Voilà, après deux semaines d'interruption de fanfiction (je précise interruption de mise en ligne, l'écriture était toujours là précieuse, patiente, obstinée à me tirer du bon côté…) pour des raisons de … marasme économique, ouais, on va dire ça comme ça, j'ai comme qui dirait retrouvé une petite envie de présenter la suite à ceux qui se disent : mais nom de Dieu, faudrait quand même que ça se bouge et que Remus avoue à Isolfe qu'il est un versipelle

et aux autres qui se demandent ce que Sirius vient faire dans l' amoureuse galère de mes deux zozos. Ces deux là se débattent contre le non -révélé entre eux - Remus parce qu'il a peur de le dévoiler, et Isolfe parce qu'elle a peur de l'entendre. Qui sera le plus courageux ? Elle ? Lui ? Moi ?

Léna – du bonheur … en fait, non du bien-être plutôt. Mais c'est vrai que je me suis marrée avec le passage Mrs Nora as the bloody cat (sauf que c'était le chapitre d'avant…oups)

du grand art… je suis confuse… (comme mes textes – habile transition)

Fée Fenice ah mes chapitres compliqués et confus … mes prof des français me reprochaient mes phrases trop longues… (z'ont jamais lu Faulkner ou Proust ?) , pourtant j'ai découvert que je pouvais en écrire de courtes et percutantes. Et puis cf aujourd'hui les entrées d'Isolfe.

Poudlard fou… Fée ? je me l'imagine comme un lieu avec beaucoup de pression, sur les profs notamment, le fait de vivre ensemble, ça ne peut créer qu'un huis clos explosif ! surtout avec mes collègues d'aussi mauvaise composition que Snape.

Astorius cours de cathé non, mais ptr dans les études muggles une introduction au fait religieux, comme le dirait notre médiogue national.

Quant à la spiritualité, il me semble que Dumbledore ne peut pas ne pas s'y intéresser et j'ai fait le pari (audacieux ? personnel ?) que Remus a dû essayer de chercher des explications à sa malédiction de ce côté là. Et évidemment il n'a pas trouvé de réponse…

Le cassage de gueule de Severus et sa réaction subséquente - l'adolescent qui a besoin qu'on lui dise qu'il va trop loin (Fenice) ou le maso (Astorius) ? le point serait plutôt pour Astorius, mais la tendance maso n'est pas l'essentiel... puis-je vous réorienter sur le mot de "caresse" que Severus soi-même emploie...

Et enfin Alixe.. je t'ai livré mes explications par mail.

Bonne lecture !

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Journal d'Isolfe, 8 avril

Deux autres heures de ma vie sont passées, les yeux secs, tremblants.

Maintenant mon journal est posé devant moi, impeccablement ouvert, impeccablement aligné sur le bord de mon bureau, exactement le même espacement du haut en bas et, pour parachever cette minutieuse géométrie, j'ai disposé mon stylo sur une infaillible perpendiculaire. Je contemple cet arrangement, parfait et inattaquable.

Je suis la seule qui puisse décider de le mettre en mouvement.

Je vais m'obliger à écrire comme s'il ne s'était rien passé, comme si cette scène ne s'était pas encore produite, je vais laisser l'écriture, et non pas une stupide coïncidence, la ramener vers moi – car enfin, il ne s'agit que de cela, comment penser qu'ils me cherchaient, moi ?

Alors, j'aurais la distance nécessaire pour ne plus me laisser submerger. Ecrire va me redonner la maîtrise du jeu, le jeu de l'écriture, tel un écrivain en train de manœuvrer et de blesser ses personnages.

Albus doit vraiment jouer gros pour s'être laissé aller à retirer ces points comme s'il voulait étouffer dans l'œuf toute tentative d'en savoir plus. Je risque d'être sollicitée en cours par certains qui essaieront d'en apprendre davantage sur cette histoire – il va falloir faire du déminage… mais comme de toute façon je ne sais rien…

Lupin a dû avoir des consignes très strictes de Dumbledore, j'imagine qu'il n'a pas été convoqué dans le bureau de son chef aux petites heures du matin pour s'entendre demander s'il valait mieux se saouler au Bollinger ou au Dom Pérignon…

Donc, le RDV avec Fudge est prévu à 10 heures, Marigold m'a passée l'info, je serai en cours jusqu'à midi, parfait. Aucune envie de me trouver nez-à-nez avec une de ces créatures… j'ai d'ailleurs dû lutter contre l'envie puérile de faire une simulation patronus – pas la peine d'imaginer le pire.

