Fenice – Snape accoucheur ? je prends ! ( et je savoure même, avec un peu de perversion, il faut bien avouer…)

Astorius – j'ai trouvé les paroles de la chanson sur le net et j'ai compris pourquoi tu dis que ça ne s'applique pas à eux, effectivement, je ne vais pas les séparer avant de les avoir réunis ! Et j'ai bien peur de revenir à la charge avec mes simulacres de grossesse… et le roi des occasions manquées (cf le 16 juin !)

Fée Fléa(u) – encore une bonne analyse de ce cher Severus… il n'y a rien à laisser dans ce que tu me dis de lui. Quant à mes « sentiments » d'écrivante à son égard, ils ne sont sans doute pas aussi tranchés. Je (re )connais la souffrance qu'il y a derrière tout cela, mais c'est vrai que je ne lui donne pas l'humilité nécessaire pour qu'il l'accepte lui-même. Un jour, Snape a perdu l'estime de lui, et à cause de cela, il ne peut plus avancer ou grandir, comme dirait Fenice…

Quant à la soirée libanaise , c'est vrai qu'elle est à double niveau, et que c'est surtout la parole « mondaine » qui s' exprime, mais il me semble que leur conversation tangente quand même à plusieurs occasions leur double vérité – le loup et le coeur …

US Léna - Snape, détestable certes, mais tu as lu ce que j'en dis à Fée… (je ne te fais pas l'injure de penser que tu ne lis QUE TES RAR). Bon, avec des oreillers et des matelas, on devrait bien réussir, un jour, un jour à leur fabriquer un lit commun, non ? A moins qu'il ne leur faille une tanière ?

Morrigane – merci pour tes encouragements ! et voici la MAJ – une entrée jumelle qui parle de …

… blé vert, un rêve dédoublé, à en perdre la vue. Je sais que ce n'est plus la saison, mais j'avais envie de leur offrir ces images fortes, étranges et transparentes, à mûrir à l'intérieur d'eux.

Donc pour Isolfe, pour Remus

(et pour d'autres aussi - semailles et récoltes)

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Journal d'Isolfe, le 6 juin

J'ai rêvé de blé vert la nuit dernière.

Au début du rêve, j'étais à Paris, au MK, assise dans le bureau de Paul Lebrant, mon ancien chef. Fidèle à ses habitudes de désinvolture étudiée, il avait allongé les jambes et posé ses pieds sur son bureau.

Et comme toujours, après avoir entendu mon compte-rendu hebdomadaire, auquel il n'avait pas accordé plus d'importance que nécessaire, ce qui une fois de plus, et même en rêve (!) me faisait me demander pourquoi il tenait tant à ce rapport de fin de semaine ( un moyen de te piquer tes idées, m'avait un jour fait remarquer Hugues, un collègue plus avisé que moi – évidemment la confondante naïveté dont j'étais affligée à l'époque m'avait interdit de ne jamais penser à quoi que ce soit de malhonnête de la part de Paul - il devait en rire encore), il commençait à échafauder un plan destiné à accroître son périmètre de responsabilités et de pouvoir, et à progresser ainsi à marches forcées vers le poste tant convoité de directeur du Département des Affaires Economiques.

Bref, il me demandait d'aller faire la taupe, armée de mon sourire et de mes neurones, chez nos amis ennemis concurrents des prévisions budgétaires - étrange comme cette première partie n'avait rien à voir avec la réalité souvent discontinue des rêves, ici tout était le reflet de la réalité.

Mais alors, le songe commençait réellement (sic). Je m'entendais dire ce que j'avais toujours pensé, mais sans jamais oser le lancer à la gueule de mon supérieur.

« Paul, tu m'emmerdes.Trouve quelqu'un d'autre pour faire ce sale boulot de sape et de fraude. »

Et je partais, en refermant la porte avec toute la délicatesse possible, et mes mains tremblaient parce qu'en fait j'avais envie de la lui claquer violemment au nez. Et je m'en voulais de ne pas trouver le courage d'aller au bout de ma révolte.

Mais au lieu de pénétrer dans le couloir, je me retrouvais à l'orée d'un champ, qu'un chemin de terre partageait en deux. Le jour n'était pas encore levé, alors qu'à Paris le soleil brillait déjà à travers les vitres de la fenêtre de Paul, mais le ciel était déjà animé d'une clarté bleutée, belle et limpide.

