Prologue
Tout commence en une sombre nuit d'Halloween, en 1981. Personne n'imaginait qu'un tragique événement pourrait se passer ce soir-là, dans un petit village isolé et 'paisible' de Grande-Bretagne. Et pourtant… ! En ce 31 octobre, un drame se préparait, à l'insu de tous, dans une petite rue du nom de Godric's Hollow. Seule une maison était encore éclairée en cette heure avancée de la nuit. Heure à laquelle même les derniers enfants qui, suivant la tradition, venaient quémander des friandises, étaient déjà couchés. Cette maison, à l'aspect ancien, était un peu à l'écart des autres habitations, au bout de la petite rue plongée dans la pénombre. En fait, le village en lui-même était classé 'lieu historique' par l'architecture de ses habitations. Dans le monde de la sorcellerie, on disait que Godric Gryffondor, l'un des fondateurs de Poudlard (l'école de Sorcellerie) vivait en ces lieux, dans son enfance… La demeure était, ensuite, passée de 'main en main', à chaque génération de Gryffondor, durant plus de mille ans… Cette vaste propriété, entourée d'arbre, ne contrastait donc pas trop avec les autres habitations alentours et ne laissait rien paraître sur la 'particularité' de ses habitants. Pourtant cette maison semblait bien être la destination d'une sombre silhouette qui avançait le long de la petite rue sombre, sous le ciel couvert où s'amoncelait de gros nuages noirs et menaçant. Un sourire mauvais apparu sur le visage blanchâtre de la silhouette de 'la mort incarnée' qui avançait, inexorablement. Le mage noir adorait par-dessus tout cette atmosphère pesante qui accompagnait généralement l'orage. Un vent violent s'était levé un peu plus tôt, ce qui ajoutait à la tension presque palpable qui régnait dans l'air ambiant. Le temps, lui-même, semblait vouloir s'offrir parfaitement à la raison de la présence du Seigneur des Ténèbres en ces lieux.
Pendant ce temps, un silence tendu régnait dans le salon des Potter, seulement troublé par le tic tac de la pendule égrenant le temps qui s'écoulaient, posée sur le manteau de la cheminée où brûlait un feu vif qui éclairait la pièce de lueurs orangées, lui donnant ainsi un aspect chaud et rassurant. Ce qui, visiblement, ne suffisait pas à calmer l'inquiétude de la jeune femme, assise dans le canapé, dont le teint pâle contrastait avec ses longs cheveux roux et ses yeux verts émeraudes. Une fois de plus, elle se désintéressa du feu, et reporta son attention sur son mari qui contenait mal sa propre inquiétude. Ses cheveux noirs étaient encore plus en batailles qu'en temps normal.
« James… » murmura la jeune femme. Celui-ci se figea et se tourna vers elle, tout en remontant distraitement ses lunettes qui avaient toujours la manie de glisser sur son nez. Il soupira et s'approcha de la jeune femme, l'embrassa sur le front et s'assit, lentement, à ses côtés, observant le feu d'un air songeur. Son épouse tenta, une fois de plus de briser ce silence qui lui devenait insupportable, sa main se crispant sur la sienne.
« James… » Reprit-elle, dans un murmure.
« Ne t'inquiètes pas Lily… ! On ne risque rien… ! Voldemort ne peut pas nous trouver ici ! » La jeune femme sut que son mari essayait, surtout, de se convaincre lui-même en disant cela. Il lui était facile de voir qu'il ne croyait pas un mot de ce qu'il disait, car sa voix trembla à ses paroles.
« Mais, tu es sûr que nous avons fait le bon choix… ? Est-ce que tu crois que nous… ? »
« J'ai confiance en Peter. Jamais il… ! » Il s'interrompit, mal à l'aise. Peter était son ami, certes. Mais il était facilement influençable, peut-être même trop…, et facilement impressionnable. Depuis qu'il le connaissait, Peter avait toujours eu besoin d'être avec quelqu'un de plus fort que lui… Si bien qu'il serait une cible facile pour Voldemort…
« Sirius m'a supplié de prendre Peter à sa place ! » Reprit-il.
