Morrigane – et oui, c'est la question à 1000 milliards de gallions pour Remus. Et quand on y pense, ce n'est vraiment pas un sujet facile – accepter de faire sa vie avec un homme dont on sait qu'il ne vous rendra jamais mère de façon naturelle… rien à voir avec la magie, c'est profondément humain, c'est un défi qui outrepasse totalement celui du loup-garou. Je pense que c'est une décision qui demanderait de l'amour, du courage, de la lucidité sur soi, de la générosité…

Alors va-t-il passer à l'action… s'il le fait ( ?) je ne pense pas que ce sera en raison de ce rêve.

Léa – Morrigane - effrayées par les enfants sans parents, ou sans tête, mais ce sont des enfants virtuels, « inadmissibles » (Remus et la paternité biologique impossible …) doncle rêve, même sous ses apparences de douceur, vient précisemment taper dans la zone des ses obessessions.

Fée – Le blé en herbe de Madame Colette, oui j'y ai pensé (superbe couverture de l'édition poche Garnier Flammarion )… c'est aussi une promesse de fertilité, que l'on met dans les bouquets de mariée par exemple…

J'aime beaucoupton analyse très littéraire, l'affranchissement et le défaut de franchissement… oui, pour Remus le loup est encore un obstacle affranchissable.

Et comme ça, tu désespères d'eux ? Je te rappelle que Dumbie leur a dit, à l'un comme à l'autre, de ne pas douter d'eux ! Alors ou il est gâteux, ou il a ses raisons…

Zazaone – au joli pseudo rigolo . Et ben… merci pour les compliments ! Et pour toi qui aime les Snape pas trop bien léchés, voilà de quoi faire, le 20 juin il est odieux (et ambivalent aussi).

Et vive les quadras de ffnet !

Pour finir des anecdotes amusantes - pendant mes vacances, j'ai aperçu un petit cargo noir nommé Bellatrix, j'ai dormi dans un endroit appelé « l'anse Lupin », j'ai lu, entre autre…, (pendant que vous dévoriez le tome 6) « Par action et par ommission » de PD James où un assassin s'appelle Neville Potter et un chien… Remus !

Enfin, JXC devrait finalement comporter 48 chapitres…

Bonne lecture !

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Journal d'Isolfe, le 16 juin

Aujourd'hui, j'ai dit à Remus qu'il avait des mains superbes.

Il m'a semblé un peu choqué par une telle déclaration (j'ai déjà noté qu'il a une tendance certaine à considérer tout compliment lui étant adressé comme immérité).

Il m'a regardé brièvement, mâchoires serrées, puis, subitement, relâchées, et puis, lentement, adoucies.

En fait, nous étions installés l'un en face de l'autre dans la salle de travail des profs, seuls, et il classait des parchemins et j'ai donc observé un long moment ses mains s'affairer – un peu hâlées en cette fin de printemps et donc je lui ai dit

« Vous avez des mains superbes ».

( Pourquoi fallait-il qu'il y eût une table entre nous qui me défendait d'étreindre ses mains et de lui en faire voir toute la beauté ? - Isolfe qui n'ose).

« Vos doigts sont pleins de grâce et de force ».

Il a cessé de les bouger et les a posées à plat sur ses parchemins, c'est là que j'ai vu qu'elles étaient hâlées, légèrement dorées sur les copies pâles. Ou était-ce déjà avant ?

Il les a donc regardées, puis a fait un peu bouger leurs articulations, comme s'il s 'agissait de tester ce que je venais de lui dire. Puis, il s'est remis à travailler et nous n'avons plus rien dit qui ne fût important.

Mais, par tous les korrigans et les elfes de Bretagne, n'as-tu pas compris qu'il s'agissait, d'aussi loin que je puisse l'oser, d'une déclaration ?

Et que tes main superbes, j'ai envie de les sentir sur moi et depuis combien de temps ?