Leur réunion était toujours en cours à l'heure du déjeuner, j'imagine qu'ils ont mangé tous les trois ? Quoique, normalement, les inspectors, surtout mayors, sont censés éviter tout risque de concussion, donc il s'est peut-être restauré tout seul avec un mauvais frichti accompagné d'eau saumâtre.

A cinq heures et demi, après mon cours, je suis passée aux nouvelles dans la salle des profs, Filius m'a confirmé d'un air inquiet qu'ils étaient toujours tous les trois… J'ai décidé de ne pas entrer dans leur jeu des pronostics, Severus donnant bien sûr, à demi-mots, dans le catastrophisme vaguement complaisant. J'ai bu un thé en les écoutant d'une oreille distraite ; en fait j'étais déçue et angoissée parce que Lupin n'était pas là. Je me suis alors souvenue qu'il assurait un cours jusqu'à dix neuf heures, session d'entraînement intensif à l'examen d'entrée de l'académie des aurors.

Bien, je n'allais pas rester à traînasser , je n'avais pas de quoi travailler ici, je regagnai mon appartement, sans encombre, évidemment… je m'attendais vraiment à voir surgir un de ces olibrius à chaque détour de couloir, et Dieu sait qu'il y en a, à Hogwarts. A six heures trente, je suis ressortie, supposant que Dumbledore en avait terminé, et que ses hôtes étaient enfin partis. Je me dirigeai vers la bibliothèque, un point de fiscalité à valider - les taxes spéciales sur les préparations magiques contenant au moins 20 de salsepareille importée …. comme mes étudiants, je ne me souviens jamais de toute la liste des exceptions ! sauf de celle de l'abattement de 30 si les préparations sont achetées par un établissement d'enseignement homologué par le ministère de la magie... je me creusais donc les neurones, pour essayer de retrouver au moins une autre dérogation. Voyons, ça avait quelque chose à voir avec l'utilisation qu'on faisait de ces fameuses préparations… et le régime fiscal de l'utilisateur aussi…

Les avais-je fait surgir à force de les redouter ? Ils ne me surprirent pas au détour d'un couloir, il furent fair-play, me laissèrent les voir, droit devant, droit dans les yeux, quarante mètres d'espace entre eux et moi, quarante occasions de m'enfuir, que je ne sus pas saisir, l'obscurité que je voyais progresser vers moi, comme une boue noire et visqueuse qui allait me rendre aveugle, et ensuite un deuxième passage pour compléter cette destruction en marche vers moi, le froid qui pourrissait instantanément toute chaleur, toute tiédeur, plus froid que le froid normal, et qui allait me gangrèner.

Finalement, ce qu'ils mettaient en place, était plus terrifiant que leur spectacle même, et pourtant j'étais en ce moment même en train de voir l'un d'eux baisser son capuchon et s'avancer à grands pas vers moi dans un silence absolu, mais je savais pourtant que bientôt, quand il se serait plus qu'à une dizaine de mètres de moi, j'entendrais l'abominable souffle asthmatique qui leur tient lieu de respiration, je verrais les lambeaux de chair flotter sur ses mains de cadavre, et qu'il serait plus fort que moi, et m'obligerais à plonger mes yeux de vivante, absurdement vulnérables, dans ses yeux de mort.

L'autre était parti, dédaigneux d'une victoire si facile. Le froid et l'obscurité arrivèrent en plein sur moi, mais sans heurt, comme un événement prévu depuis longtemps. Puis, immédiatement le mouvement de succion et d'aspiration qui réclamait son tribut. Comment peut-on être impuissant à ce point, ne pas savoir retenir la meilleure part de soi-même ? Je parvins pourtant à me reculer de quelques mètres, il fut sans doute surpris, car il ne réagit pas immédiatement, il me laissa quelques secondes à moi, j'avais moins froid, surtout ma main droite, que je regardai, surprise.

