Astorius - merci mon cher de m'envoyer tes revues avant postage, ça t'évitera de laisser traîner des fautes ! (promis, je ne censurerai pas…)
Et merci de tes remarques poétiques… Lupin ministre ? pas ma version en tous cas, ses ambitions se situent davantage dans le domaine de l'accomplissement personnel et intellectuel, pas dans les jeux de pouvoir.
Fenice – on s'est déjà écrit au sujet de ta revue, en ce moment je ne lis rien de britannique, donc pas d'eau pour me mettre en émoi…Maintenant, on pourrait aussi discuter de la symbolique du loup, notamment dans les contes de fées… et ça serait aussi pour Astorius qui verrait bien Isolfe en petit chaperon bleu !
J'ai trouvé une analyse intéressante au détour d'Internet, les pierres dont le petit chaperon remplit le ventre du loup, sont un symbole de stérilité, comme quoi on rejoint mes obsessions et les souffrances de Lupin.
Les lettres qui démasquent le monstre… je vais encore m'amuser avec ça, plus tard.
Et tu sais les longues revues, j'adoooore
Fée Fléa(u) - je suis vraiment chagrinée d'avoir gâché ta lecture avec cette citation d'Eluard (et en plus j'en avais une autre de Suzanne Vega, mais la charte ffnet étant ce qu'elle est, je ne peux pas t'en dire plus). De mon côté, le surréalisme, c'est bien loin… je n'ai jamais adhéré à Breton d'ailleurs …mais ce poème là d'Eluard, et bien, il fait partie de mes préférés…En première année de fac, j'avais en cours de français à la mode Oulipo, et le prof nous avait fait travailler sur L'amoureuse, il fallait le décomposer et le recomposer, je m'étais vraiment éclatée, le hic – on avait été noté ! ce qui enlevait un peu de magie à la chose…(et j'avais eu une note médiocre)
Quant à Remus et ses secrets, aujourd'hui, Isolfe va les lui balancer dans les gencives…on avance toujours !
Le modem de Léna - on n'a pas idée de tomber en panne etde me priver de ma rubrique cinéma préférée !et de revues aussi peut-être ? (voix de Guézanne sur la pointe des pieds…)
Coup de pub (bis).
Je vous avais déjà parlé de Black Lignage d'Astorius, Fenice avait répondu présent à la première campagne de promotion (merci Fenice !) le chapitre 3 est en ligne, avec un Poudlard Express et un Sirius d'humeur plutôt bluesy et qui se laisse marcher sur les pieds.
J'aime bien, alors je vous le recommande…
And now, ladies and gentlemen, départ pour le Ben Nevis.
Bonne marche, bonne lecture !
8888888888888888888888
Journal d'Isolfe, le 6 mai
Hier, Remus et moi sommes allés emprunter leur équipement de marche à Minerva et Sebastien – grosses chaussures et blousons chauds et imperméables. J'ai découvert que je faisais la même pointure que Minerva, Sebastian a fort obligeamment allongé ses chaussures pour les mettre à la taille des pieds de mon co-équipier. (J'ai été ravie de constater qu'il chaussait du 43 !… une information de plus sur lui… peut-être … non, rien).
Ce matin, le temps était un peu brouillé, mais doux et sec. Nous avons transplané jusqu'au Ben Nevis, à l'endroit d'où partent les excursions guidées – nous avions décidé de le faire à la muggle collectif… alors que Sebastian et Minerva, qui ont plusieurs ascensions à leur actif, étaient tout disposés à nous détailler le parcours afin que nous puissions nous débrouiller en solo.
Mais j'avais envie de compagnie muggle, envie d'une atmosphère de vacances et … eh bien, il me semble que Remus voulait, en quelque sorte, se tester en environnement conventionnel… et se montrer à mes côtés.
Et moi aux siens.
J'avais décidé d'oublier qu'il persistait à se taire, et à se dissimuler à moi. Et le monde muggle saurait recouvrir sa zone noire et magique d'une couche de légèreté insouciante, irresponsable, bienvenue entre nous.
A Achintee, nous avons donc retrouvé un groupe de 6 autres personnes, nous étions donc neuf avec le guide, un jeune homme écossais ( à mon avis, guère plus d'une vingtaine d'années) qui s'appelait Pádruig — mais bien sûr, nous pouvions l'appeler Pat.