(je ne saurais le dire )

Envie que tu imposes

le souffle de

tes mains sur moi

Et nous saurions alors le partager

Et peu m'importerait

(écoute, écoute)

que tu me dises ou me taises

tes secrets

Journal d'Isolfe, le 18 juin

Je marche comme une funambule sur un câble tendu, entre Remus et moi ; un seul faux pas me ferait chuter, mais je ne sais alors où je tomberai : hors de son atteinte ou dans ses bras ?

Journal de Remus, le 20 juin.

Cette entrée contient deux allusions à l'Evangile de Luc, chapitre 1, verset 51 et chapitre 15, verset 29. ( Lc 1-51, Lc 15-29 – c'est aussi un indice pour Azkaban Azkaban ! )

Je ne fais de prosélytisme religieux, j'ai toujours admiré la manière décomplexée avec laquelle les auteurs anglo-saxons, protestants, recourraient aux citations bibliques dans leurs romans.

Les examens de fin d'année commencent dans quelques jours, la tension monte parmi les étudiants, certains sont même subitement pris de panique, les cerveaux s'emballent et dégagent une buée qui se confond avec la brume de chaleur qui s'installe en milieu de journée.

J'ai fait rire Isolfe quand je lui en ai parlé.

Entre nous aussi s'est installée une certaine tension, ou plutôt une sorte d'irrésolution douloureuse, je lui ai promis de lui parler … mais je sais toujours pas quels sont ses sentiments pour moi ! Ou du moins ne suis-je certain de rien. Et c'est pourtant la condition pour que je lui parle… c'est le contrat que j'ai passé avec moi-même. Mais je me découvre lâche, la peur au ventre à l'idée de… me révéler pour me faire condamner. Car il s'agirait bien d'une condamnation… la perdre reviendrait à me perdre. Et j'ai parfois l'impression qu'elle n'attend rien de moi.

Au dîner, Snape s'est arrangé pour s'asseoir à mon côté, à la place qu'Isolfe aurait normalement occupée, l'obligeant, elle, à se placer en face de lui, mon vis-à-vis, Filius, étant déjà installé.

La conversation, remplie de bonhomie, a essentiellement portée sur les examens à venir, et sur ceux des années passées, chacun y allant de son anecdote. Nous parlions d'ailleurs plutôt à voix basse, tant il est connu que les oreilles des étudiants sont particulièrement affûtées à cette époque de l'année.

Par exemple, Georges et Fred Weasley ont mis un temps infini à dépasser le niveau de notre table, et ce, dans un silence aussi remarquable qu'inhabituel. Isolfe s'est candidement demandé, à voix haute, cette fois-ci, si c'était l'inachèvement de leur programme de révision qui les faisaient flipper au point d'en perdre l'usage de la parole. Ils ont accéléré l'allure, en ne pouvant s'empêcher de pouffer.

Les bavardages continuent, je m'en abstrais et me mets à regarder, de biais, le buste d'Isolfe, elle porte un tee shirt noir, assez ajusté, décolleté devant, froncé sous les seins, et qui attire le regard vers eux (elle porte aussi une jupe qui s'arrête aux genoux, et elle a les jambes nues, accessibles).

Elle s'en aperçoit, la façon dont son sourire se modifie subtilement me le confirme, elle rejette ses épaules en arrière, offrant davantage à mes yeux ce dont ils sont si avides (mes mains, mes mains aussi, mes lèvres ; Snape le remarque également, cet échange entre nous, jeu pour elle ? pour moi couteau dans ma plaie amoureuse).

Il s'arrange pour me heurter durement du coude alors que je suis en train de boire, je m'étrangle avec l'eau glacée, je tousse lamentablement, il m'assène de grandes claques brutales dans le dos. Poppy s'interpose

« Mais enfin Severus, vous allez le briser, voyons, allez y doucement. »

Me briser, comme s'il transformait la mise en garde en injonction, il laisse sa main dans mon dos et enfonce férocement ses doigts dans mon dos, je sens leur force fouailler mes muscles, je sens les ecchymoses se former. Puis il arrête

« Alors, Lupin, vous voici soulagé ? »

Infâme salaud ! Je retrouve les yeux d'Isolfe sur moi, soucieux, inquiets soudain, je suis maintenant sûr que Snape mijote quelque chose.