« Je sais ! Mais… » Lily se tut, incapable d'exprimer ce qui lui tenait tant sur le cœur. Les temps étaient durs, pour tout le monde, depuis douze ans. Le doute s'était instauré sur toute la communauté sorcière, durant le règne du terrible mage noir. On ne savait plus à qui faire confiance, la méfiance était devenue la solution clé de la survie… Elle savait qu'il en coûtait à James de devoir ainsi remettre en question la confiance qu'il avait en Peter, Sirius et Remus. Mais Dumbledore leur avait certifié qu'un traître, qui se trouvait parmi leurs proches, informait, régulièrement, le Seigneur des Ténèbres, de leurs déplacements. Pour leur propre sécurité, mais aussi pour protéger leur fils, tous deux avaient accepté l'idée de Dumbledore d'avoir recours à un sortilège de Fidelitas. Mais ils ne savaient plus si, tout compte fait, c'était une bonne idée d'avoir choisit Peter comme Gardien du Secret. Personne ne pouvait le savoir… C'est pourquoi, depuis trois jours que le sortilège avait été pratiqué, l'atmosphère avait été des plus tendue, dans le foyer des Potter.
Le silence pesant qui s'était installé fut soudain brisé par des pleurs d'enfant.
« Harry… ! » Murmura Lily, en se levant.
« Reste ici, j'y vais ! » Intervint son mari, en posant la main sur son bras, et se levant à son tour, avant de quitter le salon. La jeune femme reporta son attention sur le feu et soupira, perdue dans ses réflexions, se demandant quel avenir s'offrait à eux ! Quel serait le sort de leur fils unique ? Elle ne se faisait pas beaucoup d'illusions ! Voldemort n'épargnerait jamais un héritier de Gryffondor, même s'il n'avait qu'un an! Le mage noir n'avait aucune pitié ! Il avait tenté de convaincre James de se mettre de son côté mais le refus de son mari, n'avait fait qu'accroître la haine du Seigneur des Ténèbres qui les avaient, alors placés en 'tête de liste' des gêneurs. Or, les 'gêneurs', le mage noir les supprimait, tout simplement… Et puis, bien sûr, il y avait cette fameuse prophétie ! Prophétie qui annonçait clairement qu'un héritier de Gryffondor, né à l'apogée du règne des Ténèbres, y mettrait fin, en triomphant du terrible Voldemort ! Et, autant qu'elle sache, et elle était mieux placée que quiconque pour le savoir, le seul qui pouvait 'correspondre' n'était autre que Harry… Des bruits de pas la sortirent de ses réflexions, et elle se retourna, au moment où son mari revenait, portant un petit bambin de quinze mois qui gazouillait dans ses bras, ses cheveux noirs rappelant déjà ceux de son père. Lily avait, d'ailleurs, finie par renoncer à essayer d'y mettre un peu plus d'ordre. Les yeux verts (semblables à ceux de sa mère) du nourrisson étaient, d'ailleurs, la seule chose qui contrastait avec les yeux sombres de James. Et Lily avait la quasi-certitude que, en grandissant, Harry ressemblerait de plus en plus à son père. Elle ne put que sourire devant le bonheur, bien visible, du bébé, lorsqu'il se retrouva dans le canapé, bien installé entre ses deux parents. Ce tout jeune sorcier, à un an, était promis à un grand avenir (à condition d'échapper à Voldemort) et était leur plus grande fierté. Il avait, d'ailleurs, le don de les faire sourire à tout moment, même dans de telles circonstances.
« Il a encore essayé… » Commenta James, en souriant. Lily comprit très bien l'allusion. Depuis toujours, le nourrisson portait un grand intérêt pour les lunettes de son père, ce qui amusait beaucoup tout le monde... Quoi qu'il en soit, le réveil de Harry, même à onze heures du soir, avait, au moins, eu un effet positif sur l'humeur de son mari. La petite lueur d'inquiétude dans les yeux de James s'était un peu estompée, et il avait retrouvé une bonne partie de sa gaieté habituelle. Les soucis étaient, momentanément, oubliés.