Dieu merci, il n'en rajoutait pas trop dans l'accent local. Il a commencé par un tour de table (sic), nous faisant nous présenter aux autres et dire de quel coin de la planète nous venions. Comme souvent en ce genre de circonstance, j'appréhendais mon tour – j'ai finalement choisi de dire que je venais de France, je n'avais entendu personne parler français dans le groupe, sans cela j'aurais raconté que j'habitais Londres.
Remus a froncé les sourcils, ce qui lui va sacrément bien je dois dire, en lui donnant un air gentiment féroce, ses yeux deviennent alors plus bruns que gris, et, optant pour la même ligne de conduite que moi, il a déclaré qu'il venait de Cornouailles. Le guide a un peu tiqué sur le prénom, qu'il lui a fait répéter, mais sans plus.
Il y avait deux Japonaises, l'une avait les cheveux très longs, jusqu'au dessous des fesses, l'autre au contraire arborait une coiffure en brosse. Pat ne cessait de regarder la plus grande, celle aux longs cheveux, Minami, avec des yeux avides, j'aurais volontiers dit que c'était uniquement à cause d'elle qu'il avait organisé cette présentation, et un groupe de quatre Danois, deux garçons, deux filles, mais difficile de savoir comment les relations se combinaient entre eux. Remus et moi étions donc les deux vieux de la troupe !
Nous avons ensuite eu le droit à un topo détaillé sur le Ben, qui a eut l'air de barber un peu tout le monde (Minverva nous avait déjà appris que Ben Nevis signifiait la montagne couronnée de nuages – tout un programme, avait-elle ajoutée en clignant de l'œil).
Moi, je pensais à little Ben Brenner, dont Arthur m'avait parlé un jour. Et je me demandais si Remus en connaissait aussi l'existence.
Quand je suis revenue à la réalité, Pat était en train de disserter sur les conditions météo au sommet du Ben, les brouillards fulgurants qui vous tombaient dessus style pas-le-temps-de-dire-lumos et vous perdaient votre homme aussi sûrement que … il chercha une image appropriée et se lança – « qu'un touriste dans les rues de Tokyo »
. Tout le monde se marra, les deux Japonaises sans doute par politesse, une des Danoises glissa quelque chose à l'oreille de son voisin, qui rigola de plus belle. Pat conclut habilement en insistant sur la nécessité de se faire accompagner par un guide certifié ou, si l'on tenait vraiment à jouer en solo les irresponsables aventuriers, à se munir d'une boussole, d'une carte et, pour plus de sûreté encore, d'un GPS.
Il exhiba d'ailleurs complaisamment les deux instruments dont il venait de parler, expliquant à Minami que Sony , eh ben, c'était japonais. Elle eut un joli rire perlé – ou elle marchait et avait envie de le voir en kilt, ou moins si affinités …ou c'était du simple savoir-vivre asiatique . En tout cas, la copine resta sur sa réserve.
Remus me tapa légèrement sur l'épaule « A condition de retrouver tout ce bazar …dans le brouillard ! »J'éclatai de rire, à mon tour, sauf que les rires perlés, désolée, mais j'y suis jamais arrivée. Tout le monde me regarda et je me sentis rougir.
Nous avons enfin eu le droit de nous mettre en route, Pat a pris la tête de notre colonne, s'arrangeant pour que la belle Minami (et accessoirement sa copine) marche à ses côtés.
Remus m'a retenue alors que je m'apprêtais à leur emboîter le pas, nous nous sommes donc trouvés en dernier, derrière la joyeuse équipe danoise.
« Vous voulez que nous jouions les chiens de berger ? »
Son visage se contracta subitement, je lui souris, pour le rassurer, mais je me découvrais soudainement angoissée – j'avais pensé que le contexte muggle, que l'éloignement d'Hogwarts, nous offriraient une journée sereine, sans arrière-pensée, serais-je tentée de dire, et je m'apercevais que, là comme ailleurs, avec lui, il fallait toujours que je me tienne sur mes gardes. Comme lui l'était sur les siennes. Comme si nous n'étions finalement que deux adversaires. J'étais découragée. J'ai eu la tentation de le planter là - je l'avais déjà fait une fois. Mais j'ai résisté. Et j'ai même décidé de le pousser - un peu - dans ses retranchements.