Effectivement, le repas achevé, une fois que nous nous sommes levés, il me demande de le suivre dans son bureau, prétextant un avis à donner sur un sujet d'examen. Isolfe s'arrange pour m'adresser une grimace d'encouragement, je pars dans les traces de Snape.

Il referme la porte sur nous, triomphalement. Cette fois-ci je n'attends pas qu'il commence.

« Bien, Snape, vous avez un problème avec un sujet d'examen ? cela vous ressemble peu, pourtant ? Vous n'êtes pas un homme de doute, vous êtes un homme de certitude, non ? »

Se souvient-il de ma promesse de lui casser la gueule s'il disait quoi que ce soit sur Isolfe ?

Il prend le temps de me détailler des pieds à la tête, il m'adresse un sourire vicieux, il a décidé de jouer avec moi, et moi, après ce préambule, je décide d'ores et déjà de laisser filer, j'affiche un sourire détaché.

« Savez-vous que vous êtes bel homme, finalement, quand on prend le temps de bien vous regarder. J'imagine que certaines étudiantes ici ne sont pas insensibles à vos charmes. Je suis même persuadé que certains (il insiste lourdement sur l'absence de " e " et en même temps je perçois un tremblement dans sa voix) seraient ravis de partager votre couche. Des amateurs de zoophilie, bien évidemment »

Je réussis à maintenir le sourire, mais l'effort qu'il m'en coûte me fait trembler les jambes. Je dédaigne le siège placé devant le bureau de Snape, son banc des accusés, pourtant j'en suis tout proche. Je me dirige délibérément vers la cheminée, vers les deux fauteuils recouverts de cuir, dont la teinte noire a pris avec le temps une coloration verdâtre. Je m'assois lentement, le surveillant du coin de l'œil, il doit brûler de me faire remarquer mon impolitesse, mais quand il reprend la parole, venant se placer devant moi, et me plongeant du même coup dans son ombre, c'est pour aborder enfin son sujet.

« Alors, où en êtes-vous de votre relation avec le professeur Dazurs ? »

Toujours cette même question ! Je n'ai aucune envie de lui répondre, d'ailleurs je n'en sais rien, je crois connaître les sentiments qu'elle me porte, mais je ne sais s'ils survivront à l'épreuve de vérité. Donc, autant dire, que je n'en sais rien. Tout juste des suppositions à me couper le souffle en me faisant rêver de bonheur.

Je me demande si je l'ai jamais entendu désigner Isolfe par son prénom, je crois que non. Le réserve-t-il pour un usage plus intime ? Je le vois soudain se branler en répétant son nom … Salopard, comme ça fait mal, il a déjà gagné, il m'a déjà démoli sans avoir eu besoin de dire rien de plus.

« Vous ne dites rien, comment allez-vous faire sans elle, pendant ces deux longs mois ? A moins que vous n'ayez prévu des vacances communes, mais ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre… »

Il ricane, sûr des ses effets.

« Vous ne lui avez jamais proposé vos services d'amant, enfin, je devrais dire de fucking friend ? »

Je me tais obstinément, je sens qu'il a renoncé à se contrôler, je constate que ses yeux gagnent, en brillance, en malveillance, en déraison. Mon silence l'oblige à continuer son sinistre numéro sans moi.

« Mais elle refuserait bien sûr – il fait passer une de ses mains devant mon visage, trois doigts levés, comme des lames - , parce que ce n'est pas ce qu'elle cherche, savez-vous.

Un soir, elle avait accepté que je m'approche d'elle à la toucher, une fraction de pas en plus, j'aurais senti ses seins sur mon torse, j'aurais senti son ventre sur le mien, a-t-elle jamais accepté d'être si proche de vous, quand il n'y a plus que quelques centimètres entre deux corps, cette infime distance qui reste et qui permet déjà de mélanger la chaleur de l'un à la chaleur de l'autre ?

