans un coin isolé et lui mettre sous le nez ce charmant tableau – lui, Sirius, le tombeur de nanas, tendrement enlacé avec Lisa, en fait, une fille de Hufflepuff ayant avalé du polynectar préparé par Sirius, et qui ne voyait que des avantages dans cette équipée – se faire embrasser par le merveilleux Black et jouer un bon tour aux Slytherin.
Sirius avait d'abord proposé le job à Lily, qui l'avait envoyé paître, sans réussir à dissuader James de se joindre à ce qu'elle avait appelé « un sale coup de foutus lâches ».
Au dernier moment, quelques secondes avant que Severus n'apparaisse, je m'étais précipité vers le deuxième année et lui avait arraché le billet des mains, lui disant de ficher le camp et l'assurant que je lui donnerai ce que Sirius lui avait promis et même plus. Je n'avais pas pu me résoudre à envoyer Snape dans cet odieux guet-apens, destiné à saccager et à faire mal de la manière la plus brutale et la plus inutile qui soit.
Je lui avais sauvé la mise et déchaîné la fureur de Sirius qui avait été prompt à trouver comment se venger de moi et sur moi, puisque c'était le seul langage qu'il pouvait entendre.
Aux vacances de Pâque, qui commencèrent une semaine après cette scène, j'en avais parlé à Susan – sans doute l'appelais-je encore Maman à cette époque, oui, puisqu'elle était encore vivante, encore là pour témoigner que j'étais son fils, le fils de quelqu'un.
Elle m'avait répondu que j'avais bien fait de prendre le risque de me fâcher avec Sirius, et de savoir résister à l'attrait de la violence gratuite et facile, à plusieurs contre un. Et elle et moi avions alors pensé à une autre violence, ni facile, ni gratuite celle-là, à un contre un, moi contre le loup. Car les maraudeurs n'étaient pas toujours là pour m'entourer, ne serait-ce que pendant ces vacances-ci, au milieu desquelles la pleine lune allait se manifester.
(D'ailleurs, vacances ou pas, Sirius avait décidé de me faire payer très lourdement le prix de ma trahison, et de me laisser dorénavant me débrouiller seul avec mon loup. Peter s'était dépêché d'acquiescer, James avait proposé un bannissement temporaire, une pleine lune, finalement Sirius n'avait pas voulu céder à moins de trois, ce qui nous avait amené jusqu'à la fin juin et le début des vacances d'été. Lily me tenait au courant de ces tractations qui m'écœurèrent dans un premier temps et auxquelles je finis par ne plus accorder qu'une attention distanciée et méprisante – cela me semblait finalement absurdement comique qu'ils s'imaginassent pouvoir doser mes pleines lunes comme Mac Go le faisait de ses temps de détention – comme s'il pouvait y avoir des graduations dans ma malédiction )
Nous n'avions rien dit de plus , ni Susan, ni moi, je ne voulais pas faire surgir le loup entre nous et pourtant je savais qu'elle y avait pensé, exactement au même moment que moi, à peine eût-elle prononcé ce mot de violence, ce maléfice qui l'obsédait et la possédait tout autant que son fils. Et que j'allais l'obliger à vivre en direct, cette fois-ci.
Quand j'étais arrivé, elle m'avait tout de suite demandé comment je voulais procéder – elle, elle ne s'était jamais masqué les yeux devant ma lycanthropie, je suis sûr que John aurait réagi différemment, et fait comme si de rien n'était, jusqu'au lever de la pleine lune, ou là, oui, il aurait bien été obligé de cesser de faire semblant d'avoir un fils normal.
– Veux-tu que je reste avec toi jusqu'au dernier moment ? Et tout d'un coup, alors que ma mémoire faisait, respectueusement, fidèlement, ressurgir ces événements lointains, je m'entendis répondre, d'une voix hybride, celle d'un drôle de Remus, qui tenait à la fois du jeune homme et de l'homme, une voix qui réussissait ce prodige d'effacer 14 années entre eux, qui mêlait le souvenir au présent de ma vie, qui faisait se rencontrer Susan et Isolfe, la morte et la vivante ! Je m'entendis donc répondre :
– Non, je veux que ce soit elle qui reste avec moi. Elle me demanda vivement :
– Remus, es-tu amoureux ?
Et alors, je ne sus plus à qui s'adressait la question : au jeune homme aux amours indécises et déjà meurtries ou à l'homme qui, douloureusement, savait enfin qui il aimait ?
L'homme répondit en premier, il dit « Oui » à Susan et se tut, car il n'y avait rien d'autre à ajouter. Elle lui adressa simplement un sourire radieux. Puis le jeune homme reprit ses droits sur le souvenir, je distinguai même son air offusqué, et interloqué, je pus même voir de la colère dans ses yeux, la colère de m'avoir entendu répondre à sa place, et d'avoir répondu « Oui » avec une magnifique assurance, celle qu'il n'avait, pour sa part, jamais possédée. Il fit un geste, comme pour m'écarter et il répondit à son tour
– Je ne sais pas, je ne sais pas. Enfin, je suis assez attirée par une fille, elle s'appelle Damaris, Damaris Siller, mais que veux-tu que je lui dise ! que je ne sais pas si je l'aime, et que je suis un loup-garou ? Je ne sais pas si je m'intéresse suffisamment à elle pour me dévoiler à ce point !
