Chapitre III

Note :Merci beaucoup à Elyalis pour sa review ! A tous mes lecteurs francophones : n'hésitez surtout pas à m'envoyez des reviews, même pour me critiquer (du moment que ça soit constructif), je les adore !

Le lendemain matin, Jean arriva dans la chambre de Satine juste à temps pour assister à un dialogue étrange : la jeune femme malade était toujours là naturellement mais son compagnon s'était arrangé pour rester lui aussi et ils avaient apparemment un démêlé avec une des infirmière de l'hôpital :

« - J'ai beaucoup de mal à croire qu'une de mes collègues vous ait laissé rester cette nuit ! C'était complètement irresponsable ! En particulier dans votre état, miss ! »

Satine semblait se sentir légèrement coupable, mais elle répliqua :

- "Christian déjà été exposé, une nuit de plus a très peu de chances de changer quelque

chose !

- Vous n'en savez rien ! La tuberculose est encore mal connue et souvent mortelle ! Ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère ! »

Satine semblait avoir perdu une partie de son assurance mais s'apprêtait à répondre quand une violente toux l'arrêta. Aussitôt qu'il l'entendit, Christian vint à ses côtés :

« - Est-ce que ça va ? Après s'être enfin arrêtée de tousser, Satine lui répondit d'un signe de tête. Christian se tourna de nouveau vers l'infirmière :

- « Qui donc a mis en place ce règlement ? Il est stupide ! »

L'infirmière avait été momentanément coupée dans son élan et Jean décida que c'était le bon moment pour manifester sa présence, avant que les choses ne s'enveniment davantage :

« - Hum, hum … Ce n'est rien, miss, cet homme devait rester pour passer quelques tests, de toute façon. Pourriez-vous aller dire au Docteur Dubois de préparer le matériel nécessaire pour un test tuberculinique, s'il vous plaît ? »

L'infirmière sembla tout d'abord sur le point de protester mais elle parut ensuite changer d'avis et dit simplement :

« - J'y vais tout de suite, Docteur Becquerel. »

Avant de de sortir, elle ajouta cependant à l'attention de Christian :

« - Mais si vous devez rester ici en tant que patient, vous devrez aller dans l'aile réservée aux hommes. Nous sommes dans un hôpital respectable ici, pas dans une maison close ! »

Satine paraissait mal à l'aise mais Christian brisa la tension ambiante en affirmant :

"- Cette infirmière me fait penser à mon père : toujours en train de parler de règle et de respectabilité ! »

Satine sourit légèrement :

« - Tu ne m'as jamais parlé de ton père … Un jour j'aimerais en apprendre plus sur ta famille.

- Crois-moi, c'est une histoire ennuyeuse. »

Son expression devint anxieuse quand il posa la question qu'il redoutait au médecin :

« - Alors, quel est le second diagnostic ? »

Jean hésita, il ne voulait pas donner de faux espoirs :

« - Et bien, rien de definitif …Mon premier diagnostic était bon : les médicaments traditionnels contre la tuberculose n'auraient aucun effet durable sur un cas aussi avancé que le vôtre, miss.

Mais il y a peut-être une petite chance et j'insiste - petite - que …

- Une petite chance pour quoi ? Dites-nous tout, s'il vous plaît , intervint Satine.

- Très bien. J'ai parlé de votre cas à deux de mes amis ce matin et nous pensons avoir un traitement expérimental qui pourrait donner de meilleurs résultats que d'autres traitements classiques.

- Vraiment ? C'est une très bonne nouvelle ! Ce traitement permettra-t-il de guérir Satine complètement ? Et vos amis, ce sont des médecins compétents , demanda Christian.

- Ne vous emportez pas si vite. Comme je le disais, c'est un traitement totalement expérimental avec un nouvel élément chimique aux propriétés étonnantes : l'uranium. Nous avons découvert qu'une exposition limitée à ses radiations pouvait guérir les souris de certains types de maladies dont la tuberculose : le virus semble disparaître du corps et il n'y a pas eu de cas de rechutes jusqu'à présent. Quant aux amis dont je parlais, ils ne sont pas médecins mais des chimistes très doués : Pierre et Marie Curie. Mon père travaille avec eux, c'est comme ça que je les ai connus. »

Christian et Satine ne savaient pas trop comment réagir. Satine prit la parole la première :

« - Et bien, c'est une bonne chose, n'est-ce pas ? C'est mieux d'avoir un peu d'espoir que pas du tout ! Quelles sont exactement mes chances de rétablissement ?