(Oui, j'ai déjà été si proche d'elle et même plus, mes mains, sur la nudité de son dos, sur sa douleur – mais j'imagine que ce n'était pas du jeu ?)

Il a cessé d'agiter ses mains, il a parlé d'une voix terriblement froide, je me demande comment il peut rester si impassible à l'évocation de cette scène qui, moi, est en train de me déchirer les entrailles de désespoir et de frustration . A moins qu'il ne soit en train d'inventer au fur et à mesure qu'il raconte ?

« Toujours est-il que ce soir là je lui dis que mon lit était à sa disposition, elle m'a rétorqué, malicieuse – Et votre cœur ? elle a ajouté - Je suis peut-être terriblement vieux jeu, mais je ne prends pas l'un sans l'autre. »

Je rentre enfin dans son jeu, il exulte, il vient de marquer un point, et il va m'entraîner à sa suite dans sa folie. Je me suis remis debout, féroce et pressant, je lui demande

« Et alors, que vous a –t-elle répondu ?

Il me déclare d'un ton désabusé et très légèrement amusé

– Que voulez-vous qu'il advînt, dans cette maison où il y a toujours un de la bande de petits crétins que je dois supporter en classe à traîner dans les couloirs ? Et cette fois-ci ce fut le plus idiot, le plus imbécile de tous, l'impayable, l'ineffable Neville Longbottom !

(Excuse moi Neville, j'aurais dû, une fois encore, prendre ta défense devant tant d'injustice, mais je ne pouvais pas à ce moment me distraire d'Isolfe).

- Ce petit abruti, qui sans le moindre respect pour l'intéressante tractation privée, intime (il appuie longuement sur le mot, j'ai l'impression de sentir sa poigne sur ma gorge) que nous étions en train de mener, se précipite sur nous, au prétexte qu'il ne nous avait pas vu ! Bien sûr le grand cœur du professeur Dazurs l'a conduite à prendre sa défense, il nous a raconté qu'il s'était senti mal en cours de Transfiguration et que le professeur Mac Gonagall l'avait autorisé à se rendre à l'infirmerie. Le professeur Dazurs s'est proposée d' accompagner cet imbécile, et j'ai retiré 30 points à Gryffondor. »

Je suis content d'apprendre qu'Isolfe lui avait ainsi échappé, et j'aurais la possibilité d'interroger Neville, afin d'avoir un autre témoignage même partiel, de leur " tractation ". Quel mot sordide, bien digne de Snape. Je reviens à la charge

« Vous avez été injuste avec Neville, comment pouvez-vous lui reprocher de vous avoir bousculé, alors qu'il était malade ? Comment pouvez-vous envisager de séduire une femme (oh, que ces mots ont été durs à dire, en les prononçant à voix haute, je reconnais et accepte ses visées sur elle) qui a horreur de l'injustice, en vous montrant à elle sous ce jour ! Ne l'a-t-elle pas défendu contre vous ? »

Sa réponse est immédiate et cinglante, mais je suis affligé d'un angle d'attaque si facile, droit au cœur !

« Horreur de l'injustice, certes mais aussi horreur du mensonge, je peux vous l'assurer, et qu'êtes-vous en train de faire avec elle, si ce n'est de lui mentir sur vous, en vous faisant passer pour un homme de bonne compagnie, trente jours sur trente, un homme avec qui elle pourrait envisager un avenir commun, un homme qui ne serait pas aussi un loup….

Mais n'oubliez pas qu'il y a une chose que vous ne pourrez jamais lui donner, comme la nature fait bien les choses, n'est-ce pas ? ce n'est pas une chose d'ailleurs, c'est un être humain, un enfant, un petit enfant, un enfançon, celui que vous ne pourrez jamais engendrer.