– Et elle, que dirais-tu de ses sentiments à ton égard ?
– Je ne sais pas, elle me regarde souvent, parfois, j'ai l'impression qu'elle s'arrange pour se mettre à côté de moi, en cours, dans les couloirs, à table… mais ça pourrait aussi bien être le fait du hasard.
Je me souvins qu'elle n'avait rien répondu et qu'elle s'était contenté de me caresser les cheveux.
J'aurais pourtant voulu qu'elle me fît partager sa certitude de mère, car j'étais certain qu'elle l'avait toujours possédée, mais je savais maintenant ce que je n'avais pas compris alors : elle considérait que c'était à moi de consentir à mon loup afin qu'une femme l'accepte à son tour.
Et aujourd'hui, je savais, mais je me demandais que faire de cette connaissance. Parce que lui, je ne l'avais toujours pas accepté, lui et ce à quoi il me condamnait, et que j'entretenais un espoir plus fou encore – qu'Isolfe m'aimerait contre mon loup, et qu'elle saurait m'en débarrasser.
Je décide de rentrer, pas la peine de s'acharner au grand jour, j'en ai assez de me faire assaillir et de devoir constater que je ne possède que des souvenirs amers.
Et puis, ne suis-je pas de permanence ? il faut mieux que l'on sache où me trouver si jamais on a besoin de moi, pour mettre fin par exemple à une bataille rangée entre Slytherin et Gryffondor, dans les escaliers menant au bureau de Snape !
Dumbledore se doutait-il que je serais aussi négligent de mes devoirs ? Savait-il que ses fameux conseils musicaux me feraient oublier mes responsabilités ? A l'intérieur, tout est calme, personne n'a besoin de mon arbitrage. En fait, il est déjà presque une heure, ai-je vraiment faim ? la réponse est non. Je passe signaler à Filch qu'il peut me trouver dans mon bureau en cas de besoin, il accueille cette information avec un air hautement désapprobateur, et toute une série de reniflements, il considère en effet que les professeurs d'astreinte doivent prendre leur devoir au sérieux et patrouiller les couloirs à l'affût de la moindre incartade. Il est d'ailleurs bien le seul à avoir une lecture si offensive des procédures hogwartiennes " Le ou les professeurs de garde se doivent de veiller à la tranquillité de l'établissement et se tenir à la disposition des élèves en cas de besoin blablabla" .
Une fois chez moi, je me jette derrière mon bureau, et me replonge dans ma monstrueuse classification. Vers huit heures, je constate que j'ai faim et que le chapitre quatre est quasiment achevé à force de m'abrutir d'écriture.
Au dîner, je ne suis plus seul à table, Minerva et Sebastian sont rentrés, me demandent si tout s'est bien passé, je réponds " RAS ", ils me parlent de leur excursion, je n'écoute qu'à moitié, l'autre demi-moi est à nouveau plongé dans la musique de Mozart.
J'ai aperçu Arthur à la table de Gryffondor, il a l'air d'avoir terminé de manger, effectivement il se lève, se dirige vers la sortie. Quand il arrive à hauteur de la table des professeurs, il marque une légère pause. Je me décide à l'intercepter, mais lâchement :
« Bonsoir, Arthur, vous souhaitiez me parler ? »
Il pourrait répondre "Non" et tourner les talons, mais a-t-il envie de recueillir mes impressions sur Mozart ou veut-il m'éviter un camouflet devant Minerva et Sebastian, et Snape qui arrive ? Il répond de façon un peu rigide :
« Très exactement, oui, pourriez-vous m'accorder quelques minutes ? »
Je me lève, et je le suis, nous nous écartons pour laisser passer Severus, qui semble à peine nous voir. Quand nous sommes sortis de la grande salle, Arthur se retourne vers moi, l'air hilare. :
« Et bien, avez-vous vu le petit nuage sous les pieds de ce cher professeur Snape ? De toute évidence, voilà un homme qui vient de tirer un bon coup ! »
Je dois faire une drôle de tête, surprise et terrifiée – comment ne pas penser à Isolfe , - car Arthur reprend :
« Mon Dieu, mon Dieu, vous ai-je choqué à ce point ? Vous pensiez que Snape était un saint ! C'est vrai qu'à force de promener avec lui sa face sévère et rigide, il arriverait à nous faire oublier qu'il est un homme de … chair et que la chair est faible, non ? Alors, savez-vous qui est l'heureuse élue ? »
Je crispe les épaules d'un air interrogateur, en redoutant ce qu'il va me dire. Se pourrait –il que ?…
« Non, vraiment ? Et bien il semblerait que notre brillantissime maître des potions ait quelques lacunes en … économie – je fais un tel effort pour rester impassible que je m'étonne de ne pas entendre tous mes muscles et tous mes os se rompre et craquer sous la tension que je leur impose – mais là n'est pas la question, d'ailleurs Snape est comme moi, il ne comprendra jamais l'intérêt de cette matière, non les lacunes auxquelles il souhaite remédier concernent la divination. »
Je m'effondre de soulagement au creux de moi-même – petit salaud d'Arthur qui a joué avec mes nerfs - que sait-il des sentiments que je porte à Isolfe ?