Mais tout cela était trop beau pour durer, Lily le sentait. Tout était beaucoup trop calme… comme le calme avant la tempête. Au fond d'elle, elle savait que tout était trop parfait, que cette soudaine tranquillité n'était que le début de la fin. Quelque chose, à l'extérieur, les ramena soudain à la terrible réalité. Même Harry avait cessé de gazouillé. Lily croisa, l'espace d'un instant, le regard inquiet de son mari, qui se leva précipitamment.
« Ne bouge pas ! » Se contenta-t-il de dire, dans un murmure, avant de quitter la pièce. Mais Lily ne pouvait s'y résoudre. Mû par un affreux pressentiment, elle s'avança vers l'entrée. La porte s'ouvrit violemment et James fut projeté, sans ménagement, sur le sol de l'entrée.
« James ! » S'écria-t-elle. Mais il se releva rapidement, et referma la porte, dans une tentative désespérée de ralentir le Seigneur des Ténèbres, avant de se tourner vers Lily, au bord de la panique.
« Lily ! Prends Harry et va-t'en ! C'est lui ! Va-t'en ! Cours ! Je vais le retenir ! » S'écria-t-il en s'emparant de sa baguette.
« Je ne peux pas te ... »
« Ne discute pas ! Tu dois t'en aller ! Fais-le ! Pour Harry ! » Lui ordonna son mari. « Sauve-toi d'ici ! » Elle se précipita alors vers le canapé, et prit son fils dans ses bras. Comme pour ajouter au côté dramatique de la scène, le feu s'était complètement éteint, plongeant la pièce dans la pénombre. Au même moment, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée... Le gloussement d'un rire suraigu... Le rire triomphant du Seigneur des Ténèbres... Un silence qui s'installa, l'espace d'une fraction de seconde.
« Expelliarmus ! » Lança l'arrivant d'une voix glaciale avant de poursuivre. « Désolé de débarquer comme ça à l'improviste ! » Ironisa-t-il. « Vous aviez crû pouvoir m'échapper mais personne n'échappe à Voldemort ! Voilà ce qui arrive quand on change de Gardien du secret au dernier moment ! Dommage que Peter fasse parti de mes partisans ! »
« Peter est... un de vos Mangemorts ? »
« Exactement ! Surprenant non ? Qui aurait jamais pensé à le soupçonner celui-là ? » Observa Voldemort, tranquillement. « Bon, assez discuter ! Passons donc aux choses sérieuses ! »
« Si vous voulez nous tuer, alors tuez-moi ! Mais laissez Lily et Harry hors de ça. »
« Oh, rassure-toi, Potter, je ne comptais pas la tuer ! Seul ton fils m'intéresse ! »
De l'endroit d'où elle se trouvait, Lily, figée, n'osant pas faire le moindre mouvement de peur d'attirer l'attention du mage noir, pouvait voir la sombre silhouette dressée dans l'entrée, en partie masquée par James qui barrait, courageusement, l'accès au salon. Mais les paroles du Seigneur des Ténèbres lui rappelèrent qu'elle devait sauver son fils et que ce n'était pas en restant là qu'elle lui permettrait d'échapper à Voldemort. Serrant d'avantage le nourrisson, silencieux (comme s'il comprenait la gravité de la situation), contre elle, elle s'élança vers la seule issue possible, la porte de derrière. C'est alors que le sorcier maléfique prononça les deux mots tant redoutés. Une effroyable lueur verte éclaira la pièce, l'espace d'une seconde, le bruit sourd d'un corps qui s'effondre sur le sol, puis de nouveau l'obscurité.
« James ! Non ! » S'écria alors la jeune femme, désespérée. La vue obscurcie par des larmes qu'elle ne parvenait pas à contenir, elle trébucha et ne put éviter la chute, sans lâcher son fils. Elle n'eut pas le temps de se relever que déjà, la sombre silhouette se dressait devant elle, la baguette destructrice à la main. Il venait de lui enlever son mari et maintenant, il allait lui arracher son fils. Ca, elle ne le laisserait jamais faire.