A moins que vous ne vous soyez mis dans la tête qu'elle pourrait vous aimer au point de contrevenir aux lois de la nature et d'aller s'en faire fabriquer un grâce à je ne sais quelle technique muggle, rebutante et artificielle, et vous l'apporter, et le mettre au monde dans vos sales pattes ? Ou alors plus simplement d'aller vendre ses charmes d'une nuit et se faire engrosser par un quelconque imbécile… »

Nous avons bondi l'un vers l'autre, nous sommes si proches, nos poings ne disposeraient pas du recul suffisant pour prendre leur élan et aller s'écraser contre le visage de l'autre. Je me sens brûlant, et lui est glacé.

« Comment pouvez-vous dire cela, vous êtes fou, cent fois, mille fois fou ! (alors qu'en fait et comme toujours il a vu juste, il a réussi à se frayer un passage jusqu'au plus privé de moi-même, jusqu'à des pensées que je n'avais même pas osé noter dans ce journal, effrayé que je suis par leur exorbitante déraison).

- C'est vous qui êtes fou, à lier, comme une bête maléfique. Osez-me dire que vous n'avez jamais pensé à rien de semblable ! Je suis sûr que vous l'avez pensé, c'est justement ce que pourrait imaginer un esprit aussi perverti que le vôtre, aussi dépravé que votre nature. »

Il crache un rire de triomphe, dont l'écho insensé bondit d'un mur sur l'autre, me traversant à chaque passage. Et puis soudain le rire s'effondre, remplacé par un silence morne et ouaté, à la tonalité de neiges froides. Au bout de quelques instants, j'entends à nouveau sa voix.

« Que savez-vous, Lupin, de la douceur d'une femme, qui devient la reine de votre lit, la reine de votre vie, votre rire et vos pleurs ? Et qui vous quitte, parce que vous n'avez pas su la retenir, votre faute et votre remords… Quelle injustice pourtant. Et que vous continuez à appeler dans votre sommeil, longtemps après qu'elle est partie ! »

Que lui répondre ? que ses paroles me laissent indifférent ? même si je ne l'aurais jamais cru capable de dire cela, capable d 'éprouver ces sentiments dont il vient de parler, et devant moi ? Même si c'est la première fois où je le vois entaché d'humanité ? Mais s'agit-il véritablement d'une question, mais est-il encore conscient de ma présence ? Ses yeux sont flous, il s'est éloigné de moi, il s'est retiré dans un coin, loin du centre de la pièce où nous nous affrontions comme dans une arène, dans un endroit imprécis, comme s'il se parlait à lui seul, par delà les années.

Il installe ses paumes l'une sur l'autre, lentement, précautionneusement, comme si du temps passé était revenu battre entre ses mains. Devrais- je éprouver une sorte de pitié ? j'imagine … et pourtant j'ai envie de revenir me mettre face à lui, de retrouver un adversaire et de lui hurler

– Peu m'importe que l'une t'ait quitté, Isolfe n'est pas là pour assouvir ta rancœur, ou pour soigner ta peine, elle n'a pas à te rendre compte de ton passé, elle n'est là que pour mon avenir, elle est mon alpha et mon omega.

Les peines de cœur, passées, présentes, futures, de Snape ne lui donnent aucun droit sur ma toute aimée.

Il devance mon mouvement et revient vers moi, comme drainé par l'excitation de mon esprit, retrouvant la mesure de notre affrontement. Alors qu'il marche vers moi, lentement, sûrement, ses traits reprennent leur brutale acuité et ses yeux évacuent le trouble dont ses souvenirs les avaient empâté. Il se plante en face de moi, sombre, robuste, viril. Pense-t-il vraiment me faire reculer ? Je fais quelques pas à sa rencontre. Je suis aussi grand que lui, moins massif, mais sans doute plus rapide. Et j'ai acquis une certaine habitude du combat, magique et physique, contre les forces du mal.

« Mais le professeur Dazurs est capable de faire oublier bien des déboires amoureux, après tout, elle est également passée par cette douloureuse épreuve, n'est-ce pas un bon point de départ, le mutuel réconfort que pourraient s'apporter deux âmes esseulées ? Qu'en pensez-vous ? »

Ses yeux sont fixés sur moi, et pourtant ils ne me voient pas, comment le pourraient-ils, une sorte de déraison hiémale a plaqué sa main opaque sur eux, à nouveau.