Ma baguette m'y attendait.

Mais il avait vu aussi, il se rapprocha, je fis encore un bond en arrière, lui et moi vîmes nos mains se lever dans le même geste, mais la mienne était remplie, la sienne était vide, la sienne voulait prendre, la mienne allait faire surgir quelque chose entre lui et moi.

Je criais Expecto patronus, une voix plus forte, plus grave que la mienne. La nuée argentée apparut et prit forme, mais il y avait quelque chose de bizarre, je ne la reconnaissais pas, je regardais avidement, je ne comprenais toujours pas ce que cela pouvait être, et puis tout d'un coup, il se tourna vers moi, me regarda, je vis enfin, nous étions à nouveau en face, comme cette dernière fois, mais ne ne pouvions plus nous parler… comme lui, j'avais perdu ma voix.

J'entendais maintenant le bruit d'une course à plusieurs, l'autre dementor arrivait sur moi, il réagit avant moi, le dementor disparut instantanément, en criant quelque chose qui ressemblait à " Non ! "

Puis il me quitta, m'adressant un petit signe de la main, son visage, plus jeune que le mien maintenant et grave. Les larmes, qui avaient pourtant déjà coulé de mes yeux, étaient à nouveau là.

Il y avait maintenant du bruit dans le couloir, des gens, des humains, qui arrivaient en courant, il faisait clair et tiède à nouveau, je ne voulais pas les voir, je jetai ma baguette, car la garder m'aurait demandé trop de force, je bousculai quelqu'un , je partis en courant, personne ne me suivit, j'étais sans force mais j'en aurais quand même retrouvé pour les frapper, oui, j'aurais été obligée de les frapper s'ils avaient voulu me retenir.

Journal d'Isolfe, 9 avril

RIEN

Journal de Remus, le 9 avril

Je dormis à peine cette nuit là, ce n'est que vers l'aube que je parvins afin à me raisonner, laborieusement et, sans doute avec une certaine dose de mauvaise foi, en rusant avec mon angoisse.

Isolfe s'était effectivement, par la plus horrible des coïncidences, trouvée en présence de dementors – mais elle s'en était sortie, elle avait su quoi faire, elle avait réagi brillamment, en produisant un patronus humain, le genre de prestations qui en examen vous fait obtenir un E suma cum laude …

Donc, comme me l'avait dit Snape, elle s'était montrée à la hauteur et, comme l'avait dit Albus, elle allait s'en remettre. Alors, je pouvais cesser de m'inquiéter, et l'admirer. Et comprendre qu'il lui fallait un peu de temps pour surmonter le choc.

Pourtant, une fois ceci réglé, ou du moins repoussé au second-plan de mon esprit, voilà que surgissait avec force mon autre sujet de préoccupation, réclamant lui aussi son dû d'analyse rationnelle.

Alors, ce que je diffère depuis tout à l'heure, j'ai même pensé de rien en écrire : le patronus d'Isolfe, c'était un homme, un homme jeune, bien sûr, je n'ai fait que l'apercevoir, mais, mais il m'a semblé que.. il me ressemblait peut-être un peu ?

Mais si c'était vrai, pourquoi avoir réagi avec tant de violence ?

Cette hypothèse qui pourrait m'être "favorable" n'est en fait qu'une nouvelle source de doute et de souffrance pour moi.

Si c'est moi …

Je sais que de telles choses sont possibles, avoir un patronus humain est rare, et cela n'advient que s'il existe des liens extraordinairement forts … Albus en possède un notamment, nous en avions parlé, son maître spirituel … et parfois le patronus s'impose de lui même, vient comme une sorte de révélation qui parle au "patroné" de son moi intime, du meilleur ou du plus secret de lui, éventuellement d'une relation dont il n'avait pas conscience. …

Donc, si c'est moi …

je sais également, je suis allé vérifier dans De patroni, l'ouvrage de référence sur le sujet, qu'une personne peut être patronus sans le savoir ; pour ce faire il suffit qu'il existe cette fameuse relation extraordinaire, bilatéralement ou unilatéralement.