« J'ai encore tapé là où ça fait mal ? »
Il a grimacé un sourire, à la fois désespéré et penaud, à faire fondre la plus intraitable des harpies. Pat est alors arrivé au grand galop à notre hauteur, nous avions pris du retard, et il venait voir ce que nous fabriquions…Nous l'avons rassuré sur l'état de nos chevilles, il ne cessait de les regarder, il devait penser que sur les quatre, nous avions dû trouver le moyen de nous en fouler déjà une ou deux ! Il a affiché un air merveilleusement soulagé, et est reparti, toujours galopant, reprendre la tête de notre colonne.
« C'est bon, nous ne lui avons pas niqué son excursion… » Je ris à nouveau, finalement, l'intervention de Pat avait fait disparaître le malaise entre nous. Je lus dans les yeux de Remus qu'il ne laisserait plus rien le faire déraper. Mais que je devais faire attention, néanmoins.
Pat nous fit observer des haltes régulières, toutes les demi-heures, en profitant pour nous délivrer de longs commentaires sur le paysage. Je ne sais pas si c'était une technique de drague à l'attention de Minami : j'étale ma science tout en jouant du mollet, je suis cultivé et costaud, mais personne ne l'écoutait vraiment.
Il régnait sur notre groupe une atmosphère de classe dissipée, pleine de rires et de légèreté et finalement Remus et moi, une fois que s'était refermé ce que mon imbécile remarque avait ouvert entre nous, participions pleinement à cette spontanéité insouciante.
« Et pour une fois, me dit-il, pas la peine de faire la discipline
et j'ajoutai
– et de se mordre l'intérieur des joues pour ne pas éclater de rire devant son public ! »
Mais le rire était une barrière entre nous. Un cordon sanitaire entre lui et moi. On ne se jette pas dans les bras de quelqu'un qui se marre devant vous.
Mais n'est-ce pas ce que je voulais ? Et lui aussi ?
Il y a quand même un moment où nous fûmes tous subitement très attentifs – et admiratifs. Notre sentier de randonneurs , relativement facile, passait le long de la fameuse Carn Mor Dearg Arete et nous vîmes un groupe d'alpinistes en train de descendre en rappel.
Les Danois se mirent subitement à poser un tas de questions à Pat, ils voulaient savoir si on avait besoin de compétences en escalade pour se lancer sur la fameuse arête ou s'il suffisait d'être bien entraîné.
Je n'entendis pas la réponse, parce que Remus avait fixé son regard sur moi, sur le profil que je lui présentais. Et ce regard-là avait beau ne m'atteindre qu'en un seul endroit, mon visage, il m'enveloppait totalement et me sollicitait toute entière. Une fois de plus, plongée dans une troublante agitation, je me détournai.
Il faudrait que ce soit la dernière, enfin.
Je me promets que la prochaine fois, je ne me déroberai plus.
Quant Pat eut terminé ses explications et eut un peu refroidi l'ardeur des Danois, nous nous remîmes en route.
Au bout d'une heure, nous atteignîmes le plateau sommital. Nous étions partis à huit heures et il était un peu plus de midi. De peur de faire mentir sa réputation, le Ben s'était encapuchonné d'un brouillard, léger, on y voyait quand même à une centaine de mètres. J'imagine qu'on pouvait en conclure qu'il faisait beau.
Nous nous regroupâmes tous autour de la carte de Pat, ce qui nous permit de découvrir où nous étions et ce que nous aurions pu voir – soit, en faisant un tour à 360 degrés sur notre droite : le Carn Mor Dearg, Aonach Mor, et Aonac Beag et au delà, les Grey Corries, une longue ligne de crête composée de 4 munros, soit des sommets de plus de 1 000 mètres et enfin, au sud, la crête de Marmore, comptant 10 autres munros.
Et si nous regardions vers le centre du plateau, et que nous avions une bonne vue (!), nous avions une chance de distinguer les ruines de l'ancienne station météorologique.
Christian, un des Danois, suggéra qu'elle avait été fermée parce qu'aucun des météorologues qui y avaient été assignés n'avait jamais été fichu de la trouver… à cause du brouillard. L'un était même mort de faim à cent cinquante mètres du bâtiment. Et ce n'est que quelques mois après que des touristes retrouvèrent son squelette, butant dessus dans le brouillard.
« Bien sûr, c'était avant le GPS ! » ajouta-t-il le plus sérieusement du monde.
Toutes les filles frémirent, moi y compris, ce qui permit à Christian d'afficher un air hautement protecteur, et, soudain, Minami nous refit le coup du rire perlé, version cascadante cette fois-ci ; Pat ne put faire autrement que de s'asseoir sur cette blague dont le climat écossais faisait les frais, et l'hilarité gagna toute notre troupe.