« Lupin, avez-vous jamais joué à la roulette russe, à l'inéluctable jeu du quitte ou double ? Si nous le faisions, vous et moi ? Ce serait si simple, cela vous permettrait enfin de savoir, ne voyez-vous pas que vous gagneriez votre liberté dans cette connaissance, que vous sauriez enfin si une femme peut vous aimer en sachant qui vous êtes ? C'est si simple maintenant, ne comprenez-vous pas que la solution est à portée de mains ? »

Il réunit ses deux mains, ferme les yeux, lève la tête, dans la position d'un orant.

« Devant quel divinité devez-vous aller implorer le dévoilement, la révélation de votre destin ? »

Je le regarde, je sens mes yeux exorbités, je suis fasciné par cette morbide déraison qui surgit de lui, dans des convulsions délétères et puissantes. Il disjoint ses mains, ses paupières s'ouvrent.

« Oui, nous lui révélons qui vous êtes vraiment et nous voyons comment elle réagit. »

Il s'est encore rapproché de moi, je sens son souffle froid et tentateur sur mon visage fiévreux, je sens même ses mains toutes proches de moi, enflammées de son discours.

« Etes-vous prêt à tenter votre chance ? contre quelles jambes ira-t-elle poser la douceur de ses cuisses, les vôtres ou les miennes ? Qui ne nous deux sentira la chaleur de son torse, la moiteur de sa peau, l'humidité dans sa bouche, le délicieux tremblement de son plaisir ? »

J'ai à la fois envie qu'il continue cette splendide mélopée, puisqu'elle me parle d'elle, et qu'il cesse de la vêtir de mots qui ne sont pas les miens.

Va-t-il me dépouiller de mes fantasmes un à un, les faisant tomber comme des anges déchus, défaits l'un après l'autre ; les récupérant, les habillant de chair et de vérité , la sienne et celle d'Isolfe ?

Sommes-nous en train de renoncer à la raison, de nous adonner à la folie l'un et l'autre ? une folie feutrée, sans paroxysme ? Ce moment est sans fin, il pèse sur moi de toute son inertie, il est lourd de tout mon passé accumulé, si je ne réponds pas, si je ne sais pas me décider, je vais me faire écraser.

Si j'accepte la proposition de Snape, serai-je délivré ? Mon esprit est un loup en séquestre de mon cerveau, qui pourrait me libérer de moi, si ce n'est Isolfe ? Il serait si facile de dire oui à Snape, dont le visage estompé est vague devant moi, et pourtant la seule chose tangible que je sois encore capable d'appréhender.

Le visage de Snape est tout contre le mien, presque posé sur le mien, ses jambes sont appuyées sur les miennes, je l'entends encore me dire

« Mais moi, je connais votre vérité, je sais qui vous êtes, avec moi… »

Puis je sens sur mes épaules une pression cuisante exercée par deux mains fortes, portées par des bras vigoureux, qui me repoussent brutalement en arrière, un visage courroucé et exaspéré pénètre brutalement dans mon champ de vision, puis en sort, je vois que l'homme qui vient d'arriver dans la pièce repousse maintenant Snape avec la même force autoritaire.

Dumbledore est entre nous deux, étend ses bras entre nous comme le créateur muggle organisant le chaos originel, séparant la terre et l'eau. Je pense ne jamais l'avoir vu aussi furieux, sans patience et sans indulgence ; il se met à parler d'une voix dure.

« Qu'étiez-vous en train de faire ? vous défier ? jouer au plus fort ? Pourquoi vous acharnez à ce point l'un contre l'autre ? Croyez-vous que je n'ai mieux à faire en ces lieux que d'arbitrer ces déshonorantes querelles ? Vous m'avez obligé à déployer contre vous la force de mon bras. »

L'exaspération raidit sa voix à l'extrême, ses bras sont toujours étendus entre Snape et moi, eau et terre se débattant encore l'une contre l'autre.