Donc, si c'est moi…

…cela veut dire que le lien existe bel et bien entre elle et moi, mais qu'elle le rejette, comme une sorte de … viol ? Et comment ne pas comprendre sa réaction ? comment accepter de se découvrir si approchée par quelqu'un qui possède une telle part d'ombre au milieu de lui et sur laquelle il ne veut rien dire ?

Ou alors, je me fais des idées et ce n'est pas moi, mais Hemans. Il n'est pas impossible que nous ressemblions, physiquement.

Et là, je suis à nouveau éprouvé – si c'est lui, cela veut dire que ces deux-là n'en ont pas fini l'un avec l'autre ! Et qu'Isolfe est encore toute remplie de lui ? Et elle aurait été tellement bouleversée par cette prise de conscience qu'elle aurait tout envoyé balader. Et en ce moment n'est-elle pas en train de réfléchir à la manière de revenir vers lui, tout marié qu'il soit ? Je me découvre violemment jaloux, absurdement aussi – comme si j'avais le droit de l'être !

Mon cerveau est douloureux, tous ces raisonnements, ces déraisonnements plutôt, tapent et tapent encore contre les parois de mon crâne.

Journal d'Isolfe, 10 avril

RIEN

Journal d'Isolfe, 11 avril

RIEN

Journal d'Isolfe, 12 avril

Albus, au secours, dis-moi ce que tout cela veut dire !

Je vais le voir, mon Dieu, faites qu'il soit disponible.

Il l'était, il m'a accueilli à bras ouverts, il savait que je viendrais.

Il m'a fait asseoir, m' a demandé comment j'allais, comme je ne le savais pas moi-même, j'ai laissé tomber la question.

" Albus, qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi mon patronus a-t-il changé ? Et depuis quand ? Et surtout comment se fait-il que je ne l'ai pas senti ? Et pourquoi moi ?

– Vous m'interrogez comme si vous pensiez que je sais de quoi il retourne …

Mais vous le savez, Albus, je l'ai compris hier. Et puis, je vous avais parlé de moi, vous avez les éléments pour comprendre. Vous voyez, j'ai passé deux jours à ressasser tout cela dans ma tête. Excusez-moi, je crois qu'il faut mieux que je me lève et que je marche, je suis… comme une proie… trop serrée dans ce fauteuil, je vais étouffer. Je vais marcher de long en large, oui, c'est cela, un peu de cohésion dans tout ça. Quand je marcherai vers la fenêtre, je parlerai, et quand je reviendrai vers vous, vous me parlerez.

– Vous me parlerez donc en me tournant le dos ?

– Oui, vous avez compris, mais je crois que je ne le pourrai pas autrement, c'est que nous allons nous entretenir de choses difficiles pour moi, non ? Allez, je commence ".

Je me mis à marcher vers la fenêtre, mais je l'avais atteinte avant d'avoir eu le courage de prononcer le premier mot. Ou alors je marchai décidément trop vite. Albus me dit de revenir vers lui, il prit sa baguette, la fit passer sur le sol, depuis son bureau jusqu'à la fenêtre, en murmurant une formule. Ensuite il me fit signe de repartir. Je compris alors que je n'atteindrai pas la croisée avant d'avoir dit ce qu'il fallait.

" Donc, Albus, vous avez compris qu'il s'agit de mon frère aîné, Charles, mort dans un accident, il y a trois ans, bientôt quatre… en juillet. Vous, voyez, j'ai eu le droit à un double choc, d'abord l'affreux, j'étais tétanisée, je n'ai pu réagir qu'in extremis, et puis au moment où je commençais à voir apparaître le patronus…en fait je ne pensai même plus à m'assurer qu'il était vraiment neutralisé, je ne voyais plus que .. et bien Charles donc, comme un fantôme argenté. Et il venait à mon secours, et moi j'avais l'impression … enfin de replonger dans cette douleur là, et je me sentais coupable de réagir comme cela. C'est atroce, mais je lui en ai presque voulu, c'était intrusif, comme s'il venait déranger ma vie de vivante, même pour m'aider, parce que les patronus ne sont qu'une projection mentale, donc, lui, patronus ou pas, il était toujours mort, donc à quoi bon, c'était fini, j'en avais fait mon deuil, et pourtant non, tout recommençait et alors j'ai pensé qu'il venait, aussi, pour me reprocher quelque chose, justement de l'avoir oublié trop vite."