Je m'engageai dans le chemin, la terre était fine, tassée, douce sous mes pieds, seul un silex était visible de place en place. Le chemin était étroit, en étendant mes bras de chaque côté de moi, je pouvais toucher les grandes herbes qui poussaient de part et d'autre. Je mis un certain temps à reconnaître ce dont il s'agissait ; en fait c'est quand je sentis un frottement rêche, piquant et légèrement collant dans le creux de mes mains et de je compris qu'il s'agissait de blé, de blé vert, et non pas d'herbes quelconques.

Le soleil apparut alors, bondit haut dans le ciel, une multitude de rayons venant se poser sur chaque épi, faisant miroiter en profondeur leur vert grisé, la rondeur de leurs grains. Le spectacle était d'une beauté fantastique, je me demandais pourquoi j'avais perdu tant de temps à travailler pour Paul, j'étais emplie d'un sentiment de plénitude et de perfection absolues, j'avais l'impression d'être une divinité marchant dans l'éternité. Je progressais sur le chemin de terre, laissant les épis caresser mes mains, les écorcher tendrement de leur tige à peine rugueuse d'un vert si lisse et lumineux que le bleu du ciel venait s'y perdre.

Après quelque temps, le chemin se rétrécissait, devenant une simple piste au milieu du champ. Et plus le sentier devenait étroit, plus les épis se rapprochaient de moi, plus le sentiment de plénitude en moi grandissait : j'étais sans regret et sans espoir, plongée dans cette vague verte et frémissante, en dehors du temps.

Je devais maintenant écarter les tiges afin d'avancer, dans ce mouvement régulier, mes mains touchèrent soudain mon ventre, arrondi, proéminent, je voyais alors que j'étais enceinte, et je comprenais d'où provenait cette sensation de perfection et d'achèvement qui m'avait bercée tout au long de cette promenade.

Plus rien ne se passait, j'abandonnais doucement le songe pour la réalité du matin, sans rien de la brutalité froide et dure qui vous fait habituellement replonger dans la vraie vie à la suite d'un rêve merveilleux, puisque la situation dans laquelle je m'étais rêvée cette nuit là n'avait rien d'inatteignable, je ne m'étais pas vue dotée de pouvoirs fabuleux ou maîtresse de trésors incommensurables, je portais simplement un enfant en moi. Et à aucun moment, je n'avais eu besoin de me poser la question de qui pouvait être le père de cet enfant.

Dans le couloir, je rencontre Remus, je dois encore porter la prodigalité de mon rêve comme un doux drapeau sur mon visage, car il me regarde d'un air douloureusement intrigué.

Je lui explique que j'ai rêvé de blé vert (va-t-il comprendre ? je suis sûre que oui) ; je vois une onde passer sur ses traits, comme une risée sur un champ, une impulsion sur un premier épi qui se transmet à tous les autres, en une ondulation souple et caressante. C'est comme si mon rêve se poursuivait sur son visage…comme si les deux mots blé, vert venaient d'entrer en résonance avec lui, de façon à la fois forte et exigeante.

Et cette fois-ci, il n'a pas cherché à se cacher, comme si sa réaction était trop forte pour qu'il puisse lui opposer une quelconque résistance. Et son abandon me fait l'effet d'être une victoire qu'il vient enfin de remporter pour moi, la spontanéité et, peut-être, la confiance en moi, plus fortes que son habituelle circonspection.

Nous nous installons l'un en face de l'autre, pour le petit-déjeuner, je suis attentive à ne pas bousculer son silence, à ne rien faire qui pourrait le faire sortir de la rêverie dans laquelle il s'est plongé, me contemplant sans me voir. C'est comme si, regardant au delà de mes yeux, il avait retrouvé les images intimes du rêve que je ne lui ai pas raconté.

Journal de Remus, le 6 juin

J'ai rêvé de blé vert la nuit dernière.

Je marchais dans un champ de blé vert, immense, planté jusqu'à l'horizon, sans fin, ni commencement. C'était un absolu autour de moi. J'étais seul, immergé à mi-corps dans le vert des épis, sous le ciel aussi parfaitement bleu que le reste était parfaitement vert. Je marchais, et mes pas étaient sans peine et sans rythme parce que le champ avançait avec moi. Je sentais le bonheur peser légèrement sur moi.