Je suis le premier à prendre la parole, tant pis s'il interprète ce que je m'apprête à dire comme une puérile et indécente tentative de justification.

« Il ne s'agit pas d'une querelle, et s'il y a quelque chose de déshonorant, ce sont les propos que le professeur Snape se permet de tenir à mon sujet.

Dumbledore referme ses bras, mais reste entre nous. Snape émet un rire caustique qui dérape vers le strident.

– J'ai simplement rappelé au professeur Lupin que, quoi qu'il imagine bon de faire, il resterait un loup-garou, et un danger potentiel pour tous et toutes ici.

N'y tenant plus, il se rapproche de Dumbledore, il réintègre la proximité réservée aux favoris.

– Je vous l'avais dit, Albus, je vous avais mis en garde, les recruter constituaient une grave erreur.

– Les ? de qui s'agit-il encore ?

Rudesse et impatience sont toujours dans sa voix.

– Mais de ce cher professeur Dazurs, de sa belle amie, voyons ». I

ll fait dans ma direction un geste de la main, où l'ampleur le dispute à la parodie.

« Le professeur Lupin ne peut plus rien dire qui n'y fasse référence. Elle est la dame de ses pensées, elle pourtant qui n'a de cesse d'aguicher tous les hommes ici.

- Tiens, tiens, le professeur Dazurs n'a jamais rien tenté de semblable avec moi, aurait-elle été retenue par hm mon rang hiérarchique, ou par mon grand âge ? Ou peut-être ne suis-je pas son genre ? Oui, c'est cela, elle doit préférer les bruns ! »

Sa colère l' aurait-elle quitté, il a retrouvé ses intonations doucement moqueuses, cette moquerie pleine d'humanité.

« Et bien soit, interrogeons un spécimen hm plus commun, avec tout le respect que je vous dois professeur Lupin, vous a-t-elle fait des … avances ?

« Non, sur mon âme, non, jamais (comment aurais-je réagi face à un tel dilemme ? et pourtant il y a quelques jours elle s'est occupée de moi, avec efficacité et aussi, peut-être, plus que cela…). J'entends Snape renifler de mépris.

– Son âme !

Ma voix bondit dans sa direction, par dessus l'épaule de Dumbledore.

– Vous mentez, c'est un hideux mensonge, qui lui a fait des avances, si ce n'est vous ? »

Dumbledore se tourne vers lui.

« Ah, vraiment, c'est très intéressant, Severus – il voit, tout comme moi, avec quelle violence les épaules de Snape viennent de se crisper – mais je m'en voudrais de m'immiscer dans hm votre vie privée. Ce n'est déjà pas toujours facile de s'accommoder de la promiscuité imposée par Hogwarts. En tout cas, votre réponse, professeur Lupin, me conforte dans mon opinion : le professeur Dazurs n'est pas une femme légère, je ne l'ai jamais vue se comporter comme telle, ni jamais rien entendu dire allant dans ce sens, jusqu'à ce jour, Severus – il lui envoie un regard attristé. Je dirais même que c'est une femme qui prend le temps de la réflexion… un peu trop prudente, peut-être ?

– Quant à vous, professeur Lupin, il se tourne vers moi, se rapproche d'un mouvement souple et chaleureux, je repense à la force de ses mains sur mes épaules, - rappelez-vous ce que je vous dis un jour.

Il s'interrompt et c'est moi qui parle

« Ne doutez pas d'elle, ne doutez jamais d'elle, vous m'entendez, ja-mais » (1) .

J'insiste sur le ja-mais, exactement comme il l'avait fait. Un demi rire me sort de la gorge.

« Vous voyez, Monsieur le Directeur, je connais bien ma leçon…

– et la mettez-vous en pratique ?

– Oui, mais vous savez bien que ceci est vain, ce qui m'afflige est irrémédiable, ma malédiction se situe au delà du doute et de la confiance, elle est immanente, il n'y a pas de transcendance possible.