Quand nous nous fûmes calmés, Pat nous proposa de nous installer sur un groupe de rochers qu'il nous désigna de la main, afin de procéder à la pause déjeuner.
« Avec un peu de chance, le brouillard se sera levé quand nous aurons fini notre pique-nique. »
Cette perspective nous ragaillardit, chacun se chercha une pierre commode pour s'installer et nous déballâmes nos provisions. C'est Remus qui s'était fort obligeamment chargé de nous obtenir un double déjeuner auprès du chef des cuisines, sans vouloir me dire ce qu'il avait commandé. C'est d'ailleurs lui qui avait tout porté, il n'avait pas voulu que je me charge de ma part.
Et maintenant, il s'apprêtait à me la tendre, c'était volumineux et enveloppé d'un de ces fameux torchons H. Je fus subitement prise d'un doute, je chuchotai dans sa direction :
« Vous leur avez bien précisé que nous allions manger en environnement muggle ? Et s'ils nous avaient mis de cet infâme jus de citrouille ?
– Mais ma chère professeur Dazurs, nous ferions croire qu'il s'agit de jus de carottes ! je crois savoir que les muggles s'en descendent des litres !
– Remus, vous avez des idées bien hygiénistes sur les muggles, vous êtes sûr que vous ne confondez pas avec la bière ? »
Je donnai un petit coup de menton en direction des Danois qui, effectivement, s'étaient munis d'une certaine quantité de canettes. Mon exemple n'était d'ailleurs pas pertinent à 100, car les filles buvaient du coke allégé.
« Non, rassurez-vous, j'ai demandé du thé, ils ont même réussi à dénicher deux thermos tout ce qu'il y a de plus muggle dans leurs fonds de placard. Par contre, je me suis rendu à la suggestion du chef cuisinier, et j'ai pensé qu'un club sandwich au kidney pie et à la panse de brebis serait hautement roboratif, et une merveilleuse initiation à la gastronomie locale. Malheureusement, il n'a pas trouvé de tweed ou de tartan pour emballer ces merveilles. Je lui ai bien suggéré d'aller se servir sur une des vieilles jupes de Minerva, mais il n'a pas voulu courir le risque. »
Il me tendait ma part.
« Tenez et bon appétit ! »
Mon Dieu, comment pouvait-il me débiter tout cela avec des yeux tout d'un coup si tristes ! C'en était presque réfrigérant, comme si l'intention humoristique contenue dans ses paroles s'était abîmée quelque part en lui.
« Vous êtes sérieux ? Vous l'avez vraiment laissé faire ça ?
– Sérieux, non, vous n'avez pas remarqué que j'essayais d'être drôle ?
– Eh bien, vous l'étiez plus tout à l'heure.
– C'est que j'ai dû épuiser ma provision d'humour de la semaine… Allez –y sans crainte, c'est du poulet et des crudités. »
Nous commençâmes à manger en silence, je me disais que j'avais perdu une occasion de me taire, que j'aurais dû jouer le jeu, pousser des cris effrayés et ensuite me mettre à rire. Au lieu de cela, je l'avais vexé, blessé sans doute. Mais aussi, qui s'amuse à sortir de telles plaisanteries avec ce regard éteint ?
Qui, mais pardi, Isolfe, Remus Lupin, assis sur son rocher en face de toi, qui se nourrit en regardant ses pieds.
Je me tournai du côté des autres, je parlai un peu avec la fille la plus proche de moi, elle m'apprit qu'ils étaient tous étudiants, médecine, architecture, droit, médecine. Elle me demanda ce que je faisais, je lui répondis que j'étais prof d'économie, et nous parlâmes un peu avec les autres de l'UE. L'autre fille, l'étudiante en architecture, Johanna, me raconta qu'elle avait voulu faire sa deuxième année en Grande Bretagne, dans le cadre d'un programme Erasmus et qu'elle y avait renoncé, parce que les cursus n'avaient rien à voir les uns avec les autres. Christian m'interrogea sur les études de médecine en France, je lui appris qu'elles étaient fort longues, terriblement sélectives et que, si on voulait se spécialiser, il fallait poursuivre au delà des huit années initiales. Il leva les bras au ciel, et nous pûmes tous constater que ses mains avaient disparu. La copine de Minami, Miu, lui dit qu'il avait besoin d'un chirurgien spécialisé dans les greffes des mains – et tout le groupe se remit à rire.