Pourtant, un événement surgissait tout d'un coup. Je m'apercevais que le champ se mettait à ondoyer devant moi, selon une ligne qui arrivait droit sur l'endroit où je me tenais.

Les rangs d'épis s'ouvrirent, un visage d'enfant apparut, indistinct, s'agissait-il d'un garçon ou d'une fille ? quel âge avait-il ? autant de points sur lesquels je ne pouvais rien dire. Et puis en fait, non, l'enfant n'était pas seul, ils étaient plusieurs, mais combien ? Comment avais-je pu ne pas les voir arriver, ces autres ? Je me demandai abruptement s'il y avait même des corps sous ses visages, j'aurais pu être entouré de visages se contentant de flotter à la surface du champ.

L'un des visages me dit, mais il n'était en fait pas différent des autres.

« Attention, n'essayez pas de me toucher, car je disparaîtrais, vous savez , comme des bulles de savon. »

Il se mit à rire vivement, et son rire fut repris par tous les autres, comme un écho. Je lui demandai

« Et si j'essais de toucher les autres ?

- Quels autres ? me répondit-il. Ne voyez-vous pas que je suis seul ? Je n'ai ni frère, ni sœur ! »

Je restais perplexe, pourtant, je voyais toujours les autres enfants, qui n'avaient pas l'air d'avoir entendu la réponse qui niait leur existence, ou du moins ne démentirent-ils point.

Je repris

« Mais au moins nous pouvons parler ensemble . Où sont vos parents ? »

Cela me semblait en fait la chose la plus sensée à demander à un groupe d'enfants marchant sans repère dans un champ immense ; je me sentais, inexplicablement responsable d'eux, notre rencontre avait été inéluctable, je me devais de les protéger, qu'ils fussent un ou plusieurs. Ils répondirent alors tous ensemble

« Je n'ai pas de parents… » et ils recommencèrent à rire de bon cœur, comme si je venais de dire une chose très drôle . J'insistai

« Mais, ce n'est pas possible, nous avons tous des parents.

L'un d'eux me rétorqua

– Et vous, où sont vos parents ?

- Ils sont morts.

– C'est triste. Et celui qui vous a transformé en loup-garou, où est-il ? Vous pourriez dire que c'est lui votre père, celui qui vous a mis au monde. Mais vous devenez tout blanc ! Vous ne croyez pas que c'est vrai ? Un jour il faudra partir à sa recherche. »

Ses paroles m'avaient terriblement ébranlé, pas tant la connaissance qu'il avait de ma nature de loup-garou, que la filiation qu'il avait présentée comme une évidence entre moi et l'autre, qui m'avait mordu, et qui, effectivement, m'avait fait naître en tant que monstre. Je sus alors que cette idée, ou cette identité, je l'avais abritée en moi depuis longtemps, sans jamais oser l'exprimer si nettement, tant elle m'avait fait l'effet d'un horrible sacrilège à faire peser sur la mémoire de mes vrais parents.

Je réussis à me ressaisir, et lui demandai

« Comment savez-vous cela de moi ?

– Quelqu'un me l'a dit ». Ils parlaient toujours tous ensemble, chacun continuant à ne pas soupçonner l'existence de tous les autres.

Je le, je les pressai

« Qui, dites-moi qui ? Un homme, une femme ? » Je pensais bien sûr à Severus, ou à Minerva.

« Une femme, une jeune femme, votre amie, celle que vous aimez sans oser lui dire.

– C'est impossible, elle ne sait pas qui je suis vraiment, sans cela …

Il reprit, de l'air impatient et sans indulgence que l'on arbore devant celui qui refuse l'évidence

– Sans cela quoi ?

– Si elle le savait, elle aurait fui loin de moi, elle ne serait pas restée mon amie. »

Il renifla d'un air méprisant

« Qu'en savez-vous, le vieil homme ne vous a-t-il pas recommandé d'avoir confiance en elle ? Et d'avoir confiance en vous. »

Ils se radoucirent soudain

« Vous savez pourquoi j'ai ri, lorsque vous m'avez demandé où étaient mes parents ?

– Non, mais je pense qu'il n'y a rien de drôle dans le fait de ne pas savoir où sont ses parents ?