« Pas Harry, pas Harry, je vous en supplie, pas lui ! » Lança-t-elle, d'une voix implorante, en se plaçant entre le Seigneur des Ténèbres et le petit garçon.
« Pousse-toi, espèce d'idiote... Allez, pousse-toi... ! »
« Non, pas Harry ! Je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place ! » L'homme hésita un instant devant l'obstination de la jeune femme. Finalement, il se décida, une lueur mauvaise passant dans son regard. Il ne réalisa, cependant, pas le fait que, profitant de ces ultimes secondes, la jeune femme récita quelques mots, dans un murmure à peine audible, sans quitter des yeux le nourrisson qu'elle serrait contre elle.
« Je t'aime, Harry ! N'oublie jamais ça ! » Conclut-elle, dans un souffle, en serrant encore plus son fils contre elle. A ce moment, le mage noir reprit la parole.
« Tu ne me laisse pas le choix ! Puisque c'est ce que tu veux, je te tuerai d'abord, avant d'éliminer ton fils ! Avada Kedavra ! » Le garçonnet se retrouva alors face à face avec celui qui, en quelques instants, avait tué ses parents, sans le moindre scrupule, devant ses yeux. L'enfant regarda, sans comprendre, le visage blafard de celui qui lui faisait face.
« Plus que toi et plus rien ne pourra m'empêcher de dominer tout le monde ! D'afficher ma suprématie sur la population sorcière et moldue ! Je vais enfin exterminer le dernier héritier de Gryffondor ! » Triompha le Seigneur des Ténèbres. « Avada Kedavra ! » L'intense lueur verte éclaira alors, pour la troisième fois, la pièce. Une vive douleur traversa le front du bambin, alors que le fatal sortilège ricochait et revenait à son expéditeur. Tout se troubla soudain... Un bruit terrifiant résonna dans la pièce, alors que, sous l'effet de la violence du sortilège, les murs de la maison s'effritaient, se fissuraient, avant de s'écrouler autour du petit garçon... Puis plus rien, le silence. En une nuit, c'était comme si l'univers du petit garçon s'était écroulé en même temps que la maison, mais il était encore trop petit pour comprendre ce qui s'était passé ce soir-là.
Bien loin de là, quinze ans plus tard, dans le dortoir des élèves de Gryffondor de sixième année, Harry Potter se réveilla en sursaut, la main plaquée sur sa cicatrice…
« Bon sang ! » Marmonna-t-il, tout en tendant le bras pour attraper ses lunettes rondes posées sur sa table de chevet. Depuis le retour de Voldemort, un peu plus d'un an plus tôt, c'était la deuxième fois qu'il faisait ce rêve, et chaque fois, en fin du mois d'octobre, le soir d'Halloween ! Même la Potion qui donnait un sommeil sans rêve, que lui avait donné l'infirmière de l'école, Madame Pomfresh, n'avait pu empêcher ce souvenir de revenir hanter sa nuit cette année encore ! Harry resta un long moment, assis dans son lit, la main sur le front, attendant que la douleur infligée par sa cicatrice ne disparaisse… Cela faisait quinze ans que ses parents étaient morts ! Quinze ans qu'il avait cette cicatrice en forme d'éclair sur le front ! Quinze ans de calvaire ! Quinze ans d'une célébrité dont Harry se serait bien passé ! Il soupira, passant machinalement la main dans ses cheveux noirs en bataille, ses yeux vert émeraude un peu plus brillants que de coutume. Harry avait demandé à Dumbledore, le directeur de l'école, l'année précédente, pourquoi il faisait ce rêve, et pourquoi seulement depuis deux ans ! Mais le vieux sorcier n'en savait guère plus que lui. Pourtant, aujourd'hui, ce souvenir avait été beaucoup plus… intense que l'année précédente ! Mais il ne savait pas pourquoi… Sachant très bien qu'il ne pourrait pas se rendormir, il quitta son lit et traversa discrètement son dortoir, pour ne pas réveiller ses camarades, et, refermant la porte derrière lui, descendit rapidement l'escalier de pierre qui menait à la Salle Commune des Gryffondor.