J'avais atteint la fenêtre, c'était donc à Albus de me répondre, et j'attendais sa réponse comme une accusation. Je me donnais un peu de temps, en laissant mes yeux dans le vague du côté du lac. Le ciel hésitait entre gris et bleu, décidément, rien n'était simple. Je me retournais enfin dans sa direction, mais deux enjambées me suffire à me retrouver à son niveau. Il me dit simplement :

" Continuez, je vous écoute."

Je repartis vers la fenêtre.

Lors du premier passage, j'avais la bouche sèche et ce que je tentais d'expliquer la desséchais encore plus cruellement, mais maintenant les mots coulaient hors de moi, une inondation qui se serait enfin décidée à agir.

" Je me suis demandée, tout au long de ces deux jours, pourquoi j'en étais arrivée à ce point, où je me sentais coupable, où je pervertissais son intervention, puisque je la voyais comme un reproche. Je ne sais pas si j'ai trouvé, en tout cas, j'ai une piste. Albus, il faut que vous sachiez que deux jours après sa mort, j'ai été envahie par une envie invraisemblable et formidable - être à nouveau heureuse. Ç'était effrayant, illégitime cette volonté de bonheur, il y avait eu deux jours de chagrin absolu, et croyez- moi, cela m'avait jetée à terre, parce que je venais de perdre l'être qui m'était sous doute le plus proche, mon alter ego, biologique et spirituel – on partageait beaucoup de choses, et puis je l'avais toujours connu, n'est-ce pas, je suis née, il était là. Et pourtant, c'était tellement puissant. Et je me suis dit que cela allait trop vite, que je ne pouvais pas déjà penser à autre chose. En fait, cela n'a pas duré, une heure à peine, mais voilà, j'ai toujours considéré que ce besoin avait été répréhensible."

Je suis à mi-chemin, il me faut donc encore parler de Benedikt.

" Ensuite, six mois après, ça faisait encore si mal, je me disais que si je devais être confrontée à un autre décès dans mon entourage, parce que j'avais toujours peur qu'il leur arrive quelque chose, j'ai toujours peur d'ailleurs peur que si quelqu'un d'autre mourrait, je … je ne pourrais pas le supporter - j'étais toujours par terre, à l'intérieur de moi - Et j'ai rencontré Hemans, coup de foudre ? je ne sais plus. Je crois surtout que j'avais trouvé un fil, à la fois miraculeux et banal, que j'allais pouvoir remonter jusqu'à cette fameuse envie de bonheur qui m'attendait au bout, et cette fois-ci eh bien elle était normale, non ? Mes parents étaient tellement soulagés, vous savez, de ne plus me voir seule. Et je me disais que pour eux, c'était le mieux aussi, que … que je me mette en situation d'avoir un enfant, pour qu'une naissance vienne après ce décès. Pas pour le faire oublier, bien sûr, mais pour, enfin vous savez ce que l'on dit, la vie continue, hein, c'est çà. Et là, pendant ces deux jours, je me suis dite que me suis précipitée dans cette histoire avec Hemans, pour de mauvaises raisons, mais aussi de bonnes, ce que je viens de vous dire, mais finalement ce sont les mauvaises qui ont été les plus fortes."