- Hmmmm …Tout d'abord, vous devez savoir que ce traitement n'a été testé que sur des animaux. Normalement, la physiologie des mammifères est très similaire à la nôtre, mais on ne peut pas être sûr à 100 que ça sera le cas ici. Et de plus, avec un cas aussi avancé que le vôtre, les chances de rétablissement complet sont assez minces : environ une chance sur cinq. Nous pourrions peut-être augmenter légèrement ces chances en combinant le traitement avec les médicaments traditionnels. »

La conversation fut écourtée par l'infirmière venant annoncer qu'il était temps pour Christian de faire le test. Après avoir promis à Satine de revenir rapidement afin de connaître tous les détails de ce traitement éventuel, il sortit.

Environ une demi-heure plus tard, Jean et Christian étaient de retour. Les résultats du test seraient disponibles seulement dans la soirée mais Jean souhaitait finir d'expliquer aux deux jeunes gens en quoi consistait son traitement :

« -Avant que vous décidiez ou non d'essayer ce traitement, je dois vous avertir de son défaut majeur : il est possible qu'il vous guérisse mais il va aussi probablement vous affaiblir, et s'il ne marche pas, il pourrait même raccourcir le temps qu'il vous reste.

- « Mais vous pensez que c'est la seule chance que j'ai, n'est-ce pas , répondit Satine.

- Oui, je le crois. Mais comme je vous le disais tout à l'heure, ce nouveau traitement est totalement expérimental et n'est donc pas fiable à cent pour cent. C'est à vous de choisir. Je dois partir à présent, mais je reviendrai ce soir avec les résultats du test. Oh, et si vous décidez d'essayer, le mieux serait de commencer le plus tôt possible pour avoir plus de chances qu'il agisse. »

Il quitta finalement la pièce. Christian et Satine restèrent quelques secondes à se regarder, ne sachant trop par où commencer. Finalement, Satine brisa le silence :

« - On dirait qu'il y a une petite chance que je guérisse après tout.

- Tu vois, je t'avais dit qu'on trouverait quelque chose pour te sauver ! », répondit Christian, paraissant à la fois soulagé et presque radieux.

Satine l'observa quelques instants, un peu inquiète et objecta :

« - Tu sais que statistiquement parlant, il y a de grandes chances que ça ne fonctionne pas, n'est-ce pas ?

- Ne me parle de chiffres, s'il te plaît ! Je les ai toujours eu en horreur ! Tu dois croire que tu vas guérir !

- Christian, le docteur Bequerel nous a dit que j'avais seulement une chance sur cinq de guérir totalement. C'est bien d'avoir la foi, mais nous devons aussi être réalistes…

- Réaliste ? Satine, combine de chances y avait-il que tu me prennes pour le Duc et que nous tombions amoureux ? Ou qu'il y ait un médecin pour te sauver à la fin de la pièce ? En particulier un médecin avec un traitement expérimental pouvant te sauver ? Non, je dirais que en ce qui nous concerne, une chance sur un million a neuf chances sur dix de se réaliser ! »

Satine se contenta de sourire, touchée par ce que Christian venait de dire. Cependant elle pouvait voir qu'il n'était pas encore prêt à parler de l'éventualité de sa mort et changea donc de sujet :

"- Très bien, ne parlons plus de chiffres dans ce cas. De quoi veux-tu parler ?

- Oh, je ne sais pas, de ce que nous ferons après ton rétablissement ou peut-être de mon prochain projet d'écriture ? »

Satine le taquina un peu :

« - Tu devrais peut-être rapporter ta machine à écrire et travailler ici. Je suis sûre que l'infirmière de ce matin serait folle de bonheur ! »

Le visage de Christian devint plus sérieux et un peu honteux :

"- Et bien à propos de ça … »

Toulouse était inquiet. Il rendait visite à Satine avec les autres bohémiens ainsi qu'Harold, Marie et Chocolat qui avaient tenu à venir aussi. Harold lui avait dit ce qu'il savait de la maladie de Satine et Toulouse savait que la mort de Satine détruirait Christian. Satie interrompit ses sombres pensées :

«- Toulouse ! Nous sommes presque arrivés

- Je suis désolé, j'étais perdu dans mes pensées. »

Ils étaient à présent devant la porte de la chambre. Toulouse frappa, ne sachant pas trop quelle atmosphère règnerait dans la pièce. Les visiteurs furent très surpris de voir que Christian et Satine discutaient sereinement..