- La question n'est pas de savoir où ils sont, mais qui ils sont. »

Ils avaient parlé avec un ton sentencieux et également inspiré.

« Vous êtes orphelins, je suis désolé.

– Ne le soyez pas, je ne suis pas orphelin car je suis ne suis pas encore né, je suis encore à naître. »

Ils éclatèrent de rire, se mirent à battre des mains et à sauter sur place. Puis ils se rangèrent en ligne devant moi, et chacun leur tour ils me demandèrent

« Pensez-vous que mes parents se soient déjà rencontrés ? J'ai hâte de naître. »

A chacun, je répondais : je ne sais pas, et ma réponse, sans les attrister, les faisait disparaître les uns après les autres. Je restais seul, désemparé par leur soudaine volatilisation, leur présence avait été si chaleureuse près de moi. J'avais la nostalgie de leurs visages, de leurs voix et leurs rires.

Je me remis à marcher à leur suite, mais je savais que je ne les retrouverais pas, le champ avait rétréci, j'en atteignis bien vite le bord, je ne vis pas la faille qui s'ouvrait sous mes pas, je tombai dans le noir et dans le vide, je fus happé par la mystérieuse accélération des rêves. Et alors que je me dissolvais dans la chute, j'avais retrouvé leurs visages, ou alors les différents aspects d'un unique visage ? maintenant ils avaient un corps, mais comment aurait-il pu en être autrement, simplement les épis de blé me l'avaient caché, et ils se mettaient à tourner autour de moi, certains plus proches de moi et ceux-là ressemblaient à Isolfe, ils avaient ses yeux et son sourire.

Je terminai ma chute étendu sur mon lit. J'étais épuisé, mais ne voulais pas céder à la tentation de me rendormir sitôt, de peur de perdre la matière de ce songe, délicate et précieuse comme le frémissement d'un vol d'oiseau.

Je me levai et me mis à écrire. Une fois les images déposées dans leur réceptacle d'encre et de papier (les mots comme autant de trésors ? attendant celle qui les découvrira ?), je me recouchai, mais je redoutais qu'un cauchemar ne vienne écraser mon rêve, je ne réussissais donc pas à me rendormir. Je ne voulais non plus pas lire, ou travailler, je voulais rester disponible, ouvert aux images de la nuit qui revenaient docilement vers moi, telles du sang irriguant un corps.

Soudain, il était déjà sept heures trente, je me levai, me déshabillai, me douchai. Ce matin, je n'avais pas besoin d'eau froide, je ne vacillais pas, rageusement frustré, sous les pulsations violentes et langoureuses d'un désir inutile, mon corps n'était plus un ennemi à juguler : j'étais baigné et apaisé par les eaux bénignes de mon rêve.

Je descendis calmement, sans être comme chaque jour habité par la peur de ne pas voir Isolfe, avait-elle reculé à ce point dans mes priorités ? ou ne savais-je pas déjà, inéluctablement, que je serais bientôt près d'elle ?

Je fermai les yeux un instant, je les rouvris.

L'image ne dura qu'un seconde, mais je vis Isolfe s'avancer vers moi à travers un champ de blé vert. Et sans que je l'ai interrogé, elle m'expliqua qu'elle avait rêvé de blé vert.

Je restai stupide, les deux mots qu'elle venait de prononcer, avec une émotion sage et tendre, accélèrèrent leur course entre elle et moi, se précipitèrent dans ma direction, je les reçus en pleine poitrine, non, en plein cœur, ils y sont depuis restés fichés, comme l'emblème enfin révélé, enfin proclamé du lien caché entre nous…

A ce stade, et encore maintenant, il ne me semblait même pas important de savoir si son rêve, comme le mien, mettait en scène d'imprécis enfants non encore nés.

Journal de Remus, le 7 juin

Est-il raisonnable de ma part de voir dans ce rêve dédoublé entre elle et moi plus qu'une simple coïncidence ? Je m'oblige à la prudence, à la circonspection. Je ne veux pas aller trop loin dans cette direction, l'euphorie d'hier m'a quitté, un loup-garou restera toujours un monstre dangereux et stérile, même couché dans un champ de blé vert.

Ou serait-il possible qu'elle puisse me pardonner d'être cela ?