Effectivement, le brouillard jouait les prolongations, et en profitait pour s'amasser plus sûrement au dessus de nos têtes, gonflant sa structure et faisant éclore les gouttes d'eau qui le composait. Nous enfilâmes nos vêtements étanches et décidâmes de prolonger la pause faute de mieux.
Je me tournai vers Remus, afin de le faire rentrer dans notre cercle conversant (nous avions décidé qu'il serait prof d'histoire, si jamais la question venait à lui être posée). Nous apprîmes que Minami et Miu étudiaient le design industriel à l'université de Nagoya. Et que Pat était lui aussi étudiant, en agronomie, qu'il connaissait très bien le Ben car il avait grandi quasiment tout au pied, ses parents étant farmers, dans le coin.
« Et ils cultivent quoi ? demanda Minami avec un sourire très … design.
– En fait, rien, les sols sont trop pauvres ici, la seule chose à faire, c'est d'élever des moutons. C'est avec leur laine qu'on fait le tweed. Mes parents élèvent des Border Leicester, c'est la meilleure race, celle qui donne la plus belle des laines, du moins en Europe. Ils sont rigolos, ils ont une tête de lapin. Pas mes parents, les moutons.
J'entendis Remus se dérider à côté de moi.
Dans un mois, je pars en Nouvelle Zélande, faire un stage chez un éleveur. Je ne serai pas loin du Japon, finalement. »
Il n'avait pas osé regardé la jolie Japonaise, pourtant je jurerai qu'elle avait capté l'information. J'adooooore faire la commère sur ce genre de choses.
« Est-ce que vos parents ont des Jacobs ? »
La question était de Remus. Pour moi, les Jacob étaient avant tout des bergères, mais il me restait à découvrir l'acception écossaise de la chose.
« Vous connaissez ?
– Oui, j'en ai vu, ici, en Ecosse, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'observer leurs cornes en action.
– Comment ça en action, ils se battent ? »
C'était Johanna, mais elle avait posé la question à notre spécialiste es-ovins.
« Oui, ils se battent, comme tous les mâles, pour les beaux yeux des brebis.
Ah là, il venait de marquer un point, il avait regardé Minami droit dans les yeux en disant cela, et elle avait détourné son regard avec un petit sourire enchanté de lui-même.
Et ils ont quatre cornes, mais en fait, elles leur servent surtout à dégager la neige.
– Oh, super, des moutons chasse-neige, en quelque sorte. On en ramène au Danemark ? on ferait sensation sur le campus, je me vois bien arriver en cours d'anatomie, précédé par un Jacob déblayeur de neige.
– Pour répondre à votre question, mes parents en ont quelques têtes, mais c'est plus pour une question esthétique, que … économique. Comme quoi, les Ecossais ne sont pas si radins qu'on veut bien le dire. »
Je glissai à Remus « Voilà, l'Ecosse est vengée. Minerva serait ravie ! »
Pat leva les yeux afin , sans doute, de sonder l' épaisseur nuageuse au-dessus de nos têtes. L'examen se prolongeait, nous attendions son verdict, anxieusement. Finalement, il nous gratifia d'une grimace désolée, nous déclarant qu'il n'y avait aucune chance que la brouillasse ne se dissipe avant la fin de l'après-midi. Apparemment, les brouillards du Ben n'avaient pas le bon goût de disparaître aussi brutalement qu'ils apparaissaient. Il nous proposa alors de nous guider vers les ruines de la station météorologique et d'entamer notre descente afin de nous extraire du fog – une sorte de fuite par le bas.
Bien sûr, il était impératif que nous restions soigneusement groupés. Nous nous remîmes sur nos pieds. Remus s'approcha alors de Pat et ils échangèrent quelques mots ; je vis le guide secouer la tête en signe de dénégation, Remus lever les épaules, je l'entendis dire « Tant pis », puis il revint vers moi.
Comme il restait silencieux, l'air passablement renfrogné, je me risquai à lui demander si tout était Ok, « à part le brouillard, bien sûr », me sentis-je obligée d'ajouter.