La fenêtre est encore loin de moi. Et je parle de lui en disant Hemans, maintenant, non, d'ailleurs ce n'est pas la première fois…

" Alors peut-être n'était-il qu'une … une porte de sortie, fort plaisante d'ailleurs, fort légitime, c'était valorisant pour lui, parce que aider, protéger quelqu'un, arriver à mettre fin à ses cauchemars, en le tenant dans ses bras et lui disant des choses douces, cela vous permet de faire valoir votre supériorité, bon, c'est atroce de dire cela, comme s'il était le seul responsable, parce que moi je ne demandais que cela, que quelqu'un me dise, que, oui, j'avais le droit à être à nouveau heureuse…. Oui, et c'est pour cela qu'il m'aurait finalement rejetée ? Parce que je me serais servi de lui…je n'aurais vu en lui qu'un moyen de me sortir de ce désespoir ? Et il aurait fini par s'en apercevoir…."

Je suis au bout de mon chemin, je me retourne, j'ai hâte de savoir ce qu'il va me dire, parce que, moi, je ne veux plus parler.

" J'ai deux choses à vous répondre, Isolfe. Tout d'abord, ne venez pas chercher de condamnation ici. Hier, un de vos collègues… enfin non, quel besoin ai-je de taire son nom, le professeur Lupin, donc, était ici, à votre place, furieux, en colère contre moi, et je lui ai dit qu'il ne devait pas toujours se rendre coupable de tout. Le message est le même pour vous. Songez-y et je vous en prie, ne me dites pas que je vous fais chier … ah, vous haussez les sourcils, surprenant de sa part, n'est-ce pas ? Utiliser de tels mots, devant moi…. Enfin sachez, que lui et moi étions …comment dire, à bout, oui, c'est cela à bout. Ou au début de quelque chose. …. Ensuite Isolfe, ne lui faites pas jouer ce rôle là…."

Je ne lui ai pas laissé le temps d'achever, je demande abruptement, presque méchamment

"Quel rôle ? "

Je suis dans l'urgence, je pensais que la sorte de confession à laquelle je viens de me livrer me soulagerait, je m'aperçois qu'en fait elle m'a profondément déstabilisée, parce que je suis allée toucher à des choses très intimes, à tout ce chagrin qui avait sédimenté au fond de moi, formant une strate, vivante, active, puisque tous les jours elle libérait quelques particules de souvenirs, tristes ou joyeux, mais surtout fondamentale, cet événement irrémédiable sur lequel il avait bien fallu continuer à grandir. Or, je venais en en parlant, de donner de grands coups dans cet édifice qui était encore bien fragile. Tout comme il y avait deux jours, le patronus qui m'était apparu. Alors, je ne savais plus si j'avais encore envie d'entendre parler du professeur Lupin.

" Eh bien … je veux dire, le rôle d'un grand frère de substitution. Vous le tromperiez, et vous vous tromperiez… Vous savez, c'est lui qui a essayé de vous retenir…

Ah, lui, vraiment, pensait-il pouvoir m'aider ? Il fallait que je sois seule… Et Remus, un grand frère…non, non, quelle drôle d'idée, Albus. Mais est-ce que je donne vraiment cette impression là, celle de chercher un remplaçant à Charles ? C'est vraiment ce que vous diriez ?

– Ah, Isolfe, je ne sais pas ce que l'on peu dire de vous….

– Allons, allons, Albus, je ne suis pas si énigmatique que cela… je ne cache rien, aucun secret…pas à vous en tout cas. Non, Lupin, ça n'irait pas. Charles avait le sens de l'humour chevillé au cours, ce talent ou ce don-là, savoir raconter de façon irrésistiblement drôle la moindre des choses et déclencher les rires autour de lui, comme le fait Sebastian, vous voyez. Même si en dessous, c'était un véritable écorché vif, ultra-sensible. Après sa mort, je m'en suis voulue, parce que je ne possédais pas le don, je ne savais pas faire le clown, pour remplir un peu ce vide monstrueux, et pourtant quel hommage c'eût été lui rendre…

Et puis il y a eu ce moment terrible, il y a un peu moins de quatre ans, j'ai atteint l'âge qu'il avait au moment de sa mort, et puis je suis devenue plus vieille que mon grand-frère. Vous comprenez combien c'est affreusement anormal, n'est-ce pas ? "

Je me tourne vers lui, j'aurais besoin qu'il me donne raison, mais il reste muet – je décide qu'il est temps que je parte.