« Je suppose qu'il a passé l'après- midi à se faire hm tirer les cartes par cette chère Miss Trelawney. »
Je suis tellement content d'être débarrassé du pire (comme si j'étais un homme normal uniquement soucieux de savoir s'il aime dans le vide ou pas !) que cette impulsion de bien-être soudain me fait lui donner la réplique, en conservant cette même veine licencieuse et allusive
« Et apparemment le tirage était favorable et … renversant… »
Pour quelqu'un qui n'a jamais couché avec personne, il me semble que je suis assez convaincant. En tout cas, ma réplique fait rire Arthur, quoique, en ma qualité de professeur, je ne suis pas censé échanger avec un étudiant ce genre de propos au sujet d'un collègue. Mais difficile de se censurer quand il s'agit de Snape, et puis je sais pouvoir compter sur la discrétion d'Arthur. Je ne tenterai évidemment pas ma chance avec les jumeaux Weasley par exemple.
Arthur m'accorde encore quelques secondes et m'interroge :
« Alors, qu'en pensez-vous, l'adagio, si vous avez l'âme sensible, ça vous ravage le cœur non ?
- Evidemment, cette musique est à la fois une souffrance et une bénédictionJ'ai donc l'âme sensible ?
– Mon cher professeur de DCFM, qui en douterait ici ? A part les abrutis qui sont persuadés que vous dissimulez de noirs secrets. »
Rien en lui ne me permet de conclure s'il considère que ces soupçons pourraient être fondés, alors que pourtant j'essaie passionnément de trouver une réponse dans son attitude, sur son visage, dans le timbre de sa voix, une onde, une particule, un frémissement de triomphe ou de peur. En tout cas, il enchaîne naturellement
« Et l'autre CD ?
– Oh, et bien, je ne l'ai pas écouté… j'ai simplement jeté un coup d'œil sur les paroles d'une chanson et je suis tombé sur cette phrase : Don't make me more happy than I am supposed to be. Doit-on comprendre que le bonheur est contingenté et qu'il ne faut pas dépasser son quota ?
– Ah, oui c'est curieux, hein, moi aussi je me suis posé la question. Enfin, disons que je me suis surtout demandé qui est la personne à qui je pourrais dire de telles choses un jour, je…. Il hésite, et puis se lance, avec une sorte de bravade assumée
… je ne l'ai pas encore rencontrée. Je vois que vous avez un autre point de vue sur la question, mais ça me semble normal… »
Quel est le sous-entendu : à votre âge, il est normal qu'il y ait quelqu'un dans votre vie, et que vous ne soyez pas sûr d'avoir envie de lui dire de lui dire de ne pas vous rendre trop heureux ? Arthur reprend :
« Mais d'un point de vue théorique, ou philosophique, j'aurais tendance à penser que le bonheur est quelque chose de trop fugitif, et que lorsqu'on l'a, on a intérêt à s'en gaver, avant de le perdre à nouveau. Carpe Diem, quoi.
– Vous avez sans doute raison.
Carpe Diem, n'est-ce pas la ligne de conduite que je suis sensé m'être fixée, et ce depuis le 3 décembre ?
– Bon, je dois malheureusement mettre fin à cette intéressante conversation, mais il est 21 heures presque et j'ai encore un TD d'économie à assassiner, autant vous dire que je vais passer une plaisante soirée de fin de week-end à soudoyer Miss Saint Just pour qu'elle accepte de me filer des tuyaux ! La barbe absolue !
– L'économie ou Miss Saint Just ?
– Eh, professeur Lupin, vous savez que vous êtes doté d'un sens de l'humour bien supérieur à la normale, j'entends dans la catégorie enseignante, et nous mettrons Dumbledore hors catégorie. A part le professeur Dazurs, je ne vois pas qui pourrait vous battre. Vous avez l'air surpris, vous n'allez tout de même pas me dire que vous n'aviez pas remarqué qu'elle est très drôle, ou alors elle n'est pas comme ça avec vous ? Cela m'étonnerait, vous avez l'air de tellement apprécier sa compagnie…»
Il fait mine de partir, me laissant me meurtrir avec cette dernière pique, puis il se ravise et ajoute :
« Quel dommage qu'elle soit prof d'économie et pas de potions ! Si c'était le cas, je crois que je serai capable de la trouver extrêmement séduisante…»
Cette fois-ci, il part pour de bon, sans juger utile d'évaluer l'impact sur moi de ce dernier trait d'esprit. ()
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() en français dans le texte