« Justement, cochonnerie de brouillard ! J'ai demandé à Pat s'il pouvait malgré tout nous emmener à un certain endroit, d'où on a une vue magnifique sur un des munros… Et en plus, le lieu lui-même est superbe, un bizarre assemblage de rochers, des pierres volcaniques, comme un Stonehenge miniature… C'est très étrange, très magique… au sens muggle du terme. On a l'impression que quelque chose y habite et qu'on ne peut rien voir, ni comprendre, faute de sagesse … ou d'humilité. Je suis certain que vous comprendriez… que vous ressentiriez la même chose que moi… Vous êtes trop … sensitive pour que cela puisse vous échapper. »
Je ne sus que rester silencieuse devant lui car , si j'avais accepté de prendre le relais que ses mots me tendaient, j'aurais dû , devant lui et à haute voix et en reconnaissance de ma très grande faute, m'accuser de manquer de courage devant sa zone d'ombre, devant lui. Mais peut-être m'aurait-il pardonné d'être si faillible.
Le silence lui fit détourner les yeux, dans une direction lointaine, au delà du brouillard ouaté, comme s'il cherchait à se débarrasser d'une trop forte pression.
« Quant à apercevoir la mer, autant espérer voir briller la coupole de Saint Paul ! Et pourtant, par temps dégagé, on peut voir le détroit des Hébrides et plus loin l'île de Skye et les Hébrides elles-même.
Ce n'est donc pas la première fois que vous venez sur le Ben ?
Non, je suis venu, la deuxième semaine de vacances, pour faire… une sorte de reconnaissance… après avoir lu votre lettre, la partie remise. Mais j'ai triché, j'ai transplané directement au sommet.
Et il faisait beau ?
Pas vraiment, je me suis pris une grosse averse , mais ensuite l'atmosphère était … comme lavée, très transparente, totalement immédiate. Comme si enfin on y voyait vraiment, comme s'il n'y avait plus rien entre soi et la réalité. Il y avait du soleil sur les rochers mouillés, et au loin, l'Atlantique était une grande zone dorée, véritablement, comme une plaque d'or pur, dense et lourd. Alors, aujourd'hui ! »
Il fit un grand geste parodique pour embrasser l'horizon disparu… « c'est plutôt décevant. Je suis désolé, Isolfe.
Mais voyons Remus, c'est la faute de la météo, pas la vôtre ! Je crois que les autres vont nous attendre. »
Nous nous retournâmes en même temps, ils étaient tous prêts à se mettre en route, le sac remis en place sur le dos et le pied en avant.
Il nous fallu marcher une bonne demi-heure avant d'atteindre les fameuses ruines. Remus et moi fermions le ban, en silence. Parfois, lorsque notre colonne s'étirait, nous perdions de vue Pat et Minami, et c'est tout juste si nous apercevions encore le sac à dos mauve et jaune de Miu.
A un moment, Johanna poussa un cri qui nous parvint mollement, elle venait de buter dans quelque chose, les garçons se mirent à plaisanter, et Christian se retourna vers nous pour nous faire profiter de la bonne blague : ils avaient dit à Johanna de se méfier des squelettes de touristes perdus dans la brume. Et tout d'un coup, il cria, agitant une main frénétique en direction de mes pieds
« Attention, là ! un autre ! »
Je fis un écart, moitié pour rentrer dans son jeu, moitié parce que je m'étais effectivement pris les pieds dans une motte de terre détrempée. Je ris en revenant sur le sentier – je pensais à toutes les fois où Charles m'avait fait marcher, et aussi crier, avec des trucs de ce genre. Par contre, Remus haussa ostensiblement les épaules, ce que Christian ne manqua pas de remarquer. Il me jeta un « Pas drôle votre copain ! » et se détourna.
Je me remis à marcher normalement, je courbais la tête sous le brouillard qui se délitait en pluie froide.
Nous passâmes très peu de temps dans les ruines, nous étions pressés d'échapper au sommet.
Lorsque nous commençâmes la descente, nous marchions à nouveau derrière les autres, Remus me demanda si, à mon avis, Sebastian était aussi drôle au sommet du Ben qu'à Hogwarts.
« Eh bien, je dirais que la question est plutôt de savoir si Sebastian est aussi drôle quand il est seul avec elle que lorsqu'il est devant un public plus .. hm fourni ! A votre avis ?
– Je ne sais pas, c'est une question que je me pose…
Moi, je dirais que oui. Une pointe d'humour n'a jamais fait de mal au sentiment amoureux. »
J'aurais été curieuse de savoir ce qu'il pensait de ma recette, mais il me posa une autre question, mi naïve, mi agressive.