– Remus, Remus, arrêtez là la philosophie et ses salmigondis, ils vont vous empêcher de vivre, consacrez-vous plutôt à … la dame de vos pensées. »

Il me donne une petite tape amicale sur le bras, une façon là aussi de clore le sujet ? Pourtant, il ajoute encore , en un murmure, un bruissement inspiré, convaincant à mon oreille

« N'avez-vous jamais rêvé qu'il existait un lien entre elle et vous ? »

Je lui réponds sur le même ton chuchoté, et en même temps que je lui délivre la réponse, j'ai une conscience aiguë de l'approche imminente et menaçante de Snape, qui fait se précipiter ma voix, comme s'il ne restait plus que quelques ultimes secondes pour comprendre enfin ce qui me dépasse.

« Oui, j'en ai rêvé, et je me suis même autorisé à croire ce message. Dites-moi, qu'en savez-vous ? ai-je tort ? ai-je raison ? suis-je en train d'espérer quelque chose qui ne pourra jamais advenir ? »

J'ai collé mon regard sur le sien, je voudrais aspirer la connaissance qu'il semble avoir d'Isolfe et de moi. Il me parle, avec tellement de douceur dans la voix, et même de tendresse, que j'attends une condamnation.

« Je vous l'ai déjà dit, ne doutez pas d'elle, j'ai dit la même chose à Isolfe "ne doutez pas de lui". Voilà … »

Brutalement, Snape s'interpose entre nous, me disputant l'attention de Dumbledore, revenant à la charge.

« Si vous ne reconnaissez l'erreur, reconnaissez au moins l'injustice de votre décision. Cela fait tant d'années que je vous sers, sans jamais avoir transgressé un seul de vos ordres, et vous ne m'avez pas donné ce poste que je méritais ! Vous avez préféré recruter un monstre, à demi humain, mais pleinement dangereux. »

L'exaspération revient sur le visage de Dumbledore, il avance d'un pas vers Snape, un acte d'autorité nitescente et presque menaçante, l'autre recule, Dumbledore reprend sa place comme s'il ne s'était rien passé.

« Severus, laissez son humanité au professeur Lupin, lui n'y a jamais renoncé, me suis-je bien fait comprendre ? Et considérez que j'ai jugé préférable pour Hogwarts de vous laisser la charge de la matière dans laquelle vous excellez ; même si je désapprouve parfois certaines de vos méthodes pédagogiques, un peu brutales pour certains, vous voudrez bien reconnaître que je vous ai jamais blâmé pour cela. Peut-être ai-je tort ? Et je ne peux que me féliciter que vos talents de professeur de potions, dont il était impensable que notre école se privât, m'aient contraint à recruter un professeur de DCFM, qui me donne, à moi, au conseil et plus important, aux étudiants, toute satisfaction. J'ose espérer que le sujet est clos »

Habile, Dumbledore, comme toujours, pour gérer les egos et satisfaire les amours propres, mais en évitant toute hypocrisie.

« Maintenant, je vous laisse, je vais profiter de la douceur de l'air du soir et je vous engage à faire de même. Severus, m'accompagnerez-vous ? »

Snape obéit, mais laisse partir Dumbledore en premier, en passant près de moi, il me jette froidement

« Elle ne peut rien pour vous. »

Et moi, puis-je quelque chose pour elle, lui faire confiance, comme le suggère, non, comme me l'ordonne Albus, mais confiance à quel sujet ? Comment pourrait-elle elle même le savoir, puisque je lui dissimule ce que j'ai de plus important en moi : ma damnation et ce que je ne peux pas appeler amour, car que serait-ce un sentiment se prétendant amour mais restant asymétrique et incomplet, sans trouver son indispensable double dans un autre être.

Dois-je solliciter ce sentiment que j'éprouve jusqu'à son point de rupture, afin d'en être débarrassé ? n'est-ce pas finalement ce que Snape vient de me proposer ?

(1) tu vois bien, Fée…