" Bon, Albus, je vous laisse, cela m'a fait un bien infini, vous parler de lui – c'est comme si je l'avais un peu fait revivre, c'est tout ce qui reste n'est-ce pas, les souvenirs et la faculté de témoigner d'une existence qui a disparu. Parce qu'il y aura un moment, j'imagine, où je cesserai de penser à lui tous les jours, un jour sur deux, et puis moins souvent, et ça, je pense que ça fera mal. "

Albus a absolument tenu à me raccompagner jusqu'à ma chambre, j'en ai été à la fois touchée et agacée, mais il a continué à se taire.

Journal de Remus, 11 avril

Hogwarts est déserté de la majeure partie de ses élèves, néanmoins je continue à travailler avec mes spécialistes, nous avons commencé la préparation au concours d'entrée à la formation d'aurors qui aura lieu en octobre prochain. J'arrive donc à occuper mes journées, sans qu'il me reste trop de temps pour penser par ailleurs.

Car Albus n'a toujours pas de nouvelles de Gn1-2, mais il est toujours aussi serein, il est persuadé que le gardien de Sirius ne donnera signe de vie que lorsqu'il lui sera possible de le faire en toute sécurité, et que la fameuse enquête interne en cours à Azkaban doit lui compliquer la tâche, n'est-il pas concerné en tout premier chef ? D'autant plus qu'il ne peut livrer qu'un témoignage partiel des événements qui ont eu lieu ici il y a trois jours.

" Donc, pas d'inquiétude Remus, consacrez-vous l'esprit libre à vos étudiants."

L'esprit libre, est-ce de la provocation ? Voulait-il à nouveau me faire sortir de mes gonds ? J'étais effectivement à deux doigts d'y être… mais après tout, il ne faisait que me dire de faire ce pour quoi il me paie, c'est la première année qu'Hogwarts présente autant d'étudiants à ce fameux concours d'entrée, et le pourcentage de réussite est une des aunes à laquelle on mesurera la qualité de mon enseignement et l'excellence de l'école.

Mais ce n'est pas tout ceci que je souhaite analyser, ces événements là concernent le professeur Lupin, l'homme officiel dont Isolfe m'a parlé. Non, il y a autre chose, qui concerne, et la meilleure part de moi-même, celle qui existe au delà de mon loup, et Isolfe : ce qui m'interroge, d'une voix obstinée et inquiète, c'est cela - le fait qu'Isolfe a un patronus à forme humaine, et qu'elle a eu l'air effrayée, non plus que cela ravagée, par cette vision, par ce qui pourtant venait à son aide.

Quand tout cela se fut effacé, dementors et patronus, et que je l'ai vue, un bref instant, elle était inaccessible, et j'ai compris que ce n'était pas le dementor qui en était responsable, parce que je reconnais la peur et l'horreur que ceux-là peuvent susciter, mais là, c'était autre chose qui l'avait envahie, ses yeux sont passés sur moi comme une ombre froide, elle a jeté sa baguette, comme si elle lui était soudain devenue hostile et l'avait trahie; elle s'est mise à courir et je me suis mis à courir après elle et Albus - Albus ! encore, une nouvelle fois s'est interposé, il m'en a empêché, me disant qu'il fallait la laisser, et la bouche de Snape s'est tordue de satisfaction, et, avant que je ne puisse le faire, il a ramassé la baguette. Et il s'est rapproché de moi et il m'a chuchoté avec une joie maligne – j'étais fasciné et dégoûté par ses lèvres qui se rapprochaient et s'éloignaient, telles deux serpents s'apprêtant à copuler

" Vous arrivez toujours trop tard, mais voyez, elle n'a définitivement pas besoin de vous , vous n'êtes pas à sa hauteur, ni pour le courage, ni pour …un patronus humain… tout à fait exceptionnel.

Et puis il ajouta – Vous avez l'air sous le choc, vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que se soit un loup ! "

Vector s'interposa , l'attrapant par le bras, le tirant en arrière de moi.

Et Isolfe est toujours invisible, elle est chez elle, je sais, via Filius, que Poppy est allée à la voir et qu'elle allait mieux, mais souhaitait toujours qu'on la laisse seule.