« Il est plus drôle que moi ?
– Sebastian, vous voulez dire ? Oui, plus drôle, bien sûr. Vous, même quand vous l'êtes, comme tout à l'heure, vous restez toujours sur votre réserve…comme si vous montiez la garde… autour de vous-même. Alors que Sebastian un homme serein, naturel »
Je le vis se forcer à rire, mais cet effort affecté eut comme effet de crisper encore plus les traits de son visage.
« C'est un portrait en creux que vous dressez de moi ? Incapable de se laisser aller, torturé et artificiel ? »
Il s'était arrêté, et dans l'urgence, m'avait saisi le poignet, m'obligeant à rester à côté de lui. Ses doigts me serraient fort, seul son pouce était posé délicatement sur mon pouls.
« Il faudrait également dire : silencieux et secret, Remus. Et tout cela est lié bien sûr.
– Mais Sebastian est un homme aimé, lui ! »
Il lâcha mon poignet tout d'un coup, comme si ce contact lui était subitement devenu insupportable. Je sentais qu'il s'affolait dans l'attente de ce que j'allais lui répondre, dans le risque qu'il venait de prendre. Je répondis, sans me donner le temps de réfléchir, moi aussi dans l'urgence et au bord de la panique :
« Sebastian n'est pas un homme ténébreux, lui !»
Je m'aperçus que j'avais eu exactement la même intonation, pour marteler ce lui – un véritable appel au secours. Et je continuai :
« Vous savez bien que c'est un obstacle entre nous, vous savez que je ne peux pas me résoudre à ne pas savoir ce qui vous hante. Cessez de vous dissimuler la vérité, Remus. Ne me dites pas que vous n'avez pas ce courage là ! »
Il y avait de la colère dans ma voix, contre lui, et surtout contre moi – je me disais que, aurais-je été certaine de l'aimer vraiment, je n'aurais eu pas besoin de savoir ce qu'il mettait tant d'acharnement à me dissimuler.
Je pressai l'allure pour rejoindre les autres, il me suivit, à quelques pas de distance.
Je tremblais, je faillis trébucher deux fois, coup sur coup. J'aurais pu me retourner et lui crier :
« Ce serait si facile pour moi de savoir, pourtant, il me suffirait de demander à Snape ! Ne vois-tu pas à quelle tentation perverse et répugnante tu m'exposes ! »
Je pressais l'allure, il me sembla qu'il faisait de même, afin de maintenir la même distance entre nous.
Nous descendîmes pendant encore deux heures, ma colère se dissipait peu à peu dans la marche, dans la répétition de ce même mouvement, je sentais qu'il s'apaisait au même rythme que moi.
Quand nous eûmes atteints Achintee, et que notre groupe se fut reformé pour les adieux, Remus s'approcha de moi, qui me tenais un peu à l'écart, esseulée.
« Excusez-moi… Me … me laissez-vous encore un peu de temps ? »
Je m'étais mise à lui sourire avant même qu'il ne commence, un sourire grave et lourd, pesant sur mes lèvres.
« Bien sûr. Le temps dont vous aurez besoin. Et mille mercis pour votre expédition de reconnaissance.
– J'ai bien peur qu'elle n'ait pas servi à grand-chose… »
Pour l'assurer du contraire, je lui tendis ma joue à embrasser.
8888888888888888888888888
Journal de Remus, le 6 mai
Putain de brouillard.
Heureusement les Danois étaient drôles.
Mais vous NON, m'a dit Isolfe.
Heureusement, j'ai pu étaler ma science sur les moutons Jacob.
Quoi d'étonnant à ce qu'un loup s'intéresse aux moutons ?
Le pouls d'Isolfe s'affolait sous mon pouce. Comme une fois déjà.
J'ai passé deux heures marchant derrière elle, lui criant silencieusement – Oublie Snape, accorde-moi du temps. Quand tu m'aimeras, je te dirai ce que tu veux savoir de moi.
Et elle m'a dit qu'elle me donnait le temps dont j'avais besoin.
J'ai embrassé sa joue et les jours qui me fuyaient sont revenus dociles vers moi.
Elle attend et quelque chose grandit en elle.
Elle ne sait pas que c'est elle qui décidera le jour.
Même si c'est moi qui parle le premier, je le ferai parce qu'elle aura accepté de m'aimer sans savoir.
Mon amoureuse au loup aveuglée