Après quelques explications des deux jeunes gens, tout le monde se sentit un peu soulagé et heureux de savoir qu'il y avait encore de l'espoir, même s'il était mince. Puis, Christian poursuivit :

« -Je voulais également tous vous remercier pour votre aide face au Duc hier. Surtout toi, Toulouse : si tu n'avais pas été là, nous serions probablement tous les deux morts. »

Satine ajouta :

«-Oui, merci beaucoup, tu es celui qui m'as donné l'idée d'utiliser notre chanson pour faire revenir Christian ».

Toulouse rougit un peu et il se sentait gêné par cette profusion de compliments :

« - Oh, Je n'ai rien fait de si extraordinaire, vous savez, je n'ai fait que suivre les idéaux bohémiens et … »

Il fut stoppé par une infirmière qui entrait, suivi du docteur Becquerel. L'infirmière regarda la foule rassemblée d'un oeil désapprobateur :

« - Vous savez, le règlement de l'hôpital précise qu'il ne peut pas y avoir plus de deux personnes à la fois lors d'une visite à un patient ! Et j'espère que vous ne faites pas trop de bruit : c'est un hôpital, pas la place du marché ! »

Elle posa ensuite un plateau de nourriture grossière. sur la table et sortit. Christian leva les yeux aux ciel et déclara :

« - Elle est vraiment pire que Cerbère ! »

Il se tourna ensuite vers Jean et demanda :

« - Alors, avez-vous les résultats ? »

- En effet. Cela vous derange-til que tous ces gens les entendent ou préfèreriez-vous être seul ?

- Cela m'est égal, allez-y.

- On peut voir des traces du virus dans votre sang, mais il semble être inactif pour l'instant. Je pense qu'une exposition de courte durée à l'uranium le ferait disparaître définitivement. Au fait, avez-vous décidé de ce que vous alliez faire, miss ? Si vous faites le traitement, je pense qu'il faudrait commencer dès demain.

- Nous prenons le traitement, répondirent Satine et Christian d'une seule voix.

- Très bien, je vous verrai tous les deux demain alors. Oh, et les horaires de visite seront finis dans une demi-heure. Au revoir. »

Durant les trente minutes suivantes, ils échangèrent les dernières nouvelles. Il n'y avait qu'une chose qui plombait la joyeuse atmosphère : selon toutes probabilités , le Moulin Rouge fermerait à la suite des actions du Duc, et ce malgré le succès de « Spectaculaire, spectaculaire ».

Enfin tout le monde partit, y compris Christian cette fois (Cerbère y avait veillé personnellement !) Ils avaient tous promis de revenir dès que possible.

Près d'une semaine avait passé et Christian allait rendre visite à Satine. Le traitement avait eu de très bons résultats sur lui et il logeait de nouveau dans sa mansarde. Quand à Satine, elle semblait affaiblie, mais le docteur Becquerel affirmait que c'était une réaction parfaitement normale et qu'il était encore trop tôt pour se prononcer sur l'efficacité du traitement. Christian s'était servi du temps où il était banni de l'hôpital pour aller racheter sa machine à écrire (Toulouse avait récupéré l'argent à la fin du spectacle) comme Satine le lui avait demandé.

Mais il n'arrivait pas à écrire : il passait la plus grande partie de ses journées en compagnie de Satine et toutes ses nuits à penser à elle. Même s'il ne lui montrait jamais la moindre peur, ou le moindre doute, il ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer le pire parfois.

Alors qu'il était presque à la porte de la chambre de Satine, il lui sembla entendre des voix à l'intérieur. Qui cela peut-il bien être ? Les bohémiens ne viennent normalement pas si tôt !

A présent qu'il était devant la porte, il put entendre une voix familière dire clairement :

« - Et bien, ma chère, il semble qu'il y ait une certaine forme de justice divine, finalement. »

Christian ne perdit pas de temps et entra dans la chambre pour se retrouver nez à nez avec le Duc.

P.S. : J'ai fait des recherches sur la tuberculose et comment la guérir, et d'aaprès ce que j'ai lu, mon « traitement expérimental est plausible médicalement. Henri et Jean Becquerel ont vraiment existé et Henri Becquerel travaillait effectivement avec les Curies. Son fils Jean était ingénieur et pas médecin, j'ai changé ce détail pour l'histoire. Au fait, j'ai fait une référence à un des mes auteurs préférés, vous l'avez repéré ? Il s'agit de Terry Pratchett (le Disque-monde) qui a dit le premier que « les mages ont calculé qu'en moyenne, si une chose avait une chance sur un million de se produire, en pratique, elle arrivait neuf fois sur dix. »